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    La journée de cours était finalement passée assez vite, et avant que je dise ouf, la cloche sonnait la fin des cours. Enfin. Heaven et moi sommes donc rentrés à pied chez elle, puisque quitte à passer le moins de temps chez moi, autant que je le passe devant la télévision de quelqu'un d'autre.

     

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    - Au fait, me dit-elle alors qu'on remontait les escaliers de la station de métro en bas de chez elle, tu crises pas.
    - Me dis pas que …
    - Je suis désolée ….
    Calme, restons calme. Ça ne va servir à rien de criser, sinon, à se faire remarquer. Et c'est pas spécialement ce que j'ai envie de faire à l'instant.

     

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    - Ils sont là à quelle heure ? Demandai-je, feignant l'impassibilité.
    - Elden doit passer chez lui, mais il sera le premier arrivé je pense. Donc, disons, dans vingt minutes mini, une heure grand maxi.
    - Je me casse dès qu'il pointe sa face de cul.
    - Aaron ! S'offusqua-t-elle.
    - Tes potes me pompent l'air.
    - Tu as déjà essayé de leur parler au moins ?
    - Non. Et j'en ai pas envie.

     

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    Sans que je ne me rende compte, nous étions déjà arrivés devant la porte de son appartement, au deuxième étage du bâtiment de pierres.
    Elle tourna vivement la clé dans la serrure, avant de pousser la porte, et de balancer son sac dans un coin de la pièce.
    - Tu connais le refrain, fais comme chez toi.

     

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    Je ne me fis pas prier plus longtemps avant de balancer mon sac auprès du sien, et de m'affaler sur le canapé, pieds sur le canapé, comme la grosse limace que je suis.
    Heaven ne tarda pas à me rejoindre, et s'installa à côté de moi, avant que je ne la chope par les hanches pour la forcer à s'asseoir à califourchon sur moi, comme quand on était gosses.

     

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    - Aaron ! s'offusqua-t-elle.
    - Quoi ? Ca ne te gênait pas que je fasse ça avant.
    - Nan, mais Aaron, s'il te plaît ...
    - Je croyais qu'il n'y avait pas d'ambiguités entre nous. Tu m'expliques ta réaction là ?
    - Je ... On n'a plus quinze ans Aaron.
    - Je sais, c'est pas ça qui va m'empêcher d'installer ma meilleure amie sur mes genoux.

     

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    - Ca n'a plus le même sens aujourd'hui de faire ça, tu le sais.
    - Qu'est-ce que tu vas me chanter là ? On est là, tranquilles, que tous les deux. Où est le mal ? T'es ma meilleure amie, et si je veux te prendre sur mes genoux, je le fait, c'est tout.
    - Ca n'a plus le même sens à mes yeux...
    - Et il s'appelle comment ? finis-je par dire en plantant mon regard dans le sien.

     

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    La brunette m'esquiva, et voulut se défaire de ma prise, c'était sans compter sur ma détermination, et elle était bloquée là, sur mes genoux, à rien pouvoir faire d'autre que de m'expliquer.
    - Allez couillone, il s'appelle comment ?
    - Car tu crois que je vais te le dire ?
    - Bien sûr. Ca fait partie des serments entre meilleurs amis. A la vie, à la mort, on se dit tout, aucun secret l'un pour l'autre ...

     

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    Elle planta son regard dans le mien, et une étrange sensation m'envahit, et nous sommes bien restés cinq minutes à nous regarder en chien de faïence, sans que rien ne se passe, juste nos regards l'un dans l'autre.
    Je n'avais jamais rien ressenti de tel, jusqu'à ce que ma mémoire reprenne le dessus, en me balançant à la figure des passages de mon adolescence, passage que j'aurais bien aimé effacer.

     

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    - Recule-toi, dis-je d'un ton sec en évitant son regard.
    - Aaron ?
    - Recule-toi.
    La brunette s'exécuta, incompréhensive sous mes ordres, tandis que je rabattais mes jambes sous moi, m'asseyant en tailleur sur le canapé, essayant d'oublier ce que ma mémoire me rappelait.

     

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    - Qu'est-ce que t'arrive Aaron ? me demanda-t-elle.
    - On ne doit pas jouer avec les sentiments Heaven.
    - Aaron ? Tu es sûr que ça va ?
    - Je vais rentrer. Tes moisis vont pas tarder.
    Je décidai de me lever, et attrapai mon sac de cours, avant que la brunette ne me rattrape devant la porte de son appartement.

     

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    - Aaron. Qu'est-ce qu'il y a ?
    - Le mec, pas la peine que je cherche, je sais que c'est moi. Mais ne joue pas avec moi Heaven. Tu vas te faire mal.
    - A...
    - Il n'y a pas de Aaron qui tienne. On se voit demain en cours.
    - Tu vas où ?
    - Je file squatter la télé de Drew. A plus tard, fis-je finalement en l'embrassant sur la joue avant de claquer la porte et de descendre les escaliers.


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    - Tu es là ? demandai-je à l'interphone. C'est Aaron.
    Je lâchai ma main du bouton, et attendis une réponse de la part de ce crevard. Oui, je sais, je suis très amical dans mes surnoms.
    - J'arrive !
    Youhou, je suis pas seul au monde ! Quoi ? y a pas de quoi sauter au plafond ? Tssss...

     

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    La porte s'ouvrit et Drew la passa, le feu aux joues. Me dîtes pas que je tombe quand monsieur batifole ?! Ce serait un comble.
    - Salut.
    - Re-salut je dirais même, fis-je. On s'est vus ce matin. Je te dérange ?
    Le blondinet piqua un fard, et lui qui d'habitude est si fier, le voilà tout démuni. Pas la peine de faire un dessin pour comprendre que sa petite amie est en haut.

     

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    - C'est pas grave, je repasserai.
    - Je croyais que tu passais la soirée chez Heaven ?
    - Brouillage. Je vais passer la soirée avec Raise. Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas battu. A demain. Et fait pas de conneries avec ...
    - Zupprika. Tu pourrais faire l'effort de retenir son prénom, non ?
    - Désolé, trop complexe pour moi, à demain.

     

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    Finalement, je me suis retrouvé seul dans la rue, en direction de chez moi.
    Je rentrais le pas traînant, sans aucune grande envie de rentrer dans l'appartement moisi qui me sert de lieu d'habitation, encore moins de passer devant mon père, plein comme une outre devant son match de foot.
    Je m'arrête, et contemple le ciel bleu.
    Il y a des jours, j'espère trouver une vie meilleure ailleurs.

     

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    Mais mon quotidien, c'est la guerre.
    Guerre contre ma maladie, contre mes parents, contre mes souvenirs.
    Alors, je mens, j'avance, je construis une carapace autour de moi, et je fais semblant de vivre, histoire de ... profiter de ce qu'il me reste à vivre.