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Andy attrapa son écharpe rayée quand elle vit du mouvement dans la cour de sa résidence, pile à l'heure où Spencer devait venir la chercher. Elle avait donc fermé tous ses livres de géographie pour se ruer dehors, se battant contre les coups de vents glacés.
Quand elle reconnu le jeune homme, elle ferma vivement sa porte à clé avant de se diriger vers lui, tout sourire.
_ Bonjour, lui dit-elle.
_ Salut.
Il attrapa Andy par la taille afin de l'embrasser tendrement, déposant de nombreux petits baisers sur ses lèvres.
_ Ca va ?
_ Moyen, lui répondit-elle. J'ai récupéré mon collier.
Elle joignit le geste à sa parole en touchant le pendentif, qui pendait autour de son cou. Spencer le pinça entre ses doigts, le jaugeant.
_ Qui te l'avait offert déjà ?
_ Delphes, pour mes dix ans. Mais je ne le mettais jamais.
_ Il est beau pourtant.
Andy se tut, esquivant Spencer du regard.
Elle avait mal. Mal pour lui, d'avoir pleuré pour Nate cet après-midi, d'être encore amoureuse de lui bien qu'elle ait Spencer.
_ Ce n'est pas parce qu'il t'a rendu ton pendentif qu'il t'a oublié.
Andy renifla avant de glisser ses lèvres tendrement sur celles de Spencer.
_ Toujours prête à me suivre au bout du monde ? Demanda-t-il en riant.
_ Toujours.
_ T'as de la veine, mes parents ne sont pas là. Ça t'évitera les présentations pompeuses et barbantes.
_ Depuis le temps que je veux voir ta vraie maison, rit Andy. Le squat, c'est bien, mais pas très accueillant.
Spencer se mit à rire avant d'embrasser Andy sur la joue.
_ Il ne faudra pas que tu te focalises sur ce que tu y verras, ce n'est pas mon style de vie.
_ Ca, je m'en doute, pas après ce que tu m'as dit.
_ Et ça ne te gêne pas, que je fasse ça ?
_ …
Silence radio de la part d'Andy.
Finalement, ça ne la dérangeait pas vraiment que Spencer deale à Julian. Tant qu'il ne consommait pas, ni ne se faisait prendre. Ce n'était pas un façon très morale de penser. Mais elle s'abstenait de le lui dire, elle ne voulait pas le revoir en colère, il l'avait littéralement effrayée à la fac, bien qu'il se soit excusé une multitude de fois, l'avait prise dans ses bras pour lui dire qu'il ne voulait pas, qu'il ne recommencerait pas.
Andy éprouvait un étrange sentiment à l'égard de son brun. Une énorme affection mêlée à une frayeur difficilement dissimulable.
Et cette frayeur ne venait pas de Spencer en lui même, mais elle avait peur que ses activités ne le séparent d'elle, que ce soit par un emprisonnement, ou bien la mort, ce qui l'effrayait d'autant plus.
Alors elle serra Spencer dans ses bras encore plus fort, ne voulant pas qu'il file, qu'il s'éloigne, parce qu'elle ne se relèverait pas une autre fois de la perte d'un être cher, et ça, elle le savait. Son cœur n'est plus qu'une antiquité qu'elle a tenté vainement de recoller, repoussant toujours plus loin le moment où il se briserait en mille morceaux, et l'emporterait avec lui.
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Harry s'était finalement assoupi, après sa journée harassante. Il s'était étendu sur le canapé, dans le couloir du rez de chaussé, c'était bien la première fois que ça lui arrivait, on peut dire aussi que pas mal de problèmes lui tombaient sur le coin de la figure en ce moment, et ces quelques minutes de repos, il les avaient bien méritées.
A l'étage, un tout autre spectacle se préparait.
Julia courrait entre sa salle de bain et sa chambre dans le plus grand silence, remplissant autant de sac qu'elle pouvait emporter avec elle dans sa fugue.
Elle s'était enfin décidée à quitter cette villa, quitter ses tracas.
Il n'y avait pas d'avenir pour elle et pour son enfant dans cette maison. Tôt ou tard, sa grossesse ne serait plus dissimulable, et elle n'osait imaginer ce que son père pourrait lui faire si il venait à l'apprendre.
Cette fugue était complètement précipitée. Elle avait vu son père tomber de fatigue, et voulait saisir l'opportunité. Alors, elle lança ses valises par la fenêtre, dans les buissons. Elle lui demanderait de tout récupérer plus tard.
Sur la pointe des pieds, elle sortit de sa chambre, descendit les escaliers pour se retrouver dans la salle où un silence de mort régnait. Seul le bruit de la respiration régulière d'Harry cassait cette monotonie.
La blondinette ouvrit finalement la porte, avant de disparaître dans les rues fraîches, priant pour démarrer une nouvelle vie, loin de cette nuit, il y neuf ans, là où tout a basculé.
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Il faisait nuit, une nuit noire sans Lune et sans étoiles.
