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    - Comment va Raise ? me demanda Meredith alors que je venais de pousser la porte de l’appartement, avec une seule envie, penser à autre chose.
    - Physiquement bien, moralement, c’est une autre affaire … soupirai-je en continuant d’avancer pour finalement aller m’affaler sur le canapé. Je doute fort que l’univers carcéral soit pour lui. Si les geôliers lui donnent pas de punching ball, il va faire un massacre du premier qui va lui passer sous la patte …
    Meredith lâcha un soupir puis s’approcha de moi, avant de s’asseoir à même le sol pour avoir sa tête en face de la mienne. Elle posa alors chacune de ses mains sur ma taille, et me regarda tendrement.

     

    - 133 -


    - Tu as l’air complètement exténué… souffla-t-elle en soulignant mes cernes avec son pouce.
    - En même temps, il y a de quoi, je dors plus très bien depuis une semaine, avec ce qui arrive à Raise, répondis-je en fermant les yeux.
    Elle resta muette quelques instants avant de reprendre la parole.
    - Il est dix huit heures … On va prendre un bain, on mange et dodo, ça te va comme programme ?
    - « On va prendre un bain » ? repris-je en ouvrant à nouveau les yeux. Tous les deux tu veux dire ?
    - Euh oui, pourquoi, tu veux pas ? Je t’ai déjà vu nu, idem pour moi, on a plus rien à cacher … Si tu veux pas, je te fais juste couler de l’eau chaude hein …

     

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    Je souris tout en tendant ma main vers elle pour la glisser sur sa nuque et l’attirer à moi.
    - Si si, je veux bien, sans hésiter même …
    - Vieux pervers, c’est qu’une raison de plus pour mater, mais pas question qu’on le fasse dans la baignoire.
    - Comme si je pensais qu’à ça moi aussi, fis-je en claquant la langue et en levant les yeux au ciel. Et de toute façon, je suis trop crevé, je vais m’endormir en plein milieu …

     

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    - Ça c’est que tu dis ! clama-t-elle en se levant. Allez, debout monsieur loque !
    Je m’assis sur le canapé, et la regardai.
    - Le monsieur loque te merde mademoiselle punkette ! fis-je en m’étirant.
    Elle se mit à rire, puis me tourna le dos pour prendre la direction de la chambre, ou elle s’empara de vêtements propres pour nous deux ainsi que de serviettes propres également, avant de s’engouffrer dans la salle de bains, ou je la rejoignis après avoir éteins les lumières dans le salon.

     

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    Tandis que je poussais la porte, elle était déjà en sous vêtements, en train de se débattre avec son soutien gorge, ce qui me fit sourire aussitôt.
    - Au lieu d’afficher un air niais, tu veux pas plutôt m’aider, je crois que les agrafes sont coincées dans les coutures…
    - Chef oui chef ! singeais-je alors que je fermai la porte de la salle de bain avant de m’approcher d’elle, et de la libérer de son vêtement récalcitrant.
    Une fois débarrassée, elle se rapprocha de la baignoire pour y faire couler de l’eau bouillante, tandis que je me dévêtis aussi, ne me retrouvant plus qu’en boxer devant elle. Une fois l’eau arrivée au maximum envisageable de la baignoire, je me dévêtis totalement et plongeait dedans, suivi de très prêt par Meredith qui se lova contre moi. Je passais alors un bras autour de ses épaules, et l’autre sur son ventre.

     

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    - Pourquoi on a jamais fait ça avant, mmh ? souffla-t-elle en fermant les yeux et en se blottissant un peu plus contre moi.
    - La promiscuité qui te gênait peut-être, osai-je répondre, me doutant parfaitement de la réponse.
    - Dixit le mec qui ose plus me toucher depuis des mois.
    Elle ouvrit alors les yeux, et afficha une grimace d’enfant, ce qui me fit à la fois sourire et me sentir mal, parce qu’elle avait pas tort, et que ça allait amener la conversation gênante qu’on attend depuis des semaines.

