•  

     

     Marine tournait en rond dans son luxueux appartement, rectifiant ici et là, ne sachant plus trop où donner de la tête. Il fallait que tout soit parfait, tout simplement, alors qu'elle sait qu'elle est plutôt Miss Catapostrophe pour ce genre de choses. Elle est contente, elle est excitée comme une puce, elle panique, et elle finit par assommer son invité avec le bouchon de la bouteille qui a décidé de faire son baptême de l'air, sans lui demander son avis au préalable.

     

     

     _ Ca va bien se passer, répéta-t-elle. Ca va bien se passer.

    Un dernier regard sur sa table, sur son canapé histoire de vérifier qu'elle n'y a pas laissé traîner un quelconque vêtement un tant sois peu gênant, ce serait pas nouveau. Il s'appelait comme déjà celui qui s'est endormi sur ses chaussettes sales, vieilles de deux semaines au moins ? Je crois qu'il vaut mieux oublier, n'est-ce pas ?

     

     

     Ding Dong

    « Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !! » cria intérieurement la jeune femme.

    Allez, on se calme, on respire, on met les pieds l'un devant l'autre gentiment et on ouvre la porte. On ouvre ? On ouvre !! Oui, mais la main de la brunette reste sur la clenche, peu décidée à ouvrir la porte blanche.

     

     

     _ Je sais que t'es derrière Marine, allez ouvre ! Dit une voix qu'elle ne se lassait pas d'entendre.

    Une voix dure, sûre d'elle, moqueuse. Celle d'un brun un peu trop prétentieux, un peu trop vantard, un peu trop sûr de lui, et un peu trop beau aussi. C'est vite lassant de voir son mec suivi du regard dans les rues, faut pas être jalouse dans ses moments là !

     

     

     Finalement, la jeune femme ouvrit la porte, sur le jeune homme de ses rêves, en tenue décontractée, emmitouflé dans une longue écharpe noire. Ses yeux brillaient de fatigue et de grosses cernes étaient là pour souligner la lourde soirée de la veille. Arf non, pas avec Emilie, il s'est dit qu'il valait mieux qu'il l'évite ces dernier temps, sa colocataire étant un poil exécrable. Non, lourde soirée passée au téléphone avec Sienna, qui ne connaît pas le décalage horaire.

     

     

     Tout ça pour lui dire qu'elle avait repris contact avec Kenningston, ce qui avait fait dire Nate à Sienna qu'elle n'avait pas grand chose dans la tête pour reprendre contact avec ses ex, ex qui en plus, lui avait dit de l'engueuler et de rappliquer dans les jours qui suivaient, avant que ce charmant jeune homme ne se fasse traiter de tous les noms d'oiseaux possibles et inimaginables.

    C'est son que l'on appelle plus couramment une meilleure amie dans tous ses états.

     

     

     _ Bonjour !! lâcha la jeune femme, enjouée.

    _ Salut toi, lui dit Nate en entrant dans l'appartement.

    La voix du jeune homme était douce et posée, aucune accroche dans sa voix, ce genre de voix à nous rendre gaga et hypnotisée.

     

     

     Il s'avança alors vers elle, un sourire malicieux sur son visage avant de l'embrasser tendrement, ses mains jouant sur le dos de la jeune femme, remontant le long de ses bras, fourrageant dans ses cheveux d'ébène. A cet instant, la jeune femme avait l'impression de revivre sa semaine passée, ballotée dans des tas d'endroits par Nate. Une semaine qu'elle range dans la catégorie des inoubliables de sa vie.

     

     


  •  

     

     C'était il y a cinq jours. Il pleuvait, comme quoi, ils avaient le don de toujours se revoir sous la pluie, entre l'ANPE et là, il s'étaient encore croisés deux fois, par temps pluvieux.

     

     

     Cette fois là, c'est Nate qui avait appelé la brunette. Ce n'était pas une rencontre de pur hasard, enfin, pur hasard, c'est vite dit. La demoiselle suivait Nate en douce avant de le croiser par inadvertance et de se faire payer le café, parce que la pluie « c'est pas chaud » comme disait Nate en riant.

     

     

     Ils s'étaient retrouvés devant le café près de l'ANPE, le même où Nate et Coleen s'étaient rencontrés. Cependant, les deux jeunes gens n'y entrèrent pas, préférant marcher sous la pluie. Après tout, une fois trempé, on ne fait même plus attention à l'eau qui nous tombe dessus, c'est même plutôt agréable.

