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    Contexte : Seize ans avant le début de DTA, deux ans après la fin de Paragraphes


    La journée avait commencé comme toutes les autres pour l’homme qui résidait au rez-de-chaussée de cet immeuble, il s’était levé aux aurores, réveillé par les cris stridents de la brunette qui partageait sa chambre depuis maintenant  deux ans, avant d’aller voir ce qui l’avait encore fait rager pour qu’elle ose réveiller cet homme qui avait plus que tout, besoin de sommeil ces derniers temps, sujet à de longues insomnies, portant toutes sur le même sujet. Toujours le même visage, qui lui martelait le crâne matin et soir, soir et matin, et plus encore, quand il voyait désormais celle qu’il considérait comme la femme de sa vie, qui avait finalement succombé de nouveau aux bras de Morphée, le laissant seul, assis dans son lit, les bras ballants. Il passa alors sa main droite sur sa tête, peignant maladroitement ses cheveux, avant de tourner la tête vers la gauche. Son réveil indiquait alors cinq heures vingt et une du matin, et mi-amusé, mi lassé, il esquissa un sourire avant de porter ses mains à ses jambes désormais inutiles, pour s’asseoir sur le rebord du lit. Désespéré, il jeta un regard droit devant lui, sur sa chaise roulante, son seul moyen de locomotion, son calvaire depuis deux ans, depuis qu’il avait rouvert les yeux, en ce matin frais de janvier, après cinq longs mois dans un coma profond. Cinq mois, au bout desquels il la vit, ce petit bout de femme aux yeux gris et aux cheveux châtains, remuant doucement dans son berceau, ses mains tendus vers celui à qui elle devait la vie.

    An était le bien le plus précieux de Nate. Elle était son trésor, sa merveille, celle pour qui il serait capable de déplacer des montagnes, de décrocher la Lune, et ce, même du haut de son fauteuil roulant. Car ses roues n’étaient pas un handicap pour lui, mais un juste retour des choses. Sa juste punition pour ce qu’il n’avait pas fait, pour sauver la mère de sa fille. Une larme roula alors sur sa joue, avant de s’écraser sur la cicatrice qui lui balafrait l’intégralité de la joue droite, cicatrice qu’il avait de plus en plus de mal à regarder en face avec le temps, mais qu’il voulait pourtant conserver. Elle n’est plus là, mais il veut la garder, avec lui, coûte que coûte. A travers cette balafre, ses jambes inutiles, et sa fille.

    Il attira alors sa chaise vers lui avant de s’y installer confortablement, calant ses pieds comme il le fallait. Il jeta un regard rapide sur son lit, où il repéra le tee-shirt noir qu’il avait retiré durant la nuit, pensant que la touffeur de la pièce l’empêchait de trouver le sommeil, et une fois revêtu, il posa ses mains de chaque côté de sa chaise, pour la faire avancer doucement, les roues grinçant sur le lino usé de la pièce. Il s’approcha du berceau de l’enfant, pensant qu’elle s’était rendormie, mais il la connaissait bien sa fille. Elle s’était allongée, certes, mais ses grands yeux étaient ouverts, et elle fixait le plafond maladroitement.

    _ An ? appela doucement l’homme en passant sa main par-dessus le berceau, pour que sa fille puisse l’attraper.

    L’enfant s’assit alors, regardant autour d’elle dans la pénombre de la pièce, avant de voir les doigts de son père, qu’elle s’empressa d’acquérir pour jouer avec en riant, rendant son père heureux comme un roi. Car c’était pour ses sourires à elle qu’il se battait pour vivre, et pour avancer, et ce, dès la première fois qu’il la vit à l’hôpital, allant contre l’avis des puéricultrices, qui ne voyaient pas ce pauvre bougre paralysé s’occuper d’une aussi petite enfant, de cinq mois à peine. « J’y arriverai » leur avait-il assuré. « Elle n’a plus de mère, je ne veux pas qu’elle me remplace par vous. »

    Bien évidemment, les premières semaines n’avaient pas été faciles. Il avait du appeler Julia plus d’une fois pour qu’elle l’aide, ne serait-ce qu’à changer sa fille, lui expliquer le « fonctionnement » d’un bébé, tout ce qu’il devait apprendre sur le tas pour conserver la garde de sa fille, car il se savait sur la ligne de mire, et il s’y sait toujours présent aujourd’hui. Mais à ce jour, il n’est plus l’homme fragilisé et démuni d’il y a deux ans, il a avancé, il a mûrit, il a pris conscience de la charge que représentait un enfant pour un parent célibataire. Et il a trouvé des parades, appelées « aménagements pour personnes à mobilité réduite » ou encore « nourrice ».

    Nate retira les loquets de chaque côté du berceau, descendant la barrière, afin qu’il puisse prendre sa fille dans ses bras, sans difficultés. L’enfant, habitués au mouvements difficiles de son père ne dit rien, le regardant faire, sagement assise sur ses couvertures, bien qu’impatiente, sachant très bien qu’une fois la barrière descendue, c’est une série de câlins avec son papa qui l’attendait.

    _ Tu viens voir Papa ? demanda Nate en tendant les bras vers An une fois la manœuvre terminée.

    L’enfant n’hésita pas un instant pour se mettre sur ses deux pieds et de tendre les bras vers Nate, elle s’approcha de lui, se tenant maladroitement sur ses pieds, puis trébucha, tombant directement dans les bras de son père, qui avait déjà viré au blanc.

    _ Ca va mon ange ? s’inquiéta-t-il aussitôt en tenant l’enfant à bout de bras qui finit par exploser de rire. T’es une bourrique, tu veux vraiment que Papa meure d’une crise cardiaque j’ai l’impression. C’est l’héritage que tu veux ? Y’a pas grand-chose ma pauvre, monologua-t-il tout seul ensuite. Allez viens, je vais te donner ton biberon, je suis pas courageux ce matin.

    _ Bibi ! piailla l’enfant en s’asseyant d’elle-même et par habitude, sur les genoux de son père, qui prit alors la direction de la cuisine, le plus doucement possible, afin de ne pas faire tomber An par mégarde.

    Une fois tous les deux dans la cuisine, il la déposa au sol, le temps qu’il lui prépare son petit déjeuner, l’enfant se dirigeant vers le petit salon où trônait son coffre à jouets, se tenant sur ses deux pieds, avant de finalement se résigner, et d’y aller à quatre pattes, c’était mille fois plus rapide.