     

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    - D’ailleurs, pourquoi tu joues les distants ?
    Et toc, je suis sûrement devin. Devin Aaronanix, toujours à votre service. Laissez-moi régler mes problèmes avant, ensuite on voit pour les vôtres. Pour unique réponse, je détournai le regard pour ne pas avoir à affronter le sien, et préférai jouer la politique du « je-me-tais-et-j’espère-qu’elle-oublie-sa-question-merci ».
    - Aaron …
    - Je sais comment je m’appelle, soupirai-je, les yeux levés.
    - Bah réponds moi, plutôt que de faire comme si tu ne m’avais pas entendue …
    - …

     

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    - Je dois t’avouer que l’idée du bain n’était pas anodine, voilà, c’est dit, j’espérais peut-être te rendre moins distant, mais visiblement, ça change pas. T’as encore fait des conneries avec Heaven ?
    - Hein ? Nan, je te jure que j’ai rien fait, on a juste une relation amicale maintenant …
    - Alors pourquoi tu es aussi distant avec moi … Certaines fois, j’ai l’impression que je t’emmerdes, que tu préférerais être seul … Si tu veux qu’on casse, dis-le moi au lieu de tourner autour du pot …
    Sa voix tremblait et quand je tournai mon visage vers elle, je vis qu’elle pleurait. J’eus un pincement au cœur de la voir comme ça, et je la blottis un peu plus contre moi, en lui caressant les épaules tout doucement.
    Après mon frère en larmes un peu plus tôt, c’était au tour de Meredith, comme s’ils s’étaient passé le mot pour m’empêcher de réaliser ce que j’avais prévu pour la fin de ma vie, qui arriverait bien plus tôt qu’ils ne l’auraient pensé…
    - Ne dis pas ça Meredith, la suppliai-je. Je veux tout sauf rompre avec toi … Ça n’a absolument rien à voir…
    - Alors pourquoi ? renifla-t-elle. Pourquoi tu t’éloignes de moi comme ça ?

     

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    - Excuse moi … Avec ce qu’il s’est passé cet été, je … j’ai eu peur d’aller trop vite avec toi, de me faire rembarrer peut-être, je ne sais pas … Et tu avais été distante avec moi au départ, je voulais pas m’imposer…
    - Faut pas …
    Elle me sourit tendrement avant de monter une main vers mon visage et de caresser ma joue doucement du bout de ses doigts. Je fermai alors les yeux, savourant ce contact avec elle que je m’étais refusé pendant trop longtemps. Elle m’embrassa alors sur le bout des lèvres tout en collant son corps au mien.
    Meredith ne se tenant plus comme il le fallait dans la baignoire, nous glissâmes tous les deux, et par la force des choses, je me retrouvais allongé au dessus d’elle, m’appuyant de chaque côté de la baignoire.
    - Pas dans la baignoire j’ai dit, bouda-t-elle.
    - Je te rappelle que je suis trop crevé pour te faire grimper aux …
    Je regardai alors vers la fenêtre pour voir ce qui faisait office de rempart aux vis-à-vis pour la fenêtre de la salle de bain, à savoir des …
    - … stores ! continuai-je en riant.
    - Boulet !
    Et finalement, nous sortîmes de la baignoire, avant d’enfiler des vêtements de nuit, pour nous glisser sous la couette, après un rapide dîner histoire de nous caler l’estomac.


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    « Tu peux monter au 3e ? C’est au sujet de la semaine dernière au café. Je t’attends. »
    Hmm … Ok, si tu veux, mais au troisième où ? J’aimerais bien le savoir moi, et ce serait quand même plus pratique pour la trouver cette fichue enquiquineuse. Elle pouvait pas juste m’envoyer sa réponse par texto ? Du genre : « Oui Aaron, je veux bien servir de pigeon voyageur ! » « Non Aaron, je suis pas ta bonne ». Enfin, un truc classique et clair quoi, pas ce vulgaire texto.
    Alors que je m’énervais contre Cathe-Line dans le salon, Meredith apparut dans l’appartement, le visage creusé, des cernes sous les yeux et le pas las. Le stéréotype même de l’étudiante en droit qui ne sait pas du tout ce qu’elle fiche dans ce genre de filière. Elle se traîna jusqu’à moi avant de s’affaler sur le canapé, sa tête reposant sur mes cuisses.