Une soirée oppressante, comme de celle où on préfère rester sous la couette, ressentant la gravité pesant dans l'atmosphère.
La petite Julia se leva de son lit, après qu'un cauchemar l'ai réveillée, et l'empêchait de dormir. Elle sortit doucement des draps bleus que constituait sa parure de lit, avant de poser ses petites pieds sur le parquet vitrifiée. Elle sortit finalement de sa chambre, tout en se dirigeant vers celle de son frère, le premier vers qui elle allait, ne voulant pas déranger ses parents, ça agaçait profondément son père.
Elle poussa alors la porte de la chambre de son frère, qui était paisiblement endormi, la tête sur un ours en peluche.
_ William ? Demanda la petite voix cristalline de l'enfant.
_ Mmmh, grommela William.
_ William … persista la petite voix.
Le garçonnet s'assit dans son lit, regardant sa petite sœur, le visage ensomeillé.
_ Julia ?
_ J'ai fait un cauchemar William, je peux dormir avec toi ?
Il acquiesça distraitement d'un coup de tête tandis que sa soeur s'approchait. Elle se stoppa juste avant de monter dans le lit.
_ Ju ?
_ Attend, je vais chercher mon doudou !
Elle sortit de la chambre à tout vitesse pour se diriger dans la sienne quand elle remarqua de la lumière qui filtrait sous la porte entrebâillée de la chambre de ses parents.
De nature curieuse, comme tous les enfants, elle s'approcha à pas de loup de la chambre, guettant le moindre bruit qui pourrait en sortir. A quelques centimètres de la porte, elle tendit le bras pour la pousser. Elle n'aurait jamais du franchir cette porte.
Au sol, sa mère était étendue,inerte. Sa nuisette d'ordinaire blanche était maculée de sang chaud et gluant. L'enfant ne bougeait pas, restait tétanisée. Son regard scrutait la pièce, mais personne.
Elle sortit finalement de la chambre et se coula sous les draps avec son frère, se taisant, choquée. Aucun son ne voulait sortir de sa bouche quand elle vit le visage de William et qu'elle voulait l'appeler.
Alors elle resta sur le lit, recroquevillée, se balançant à en perdre la tête. Cette nuit là, la petite fille joyeuse et pleine de vie qu'était Julia disparut pour laisser place à un feu follet blond, qui n'attendait plus rien de la vie.
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Andy et Spencer arrivèrent devant une magnifique maison, à quelques pas de la résidence d'Andy, et la jeune femme resta bouche bée devant pareille apparition.
_ C'est ça ?
_ Euh, oui... Un peu trop grand à mon goût.
_ Dire que gamine, je passais devant cette maison en voulant à tout prix y entrer, dit-elle en riant.
_ Ah bon ?
_ Je pensais pas que je tomberais amoureuse de celui qui y réside. Le monde est vraiment petit.
Spencer ne put s'empêcher de sourire à la phrase d'Andy. Ca fait toujours du bien d'entendre que l'on est apprécié ou aimé par quelqu'un. On se dit finalement qu'on n'est pas là pour une raison autre que vivre seul éternellement.
_ Tu aimes donc ?
_ J'adore, à côté, mon appart, c'est un trou de souris.
_ Viens.
Le jeune homme tira Andy par la main jusqu'à l'intérieur de la maison, sous les rires et l'émerveillement de cette dernière.
Ils arrivèrent finalement dans un hall blanc et décoré somptueusement, ça donnait envie d'être jaloux d'une telle maison, de l'avoir, sans les impôts ou le loyer qui suivait derrière.
_ Je vais te montrer mes « appartements », dit Spencer en riant.
_ Ah oui, c'est vrai que tu as tes propres appartements.
_ C'est ça d'être fils unique de multimillionnaires, viens.
Ils grimpèrent les escaliers à toute vitesse avant de débarquer à l'étage,où se trouvait les lieux de Spencer, pièces dont il disposait de son plein gré.
_ Là, c'est vraiment chez moi, le reste, c'est du cent pour cent de mes parents.
Andy franchit la porte pour tomber nez à nez avec une déco plutôt atypique par rapport au reste de la maison. Tandis que la majeure partie de la maison était recouverte de blanc, sa chambre affichait un noir continu sur les murs et le sol, seuls les meubles éclairaient la pièce.
_ Wah !
Andy se rua sur le lit avant de s'écrouler dessus en riant.
_ C'est géant ! Ta chambre est plus grande que mon salon ! A côté, c'est une coquille chez moi !
Spencer s'approcha à son tour du lit, pour s'asseoir à côté de le jeune femme.
_ Andy ?
_ Mmh ?
_ Tu ne m'as pas répondu tout à l'heure... Ca ne te fait rien que je deale ?
_ …
Andy tourna sa tête dans la direction de son compagnon, cherchant une véritable réponse à ce qu'elle ressentait.
_ Je … ça ne me fait pas rien, avoua-t-elle. Ca me fait peur, mais c'est pas à moi de te dire d'arrêter, voilà ce que je pense.
