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    - Non, non, non et encore non !  

    Un très long soupir fut poussé par les quatre autres membres des Alive!. Alana avait de nouveau enclenché le mode diva, et refusait de se plier aux souhaits de ses comparses. C’était plutôt habituel dans sa manière d’être, c’était même très fréquent. Alana avait toujours fonctionné comme une gamine capricieuse, et malgré son âge, ses proches qui tentaient de la raisonner, ou les rebondissements qu’elle pouvait vivre par ses caprices, rien n’y faisait : elle restait bornée. 

     

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    - Donc chacun rentre chez soi ce soir, finit par dire un grand brun à l’ossature massive, Grimm. Vu que sa majesté refuse de donner du sien pour la playlist de la rentrée. 

    - Franchement Alana, tu abuses, poursuivit un homme aux cheveux très clairs et le regard perdu dans le vague. Je ne vois pas ce que nos propositions n’ont pas de convenable. 

    - Tu ne vois pas ? rétorqua Alana. Ça te va bien de dire ça Samuel. Normal que tu n’y vois pas, t’es aveugle andouille. 

    La rousse qui se tenait un peu à l’écart du groupe se redressa et regarda Alana droit dans les yeux, et fronça les sourcils. 

    - Alana !  

    - Quoi ? Ce n’est pas comme si je venais de le lui apprendre, je t’assure que Sam est bien conscient de ne rien voir. Ne fais pas l’outrée Mindy, même toi tu le sais. 

    - Ce n’est pas le sujet. Tu pourrais parler plus correctement à Sam… 

    - Laisse tomber Mindy, souffla Samuel. Visiblement, la diva a ses règles aujourd’hui, elle n’est pas très baisante. Courage mec pour ce soir, ajouta-t-il à l’intention de Grimm. 

    - C’était super fin ça Samuel, bougonna Grimm.  

    - Stop ! 

     

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    La cinquième personne du groupe se leva du canapé et se mit en plein centre de la pièce, décidée à faire cesser ce combat qui ne menait à rien. Elle avait de très longs cheveux noirs, des yeux bleus perçants et une tête fort peu engageante. Tout le monde autour d’elle se tu et la regarda, Alana y compris. Elle s’adressa alors tour à tour aux présents autour d’elle, pointant un doigt accusateur vers eux. 

    - Toi, tu arrêtes de faire ta diva. Le groupe ne s’appelle pas « Alana et son boys band » donc tu n’as pas à décider par toi-même. Grimm, t’es le leader ou manager chez Mc Do ? Je ne sais pas, impose-toi plus que ça. Samuel, les blagues macho et misogynes tu te les carres au cul et démerde toi, j’ai plus de lubrifiant. Mindy, je t’adore, mais il va vraiment falloir que tu acceptes que Samuel n’y voie rien, c’est dur mais c’est comme ça. Bon, tout le monde est calmé, on peut reprendre ? 

    La diatribe de la brune avait fait retomber tout l’énervement du groupe, à l’exception d’un rire étouffé de Samuel. Visiblement, ce dernier avait apparemment du mal à se remettre de la blague du lubrifiant. Désespérant. La jeune femme poussa un soupir avant de se laisser de tomber sur le canapé où elle était assise quelques minutes plus tôt. Ses autres comparses se regardèrent les uns les autres en silence, attendant que quelqu’un se décide à réagir. 

     

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    Ce fut Alana qui se calma la première, et tous les regards se tournèrent vers elle. Elle se tourna vers la brune qui venait de les engueuler, et elle prit une longue et profonde inspiration. 

    - Ok, tu as raison Kaoline. Mais ne prends pas trop la confiance. Je veux bien mettre de l’eau dans mon vin et accepter votre prog. Mais si jamais ce sont ces ordures d’Ephéméria qui remportent la salle à la rentrée je … 

    - Alana ! gronda Grimm en la dévisageant. 

    - Quoi ? 