     

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    - Je vais tuer Peterson… bougonna-t-elle son visage enfoui contre moi.
    - Il a fait quoi encore celui là ? Il t’as demandé de te lever pour lui expliquer je ne sais quel article du code civil ? Tu devais faire un exposé sur le droit économique ? Il t’a surprise en train de dormir ?
    - Il était pas là …
    - Tu devrais être ravie !
    - J’ai deux heures de cours magistral avec Peterson, plus une heure de TD avec un autre prof lui-même absent et après j’avais une heure d’histoire …
    - Donc t’as poireauté trois heures dans le vide ?
    - Oui … Je hais ma vie !
    - Elle est pas si terrible que ça quand même, soufflai-je en passant ma main dans ses cheveux.
    Elle se redressa alors, comme un pantin sortit de sa boite et s’assit sur le canapé, en me regardant, une moue désolée sur son visage de punkette.

     

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    - Oh pardon, pardon pardon … me dit-elle.
    - Hein ? Enfin, pourquoi tu t’excuses ? T’as déchiré mon pantalon ?
    - Mais non ! Je me plains de ma vie alors que t’es plus à plaindre que moi, pardon …
    Je soupirai avant de tendre les bras et de l’attirer vers moi pour la faire taire.
    - Je préfère te savoir comme ça que de tout le temps t’inquiéter pour moi tu sais, je me sens normal comme ça, et j’aime bien t’entendre te plaindre, alors no stress, fis-je en riant.
    - Je peux me plaindre toute la journée alors ? Sans que tu me dises quoi que ce soit ?
    - Euh, oui …
    Elle recula de quelques centimètres de moi, et ouvrit la bouche avant que je ne l’interrompe d’un doigt posé contre sa bouche entrouverte.

     

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    - Tu vas pouvoir même commencer maintenant, j’ai rendez-vous !
    - Hein ?
    Son interjection me fit rire, tout autant que sa tête. Je lui aurais dit que Elvis Presley venait de m’apprendre son nouveau pas de danse, elle n’en serait pas moins choquée. J’étouffais un rire afin d’éviter de la vexer, mais elle me capta aussitôt et me lança un regard noir.
    - Avec qui tu as rendez-vous ?
    - Je crois pas que tu aies envie de le savoir …

     

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    - Qui ? Ou je vais vraiment me fâcher, je vais t’attacher au canapé et abuser de toi pendant des heures si tu ne me dis pas qui…
    - Ce serait pas vraiment une punition ça tu sais … Et puis ça m’enchante pas ce rendez-vous.
    Elle troqua sa tête de céréales killeuse pour celle de cocker battu, en espérant une réponse coûte que coûte. Bien décidé à ne pas lui lâcher le morceau, je restai stoïque, jusqu’à ce que, finalement, je craque.

     

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    - Chez une femme.
    Sa seule réponse fut des yeux écarquillés et une bouche béate, que je dus refermer avant qu’elle n’avale les mouches et s’étouffe avec.
    - Tu me trompes encore … Je peux savoir avec qui cette fois, si tu me dis Heaven, je te jure que tu vas te retrouver dans l’incapacité de te reproduire !
    - Je vais au troisième, c’est Cathe. Calme-toi ! ris-je.
    Elle lâcha un long soupir de soulagement, avant de me toiser de nouveau, incompréhensive.
    - Et depuis quand Cathe habite au troisième ? Et depuis quand tu vas chez elle toi ? Depuis quand tu es sociable toi aussi ?
    - Oulàh, ça fait trois questions en une phrase là, tu me crois capable de répondre à tout ?
    - Aaron …
    - Je sais comment je m’appelle tu sais … Et puis, c’est Cathe, c’est pas un drame.

     

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    Je me penchai alors vers assez vivement pour qu’elle n’ait pas le temps d’esquiver et fondit sur ses lèvres avec gourmandise. Et elle se laissa faire, sans grande surprise, avant de souder ses mains à mes joues, alors que j’allais reculer de quelques millimètres, pour approfondir ce baiser. Mains qui d’ailleurs descendirent le long de mon cou pour se loger sur mon torse et dans le col de mon tee-shirt.

