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    Après quelques minutes de course pour être sûr d'arriver dans les temps, Mathieu vit se dessiner devant lui l'immense bâtiment qu'était le palais de Justice de Houlton, et y reconnut deux silhouettes familières, celle de son meilleur ami et collègue par le passé, Yann Leiner ; accompagné de son « ancienne » partenaire quand Mathieu était en mission d’infiltration, Akira Hachiken. Mathieu pressa le pas, et s'arrêta au pied des marches, juste en face de ses collègues.

     

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    _ Il est sorti ? Demanda-t-il, complètement essoufflé, mains contre son diaphragme pour reprendre son souffle.
    _ Non mais tu es malade Matt ?! S'estomaqua Yann en dévisageant son ami. On l'aurait retenu pour toi s'il était sorti, pas la peine de nous faire une attaque, je raconte quoi à ta femme et tes gosses si tu claques ?
    _ Je claquerais pas Yann …
    Il toussa, cherchant à reprendre son souffle, qu'il recouvrit après de longues secondes durant lesquelles ses deux amis passèrent par toutes les couleurs possibles de visage, persuadés qu'ils allaient devoir appeler une ambulance pour s'occuper de cet imbécile fini qui ne comprend pas qu'un poumon, c'est moins efficace que deux ! Se redressant, il posa sa main sur l'épaule de son ami, lui souriant de toutes ses dents.

     

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    _ Tu vois, j'ai pas claqué, aucune raison de paniquer, je gère.
    _ Tu dis ça aussi à Sienna quand tu as ce genre de crise avec elle.
    _ Faudrait déjà qu'elle sache que je cours, et c'est pas aujourd'hui qu'elle le saura. Bref, assez parlé de moi. Je peux savoir ce qu'on fait dehors ? Je crois qu'on a un certain Maître Thatch à rencontrer.
    Akira croisa les bras sous sa poitrine, regardant Matt comme le ferait une prof face à un mauvais élève qui espère bénéficier d'une clémence pour ses mauvais résultats.

     

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    _ Car tu crois vraiment que tu vas participer à cette entrevue ?
    _ Bien sûr que oui ! S'exclama le retraité. Je te rappelle que c'est moi qui ai fichu Mayers derrière les barreaux, et que mon « beau-frère » est le fils de ce dernier.
    _ Justement, tu es directement impliqué Matt, dit posément Yann. On ne peut pas gérer une affaire dans laquelle la famille est directement mêlée.
    _ Petit un, c'est la « famille » de Sienna, non pas la mienne, petit deux, il n'y a même pas de lien de sang … Tu ne vas pas m'empêcher de participer à la fête Yann.
    _ Tu es un retraité des forces de l'ordre, cela ne te concerne pas.
    _ Justement ! S'estomaqua Matt. Je tourne en rond, je m'emmerde ! J'en ai ras le cul de rester chez moi à attendre désespérément que le poste m'appelle pour des putains de cours d'auto défense de merde ou de formation pour les bleus.
    _ Et tes gamins, tu en fais quoi ?

     

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    Matt soupira, rentrant sa tête dans ses épaules, et les regarda, médusés.
    _ Ils ont bientôt quinze ans, tu crois que je m'occupe encore de leur torcher le cul ? C'était cool le temps qu'ils aillent pas à l'école puis jusqu'au collège. Maintenant je suis qu'un vieux croulant dans mon canapé. C'est un poumon que j'ai perdu, pas mes capacités de flic.
    _ On dirait un gosse pourri gâté, soupira Akira en levant les yeux au ciel. Tu le sais ça au moins ?
    _ Écoutez, plus jamais j'interfère dans vos affaires – et ne me regarde pas avec ses yeux là Yann, je suis très sincère – mais laissez moi participer à celle-ci. J'ai perdu mon poumon pour envoyer Mayers au fond du trou, je n'ai pas envie que ce sacrifice n'ai servit à rien …
    _ Ok ok, soupira Yann. On te garde dans nos pattes, mais comme tu le sais, tu ne peux rien faire sans badge, tu sais bien que tu n'es plus qu'un civil …
    _ Toi non plus tu n'en as pas Yann je te rappelle.
    _ Je suis détective privé, pas flic.
    _ Prends moi comme stagiaire !
    _ Non, et c'est non négociable.