    _ An, commença à bougonner Nate en ouvrant le frigo. Ne joue pas, je vais te donner à manger espèce de friponne.

    _Po’cinet ! dit-elle en attrapant la peluche rose, ayant appartenu auparavant à Andy, avant de lui mordiller sauvagement l’oreille, sous l’œil amusé de Nate qui finit de préparer le biberon de sa fille.

    Une fois celui-ci terminé, il s’approcha d’elle, callant le petit déjeuner de sa fille entre ses genoux. Et An lâcha aussitôt Porcinet, et son oreille déchiquetée pour ce biberon qui lui au moins, avait le mérite de lui remplir l’estomac.

    _ ‘rci, lui dit-elle en se levant pour s’emparer d’elle-même du biberon entre les genoux de son père, se levant vivement, avant de s’asseoir brutalement sur les fesses, une fois son bien convoité entre ses petites mains.

    _ Espèce de goulue, s’amusa aussitôt Nate. Bois pas si vite, il va pas s’enfuir ton bab’ !

    Mais An, plus têtue qu’une mule, nia de la tête, tétine dans le bec, avant de reprendre de plus belle les hostilités contre son petit déjeuner, bien décidée à en découdre. Amusé, Nate leva les yeux au ciel, et contourna la canapé, sur lequel il s’installa. Il tâtonna sous les coussins à la recherche de la télécommande, quand il entendit toquer à la porte d’entrer.

    Il tourna alors vivement la tête vers l’entrée, agacé que quelqu’un ait l’idée de venir le déranger à cinq heures et demi du matin. Il voulut l’ignorer, mais le visiteur insistait, et Nate s’installa alors, agacé, sur son fauteuil, lançant un « j’arrive » bien audible, décider à en faire voir de belles à son visiteur.

    _ Ouais c’est bon, je suis là, minute, je suis pas une formule un, bougonna-t-il en se frayant un chemin dans son salon, entre la table basse et le fauteuil.

    Il lança un dernier regard à An, qui avait abandonné son biberon cinq minutes pour se gratter le nez, et tourna la clé dans la serrure, avant de retirer la chaînette de sécurité, pour ouvrir la porte d’un grand coup, tout en maugréant.

    _ Votre mère vous a jamais appris à pas entrez chez les gens avant … neuf … heures …

    Sa phrase se calma aussitôt quand il remarqua qui se tenait droit comme un I devant lui. Une jeune femme, qu’il n’espérait plus voir. Qu’il n’attendait plus, alors qu’il l’avait appelée la veille, dans un moment de faiblesse. Marine Etienney. Et c’est un visage étonné, décontenancé qu’il lui offrit, avec pour seule question sur le bout des lèvres : que faisait-elle ici, loin de sa vie parfaite au Japon ?

    Sur le visage de la jeune femme, ce n’était pas la même expression que l’on pouvait lire. Ce n’était pas l’étonnement de le revoir après ces années, non, c’était la vue de l’homme de sa vie, de son Nate, de celui qu’elle ne cessait de défendre fasse à ses amies qui lui disaient qu’il était un parfait connard de l’avoir abandonnée, dans cet état d’impuissance totale, démuni. Et des milliards de questions tournoyaient dans sa tête au fur et à mesure qu’elle détaillait l’homme qui se tenait devant elle, un homme amoindri, le visage creusé, de lourdes poches sous les yeux, le regard vitreux et brillant, et surtout, ce fauteuil roulant sur lequel il était assis. Quels épisodes cet homme qu’elle aimait tant avait-il bien pu vivre pour se retrouver cloué comme un infirme, un mutilé de guerre, sur cette chaise dont la vue l’insupportait déjà.

    La jeune femme tomba alors à genoux devant lui, le visage en pleurs, avant de poser ses mains sur ses joues, voulant vérifier qu’elle ne rêvait pas, qu’il était bien là, en face d’elle. Handicapé, fatigué, déprimé, certes, mais là, sous ses yeux, en vie, et presque inchangé.

    _ Je m’en veux tellement Nate, finit-elle par exploser en sanglot, s’écroulant sur les genoux de Nate, ses bras posés sur ceux-ci, sa tête enfouie. Si tu savais à quel point. Je n’aurais jamais dû te laisser, je n’aurais jamais dû aller au Japon, j’aurais mieux fait de te suivre, de rester avec toi …

    Désemparé, incapable du moindre son, il posa ses mains sur la tête de Marine, enfouissant ses doigts dans les cheveux sombres de la jeune femme, appréciant ce simple moment, ce simple contact physique avec elle, qui lui a tant manqué depuis ces années. Il plissa alors les yeux, sentant les larmes les lui piquer, bien qu’une larme ne s’échappe de ses paupières, pour s’écraser contre le bras nu de Marine, qui releva la tête aussitôt, pour le voir pleurer en silence.

    _ Nate, supplia-t-elle. Dis moi quelque chose, je t’en prie. N’importe quoi. Fous moi dehors en gueulant, traite moi de tous les noms, mais je t’en prie, parle moi …

    _ Excuse moi, ne fut-il seulement capable de dire, avant de baisser la tête, n’ayant plus la force de lutter contre ses larmes.

    Il resserra alors sa main sur celles de Marine, ne voulant pas croire à ce qui lui arrivait, ne voulant pas croire qu’elle était juste là, sur le pas de sa porte. Alors que lui, il n’était plus que l’ombre de lui-même, qu’un homme sur roulettes qui n’attendait plus rien de la vie que de voir sa fille heureuse, sans s’occuper de son propre bonheur. Mais à quand remonte la dernière fois qu’il a fait quelque chose pour son bonheur à lui ? Depuis la naissance d’An, c’est pour elle qu’il vivait, pour qu’elle connaisse son père à défaut de connaître sa mère. Mais depuis sa rupture d’avec Marine, d’avec cette femme qu’il avait tant aimé, à laquelle il aurait vendu corps et âme, depuis qu’il avait tout rayé, ça avait été pour Andy qu’il s’était battu, pour la voir sourire, et peu importait combien il lui en avait coûté. Il avait du faire le deuil de Lola trop vite, et cela le tourmente aujourd’hui. Sa sœur lui manque affreusement aujourd’hui, comme ses parents, qui n’ont jamais supporté le manque de tristesse de la part de leur fils aîné. Et aujourd’hui, il ne se sentait pas capable d’être égoïste, de vouloir un peu de ce bonheur qui venait d’arriver sur le pas de sa porte, à ses dépends à elle, qui devrait supporter un infirme, pour les jours à venir.