     

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    - Dis donc, petite perverse … J’ai rendez-vous je te rappelle, et Cathe va me tuer si je arrive en retard…
    - Mais elle habite juste au dessus, t’as bien un quart d’heure à m’accorder … continua-t-elle en me faisant sa bouille.
    - Je devrais déjà y être, et tu es une véritable mort-vivante Méré, va dormir, je m’occupe de toi une fois que tu seras reposée, ça marche ?
    - Ça marche !
    Elle m’embrassa une dernière fois avant de prendre la direction du lit tout en enlevant ses chaussures sur le chemin, tandis que moi je prenais la direction de la porte de l’appartement, afin de grimper au troisième étage de ce même immeuble.


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    Je toquai alors brièvement sur la porte où était inscrit en lettres capitales « Andrew Hower & Cathe-Line Hammer » et attendit patiemment qu’on vienne m’ouvrir. Et il fallait être patient, puisqu’on ne me sauva de l’ennui qu’après plus d’un quart d’heure d’attente, et un tambourinage digne d’un réveil de voisin. Et ce ne fut même pas la folle qui m’ouvrit, mais le mouchard en pyjama. Classe.

     

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    - Tiens, Aaron ? Que me vaut ta visite ?
    - Un mail de la folle qui te sert de petite amie. Avec l’ordre de me pointer parce qu’elle doit répondre à une question, sachant qu’elle aurait bien pu le faire par texto, enfin bon bref, tu me laisses entrer ou j’attends sur le paillasson qu’elle veuille bien se montrer ?
    - Aaaaarooon !! entendis-je depuis l’appartement jusqu’à ce que je vois la tête brune de Cathe se détacher derrière Andrew.
    Bon, au moins, elle était là, c’est déjà ça.

     

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    - Bah entre, m’invita-t-elle. Reste pas là, t’es pas poli Andrew quand même…
    - Ouais ouais, c’est bon, bougonna-t-il. C’est un peu chez moi, et c’est toi qui fais la loi, je vois le topo. Fais comme chez toi Aaron, et évite d’écouter toutes les bêtises qu’elle raconte, dit-il en baillant avant de se diriger dans l’intérieur de l’appartement.
    - Il vient de rentrer du boulot, me dit Cathe alors que j’entrais dans la cuisine. Tu l’as un peu réveillé en fait…
    - C’est toi qui m’a demandé de me pointer pour répondre à ma demande … Alors m’engueule pas, comment je pouvais savoir qu’il venait de rentrer moi ?
    Elle ne me répondit pas et tourna sur sa gauche, pour prendre la direction du salon, où elle s’assit, m’invitant à la rejoindre, ce que je fis sans tarder.
    - Alors, cette réponse, m’impatientai-je. Oui tu veux me rendre service, ou non tu veux pas. Franchement, un texto aurait suffit … finis-je par bougonner.

     

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    - J’aurais espéré te faire changer d’avis avant que tu ne partes … Tu me manqueras tu sais, et pas qu’à moi, à Raise, à Meredith, à Heaven, à Drew …
    - Où tu veux en venir s’il te plaît, je n’ai pas toute la nuit …
    - Fais-toi opérer Aaron, c’est égoïste ce que tu choisis de faire, tu ne penses pas à ceux que tu laisses derrière toi …
    - Depuis quand tu es devenue la voix de la sagesse toi ?
    - Tu sais, t’es pas le seul à avoir un problème de cœur … Mon petit frère a quelque chose, de moins grave certes, et tu sais, tu me fais beaucoup penser à lui des fois, c’est peut-être une des raisons qui me poussent vers toi comme ça … Mais il y a une différence entre mourir de maladie et se laisser mourir …

     