     

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    Akira agita les mains devant les yeux de ses deux amis, espérant ainsi capter leur attention tandis qu'il se battait un morceau de viande imaginaire comme deux loups affamés.
    _ Je ne veux pas casser l'ambiance, mais Eliott Thatch est juste en train de quitter le navire Messieurs …
    Tous deux sursautèrent alors comme d'un même homme à cette annonce, cherchant le suspect des yeux, sans le voir pour autant. Leur avait-il vraiment filé entre les doigts ? Serait-ce possibles qu'ils soient assez idiots pour ne pas voir un grand blond leur passer sous le nez, et n'avoir rien remarqué ?
    _ Je déconne, mais si vous voulez pas que ça arrive, on se magne les gars. Je sais pas vous, mais j'ai pas envie de passer la nuit ici, j'ai une épouse qui a besoin de moi ce soir, et je crois pas que vos gosses respectifs et vos épouses kifferont de ne pas vous avoir à dîner.
    _ On a compris Akira, dit finalement Mathieu en se redressant. Nous te suivons bien sagement.
    _ Oui, enfin, le seul qui se doit d'être sage, c'est le stagiaire ici présent. Moi j'ai le droit de protester.
    _ Détective de mes deux, ronchonna Mathieu en se dirigeant vers le palais de justice.

     

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    Ses amis sur ses talons, il poussa la porte qui donnait sur l'accueil, complètement immunisé contre l'ambiance qui régnait en ses lieux, avec leurs défilés d'avocats, d'huissier et de magistrats, de plaignants et d'accusé, et de flics surtout. Mathieu s'approcha de l'hôtesse d'accueil, lui demandant en sa qualité de fonctionnaire d'état de bien vouloir lui donner le numéro du bureau d'Eliott Thatch, ce qui ne marcha pas, faute d'insigne à présenter.
    _ J'adore quand ça se passe pas comme tu veux Monopoumon ! S'écria, de manière mesurée tout de même, Yann quand il s'approcha à son tour du comptoir.
    Il sortit de sa poche sa carte prouvant sa profession, et essuya, à son tour, un refus catégorique. Une profession libérale telle que détective privé n'était pas assez élogieuse aux yeux de madame l'hôtesse pour bénéficier de renseignements. Mathieu retint un rire dans sa barbe quand il vit son ami ranger sa carte dans le fond de sa poche, la mine renfrognée. Akira s'approcha alors, affichant son insigne de policière avec toute la dignité qui sied à son rang, non sans un clin d’œil moqueur à ses amis, bien contente de les narguer.
    _ Je crois que c'est moi qui ait deux stagiaires aujourd'hui, alors on est sages les garçons.
    _ Premier étage, bureau au fond à droite Madame, indiqua aussitôt l'hôtesse.
    _ Merci beaucoup.

     

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    Elle rangea son insigne dans le fond de sa poche, et commença à grimper les escaliers, chaperonnée par Yann et Mathieu, qui étaient devenus muets comme des carpes. Il s’avancèrent dans le bâtiment entièrement muré de blanc, posés sur un parquet sombre, et s'arrêtèrent devant une porte de bois rouge, non nommée, à côté de laquelle se tenait une photocopieuse. Akira toqua à la porte, les deux hommes derrière elle ayant enfin retrouvé leur sérieux, et attendit quelques secondes avant que celle-ci ne s'ouvrit sur un homme blond, aux yeux verts, et relativement grand. La jeunesse se lisait en lui, mais ce ne fut pas le cas d'un éventuel manque d'expérience, au plus grand damn des trois personnes devant lui, qui eurent espérer le faire flancher grâce à cet atout. Mais le voilà inutilisable.