    _ Papa ? entendit-il alors piailler derrière lui.

    Il releva vivement la tête à l’appel de sa fille, avant de croiser le regard interloqué de Marine, qui s’était figée à ce simple mot. « Papa ». Et pour elle, une seule solution possible : l’homme qu’elle aimait plus que tout au monde avait refait sa vie. Il était père désormais, et il n’avait donc désormais plus besoin d’elle. Ses larmes, ce n’était que de la nostalgie, rien de plus, et à cette simple pensée, son cœur se brisa une nouvelle fois.

    _ Papa, reprit An en approchant enfin de son père et se rendant visible aux yeux humides de Marine, fini bibi !

    _ C’est bien ma chérie, lui dit Nate en reniflant.

    L’enfant leva alors la tête, dévisageant son père, et surtout les traînées humides qu’elle voyait sur ses joues, comme elle quand elle avait fait un cauchemar, quand elle avait mal. Et de sa voix cristalline, bercée d’innocence, elle reprit la parole devant les deux adultes muets.

    _ ‘quoi tu peures Papa ? demanda-t-elle, sa voix troublée par les trémolos, elle-même triste de voir son père dans cet état, état qu’elle ne supportait pas étant donné son jeune âge. Elle se fraya alors un chemin, titubant, avançant maladroitement vers l’avant du fauteuil de son père. La jeune femme, abasourdie par l’entreprise de l’enfant se recula, lui laissant le passage, et An s’accrocha aux jambes de son père, ses yeux s’humidifiant au fur et à mesure des secondes. Nate, ne supportant pas ce spectacle, prit sa fille dans ses bras avant de la serrer contre lui, car il ne pouvait se résoudre à la laisser pleurer sans rien faire.

    _ Je .. je voulais te le dire, souffla-t-il à Marine, toujours assise au sol, auprès de sa valise rouge. Je te le jure, mais j’avais peur de ta réaction, et … j’étais convaincu qu’on ne se verrait plus jamais, je ne m’attendais pas à te voir, pardonne-moi.

    Les lèvres tremblantes, le cœur serré et le regard noir, Marine se releva, déçue, bafouée, ses rêves réduits à l’état de poussière. Elle avait tant fait pour lui, pour le défendre, pour prouver qu’il n’était pas ce salop qu’on lui répétait tout le temps. Finalement, comme toujours, les autres avaient raison. Les autres ont toujours raison, c’est inévitable.

    _ Et tu comptais me le balancer comment ? Une fois que je me serais de nouveau attachée à toi ? Salut Marine, au fait je suis marié, et j’ai un enfant, la vie est belle, casse toi quand même !

    Marine était à bout de nerfs, elle craquait. Elle avait traversé la moitié du globe pour lui, pour ce connard assis tranquille dans sa chaise avec sa femme profondément endormie dans un coin, et sa naine sur les genoux, et tout ça, pour se rendre compte qu’elle avait été manipulée. Elle pourrait s’accrocher à lui, le supplier, mais elle n’avait plus la force de se battre. Après Shawn qui l’avait déçue au plus haut point la veille, c’était lui qui venait de tout conclure, rien qu’avec l’arrivée de cette petite fille, au visage d’ange.

    _ J’ai sauté dans le premier avion pour toi, je me suis humiliée pour toi, et toi, tu …

    _ Elle est seule, la coupa-t-il aussitôt, ne voulant pas que Marine continue dans sa lubie, dans ses préjugés et ses faux jugements.

    Ce qu’elle fit, puisqu’elle s’arrêta net, avant de détailler Nate, qui posait l’enfant sur ses genoux, cette dernière dont le gros chagrin d’était enfin dissipée. Elle souriait, et la jeune femme crut voir Andy dans ce visage de poupon.

    _ Qu’est-ce que tu entends par « elle est seule » ?

    _ Sa mère s’est suicidé, avant de la mettre au monde. Je suis seul à l’élever Marine, je veux que tu me crois quand je te dis ça.

    _ Sa mère, c’est Andy, je me trompe ?

    L’homme détourna le regard, avant de faire glisser ses roues sur le lino, pour entrer dans l’appartement, invitant Marine à faire de même, une fois qu’il lui eut demandé de fermer derrière elle. Il posa l’enfant au sol, qui partit rejoindre Porcinet, et indiqua un canapé afin que Marine puisse s’y asseoir.

    _ Andy est la mère d’An oui, et je suis son père, on a picolé, et voilà. Je devais veiller sur Andy, et le soir du nouvel an, le 31, j’avais essayé de t’appeler. Tu répondais pas … et j’ai fini par retrouver Andy qui fêtait ses un an sans Spencer. Je voulais t’oublier, j’ai bu, et tu dois bien t’imaginer la suite. Mais Andy n’a jamais pu attendre la naissance d’An, et elle s’est tuée, et dans un dernier élan pour la sauver, j’ai sauté avec elle d’un immeuble, colonne vertébrale brisée. J’ai fait cinq mois de coma avant de découvrir qu’An avait survécu au suicide de sa mère. Et c’est tout.

    La jeune femme accusa le coup, avant d’être sollicitée par An, qui s’était approchée d’elle, tirant sur on pantalon. Etonnée, elle jeta un regard à Nate, qui l’encouragea à prendre sa fille dans ses bras, après tout, si An acceptait Marine aussi facilement, autant en profiter.

    _ D’habitude, elle ne tolère pas la présence d’une femme à côté de moi, hormis Sienna et Julia, car elle les assimile à sa nourrice. Tu as de la chance. Prends là, elle n’a encore mordu personne.

    Marine s’exécuta alors, n’avait-elle toujours pas rêvé de ce genre d’instant ? Elle qui adorait les enfants. Alors, An posa sa main contre son petit cœur, en regardant Marine droit dans les yeux.

    _ n’An ! dit-elle, toute souriante avant de pointer Nate en riant, pour ajouter, motivée et convaincue de bien faire, Papa à n’An ! Et toi ?

    Elle posa sa petite menotte sur la joue de la jeune femme, qui posa sa main à l’encontre de la sienne, minuscule.