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    - Si ton frère avait une pile comme moi, est-ce que tu crois qu’il aurait envie d’avoir mes propres soucis, de se faire opérer jusqu’à la fin de sa vie … Il y a une différence entre vivre, et survivre Cathe, et moi je veux vivre. Penser à autre chose qu’à ma maladie, à mon avenir que je vais forcément rater par la suite, car ce cœur m’empêche de vivre normalement. Jamais je ne pourrais faire le travail que je voudrais, je serais obligé de vivre dans les environs de mon cardiologue, et je suis condamné à mourir avant même d’avoir le temps de voir mes enfants grandir si jamais il m’arrivait d’en avoir … Survivre pour gagner quelques années et ruiner ma vie ?
    - Mais, pense à ceux que tu vas laisser derrière toi … Ce n’est pas une solution …
    - La solution n’est pas non plus de rester là, de les voir s’inquiéter pour moi comme toi tu le fais maintenant … Je vous ai causé beaucoup trop de soucis … Il est juste temps que je retire mon pion de la partie … Continuez sans moi, c’est tout ce que j’ai à dire …

     

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    Une larme coula le long de sa joue pour unique réponse et elle ne chercha pas à la dissimuler, se contentant de me regarder avec un air de reproche. Elle savait qu’il n’y avait peut-être plus que ça pour me faire abdiquer, mais mon choix était arrêté, et rien n’y changerait rien. Pour seule réponse à son regard accusateur, je me levai et m'accroupit en face d'elle, avant de murmurer un bref et à peine audible « désolé », ce qui la fit fondre complètement en larmes.

     

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    - Tu … bégaya-t-elle entre deux sanglots, tu m’écriras … en plus… en plus de Meredith ?
    - Oui … souriais-je. Je te le jure Cathe. Une carte postale débile de chaque pays, c’est promis !
    Elle émit un faible rire, puis releva la tête avant de s’essuyer les yeux d’une main, en gardant l’autre sur , ne voulant ma joue, certainement pas briser ce lien qui venait à peine de se créer alors que je lui annonçais mon départ.
    - Tu sais Aaron, ce que je t’avais dit chez toi l’autre jour … C’est vrai … Mais pas de la façon que je le sous entendais … Si je t’aime, c’est comme mon grand frère, ou mon petit frère, je sais pas trop, un peu des deux je pense … T’es conscient que tu vas me faire pleurer, et me rendre hystérique, et Andrew va finir chauve avec mes crises de nerfs …
    - Oui, je sais …

     

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    - Mais, je te jure que je ne pleurerais que devant toi, je hurlerais qu’après toi et j’achèterais une perruque à Andrew ! Même si je dois faire ça devant ta tombe !
    Je ris aussitôt de sa spontanéité, d’un rire franc et libérateur, comme si tout cela n’était qu’un mauvais souvenir et que la vie reprendrait normalement. Elle finit par me sortir des blagues sans queue ni tête, et l’après midi passa, sans que je ne me rappelle vraiment la raison de ma venue.
    Mais jamais je n’oublierais la tristesse que j’ai vue cet après-midi là sur ce visage, que j’ai toujours connu souriant en toute circonstance, sur le visage d’une fille qui rayonnait de bonheur du matin au soir … sur le visage de ma petite sœur de cœur …


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    Vendredi 16 février 2006
    M-1 avant le départ pour le bout du monde
    Université de Bloomington

     

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    Je traînais dans la bibliothèque de section de mon UFR à la recherche d’un bouquin sur l’anatomie cardiaque quand je sentis une présence dans mon dos, non pas désagréable, mais plutôt surprenante.
    Depuis quelques semaines, je commençais à m’habituer à ma nouvelle condition, à savoir de ne plus avoir de mère – ça, je m’y fais plutôt bien à vrai dire –, avoir mon frère en prison – j’ai bien plus de mal pour ça pour tout vous avouer – et ma mort imminente, bien que je ne ressente aucune fatigue – en même temps, je continue mon traitement, histoire de rester en vie le plus longtemps possible quand même, plutôt contradictoire me direz-vous pour quelqu’un qui souhaite mourir enfin bref. Donc depuis quelques temps, la vie semble aller un peu mieux pour moi, Heaven est de nouveau ma meilleure amie même s’il elle ne m’a pas répondu pour le tour du monde, Cathe se remet à rire et me saute toujours dessus en cours, et Meredith est toujours ma punkette survoltée, qui ne se doute absolument de rien. Mais c’est quand je vois leurs visages que je me rendis compte qu’il me manquait quelque chose pour dire que j’étais vraiment heureux.