Spencer bascula au dessus de la jeune femme, plantant son regard dans le sien.
_ Tu sais que c'est illégal. Pourquoi tu ne me dis pas d'arrêter ?
Andy passa sa main dans les cheveux d'ébène de son compagnon.
_ Parce que ce n'est pas à moi de te demander d'arrêter, répéta-t-elle.
_ C'est à qui alors ? Je ne te comprends vraiment pas.
_ Comment te dire ça sans te vexer ? Soupira Andy. Ecoute Spenc, nous deux, on sait pas jusqu'où notre histoire nous mènera. On finira peut-être nos vieux jours l'un à côté de l'autre, comme on peut casser là maintenant. Si je ne suis que de passage dans ta vie, ce n'est pas à moi de te dire quoi faire pour le reste de ta vie.
_ Et si je n'ai pas envie que tu sois juste de passage dans ma vie ? Lâcha Spencer.
_ Qu …?
Le jeune homme posa doucement ses lèvres sur celles d'Andy en un baiser doux, que la jeune femme s'empressa d'approfondir, en s'accrochant au dos de son amant, passant ses mains sous sa chemise, caressant la peau de son dos.
_ Laisse tomber, répondit Spencer en roulant sur le côté pour finalement s'asseoir sur le lit.
_ Spenc ?
Andy s'approcha du jeune homme, toujours allongée sur le lit.
_ Tu te doutes que ce que je fais est risqué, non ?
_ Bien sûr, c'est surtout de cet aspect là que j'ai peur …
_ Si je te demandais une faveur, le ferrais-tu ?
_ Je … euh .. oui … Qu'est-ce qui se passe Spenc ?
_ Reste ici, avec moi, quelques temps. Ne retourne pas chez toi tant que je ne te l'ai pas dit.
Le regard émeraude d'Andy croisa l'argent de celle de Spencer, et elle y lut une inquiétude pesante.
_ Je risque quelque chose ?
Le jeune homme détourna la tête.
_ Oui, je veux bien rester Spencer, je te promets de ne pas bouger d'ici …
Le jeune homme tourna la tête et embrassa doucement Andy sur le bout des lèvres avant de basculer au dessus d'elle et couvrir son visage de baisers.
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La nuit était finalement tombée. A cette époque de l'année, il faisait nuit de plus en plus tôt, ne rendant pas les rues rassurantes pour les gens vulnérables.
Cela faisait combien de temps qu'il courrait à en perdre haleine ? Combien de temps qu'il a vu la panique se lire dans ses yeux ?
Combien de temps que Liane était décédée, sous ses yeux ?
Tout avait été si flou, si confus.
Eliott se souvenait du coup de feu, de son amie étendue au sol, couverte de sang, le regard sans vie. Et Reanald, ce grand blond, qui avait ensuite pointé l'arme sur lui.
Comment s'en était-il tiré ?
Il se souvient de tout, jusqu'à ce qu'il vit la canon dirigé entre ses deux yeux, le trou noir, et il se voit courir dans les rues noires, le visage barbouillé de larmes, des tâches de sang sur les vêtement rapportés par Liane.
Finalement, il arrivait devant cette porte qu'il connaissant, dans la résidence de sa sœur. Il toqua frénétiquement à la porte, personne n'était là pour lui répondre. Toutes les lumières étaient éteintes. Quelle heure était-il ?
Le jeune garçon ne se démonta pas et fila vers une autre habitation, espérant y trouver refuge. A quelques pas d'ici, là où vivait Sienna. Il espérait qu'elle soit ici, qu'elle ne dorme pas, qu'elle le receuille.
Il arriva dans la cour de la résidence, remarquant que les lumières de son appartement étaient allumées. Il se rua alors dans le couloir, pris l'ascenseur, les larmes ne cessant pas de couler sur ses joues meurtries.
Il tambourina à la porte de toute ses forces. Tant pis si il réveillait tout le monde dans l'immeuble, tant pis. Il a tant besoin d'un visage amical en face de lui, un visage souriant, qui l'aimait, qui le connaissait.
_ Siennaaaaaaaaa !!
_ J'arrive.
Soulagé, le garçonnet se calma, essaya de respirer calmement.
Il était tiré d'affaire, il n'était plus aux prises de tous ses gens.
Au cliquetis produit par la clé dans la serrure, il leva la tête.
Quand l'amie de sa soeur apparut dans l'encadrement de la porte, il sauta dans ses bras.
_ Sienna !!
_ Eliott ?
Le garçonnet déversa toutes ses larmes sur le pyjama blanc de la rouquine, qui le serrait fort contre elle, ne comprenant pas ce qu'il faisait ici.
_ Calme-toi mon bonhomme, je suis là.
Elle prit l'enfant dans ses bras ferma la porte à clé et le déposa dans son lit.
_ C'est fini Eliott, je suis là, lui dit-elle en le bordant.
_ Sienna ….
_ Chuuut, lui dit-elle de sa voix la plus douce. Tu me raconteras demain, dors mon chéri, repose toi.