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    Xander marchait, le pas las, tapant dans les gravier sur son chemin pour rentrer chez lui, ayant fui la salle de cours puis le lycée dès que la sonnerie de la fin de la journée retentit pour annoncer aux élèves qu'ils pouvaient rentrer chez eux avec plaisir, afin de faire leurs très nombreux devoirs pour le lendemain, dernier jour avant le week-end. Et le jeune homme en avait parfaitement saisi l'occasion, pour empêcher son meilleur ami, Emilien, de le caser avec Charlie, une élève de leur classe, rouquine, très mignonne, mais un peu trop fille pour Xander. Il se disait qu'il avait assez de sa sœur à piailler à la maison, pas besoin d'en rajouter une couche avec une amie, voire une petite amie. Il tenait à sa santé mentale.
    De fait, il est vrai qu'il s'en voulait un peu d'avoir lâchement planté son meilleur ami comme un poireau dans le potager, mais c'était la meilleure chose à faire semblait-il. Pour lui, l'annonce du déménagement d'Emilien était quelque chose d'assez dur à supporter, alors il avait pas besoin de distraction supplémentaire, s'ils pouvaient rester juste entre potes tous les deux, Dieu que ça l'arrangerait. Mais voilà, Emilien est trop bonne pâte, un véritable samaritain, et il était donc impensable de laisser son meilleur ami, seul une fois qu'il fut parti.

     

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    Tous deux se connaissaient presque depuis leur naissance, à croire qu'ils auraient pu être portés par la même mère, à la seule différence que Xander n'était pas né dans cet état, mais dans le Maine, une contrée rude et relativement glaciale comparé à l'état de New York. Il connaît même sa ville d'origine, mais franchement, pour lui, c'est rien qu'un mot écrit sur un bout de papier. Puis, il a atterrit en orphelinat, où Sarah et Alexis Thompson l'ont adopté, et le voilà alors ici, dans une ville pommé autour d'Albany. L'histoire d'Emilien était plus complexe d'un certain côté. Il n'a pas été adopté, certes, mais il n'a pas de père pour autant. Sa mère, Meredith Enoran a décidé que faire un enfant seule, c'était bien mieux et provoquait moins de complications. Alors Emilien est né à Albany, et ils ont été dans la même crèche durant leur petite enfance. Fin de leur merveilleuse rencontre qu'ils n'ont pas su apprécier, bien trop jeunes pour réaliser que ça allait changer leurs vies à jamais. Parce que désormais, pour Xander, une vie sans son meilleur ami depuis plus de quinze ans n'était pas envisageable. Il ne vous l'avouera jamais, mais il a passé sa journée de cours à trouver mille et une astuces pour suivre Emilien, ou pour le forcer à rester à Albany. Avant de se résigner, les choses étaient ainsi faites. Il se retrouvera tout seul jusqu'à ce que Emilien revienne, ou qu'il décide de prendre son envol pour Bloomington à son tour, quand il aura l'âge, et surtout, le courage de le faire, ce qui est loin d'être gagné avec un tel trouillard.
    _ Alexander ! Entendit-il derrière lui.

     

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    Il se stoppa net, écoutant le bruit des pas sur le pavé, mais ne se retourna pas. Cette voix, il ne la connaissait pas, ou peu, du moins, il ne put associer de visage à cette voix féminine. Après quelques instants, le bruit de course se stoppa, et le jeune homme se douta que quelqu'un, une fille plus particulièrement, se tenait dans son dos, juste à l'instant. Il déglutit avec difficulté, il n'était vraiment pas d'humeur à discuter avec une parfaite inconnue, il allait rougir, bégayer, se mettre à paniquer, voir même à pleurer, dans le pire des cas.
    Une main se posa sur son épaule, et un terrible sursaut lui parcourut l'intégralité du dos. Haletant de frayeur, il se retourna avant que ses pupilles vertes ne rencontrent celles dorées de la jeune femme, encadrées par un fin trait noir. Son regard resta ainsi figé sur celui de l'inconnue, sans qu'il ne puisse rien y faire, paralysé par la peur.