    - Si on bosse, il n’y a aucune raison pour qu’ils remportent la salle alors tu respires et on bosse sur la programmation. Assis. 

    Il s’empara d’un papier et d’un crayon, prêt à prendre les rênes de la discussion. Kaoline avait raison, et il n’avait pas spécialement apprécié de se faire traiter de responsable de Mc Do. Il avait une estime de lui un peu plus haute que ça. 

     

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    Après de longues minutes de réflexions et de débats en tout genre, ils avaient finalement réussi à faire leur programmation de cinq chansons pour le concert de la rentrée. Trois connues de leur public pour les chauffer au maximum, et deux nouveautés pour les faire hurler. Avec ça, l’applaudimètre n’allait pas résister. 

    - Donc, Mindy, toujours ok pour chanter ta compo ? lui demanda Grimm en relevant la tête vers la jeune rousse. 

     

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    Cette dernière, rougissante, se cacha derrière ses cheveux. Elle n’avait pas encore chanté en solo de toute sa courte carrière, et cette fois-ci, elle allait devoir faire le grand saut. Elle acquiesça cependant :  sa chanson était écrite depuis des mois, elle la connaissait sur le bout des doigts et rien ne pouvait mal se passer. 

    - Super. Donc on ouvre avec Alive, on enchaîne ensuite avec Dreamer, Cuz I can, Not Dead Yet et on les achève avec American Dream. Ça vous va ? 

    - Et moi ? Pas le droit de pousser la chansonnette ? lâcha Samuel à l’énumération des titres sélectionnés. 

    - Tant que tu n’auras pas pondu une chanson qui peut défoncer les Ephéméria, non, lui dit Alana de but en blanc

     

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    - Sérieux ? C’est comme ça que tu me voies ? Franchement, tu abuses … 

    - Moque-toi, même toi tu sais que tes chansons ne sont pas encore prêtes, tu nous le dis à chaque répète. Bon, allez, on se reprend. Je voudrais retravailler sur American Dream avant que chacun rentre chez soi. 

     Les autres membres du groupe acquiescèrent et se levèrent tous comme d’un même homme pour rejoindre la petite chambre d’amis de l’appartement qui avait été transformée en salle de répétition. Cette petite pièce était à la fois le plus grand atout et la plus grande faiblesse de Alive!. De par sa petite taille et son ameublement, elle avait une acoustique parfaite, mais elle était extrêmement petite et une fois chacun en place, il n’était plus possible de se déplacer sans se gêner. Elle se transformait assez rapidement en cocotte-minute et la condensation se formait dès les premières notes sur la porte vitrée et la fenêtre de la pièce. 

    Et ce soir, comme il était de coutume quand il faisait chaud, Grimm ouvrit la porte sur le jardin avant de s’installer à sa batterie. Ses autres comparses suivirent, et chacun à sa place, Alana réinstalla le micro au centre de la pièce, de façon à faire face à ses musiciens. 

     

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    - Hé ! Qui est-ce qui a encore pris mon piano pour un banc ? Sérieux les mecs, tout est encore déréglé ! 

    Alana et Grimm se regardèrent et échangèrent un regard complice, les joues légèrement rouges. Mais Kaoline, dos à eux, ne pouvait pas voir leur visage qui exprimait le flagrant délit. Samuel qui, contre toute vraisemblance, n’avait pas les yeux dans ses poches finit par lâcher une piste à l’attention de sa colocataire et claviériste du groupe : 

    - Suis mon regard, ils ne disent plus rien les deux coupables depuis que tu as ouvert la bouche. Grimm, je ne te savais pas si fétichiste des pianos. J’en apprends tous les jours. 

    - Déformation professionnelle : j’aime m’activer en musique. 

    - Eurk ! Moi, je joue plus. Qui sait sur quoi je vais mettre les doigts. 

    - Rooh, j’ai passé une lingette désinfectante, n’abuse pas, gronda Alana. La prochaine fois, tu ramèneras ton matériel chez toi, c’est tout.