    _ Marine, une amie du Papa d’An, dit-elle, les larmes montant aux yeux par cette enfant étonnante.

    Elle la reposa alors au sol, An retournant à ses jouets, avant de se retourner, émerveillée, vers l’unique homme de la pièce.

    _ Elle est extraordinaire Nate. Comment tu fais ?

    _ Je ne sais pas, répondit-il, rêveur. Je veux lui offrir le mieux pour elle, je veux tout être pour elle à la fois, son père, mais sa mère aussi. Je ne veux pas qu’un jour, elle se cherche une mère auprès de Sienna ou de Julia. Des tantes oui, une mère non, pas comme ça.

    Après un instant de silence, Marine se leva, voulant partir d’ici, se sentant de trop dans cet appartement qui respirait la joie de vivre malgré sa modestie. Nate, étonné, l’héla aussitôt.

    _ Que fais-tu ?

    _ Je … vais le chercher un hôtel, je ne dois pas abuser de ton temps, je te dérange sûrement, dit-elle en attrapant ses valises.

    _ Marine … reste. Je t’en prie. Quelques jours, quelques semaines. Ne t’enfuis pas comme ça, je … je ne dirais pas que je t’aime, c’est trop loin maintenant, mais … je sais qu’au fond de moi, mes sentiments sont toujours là pour toi, que ça changera pas, et que je veux tout tenter … pour retrouver mon bonheur passé, avec toi.

    Il tendit alors sa main droite vers la jeune femme, priant intérieurement pour qu’elle l’accepte, ce qu’elle fit, sans hésiter, rayonnante, heureuse de retrouver une partie d’elle, qu’elle avait laissé avec lui.

    _ Moi aussi, je veux te revoir comme autrefois, comme lorsqu’on habitait en France Nate, souffla-t-elle avant de se pencher vers lui, et de déposer un baiser sur sa joue balafrée, voulant, en premier lieu, atténuer le douloureux souvenir de la brunette aux yeux d’émeraude de la mémoire de Nate.

    Elle ne se doutait pas encore, que quelques mois plus tard, An l’appellerait d’elle même Maman après son premier jour d’école, identifiant Marine aux femmes s’occupant des autres enfants en dehors de l’école, ni même que, quatorze ans plus tard, elle serait Marine Etienney, épouse Handers, mère de deux adorables chipies, An … et Jayn, une petite espiègle de sept ans. Comme quoi, la vie et le hasard font parfois bien les choses.

     

     

     ***

     

     

    _ Maman ! hurla une voix de jeune femme depuis la chambre située en face du salon dans lequel Marine et Nate étaient étroitement enlacés, devant un film choisi par les soins de madame, qui leva les yeux au ciel suite à l’appel de sa fille aînée, âgée maintenant de seize ans.

    _ Oui An, je suis là ma chérie, dit-elle de sa voix la plus forte. Qu’est-ce qu’il y’a ?

    _ Eh ! bougonna Nate. J’ai des tympans moi, va la voir direct, tu veux pas me rendre encore plus infirme.

    Marine émit un petit rire avant de se lever des genoux de Nate, elle embrassa son mari furtivement, puis prit la direction de la porte de son aînée, à laquelle elle toqua deux fois, et une fois l’autorisation donnée par la jeune femme, elle entra dans la pièce, en bazar, et referma la porte aussitôt derrière elle, découvrant l’adolescente, debout dans le milieu de sa chambre, vêtue uniquement d’une serviette de bain.

    _ Qu’est-ce qu’il t’arrive ma chérie ?

    _ C’est l’anniversaire de Georg demain, et je cherche ma robe rouge, piailla-t-elle. Tu sais où elle est ?

    _ Oui, je le sais, dans ton armoire An, mais là, vu l’heure, tu ferais mieux de te vêtir pour le lycée, ou ton père va hurler.

    _ Je sais, fit-elle avant d’embrasser sa mère sur la joue. Je t’aime m’man.

    _ Moi aussi, allez, presse toi, Camille vient passer te prendre. Et il est ponctuel.

    _ Oui, je sais !

    Marine sortit de la chambre, aussitôt, avant qu’un feu follet aux longs cheveux ébènes ne se rue dans ses jambes, manquant de la faire tomber à la renverse, feu follet qui se rua sur les genoux de Nate, sous les rires de Marine.

    _ Ah bah t’es prête toi, dit-elle à sa cadette. Allez, tu fais un bisou à Papa, et tu sautes dans la voiture, on est en retard.

    _ Oui Maman. A ce soir Papa, dit-elle en exécutant les ordres de sa mère.

    _ A ce soir Jayn, lui répondit Nate. Tu fais pas de bêtises, n’est-ce pas ?

    _ Geeeeeeeeeeeeenre je fais des bêtises !

    _ Oui, allez file !

    Une fois les filles disparues, Nate se retrouva seul dans son salon, dans ce qu’il avait réussi à construire, à la seule force de ses bras, à tour de roues, avec beaucoup de volonté, dans le but de retrouver ce bonheur qu’il aurait aimé connaître. Est-il heureux aujourd’hui, entre ses quatre murs, avec sa femme, ses deux enfants, ses amis qu’il voyait tous les jours, et son boulot ? D’aucuns vous dirait que oui, et ils seraient nombreux. Mais ils oublieraient tous le passé de cet homme, qui lui saute à la figure, à chaque fois qu’il voit son reflet, qu’il voit sa fille aînée, portrait craché d’Andy, ou qu’il réalise sa condition d’infirme. Le hasard fait bien les choses, mais il ne fait malheureusement pas tout.

     

    Don't Turn Around (OS)



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  •  Je m'appelle Spencer, le reste n' aucune importance. J'ai dix sept ans, je suis célibataire parce que je le veux bien, j'ai une bande d'amis, des prétendantes qui me courent après à chaque pause ou inter cours : je suis le roi de mon lycée. J'aime les maths, la physique, l'histoire et la philosophie, je ne supporte pas le français, l'anglais ni même l'espagnol, encore moins la géographie, et je suis en classe de terminale Littéraire. Je suis étrange, et mes amis me le soulignent à tout bout de champ ! Je suis ce genre de mec qui affectionne la solitude, qui refuse les sorties entre potes, qui passe ses journées à garder ses cousins, à vivre constamment avec ma famille, si seulement j'en avais une.