     

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    - Salut Aaron ! me lança Geist, tout sourire, étant accompagnée pour cette fois de Drew et non de Elden qui je supposais devait être en cours, comme tout étudiant en droit qui se respecte.
    - Tu es au courant qu’ici tu es dans la section médicale, et que les arts numériques, c’est à l’opposé du campus ? soulignai-je à la demie-moisie.
    - Oui, on est au courant, je suis pas encore blonde moi …
    - Je dois le prendre comment moi ça ? rétorqua le seul blond de la pièce.
    - Dis toi que ta chérie est blonde aussi, ça compense, lançai-je à mon ex meilleur ami.
    - Ah ah ah, vraiment marrant Aaron.

     

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    - Que me vaut le plaisir de votre venue ? demandai-je en remettant un livre en place.
    - Rien de particulier, prendre de tes nouvelles, et continuer mon périlleux travail qui est de te rendre social et de lier amitié avec ce que tu appelles les « moisis », m’expliqua Geist.
    - Ah, ça … j’ai pas vraiment de grief contre vous deux de toute façon, z’êtes pas Elden, soufflai-je.
    - En gros, c’est Elden que tu piffres pas, résuma Drew en allant s'appuyer contre l'une de tables.
    - Depuis le temps que tu me connais, tu devrais pourtant le savoir Drew, non ? On a jamais pu se blairer, c’est comme ça.
    - On a le droit de savoir pourquoi ? me demanda Geist.

     

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    J’abandonnais alors mes recherches, et m’appuyai contre la bibliothèque, en soupirant.
    - Pourquoi les chiens n’aiment pas les chats ? C’est pareil Elden et moi, on a jamais pu se voir, et il a transmis sa haine envers moi à Kaoline, Owaren and co.
    - Mais je suis curieuse moi, y’a forcément une raison. Les chiens et les chats sont jaloux à cause de l’être humain. Vous c’est quoi, votre bien convoité ?
    Je ne répondis pas, n’ayant pas envie de me justifier puisque bien entendu, j’avais la réponse, mais je n’avais vraiment pas envie de la donner.
    - Heaven.

     

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    Je relevai la tête et vis que Drew avait sa tête de premier de la classe qui avait la réponse à la question posée par le prof. Je ne bougeai pas d’un iota, de toute façon, qu’est-ce que ça allait changer ? Il avait trouvé, et alors ? Me défendre ne serait que m’enfoncer dans le mensonge et me couvrir de ridicule, et approuver, non, je peux pas me rabaisser à ça.
    - Heaven ? répéta Geist. Tu as peur qu’il te vole Heaven ?
    - Ca devient logique, vu comme ça, argumenta Drew. Le seul point commun entre les deux loustics, c’est Heaven.
    Je ne dis toujours rien, les laissant discuter entre eux, devant l’évidence même de la chose. Oui, ce que j’envie à Elden c’est la facilité avec laquelle il a pu s’approcher de Heaven alors que moi j’étais dans l’incapacité de le faire, puisque je pourrissais dans les rues mal famées de Bloomington. Comment je pourrais tolérer un mec qui a finit par prendre ma place auprès de ma meilleure amie en profitant d’une faiblesse de ma part ? Je vais vachement le remercier…

     

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    - Tu sais, il ne te la volera pas Aaron, il n’est pas question de voler qui que ce soit, me dit Geist d’une voix douce et raisonnée. Ca ne sert à rien de continuer à vous haïr continuellement pour ce genre de broutille, à part vous faire du mal et sûrement à Heaven, tu ne crois pas … Elden est prêt à faire des efforts, et toi ?
    Comme si j’avais le choix ? Après tout, je ne les reverrais sans doute jamais, autant qu’ils gardent tous un bon souvenir de moi avant que je parte. J’acquiesçai d’un hochement de tête, leur promettant de parler avec Elden dès que j’aurais un peu de temps … Oui, dès que j’aurais un peu de temps … dans le mois qu’il me reste à passer ici …