     

     

     _ Où tu veux aller ? Demanda Nate.

    _ Hmmm, je sais pas trop. Je connais pas vraiment la ville alors, je me laisse guider, dit-elle en riant.

    _ Bah, suis moi, je vais te montrer quelque chose. Ca te gêne pas que ça soit dehors ?

    _ Euh, non.

    _ On est partis

     

     

     Nate tira la jeune femme par la main avant de l'entraîner dans les ruelles et les avenues, esquivant les voitures, sous les rires de cette dernière.

    _ Où est-ce que tu m'emmènes ?

    _ Si je te le dit, ce sera pas une surprise.

    _ J'aime pas les surprises Nate, dis moi …

    _ Nan.

     

     

     Finalement, les deux amis débarquèrent sur une place glissante, entourée de verdure, un lac tout proche. Le nombre de passants y était nul par cette pluie battante, ce qui arrangeait plutôt bien le jeune homme, ils seraient seuls, n'est-ce pas ce qu'il recherchait ?

     

     

     _ Qu'est-ce que ... s'intrigua Marine en scrutant les alentours.

    _ Tu m'as suivi, et je t'ai amené ici, dit-il en riant.

    La main de Marine quitta celle de Nate et la jeune femme se dirigea vers le plan d'eau.

     

     

     _ J'aime rester sous la pluie, dit Nate en la dépassant. Je suis arrivé là par hasard un jour de pluie, et j'ai trouvé ce lieu superbe.

    _ Oui, c'est très beau dit Marine, une fois qu'elle eût posé son parapluie, en évitant de regarder Nate, le regard perdu sur l'étendue lisse de la pièce d'eau.

     

     

     Nate attrapa la main de la jeune femme pour la retourner vivement.

    _ Pourquoi tu m'évites ?

    _ Pour rien, avoua la jeune femme. Pourtant, ses yeux disaient lui contraire et fuyaient sur la gauche.

    _ Regarde moi, insista Nate.

     


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    ♫ Ryan Cabrera - On The Way Down 

     

     

     Sick and Tired of this world

    There's no more air

    Trippin' over myself

    Goin' nowhere

    Waiting

    Suffocating

    No direction

    And I took a dive

     

     

     And on the way down

    I saw you

    And you saved me

    From myself

    And I won't forget

    The way you loved me

    On the way down

    Almost fell right through

    But I held onto you

     

     

     I've been wondering why

    It's only me

    Have you always been inside

    Waiting to breathe

    It's alright

    Sunlight

    On my face

    I wake up and yeah,

    I'm alive

     

     

     'cause on the way down

    I saw you

    And you saved me

    From myself

    And I won't forget

    The way you loved me

    On the way down

    Almost fell right through

    But I held onto you

     

     

     I was so afraid

    Of going under

    But now

    The weight of the world

    Feels like nothing, no, nothing

     

     

     Down, down, down

    You're all I wanted

    Down, down, down

    You're all I needed

     

     

     Down, down, down

    You're all I wanted

    You're all I needed

     

     

     And I won't forget the way you loved me

     

     

     All that I wanted

    All that I needed

     

     

     On the way down

    I saw you

    And you saved me

    From myself

    And I won't forget

    The way you loved me

    On the way down

    I almost fell right through

    But I held onto you

     

     

     Down, down, down

    But I held onto you

    Down, down, down

    But I held onto you

     

     


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    MaJ 15 (4)

     

     Au petit matin, à l'autre bout du globe, deux jeunes gens dormaient profondément, pour une nuit bien méritée, tous deux fatigués par des nouvelles plutôt difficiles à avaler pour le jeune homme.

     

    MaJ 15 (4)

     

     Kim avait alors décrété qu'elle resterait avec lui pour la nuit, pour lui montrer que les malheurs ont beau lui tomber toujours dessus tout le temps, il n'est pas tout seul, elle est là pour l'épauler.

     

    MaJ 15 (4)

     

     William ouvrit les yeux, regarda sa petite amie, toujours au pays des rêves, bercée par Morphée. Tendrement, il lui caressa ses avant bras dénudés, la tête totalement ailleurs, dans un pays un petit peu mieux, un petit peu plus simple, un peu plus merveilleux.

     

    MaJ 15 (4)

     

     La veille, Mikael s'était rué ici, ça se voyait. Le feu aux joues, les cheveux encore plus en pagaille, la respiration saccadée.