    Ce que je viens de vous peindre, c'est la vie du Spencer de mes rêves. En réalité, j'en suis bien loin … Enfin, presque.

    J'ai bel et bien dix sept ans, je vous sors ma carte d'identité sans problème s'il n'y a que ça pour me rendre réel à vos yeux. J'adore toutes les matières que je vous ai citées, en particulier l'histoire, peut-être parce que je n'en ai pas moi, d'histoire. Je n'ai pas de parents, enfin, je suppose que j'en ai eu, vu que je suis là, mais je ne les ai jamais vu, abandonné dans les ordures alors que j'avais quelques jours, puis recueilli par une âme charitable, qui en a eu assez de mes pleurs et qui m'a laissé croupir dans un orphelinat. Mon nom vient de la rue où on m'a trouvé, devant les poubelles de la famille Spencer. Mais je n'ai pas de famille. J'ai toujours rêvé d'être un enfant comme les autres, avec des parents de rêve, ceux que les enfants n'ont jamais comme ils l'auraient eux même rêvé; Alors, chaque nuit, mes parents sont là, des parents de rêves, faits de bulles et d'étoiles scintillantes, m'appelant, me chérissant, se battant pour moi, pour que je ne souffre pas, que je sois, tel un roi.

    Je vis dans la rue, éjecté à mes seize ans pour troubles au sein de l'orphelinat, il est vrai que je suis de tempérament explosif, les murs ont encore gravé en eux les cris de la responsable, des « Spencer ! » forts et distincts, emplis de haine et de mépris, pour ce gosse des égouts. Je passe la plupart de mes journées sous les fenêtres de la terminale L-1 du Lycée Emile Zola, à deux rues de mon cabanon, et j'apprends la philosophie, j'aime beaucoup Kant « considère toujours autrui en l'humanité non seulement comme un moyen, mais comme un fin en soi », Descartes « je pense donc je suis ». Ces quelques philosophes qui par leurs paroles me réconfortent, même s'ils ne pensaient point à moi. Je suis humain, j'ai droit à autant de considération qu'en a droit le prince Harry. J'ai la possibilité de penser, de juger ce que je vois, d'avoir mon avis, mes idées sur tel ou tel sujet ! Sous cette fenêtre, j'apprends aussi les mathématiques, les limites, les exponentielles, les ombres, la récurrence. Il ne me manque plus que règle et compas pour enfin tout assimiler. La physique-chimie aussi, mais c'était l'an dernier. La lumière, les prismes, les centrales, l'écologie … j'aurais aimé moi aussi participer aux travaux pratiques, voir toutes ses réactions. Et puis, c'est surtout pour l'histoire que je passais mes journées sous cette fenêtre, même si je faisais des grimaces quand la professeur débutait un cours plombant sur Rio de Janeiro, permutant l'histoire pour le programme de géographie. Mais quand elle annonçait qu'elle reprenait le programme d'histoire, et que j'entendais Camille ou Anaëlle ronchonner, moi, je jubilais, et à chaque fois, à deux doigts de sortir de ma cachette sous la fenêtre, dans les buissons, pour montrer à cette professeur mon engouement pour ses cours.

    J'ai toujours suivi cette classe, et seulement celle ci. Le lycée ne change pas le contenu des classes à partir de la première, estimant, dixit le proviseur : « que les élèves se sentaient plus à l'aise et plus propices à l'apprentissage dans un environnement familier » alors, suivant ces préceptes, j'ai conservé la même classe en deux ans. Et je connais chacun de ses élèves, des filles pour la plupart. Je reconnais le son de leur voix, même si je n'ai jamais vu leur visage. Manue était la plus timide du lot, la professeur de Philosophie s'acharnait constamment sur elle afin qu'elle fasse preuve de bonne volonté, c'était également la plus brillante du lot, car, comme on pourrait le dire : tout en mots, rien dans le ciboulot ! Les autres, c'est Camille (un garçon), Anaëlle, Amélie, Pierre, Hugo ou encore Justine. Mais je ne m'en occupe peu, celle pour qui j'ai vraiment beaucoup d'affection, c'est Manue. Je ne sais pas pourquoi, peut-être parce que c'est celle qui reste elle même quoi qu'il arrive, qui ne se construit pas un masque du matin au soir et qui sait qu'elle joue son avenir. C'est peut-être juste parce que je suis amoureux d'une voix finalement, la porte de l'âme quand les yeux en sont le fenêtre. Et j'aimerais tellement voir son visage, ses expressions, sa façon de parler, de marcher, de vivre. Alors, je passe mes mains devant mon visage, regardant la noirceur de celle ci, la saleté incrustée sous mes ongles, les multiples coupures dues aux nombreux travaux que j'effectue inlassablement. D'un geste vif, je passe ma main dans mes cheveux, longs et ternes. Finalement, je n'avais pas l'allure du lycéen, l'allure qui ferait que je pourrais m'approcher d'une vie prétendue normale.

     

    _ Spencer ! hurla une voix à l'extérieur.

    Doucement, je sortis de mon cabanon, ensommeillé et déboussolé. J'avais encore rêvé du visage de Manue, que j'aimerais tant voir, toucher, contempler, admirer, et peut-être, aimer.

    _ Je suis là, répondis-je non sans mal face au soleil éblouissant me frappant le visage directement. Qu'est-ce qu'il se passe ?

    _ On te demande, tu t'es fait prendre mon gros, rit la voix qui m'avait éveillé.

    _ Prendre à quoi ? feignais-je de comprendre, en approchant, mes paupières luttant contre l'astre lumineux.

    _ C'est vous Spencer ? demanda une grosse voix vêtue d'un costume noir et cravate rouge sang sur chemise blanche, certainement pas celle qui m'avait réveillé.

    _ Cela dépend, qui le demande ? répondis-je sur un ton insolent, comme à mon habitude.

    _ Je suis le proviseur du lycée Emile Zola, me répondit la grosse voix endimanchée. Je suis venu vous demander de cesser de passer vos journées sous les fenêtres de l'établissement jeune homme.

    _ Puis-je me défendre, Monsieur le proviseur ? demandai-je à la grosse voix qui acquiesça aussitôt. Je suis sous les fenêtres de la Terminale L-1 par pure curiosité pour les matières qui y sont dispensées. De plus, je suis assis à l'extérieur de votre établissement, et donc sur la voix publique, qui aux dernières nouvelles ne vous appartient pas. Excusez moi.