     

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    Geist afficha un grand sourire de victoire toute en dents blanches, tandis que Drew me donna une tape amicale sur l’épaule. Je les gratifiai d’un merci, de m’avoir fait confiance malgré tout ce que j’ai pu faire comme conneries depuis que je les connais. Certes, ils ont du trouver cela étrange venant de ma part, mais je sais qu’ils ne verront jamais ceci comme un adieu … Autant qu’ils ne le sachent pas, je briserai encore leurs espoirs comme je l’ai déjà fait avec tous les autres.


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    Mardi 16 mars 2006
    J-1 avant le grand départ pour le bout du monde
    Appartement d’Aaron et Meredith

     

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    Nous y voilà, à ce dernier soir … Je suis actuellement assis sur le lit, à faire défiler mes souvenirs ici les uns derrières les autres, et tous mes souvenirs avec elles. Les bons, comme les mauvais, tout ceux qui ont fait de moi la personne que je suis actuellement, et jamais je la remercierais assez pour tout ce qu’elle a fait sans s’en rendre compte. Pour tout cet amour qu’elle m’a donné alors qu’elle savait que c’était risqué d’aimer quelqu’un comme moi. Elle m’a redonné confiance, elle m’a donné goût à la vie, elle m’a fait renaître …

     

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    Elle est dans la salle de bain, elle prend sa douche, et moi, je suis là, recroquevillé sur ce lit, à faire défiler ma vie, à faire défiler mon passé, mes jours heureux, à faire défiler mon avenir qui aurait pu être merveilleux avec elle. Parce que j’aurais pu être heureux, si je n’avais pas décidé de mourir, j’aurais pu espérer une vie presque normale, avec des tracas du quotidien : un patron horrible, une petite amie jalouse, un mariage, une maison, des enfants nombreux courants à l’intérieur, et une mort paisible au fond de mon lit à quatre-vingts ans… Pourtant j’abandonne tout.
    Mes affaires sont prêtes, tout est chez Heaven, avec nos billets de trains. Cette nuit, elle la passe avec Ulyss, pour lui dire au revoir, parce que lui, elle le reverra à son retour, de nouveau elle le prendra dans ses bras, et si jamais il a eu la patience, ils reprendront là où ils se sont arrêtés.
    Meredith, jamais je ne la reverrais, et ce soir … Je compte lui dire adieu, tout simplement. Mais cet acte m’effraie, je ne sais plus quoi faire, je ne sais plus quoi dire pour ne pas la blesser, pour la rassurer.

     

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    Alors finalement, les mots, je les ai laissé tombés. Jamais ils n’exprimeront ce que je ressens, jamais ils ne seront assez puissants pour la rassurer, pour lui dire de vivre sans moi, pour continuer à avancer … Tout ce qu’il me reste à lui offrir, à lui prouver, c’est tout simplement la force de ce que je ressens pour elle. Enzo se chargera de lui expliquer, je sais qu’il le fera à la perfection. Depuis sa séparation d’avec Cory, il squatte régulièrement ici, il finira certainement par y élire domicile par la force des choses, et elle trouvera en lui le soutient que je ne peux lui apporter.

     

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    La porte de la salle de bain s’ouvrit, et je tournai alors la tête pour la voir en sortir, rayonnante, habillée de son pyjama. Cette frimousse me redonna aussitôt le sourire, et je tendis alors les bras vers elle. Méré s’approcha alors de moi, souriante et se pencha vers moi pour m’embrasser tendrement, tandis que mes bras se refermèrent tendrement autour de sa taille, pour une nuit, que je voulais inoubliable pour elle, et un de mes plus beaux souvenirs pour nous deux, sans qu’elle ne se doute un seul instant que ce sont de véritables adieux.