    Cette attitude avait automatiquement affolé William, qui ne tournait plus rond depuis qu'il avait appris que sa petite sœur, sa précieuse Julia, son petit ange, attendait un enfant de leur père.

     

    MaJ 15 (4)

     

     Julia était cloîtrée chez elle.

    Voilà les nouvelles que Mikael avait apportées.

    Il les tenait de source sûre.

    Cela faisait plusieurs jours qu'elle ne venait plus travailler, au grand damn de Mikael qui n'espérait plus pour la voir, c'était devenu leur rendez-vous quotidien.

     

    MaJ 15 (4)

     

     Or, elle ne venait plus.

    Kris avait été formel : Harry avait annulé le travail de sa fille, elle n'avait plus le droit de sortir. Apparemment, il avait compris le manège de sa fille et de Mikael.

     

    MaJ 15 (4)

     

     Et William se prenait la tête. Il ne savait pas où était sa sœur, comment elle allait, ce qu'elle faisait. Et rien que d'imaginer ce que leur père pouvait lui faire, il en était malade.

     

    MaJ 15 (4)

     

     Mais ce qu'il ne comprenait pas, c'était l'étrange sentiment qui l'envahissait quand il pensait à Julia. Il ne cessait de parler de SA Julia, comme si elle lui appartenait. Il ne pensait plus qu'à elle, son histoire avec Mikael le rendait jaloux comme pas possible. Il ne comprenait pas ce qui pouvait le raccrocher autant à Julia, pour ne penser qu'à elle tout le temps.

     

    MaJ 15 (4)

     

     Bien entendu, il n'a jamais parlé de tout ça à Kim.

    Qu'est-ce qu'elle comprendrait ? « C'est normal, c'est ta sœur quand même ! » voilà ce qu'elle dirait.

    Pourtant, c'est tout sauf un lien fraternel qui le poignarde comme ça, et il refuse de croire que c'est un sentiment amoureux, parce que justement, c'est sa sœur, il a grandi avec elle, il a partagé ses rires et ses peines.

     

    MaJ 15 (4)

     

     Alors, il se lève de son lit, bien décidé à chasser ses idées noires de sa tête. La brunette se réveille doucement à son tour, en silence, respectant la tristesse de son compagnon. Elle ne cherche pas à comprendre, elle ne comprendrait pas, elle le sait.

     

    MaJ 15 (4)

     

     Alors, elle se lève, et le suit dans la cuisine, avant de le prendre dans ses bras, par derrière, lui montrer qu'elle est là, et qu'à deux, on est toujours plus forts.

     

    MaJ 15 (4)

     

     Plus forts, oui, mais contre quoi ?

     

    MaJ 15 (4)

     


  •  

    MaJ 15 (5)

     

    Un peu plus tard dans la journée, une discussion animée se déroulait dans un bâtiment à l'abandon de Maple Street, et largement occupé, et squatté, par Spencer Jekyll. Ce jour là, il avait finit par recevoir sa visite. Habituellement, il ne prenait pas la peine de venir jusqu'ici. Il utilisait un téléphone prépayé pour lui donner ses instructions, ou lui donner les différents points de retraits possible de sa marchandise.

    S'il se déplaçait, c'est que quelque chose se passait. Ou qu'il avait besoin de quelque chose de toute urgence.

    Spencer état habitué. Cela faisait sept ans qu'il travaillait pour lui. Il savait très bien comment il fonctionnait. Et bien qu'il s'y soit habitué, qu'il se soit fait une raison et qu'il obéissait sans broncher, ces derniers temps, il appréhendait de plus en plus ses appels ou ses visites.

     

    MaJ 15 (5)

     

    - Ecoute, j'en ai rien à cirer de tes états d'âme. Tu n'as qu'un seul boulot à faire, et j'aimerais que tu t'y appliques avec un peu plus de soin. Et pour ce qui est de la came, non, je ne peux pas te fournir plus, lança l'homme âgé.

    Spencer soupira, mais ne lâcha pas son regard de celui de son interlocuteur. Il savait qu'il pouvait se le permettre. Beaucoup avaient peur de lui, mais de son côté, ce n'était absolument pas le cas. Enfin, ça c'était avant qu'il ait quelque chose de précieux à perdre.

    - Je n'ai pas le temps, fit finalement Spencer. Pas en ce moment. Les flics rôdent de tous les côtés, ils savent très bien ce qu'il se passe. Je peux même te confirmer qu'ils se sont infiltrés dans nos rangs. On a une taupe Jack. Et je n'ai pas envie de me faire coffrer pour quelque chose qui peut attendre. Alors je reste sur la came, et pour le moment, ça marche. Démerde toi pour m'en fournir plus, c'est tout.