    Sur ces mots, je tournai les talons et retournai dans mon cabanon avant de m'affaler sur mon matelas de fortune, fait de vieilles étoffes récupérées de ci de là. A peine eu-je le temps de fermer les yeux que la voix qui m'avait réveillé re-fit son apparition.

    _ Tu passes tes journées dans un lycée ? rit l'homme. T'es complètement fêlé Spencer !

    _ C'est vrai, je n'ai pas eu d'éducation, et cela, non par choix de ma part, mais par celui de mes parents. Je suis complètement fêlé, effectivement.

    _ Excuse moi, dit-il, repentant. Tu vas y retourner ?

    _ Oui. Je dois connaître son visage, soupirai-je avant de m'assoupir.

     

    Le cours d'histoire de la journée était le dernier, de quinze heures dix à seize heures cinq. Et j'entrepris donc d'y assister, et mettre un visage sur la voix la plus mélodieuse du monde, celle de Manue, mon ange. Je m'installai donc sous les fenêtres, écoutant la professeur déballer son cours sur la guerre froide et la course à l'espace entre Russie et USA. C'est alors, que, timidement et le plus discrètement possible, je me levai, et lançai un regard furtif à l'intérieur de la classe. La professeur qui regardait dans ma direction ne vit étrangement pas le haut de ma tête au travers de la fenêtre. J'eus de la chance puisqu'à peine me suis-je levé que la prof appela Manue afin qu'elle lise un texte de propagande de Staline.

    Manue n'était pas la plus belle de la classe, ni la plus grande. Elle avait des cheveux d'un noir de jais, coupés au carré, un teint blanc, aucun maquillage, et son expression était d'une pureté telle que je me l'étais imaginé. Des yeux gris pâles, presque irréels, constamment dans le vague. Elle avait cette manie de tordre ses mains sous sa table tandis qu'elle lisait, et elle lisait vite, sans qu'aucun mot ne s'accroche dans sa bouche, avec une telle fluidité qu'elle en fut merveilleuse et convoitée très certainement par les fées.

    Mais absorbé par ma contemplation, je ne remarquai pas que la professeur s'était approchée discrètement de la fenêtre, je ne m'en rendis compte seulement quand son pull violet m'empêcha de regarder Manue. Je levai péniblement la tête, elle avait les mains sur les hanches, mon menton était posé sur le rebord de la fenêtre, elle tapait du pied, mes mains essayaient de s'accrocher à la pierre du montant. Soudainement, elle ouvrit la fenêtre, et hébété, je ne bougeai pas.

    _ Qui puis-je pour vous jeune homme ? cingla-t-elle de sa voix brisée.

    _ J'écoute votre cours, madame F., expliquai-je, le plus sereinement possible.

    Je jetai un regard dans la salle, et vis Manue qui ne savait pas trop si elle devait continuer sa lecture, ou faire comme les autres : rire à mes dépends. La professeur remarqua aussitôt le changement de direction de mon regard, et déduit qu'il était tout droit dirigé sur la brunette. Elle soupira et reprit la parole.

    _ Pour quelle raison, et la vraie je vous prie, nous espionnez-vous ?

    Je voyais là une solution pour parler directement à Manue, même si ça devait la mettre dans l'embarras, et aussi, d'avouer mon intérêt pour les cours de madame F. qui aboutirait peut-être, à une réelle scolarisation.

    _ Eh bien, cela fait maintenant deux ans que je passe mes journées sous cette fenêtre, écoutant attentivement tous les cours qui y sont dispensés, afin de pouvoir m'en imprégner. Au fur et à mesure, je me sentais appartenir à cette classe, je connaissais chaque élève, son point faible, et puis, j'aimais suivre ces cours, j'y prenais énormément goût. Et par dessus tout, je voulais mettre un visage sur la voix de Manue la concernée se mit à rougir que je voulais connaître. Voilà, madame, en toute franchise, ce que je fais agrippé à cette fenêtre. Je vous en prie, continuez comme si je n'étais pas venu vous déranger.

    La professeur ferma la fenêtre, vexée, avant de demander à Manue de poursuivre sa lecture, quant à moi, je restai sous la fenêtre, à attendre la sonnerie, qui vint plus tôt que prévue. Assis sous ma fenêtre, je voyais les élèves sortir, bras dessus, bras dessous. Doucement, je me levai, époussetai mon pantalon et regardai aux alentours, peut-être que Manue viendrait me voir, peut-elle serait-elle intriguée par mon apparition.

    Deux jeunes filles s'approchèrent de moi, et je reconnu Manue, virant rouge pivoine, serrant ses livres contre elle, à ses côtés, une jeune blonde lui parlait, et je ne reconnus pas sa voix, sûrement une élève d'une autre classe. A quelques mètres de moi, la blonde se stoppa alors que Manue se rapprocha.

    Deux mètres nous séparaient alors, et je pris une grande inspiration.

    _ Bonjour, moi, c'est Spencer. Désolé de t'avoir gênée tout à l'heure, m'excusai-je.

    _ Ce n'est rien, dit-elle en évitant mon regard, ça m'a fait plaisir, que quelqu'un se rende compte de ma présence. Je suis tellement invisible, ajouta-t-elle en riant.

    _ Je t'ai remarquée, car je ne t'ai pas vue. Un visage retient tellement d'expressions, qu'il est impossible de l'aborder, alors que la voix, elle, est une porte de l'âme, encore trop vague pour nous troubler par des jeux, pas comme des yeux, qui eux, t'empêchent tout discernement.

    Elle ne dit pas un mot de plus, me regarda, intriguée, déboussolée par ce que je venais de dire. Alors, j'avançai d'un pas, avant de reprendre la parole.

    _ Tu veux bien que je te raccompagne ?

    Elle me sourit franchement, un sourire qui atteint ses yeux. Finalement, si je l'avais vue avant, j'aurais été incapable de lui parler, tellement elle m'émerveillait.

    Je m'appelle Spencer, j'ai 17 ans, j'ai des parents de rêve et je suis tombé amoureux d'une voix.

