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    Quelques jours plus tard …

     

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    Georg avait le visage rivé sur l’écran des arrivées devant ses yeux. La gare était bondée et la foule s’agitait de tous les côtés. Mais il avait réussi à trouver une place et ne bougeait plus. Seul l’écran devant ses yeux avait de l’importance à ses yeux à cet instant.

    A quelques jours du début des vacances, la ville était en effervescence. Les locaux filaient déjà vers des contrées plus hospitalières pour passer l’été, et le jeune homme avait bien eu du mal de se frayer un chemin jusqu’à la gare. Il avait même cru un court instant faire partie du casting d’un film d’action à essayer de courir sur les trottoirs en évitant les passants. Il ne pouvait pas manquer ce train. Hors de question.

    Finalement, quand il arriva à la gare, il soupira de soulagement en réalisant qu’il avait de l’avance. Il se posa alors, essayant de reprendre sa respiration, non sans quitter cet écran. Arrivée prévue dans deux minutes. Seulement deux minutes. Deux minutes d’intense pression.

     

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    « Le train TER numéro XXXX va entrer en gare voie C. Merci de vous éloigner de la bordure du quai »

    Georg sauta aussitôt sur ses pieds et se rua hors du hall. Au moment de traverser les voies, il regarda au loin, le long des rails. Le train approchait, et son cœur s’emballa dans sa poitrine. Ses mains se firent aussitôt moites et un froid intense le parcourut de part en part. Autant le dire clairement : il était bouffé par le stress et l’appréhension. Et il ne s’attendait clairement pas à ça.

    Il avait encore quelques instants avant que le train ne l’empêche de traverser. Il sauta au-devant du train pour traverser les quais, et se prit aussitôt un sifflement de la part de la locomotive pour son geste totalement inconscient. Il n’y prit guère attention. A la place, il sortit son téléphone portable, et relut son dernier message.

     

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    « Voiture 16 ».

    Il regarda alors les wagons défiler devant ses yeux, un a un. Vingt-et-un. Vingt. Dix-neuf. Pourquoi il était si lent ce train ? Dix-huit. Dix-sept. Seize ! Il leva aussitôt le nez vers les vitres, espérant y voir quelqu’un qu’il pourrait reconnaitre. Mais les vitres légèrement fumées de l’habitacle l’empêchaient de discerner quoi que ce soit. Des silhouettes oui, mais rien de plus.

    Plus les secondes s’égrenaient, plus il mourrait d’impatience. Il tapait du pied, ses doigts s’agitaient sur sa cuisse, et il regardait son téléphone toutes les deux secondes. Pas de message. Evidemment, pas de message. Elle allait descendre du train à l’instant, elle n’allait pas perdre son temps à lui envoyer un message.

     

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    Il préféra alors se concentrer sur la porte du wagon d’où commençait à descendre des gens, au compte-gouttes. Plein de gens. Et surtout plein d’inconnus. S’était-il trompé de train ? D’heure ? de jour ? Ou alors elle n’était jamais arrivée jusqu’à Bordeaux ? Elle avait changé d’avis ? Elle …

    - Georg-Kaitlin, derrière-toi.

     

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    Il fit aussitôt volte-face. Elle était là, derrière lui, avec un sourire radieux et les traits tirés. A sa vue, il ne put s’en empêcher à son tour, et il sourit un peu béatement. Emma était finalement arrivée ici, en France, à Bergerac. Elle avait le visage fatigué par ses multiples correspondances et avion ou trains, ses cheveux étaient ramenés à l’arrière de sa tête et des mèches s’en échappaient. Et finalement, la jeune femme laissa tomber sa valise au sol pour sauter dans les bras de son petit-ami. Le jeune homme la réceptionna aussitôt, reculant d’un pas pour ne pas perdre l’équilibre. Elle était là. Dans ses bras.

     

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    Il resserra alors d’autant plus son étreinte autour d’elle, la soulevant du sol, sous les regards parfois admiratifs et surtout ahuris des passants. C’est vrai qu’en France, les effusions ça restait au cinéma, pas sur les quais de vraies gares. Mais il s’en fichait royalement. Il était désormais l’homme le plus heureux du monde.

    Il reposa alors sa petite amie au sol, et prit doucement son visage entre ses mains, avec toute la délicatesse possible, comme s’il craignait de la briser. Emma pencha sa tête sur la droite, appuyant sa joue contre la main de Georg, fermant les yeux, et la bougea doucement pour sentir la caresse de sa main sur son visage.

    - Tu m’as manqué, lui dit-elle finalement sans ouvrir les yeux.

     

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    Et pour seule réponse, Georg s’empara alors des lèvres d’Emma, sous les applaudissements des badauds qui continuaient de les regarder en riant et tout sourire. Visiblement, même si les français ne pratiquaient pas ce genre d’effusions, ils en appréciaient malgré tout le spectacle.

    Emma enroula alors ses bras autour de la nuque de Georg, se hissant sur la pointe des pieds pour se rapprocher d’autant plus de lui, de sentir sa chaleur contre elle. C’est maintenant qu’elle se trouvait dans ses bras qu’elle réalisait à quel point il avait pu lui manquer. Elle ne voulait même pas essayer de se séparer de lui, ce serait beaucoup trop dur. Ils devraient alors trouver une solution.

    Mais cette solution devra attendre. Car à l’instant, elle n’avait pas envie de penser à son départ pour son roadtrip en Europe. Elle voulait profiter à deux cents pour cent de son petit ami, de ses vacances en France et du simple plaisir de l’avoir retrouvé.

    Six semaines de rêve se profilaient, et ils devaient absolument en profiter.