     

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    _ Maître Thatch ? Demanda Akira, professionnelle jusqu'au bout.
    _ Moi-même. Vous êtes ?
    _ Akira Hachiken, inspectrice, Yann Leiner, détective privé et Mathieu Philips, retraité des forces de l'ordre. Nous aimerions avoir une entrevue avec vous, si vous nous le permettez bien sûr, au sujet de votre client Harry Mayers.
    _ Oh, je vois. Vous êtes venus me dire que je n'aurais jamais du choisir de défendre un tel client et qu'il eut été bien mieux derrière les barreaux.
    _ En effet, Eliott, le coupa Mathieu. Il est assez malheureux de voir que tu aies décidé de te ranger du côté de Mayers.
    _ Excusez-moi, on se connaît ? Demanda aussitôt le grand blond en dévisageant Matt.

     

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    _ Oh, excuse moi – il tendit la main vers lui, tout sourire – Mathieu Phillips, j'ai fichu ton client en taule il y a quinze ans et j'ai épousé la meilleure amie de ta sœur Andy, Sienna. Enchanté d'enfin te rencontrer Eliott. Oh, et le vieux à lunettes à côté de moi a été engagé par ta tante, Valérie, quand tu as été kidnappé par le bras droit de Harry Mayers, un certain Thomas Saks. Akira, quant à elle a travaillé sur le double meurtre d'une certaine Liane et d'un certain Reagan, dans les mêmes moments. Ça te dit quelque chose ?
    Eliott se figea sur place, regardant ce clown qui se tenait devant lui avec ses airs supérieurs de monsieur je sais tout. Il ne s'attendait pas à ce que cet homme aux allures comiques ait pu avoir connaissance de sa séquestration, et de ce double meurtre auquel Eliott avait assisté, impuissant, entre son geôlier et la femme qui essayait de l'aider. Il croisa alors le regard d'Akira et de Yann, tous deux ayant la même phrase dans le regard « et si on discutait assis confortablement dans ton canapé ? »
    _ Euh, et bien, entrez, je vous en prie …
    _ Merci beaucoup !

     

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    Mathieu ne se fit pas prier plus longtemps, et entra dans le bureau, avant de s'asseoir bien confortablement dans l'un des deux canapés de la pièce. Il fut rapidement rejoint par Akira qui prit place à son côté, et Yann resta debout près de la porte. L'avocat, quelque peu surpris d'une telle délégation, s'assit à son tour, sur le deuxième canapé, les dévisageant tour à tour.
    _ Bien, visiblement vous faîtes partie de l'équipe de choc à qui je dois la vie, je suis donc censé vous remercier en envoyant mon client derrière les barreaux une nouvelle fois ? Vous savez que ce n'est pas possible j'espère.
    _ Bien sûr. On n'a pas l'air très malin, surtout la gravure de mode affalée sur votre canapé, débuta Yann en adressant un sourire narquois à Mathieu, mais on sait encore comment la justice est rendue, nous ne sommes pas ignares en la matière.

     

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    _ Nous voudrions connaître, le coupa aussitôt Akira, vos motivations pour défendre Harry Mayers lors de ce jugement. Nous sommes d'autant plus surpris que cet homme a par le passé provoqué pas mal de méfaits autour de vous même, et je ne parle pas de votre kidnapping.
    _ Si vous faîtes allusion au décès malheureux de mes parents, Madame, la rattrapa immédiatement Eliott, sachez que mon client était un très bon ami de mes parents et qu'il a un parfait alibi pour ce soir là. Il s'agissait là d'un accident, ni plus ni moins. Il était donc injuste que Mr Mayers purge une peine pour un crime, non seulement qu'il n'a pas commis, mais qui plus est, est inexistant.
    _ Nous voudrions ton avis au sujet du meurtre d'Emina Mayers, demanda Mathieu, jouant avec ses mains tout en regardant Eliott. Ne me dis pas que cette nuit aussi, il avait un parfait alibi. Elle a été assassinée dans leur propre chambre, au milieu de la nuit, à deux pas de la chambre de leurs enfants.