     

    __________________

     

    J'avoue, la fin est un peu plate, mais si je faisais plus long, je débordais =/ J'aimerais donner vie un jour à ce petit Spencer ... On verra bien :)

     


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  • Ouh, il fait froid. Les gouttelettes d’eau tombèrent sur la peau nue de mon dos, ruisselant vers le bas de mon dos. Mes ailes frémirent, de peur. Lui avais-je échappé ? Etais-je enfin libre ? Le soleil perçait au travers des branches, réchauffant ma peau, refroidie par la peur d’être poursuivie. Qu’était-il donc finalement ? Que me voulait-il donc à la fin? Et pourquoi ne pas m’avoir reconnue ?

    Assise sur ce tronc déraciné, j’enserrai mes chevilles, rendues douloureuses par ma course folle. Mes cheveux, ramassés en une coiffure simple piquaient de part et d’autre de ma tête, descendaient le long de ma nuque, les branches s’y étant accrochées. Ma légère robe était trempée elle aussi et en devenait transparente. Que va me dire Chloé ? Je sens que je serais encore qualifiée d’irresponsable, mais n’y-a-t-il pas meilleure solution à mon problème ?

    J’entendis des mouvements dans les fourrés, et me retournai paniquée. Mes yeux tristes et ternes laissaient échapper mes larmes cristallines qui tombèrent sur mes genoux en une douce musique. Les pas lourds et rapides se rapprochèrent de moi. Je déployai mes ailes, voulant les faire réagir. Celle de droite resta pliée un instant trop long, et je remarquai qu’il l’avait déchirée, ou du moins, griffée. Flûte ! Je me levai, mes pieds nus glissant sur la mousse de l’arbre. Une branche au dessus de ma tête se tenait là pour moi. Je levai les bras, m’y accrochant. Je me hissai à la seule force de mes bras. Les pieds hors du sol, je me concentrai pour que mes ailes battent, en vain. Et les pas se rapprochèrent. J’étais perdue. Quand, tout à coup, je perçu un battement d’ailes au dessus de ma tête. Je levai les yeux vers la source du bruit et reconnu Mènphir, sa main constellée vers moi. Je souriais, heureuse de voir qu’on était venu me sauver. Il referma ses doigts autour de mon poignet et me hissa. Il passa ses bras sous mes genoux et autour de ma taille. J’entourai les miens autour de son cou et il déploya ses ailes faites de plumes blanches pour s’envoler vers le soleil miroitant. Au dessus des arbres, je perçu son hurlement, son action vaine pour me récupérer et je vis, finalement, la forme dorée en haut d’un pin dénudé par la mort, ses bras levés vers moi. Et je soupirai de soulagement.

    - Tu peux, me dit mon sauveur. Quelle idée de traîner dans les bois avec cette chose dedans ! Tu es irresponsable !

    - Chloé t’a passé le mot ? Génial !

    - Dis donc Kaede ! Tu crois que ça m’amuse de te sauver ?

    Je ne répondis rien et regardai par-dessus son épaule, vers les bois, là où le maelön m’avait pourchassée. Je levai les yeux au ciel, sachant pertinemment que Mènphir avait raison, mais je ne m’avouais pas vaincue, non, du tout.

    - Ouais, ça t’amuse ! T’as pas à supporter Enrico, ça t’amuse donc !

    - Merci beaucoup de te soucier de moi. Je ne vois pas ce que vous lui trouvez toutes…

    - Il est pas idiot lui, ironisai-je.

    - Je t’ai sauvé, je te rappelle, me dit-il.

    - T’as rien sauvé du tout, je voulais l’aider !

    - Aider cette bête ? Mais tu as perdu la tête, il t’a arraché l’aile droite Kaede ! Tu t’en rends compte ?

    - Oui, mais je suis en vie !

    Il ne dit rien de plus car les grottes pointaient à l’horizon, colorées par les tentures qui habillaient les parois extérieures. Les cascades crachaient leur eau bleutée par les roches de la source. Des millions d’elfes voletaient autour de ses parois, et je levai de nouveau les yeux au ciel, sachant que Chloé n’était pas très loin. Bon, mon aile me semblait réparée, ou du moins, capable de battre, et les bras de mon « sauveur » ne les bloquaient pas. C’était le moment ou jamais !

    Très rapidement, je les déployai, prenant un maximum de prise au vent possible. Une brise bénie vint jusqu’à moi et elle m’emporta vers les bois, où il m’attendait. A distance raisonnable de Mènphir, je me tournai en direction de ma destination, n’écoutant plus les plaintes et les supplications de mon meilleur ami. Pff, c’est pas parce qu’il a voulu ressembler à un ange que ça fait de lui un dieu, non mais.

    - Kaede ! Reviens ici idiote !

    - Moi aussi je t’aime, hurlai-je pour le charrier.

    Il haussa les épaules et je battais des ailes pour retourner vers Henry. Pourquoi tout le monde l’abandonne lui ? Il est différent des autres maelöns qui sont nos prédateurs naturels, à nous, les elfes. Leur peau dorée et cuivrée semblait faite de métaux et nous semblait impénétrable. Mais, comme nous, ils sont vulnérables.

    Henry est un maelön cuivré mais au soleil, il nous semblait doré. Sa tête hérissée était attendrissante, ses yeux azurs étaient doux et apaisants. Ses griffes acérées ne feraient pas de mal à une mouche, ou du moins, quand il se sentait en sécurité, comme ce jour-là.

    Je l’ai sauvé il y a quelques lunes d’une attaque entre maelöns. Il était le plus faible, juste ça. C’est-ce qui a autorisé ces brutes, ces bêtes à le maltraiter. Moi, je m’étais aventurée dans les bois, échappant une énième fois à Chloé. Et j’avais entendu cette plainte, froide, inquiétante, piteuse. Je m’étais approchée doucement, écartant les fourrées de mon passage. Il était là, appuyé contre un arbre, abdomen contre terre. Son dos était parcouru de griffures, plus profondes les unes que les autres. Son sang, bleu argenté, suintait de ses blessures, mais aussi de sa bouche. Il respirait avec peine, sa tête écrasée au sol, tournée vers moi. Quand il m’avait montré ses yeux azurs, différents de ceux dorés de ses congénères, je n’avais pu m’empêcher d’approcher. Une fois à côté de lui, je l’avais vu rentrer ses griffes sous ses ongles, ses dents aiguisées reprendre leur forme initiale. J’avais posé chacune de mes mains autour de son visage, afin de l’examiner. Ses yeux étaient un appel à l’aide.

    - Je m’appelle Kaede, lui avais-je dit. N’aie pas peur. Tu as un nom ?