     

     ♥

     

    ♫ Thirty Seconds To Mars - Closer To The Edge (Unplugged)

     

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    Elle se laissa alors guider par mes mains qui glissaient sur sa peau nue et douce sous son haut, que je lui retirais alors le plus doucement possiblement sans cesser de l’embrasser. D’un mouvement fluide et délicat, je l’allongeais sur le dos et l’embrassai sur la totalité de sons corps qui se dévoilait alors à moi. Et dans chacun de ses lents baisers, je ne souhaitais qu’une chose, qu’une part de moi reste à jamais gravé en elle, que jamais elle ne m’oublie, que je reste toujours là, quelque part en elle.

     

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    Chaque pression de mes lèvres sur sa peau la faisait frissonner de plaisir, et je savourais le hérissement sur sa peau, comme une invitation à continuer. Plus j’approchai de son bas ventre et plus la pression de ses mains sur mes épaules se faisait dure et insistante, contrastant avec mes caresses sur son corps. Chaque instant passé avec elle à ce moment même ranimait ceux passés auparavant, et je ne pus contenir mes larmes au bout de longs instants, larmes qui roulèrent lentement sur mes joues rosies par l’excitation qui parcourait la totalité de mon corps.

     

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    Alors que je ne pouvais continuer, je fis glisser mes mains sur ses hanches pour lui enlever son dernier rempart à sa nudité qu’elle m’offrait alors sans retenue, et comme à chaque fois, une chaleur m’envahit, mais de manière plus violente cette fois-ci. Meredith aussi avait chaud, je le sentais, et quand par ses gestes elle m’invita à poursuivre, je ne pus que me laisser guider par ses envies et mon instinct, pour faire de cette nuit la plus belle de sa vie, le plus beau de ses souvenirs.

     

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     Je ne serais jamais le seul homme de sa vie, et je le souhaite pour elle. Je veux juste rester gravé en elle, je ne veux que jamais elle m’oublie, à jamais je veux vivre dans sa mémoire, comme un précieux souvenir que l’on conserve jalousement au fond du cœur, loin de la cupidité des autres. Et je voulais être ce souvenir pour elle, je voulais être cette partie indéchiffrable…

     

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    Alors que ses premiers gémissements arrivèrent à mes oreilles, je revenais vers son visage, parcourant la totalité de son ventre de mes lèvres, ma langue jouant sur sa poitrine et enfin son cou et y graver mes souvenirs, mes envies, mes espoirs…
    Finalement j’arrivais enfin à hauteur de son visage, elle enroula ses jambes autour de ma taille pour me débarrasser de mon pantalon qui couvrait ma nudité et mon désir pour elle. Elle ouvrit finalement les yeux et croisa mon regard embué de larmes que je ne cherchais plus à cacher, à quoi bon lui mentir maintenant alors qu’elle découvrira tout à son réveil. Elle monta alors une de ses mains sur mon visage, pour effacer alors les larmes qui y étaient encore installées.

     

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    - Tu pleures ? me demanda-t-elle alors, une ride d’inquiétude apparaissant alors entre ses sourcils.
    Je ne répondis à cette question que d’un sourire avant de l’embrasser sur le bout des lèvres tandis qu’une de mes mains glissaient dans ses cheveux épars de manière tendre et protectrice.

     

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    - Je t’aime Meredith, lui murmurai-je avec tout l’amour que j’avais pour elle tout en la regardant dans les yeux.
    - Je t’aime Aaron, me répondit-elle en fondant sur mes lèvres afin de me montrer son envie de poursuivre sa nuit au creux de mes bras.
    Et tandis que je lui transmettais tout ce que je ressentais par mes gestes, mes larmes redoublèrent sur mon visage sans que je puisse les en empêcher, mais ces dernières ne m’empêchèrent pas pour autant de continuer.

     

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    Je sais que j’ai dû l’intriguer cette nuit là, je sais que j’ai l’inquiétée, mais je sais aussi que je l’ai aimé, comme jamais avant je n’avais pu aimer. Parce qu’elle est mon ange, tout droit tombé du ciel, pour me sauver ce gouffre, dont je suis malheureusement aujourd’hui trop prêt…

     

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    Closer To The Edge !

     

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