     

    MaJ 15 (5)

     

    Jack fulmina, gronda et se mit à faire les cents pas dans la pièce. Lui aussi avait bien vu que ça s'agitait dans tous les sens au commissariat. Mais il espérait que ce n'était que de la poudre aux yeux, et que les autorités feignaient d'être sur une piste pour qu'ils fassent un faux mouvement pouvant trahir leurs positions. Mais visiblement, les flics n'étaient pas si malins que ça, et ça n'arrangeait pas ses affaires.

    Spencer quant à lui, resta calme. Ayant dit ce qu'il avait à dire, il avait retrouvé sa sérénité et son impassibilité naturelle. Son visage n'exprimait rien, si ce n'est de la neutralité et de l'indifférence, avec une pointe de détermination. Car il en fallait pour tenir tête à Jack.

     

    MaJ 15 (5)

     

    Finalement, Jack s'immobilisa et se tourna vers Spencer, main sur le menton, passant ses doigts sur le chaume sombre de ses joues. Il n'avait pas le choix. Il devait se faire discret, et ça le rongeait de devoir écouter les conseils d'un gamin.

     - Je vais voir ce que je peux faire pour la came, soupira le plus âgé. Pour le reste, garde profil bas et tends l'oreille. Rapporte moi la moindre information qui peut m'être utile. Tu as toute ma confiance sur le sujet.

    - Evidemment, confirma Spencer. 

     

    MaJ 15 (5)

     

    Jack esquissa un petit sourire. Il l'avait vu. Il avait vu la lèvre inférieure de Spencer tressauter et ses doigts pianoter sur sa cuisse. Il était nerveux. Et il ne l'avait jamais vu comme ça. Il lui cachait quelque chose. Et ce gamin, il l'avait presque élevé. Impossible qu'il lui cache quoi que ce soit, et tel un parent attentif, il ne mit pas longtemps à comprendre ce qui stressait son petit protégé.

    - Tu as eu le temps de te trouver une copine, c'est ça ? Je comprends mieux ta réticence au risque, tu n'y prêtais guère attention auparavant. Fais ce que tu veux de ta vie, mais obéis si tu ne veux pas qu'il lui arrive quelque chose. Et pas la peine de la cacher, je vais connaître son nom plutôt rapidement.

     

    MaJ 15 (5)

     

    Spencer se raidit. Qu'avait-il pensé en voulant sortir avec Andy ? Evidemment que Jack n'allait pas rester sans savoir. Il avait le bras bien assez long, et il était bien placé pour le savoir. Et son sang se glaça quand il réalisa que Jack était à deux doigts de connaître l'identité de sa petite amie. Il se frappa mentalement, se sentant d'une débilité sans faille. Il avait pourtant fait la morale à Julian des semaines plus tôt en lui disant que fréquenter une Thatch, c'était la condamner à mort sans passer par la case explication. Et il venait lui même de la condamner à mort. Parce qu'il avait eu le culot de ressentir des sentiments pour elle.

    Mais il n'avait plus rien à faire. La plaquer ? Ca n'empêcherait pas Jack de savoir qui elle était, et de l'utiliser contre lui. Il s'était adoucit, et il devait faire en sorte de reprendre de l'aplomb. Aussi bien pour lui, que pour elle. Car il savait très bien que les menaces de Jack n'étaient jamais lancées en l'air, et il le savait bien capable de faire le travail lui même. 

    Après tout, ça recoupe les rumeurs qui circulent à son sujet dans le milieu.

     

    MaJ 15 (5)

     

    Jack aurait tué sa femme, devant ses enfants, parce qu'elle l'avait trahi.

     

    MaJ 15 (5)

     

    Finalement, après une tape sur l'épaule de son "protégé", Harry Mayers, Jack, prit congé, laissant Spencer seul avec ses pensées, et ses craintes. Bien évidemment, personne ne connaissait son nom. Pour Spencer, l'homme avec qui il venait de discuter s'appelait Jack. C'est ainsi que tout le monde l'appelait. C'est sous ce nom qu'il était craint, et qu'il était connu comme le parrain de la pègre locale. 

    Et Spencer était une des nombreuses mailles qui constituaient ce filet géant qui tombait doucement sur Houlton.