    - Hen… ry… Je ne… te… veux… aucun mal….

    Il s’était évanoui et je m’étais empressée de nettoyer ses plaies. J’y avais passé un temps considérable. Quand j’étais partie vers la rivière pour laver mes mains et lui ramener de l’eau, il en avait profité pour s’éclipser dans la nature. Maintenant, je le cherchais. Et je le trouverais.

    Doucement, j’atterris dans les bois, mes ailes me servant de ralentisseur. Mes pieds touchèrent terre et se réfugièrent dans la mouse. Et je commençai mon expédition, fouillant derrière chaque arbuste, chaque buisson. Devant la rive droite de la rivière, je vis une créature cuivrée s’abreuver à gros lapements. Je m’approchai et elle se retourna brusquement, ses yeux dorés me toisant. Je me figeai, ce n’était pas Henry. Mes bras restèrent de chaque côté de mon corps, collés à ce dernier.

    Derrière moi, j’entendis des pas lourds, sa démarche saccadée, celle de tout à l’heure. Mais qui me dit qu’il ne viendra pas, comme tout à l’heure, pour partager un délicieux repas ? Je fermai les yeux et senti un courant d’air au dessus de ma tête. Quand je les rouvris, je vis deux maelöns se battre, le plus petit - Henry - ayant, étrangement, le dessus sur l’autre créature. Quand celle aux yeux dorés fut inconsciente, Henry se tourna vers moi, ses yeux azurs dans les miens. Il avança, et me prit dans ses bras, m’éloignant de ce lieu de carnage. Après quelques minutes silencieuses, il me déposa dans une grotte. J’avançai de quelques pas et déployai mes ailes, voir si je pouvais encore m’enfuir. Les deux semblaient s’ouvrir, malgré une réticence de la droite. Alors que je forçais, je sentis des doigts sur la blessure de mon aile et je me retournai, de peur.

    - Laisse-moi regarder, me dit Henry. Je t’ai fait ça, laisse moi te soigner.

    J’obtempérai et me retournai pour qu’il m’examine. Il se baissa, ramassa un pot en terre cuite et couvrit mon aile de la mixture blanche qu’il contenait.

    - C’est quoi ? demandai-je.

    - Un cicatrisant, bouge pas, m’ordonna-t-il.

    Je restai stoïque, par peur qu’il ne s’emporte et décide de me tuer. Il posa une de ses mains sur mes épaules pour se baisser afin de regarder ma blessure et la soigner. Mais le contact de sa peau cuivrée sur la mienne me fit réagir comme je ne l’avais jamais imaginé, et ça me gênait.

    - Quoi ? dit-il quand il remarqua que j’étais parcourue de frissons.

    - Rien.

    Une fois qu’il eut fini, j’avançai, m’éloignant de lui puis me retournai pour le regarder. Comment de telles créatures, magnifiques, pouvaient être des tueurs ? Il était si doux, si calme … tel un elfe. Il ferma les yeux, baissa la tête, sa chevelure cuivrée comme sa peau cachant en partie ses yeux. Je le fixai intensément, et il rouvrit les yeux subitement, le bleu perçant les mèches brunes. J’eu un sursaut.

    - Va-t-en maintenant, souffla-t-il. Tu n’as rien à faire ici. Et pourquoi t’es tu éloignée de ta cité ?

    - Je m’inquiétais pour toi, j’avais peur qu’ils te réduisent en bouillie.

    - Je suis en vie, allez, casse-toi !

    - Mais …

    Je ne protestai pas plus car il s’était approché de moi, mon visage tout près du sien. Ma respiration s’accéléra, bruyante. Il posa chacune de ses mains sur mes épaules, pour me faire comprendre de partir.

    - Je vais te tuer si tu restes ! Pourquoi faut-il que tu restes avec moi ? T’as rien de mieux à faire. Tu m’as soigné, je t’ai soignée, on est quittes.

    - Je sais pas, je sens que je dois rester avec toi …

    - Tu t’es vue, je te casserai rien qu’en te giflant. Que veux tu gagner en t’alliant à moi ? La mort ?

    - Non, tu … m’intrigues, c’est étrange. Je voulais savoir si tu allais bien, tu es différent, je … tu …

    Je ne trouvai pas mes mots et baissai la tête vers mes pieds couverts de mousse.

    - Tu ?

    - Je … repris-je. Je … je veux toujours te savoir en sécurité, lui dis-je finalement.

    - En sécurité ?

    - Je sais pas, c’est-ce que je ressens. Je sais pas l’expliquer. Mais je veux rester là, pas retourner dans la cité.

    - T’es pas un cadeau, dit-il.

    - Je sais, avouai-je, pleine d’espoir de pouvoir m’expliquer.

    - Tu veux quoi, hormis ma sécurité ?

    - Rien, juste ça.

    Il s’approcha de moi, colla son nez au mien. Il ouvrit sa bouche et sa langue pointue caressa doucement mes lèvres. Je fermai les yeux, incompréhensive.

    - Je voudrais tant … débuta-t-il. Tant comprendre ce que je ressens … pour toi…

    Et il posa ses lèvres sur les miennes, ses mains sur mes hanches, m’attirant contre son torse brillant. Mes cheveux se mêlèrent aux siens, mes mains entourèrent sa nuque, propriétaires.

    Mais c’était interdit, dangereux aussi. Qui sait s’il ne va pas, finalement me manger, comme mes sœurs. Mais c’est le début de quelque chose de grand, pour nous deux.

     

    _________________________

     

     Un petit Essai en mode fantastique, pour un concours autour d'une image de fée *cherche l'image* Là voilà xD

     

     

     

    En trois pages ...

     

     

      


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    Type : Boite de Nuit

    Terrain : Résidentiel

    Descriptif : Discothèque en trois niveaux, avec scène, bar, piste de danse, billard, salons, WC, terrasse, parking

    Déjà vu ? :  Oui  ! C'est la discothèque de la MaJ 20 de Paragraphes, avec la Dernière Danse d'Andy et Nate

    Autre chose ? Merci à mon mien pour laisser les personnages d'Out Of Sight Out Of Mind squatter <3 ATTENTION ! Il semblerait qu'elle soit sujette à des errreurs fatales du fait de ses 3 étages. A utiliser avec prudence. (Pour ma part, je n'ai eu aucun problème avec)

     

     

     

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    (Disco.Sims2Pack)

     


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