     

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    _ Comme mon prédécesseur avant moi, nous ne pouvons inculper Mr Mayers du meurtre de son épouse puisqu'il était aux urgences cette nuit là, pour sa fille qui était souffrante. Mon client a eu une vie plus dure que la plupart des gens, le sort s'est acharné sur lui, est-ce une raison de lui en faire porter le fardeau ?
    Avant même que l'un de deux trois protagonistes n'ait pu avoir le temps de répondre à la question purement rhétorique d'Eliott, la porte s'ouvrit sans avoir été frappé au préalable, poussée par une jeune femme brune aux yeux gris, qui se figea réalisant que le propriétaire de la pièce était visiblement très occupé.

     

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    _ Oh, excuse moi Eliott, je pensais que tu avais fini ta journée, je repasserais plus tard.
    _ Non Faith, c'est bon, tu peux rester, ces messieurs dame allaient partir, n'est-ce pas ?
    _ Mais pas du tout, rétorqua aussitôt Mathieu en se redressant, tel un pantin sortit de sa boîte, protestant contre cette fuite pas du tout lâche et infantile, non, pas du tout.
    Eliott se leva à son tour, et se tint droit devant Mathieu, le dépassant sans mal de sa hauteur de géant, et le fixa, le plus froidement du monde.

     

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    _ Monsieur Phillips, c'est ça. Je vous suis très reconnaissant quand à ce que vous avez fait pour moi et ma famille par le passé, pour vous êtes occupé de Sienna, et pour tout ce que vous avez fait de bien pour d'autres personnes. Mais, me semble-t-il, vous êtes un fonctionnaire à la retraite, et comme tout retraité qui se respecte, vous feriez mieux de faire des mots croisés et vous occuper de votre jardin plutôt que de vous mêler d'affaires qui ne vous regardent pas. Suis-je assez clair où dois-je vous rappeler votre place une nouvelle fois à l'aide de mon code civil ?
    Mathieu ne répondit pas, soutenant cependant encore et toujours le regard froid de l'avocat. Ce dernier leur indiqua la porte de la manière la plus polie qu'il put, et les trois caballeros n'eurent d'autre choix que d'obéir à Eliott Thatch et de quitter les lieux, refermant la porte sur l'avocat et la jeune femme.

     

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    Une fois retournés au rez-de-chaussée, sans que Mathieu n'ait prononcé le moindre mot, Yann coupa le silence de sa boutade habituelle pour situations critiques, et cela semblait en être une, il avait donc bien le droit de sortir une connerie.
    _ N'empêche, il t'a sacrément bien mouché le gamin ! Tu te serais vu te déconfire sur place, c'était plutôt impressionnant.
    _ Justement, c'est bien ce qui m'inquiète, sa ferveur à défendre Mayers. N'importe quelle personne saine d'esprit sait que cet homme n'est pas sain, expliqua Matt en sortant son téléphone cellulaire de sa poche, où il découvrit un message de son épouse qui souhaitait savoir quand il comptait rentrer chez eux.
    _ Tu crois qu'il est influencé ?! Compris aussitôt Akira en détaillant son ami.

     

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    _ Oui, dit-il simplement. L'avocat de Mayers il y a quinze ans était connu pour ne s'occuper que de fous et de tueurs en séries, et est capable de faire passer Jack l'éventreur pour un enfant de chœur. Eliott me semble bien plus malin que ça, il se passe autre chose en amont qui le force à agir ainsi, j'en suis persuadé.
    _ Je sens qu'on va devoir s'amuser à chercher de quoi il s'agit, c'est ça ? Bougonna Yann. Écoute Matt, c'est bien mignon ton histoire, mais Harry Mayers est un homme libre, innocenté par le tribunal, il n'a donc plus rien à se reprocher, et on ne peut pas enquêter sur un homme sans raison.
    _ Vous deux, certes, puisque vous êtes encore des actifs et donc tenus à des règles strictes… Je n'ai jamais été aussi heureux d'être retraité qu'en cet instant.