     

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    _ Alexander ? Reprit la voix.
    _ C'est Xander.
    Il ne s'était même pas entendu lui répondre. Il ne se savait même pas capable de parler à l'instant. Il secoua fébrilement la tête pour quitter les yeux de l'inconnue, pour la regarder plus largement, et réaliser qu'elle était très « fille » avec ses cheveux rouges très longs et sa dose de maquillage.
    _ Pardon, je croyais que c'était un diminutif.
    _ C'est Xander, répéta-t-il, bégayant.
    _ Oui, je crois que j'ai compris. Moi c'est Charlie, on a cours ensemble.
    Elle tendit la main vers lui, comme n'importe quel geste amical entre deux personnes qui se présentent, mais le jeune homme se contenta de fixer la dite paume, souriant en voyant la ligne de vie cahoteuse qui y était dessinée. Sa propre main resta ballante le long de son corps, et après un blanc assez lourd, Charlie finit par rapatrier sa main le long de son corps, se rendant compte que Xander ne la lui serrerait jamais.

     

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    _ On peut rentrer ensemble ? Demanda-t-elle.
    _ Pardon ?! S'estomaqua aussitôt le brunet, persuadé d'avoir mal compris.
    _ On habite dans des maisons voisines, on peut bien faire le trajet ensemble, non ?
    _ Non !
    Charlie sursauta à ce « Non » venant droit du cœur, quelque peu surprise d'une telle hargne prononcé par le jeune homme, pourtant si calme et réservé d'habitude. Elle ne se laissa pourtant pas marcher sur les pieds par la timidité impressionnante et haineuse de son camarade de classe.

     

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    _ Emilien m'a dit qu'il déménageait, et que tu allais donc, par conséquent, te retrouver complètement seul vu que tu n'as que lui comme pote, je me suis permise de te suivre.
    _ Pour te vendre comme potentielle amie ?
    _ Me vendre, me vendre, c'est vite dit hein, j'ai pas une étiquette sur le front qui stipule que j'ai besoin d'amis au point de me vendre tu sais.
    Xander haussa les épaules et continua sa route, ne voulant pas poursuivre une seconde de plus cette conversation qui commençait à l'agacer au plus haut point. Il connaissait un Emilien Enoran qui allait entendre parler du pays dès le lendemain, et ce ne sera pas en termes élogieux. Comme s'il avait besoin que son meilleur pote se prenne pour un mac à envoyer des filles pour s'occuper de lui.

     

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    _ Je te propose juste de pas rester seul dans ton coin et de venir avec nous, finit-elle par dire en regardant le dos de Xander s'éloigner.
    Ce dernier se contenta simplement d'un haussement d'épaules, et poursuivit son chemin, abandonnant ainsi Charlie derrière lui. Il ne voulait pas en parler, ni même lui répondre, bien que cette proposition lui avait quelque peu fait plaisir. Mais le fait de savoir que c'était Emilien qui était à l'origine de cette manipulation lui plaisait beaucoup moins, et ternissait quelque peu l'idée de devenir un être parfaitement sociable. Elle ne fit rien de plus, préférant rebrousser chemin et laisser Xander seul avec lui même.

     

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    Celui-ci attrapa d'ailleurs son téléphone portable, et rédigea à la va-vite un message à destination de son meilleur ami, au sujet d'un très clair manque de savoir vivre, de son attitude totalement sans gêne et de sa non-nécessité d'une petite amie, encore moins de Charlie parce qu'elle a une tête d' « hypocrite et ça se voit de loin que tu l'as forcée à me parler ». Nan mais c'est vrai quoi, il y a certaines limites à ne pas dépasser. Quelques secondes plus tard, son téléphone vibra dans sa poche, avec un très court mot d'excuse de la part de son meilleure amie, ainsi qu'une assez brève justification.
    « Mais elle a flashé sur toi, elle voulait que je lui arrange le coup. T'es con ! »
    _ Bah tiens …