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    - C’était le dernier carton.

    Kellan le posa à côté des autres et se laissa tomber dans le canapé du salon, tout en soufflant, tel un ballon de baudruche se vidant de son air. Il avait les jambes étendues devant lui, sa tête balancée en arrière du canapé et il fixait le plafond. Il n’aurait jamais imaginé que trois paires de chaussettes et deux tee-shirts pouvaient peser aussi lourd. Il allait vraiment falloir que Xander apprenne à évaluer les poids et les quantités, car là il n’y était pas du tout.

    Et en parlant du loup, le voici qui arrivait avec une bière décapsulée dans chaque main. Il les posa sur la table basse devant Kellan, et après lui avoir donné un gentil coup de pied dans le mollet pour lui faire ranger ses jambes, il se laissa tomber à côté de lui, dans à peu près le même état d’harassement.

    - Aux dernières nouvelles Xan’, trois chaussettes et deux tee-shirts ça passe dans une valise cabine. Et vu l’état de mon dos, je peux t’assurer que j’ai déménagé bien plus que ce qui était prévu.

     

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    Xander tourna la tête vers Kellan, la mine boudeuse. C’était une expression : il n’avait jamais eu l’intention de n’apporter que trois morceaux de vêtements ici, ce serait plutôt difficile de tenir avec si peu. Petit point qu’il devait noter au sujet de Kellan : celui-ci prenait visiblement tout au pied de la lettre.

    - Tu pensais vraiment que je n’aurais que trois fringues à déménager ? lui demanda Xander, affichant toujours la lippe.

    - Oui. C’est ce que tu m’avais dit.

    Le blond leva les yeux vers Xander sans bouger pour autant de sa position de profonde lassitude. Il étira simplement ses jambes devant lui, reprenant sa posture initiale d’avant l’arrivée de Xander. Ce dernier leva les yeux au ciel face à la réaction de son petit ami et il attrapa la bière devant lui avant de boire une longue gorgée désaltérante.

     

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    Initialement, c’était ses parents et Emilien qui auraient dû l’aider à s’installer. C’est ce qui était prévu depuis de nombreuses semaines, et tout le monde était préparé à cette idée. Cependant, depuis qu’il était avec Kellan, il s’était dit que c’était probablement l’occasion de passer un peu de temps seulement tous les deux. D’ici la rentrée en septembre, il ne leur restait que quelques semaines puis chacun allait reprendre sa vie à des kilomètres loin de l’autre. Alors si leur histoire se transformait en amour de vacances, il se disait qu’ils en auraient au moins profité au maximum.

    D’un autre côté, il était quasi persuadé que Kellan, bien qu’enthousiaste au départ, avait désormais une furieuse envie de le tuer, ou de l’éviscérer, suite au calvaire qu’il avait dû subir. C’est vrai qu’avec une ou deux paires de bras en plus, le déménagement aurait été bien plus facilité.

    - Désolé, dit alors Xander en se tournant vers Kellan après avoir posé sa bouteille sur la table.

    - De ?

    Le blond se redressa pour regarder Xander. Il haussa un sourcil, se demanda bien ce que celui-ci allait encore lui inventer.

    - De n’avoir demandé qu’à toi pour le déménagement. Ça aurait été plus facile si ma famille m’avait aidé comme prévu.

    - Certes, ça aurait été plus facile. Je suis d’accord sur ce point, mais t’as pas à t’excuser, parce que s’ils avaient été là, je n’aurais jamais pu faire ça.

     

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    Aussitôt, il s’approcha de Xander et l’embrassa. Ce dernier sourit et posa sa main contre la nuque de Kellan, glissant ses doigts dans les cheveux à la base de sa nuque. Il sentit d’ailleurs le sourire de Kellan contre ses lèvres, et pour l’empêcher de rire il entrouvrit la bouche comme une invitation à se taire et à s’appliquer. Ce qu’il fit, au plus grand plaisir de Xander.

    - Bon, ok, t’as raison, dit finalement Xander une fois qu’il se fut détaché des lèvres de Kellan.

    - Quoi ? Tu ne vas pas me dire que tu n’y avais pas pensé ?

    - Hein ? De quoi ?

    - Tu ne m’as quand même pas demandé de venir porter tes cartons parce que je suis plus musclé que ton meilleur pote et que tu avais peur qu’il se pète le dos ?

    - Ah ! Non. C’est parce que je voulais passer du temps avec toi.

    - Alors pourquoi tu t’excuses ? Je suis content de passer du temps avec toi. J’en ai peut-être plein le dos, mais rien qu’une douche chaude ne soit capable de réparer, donc t’as pas à t’excuser.

     

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    Il releva alors un peu la tête et embrassa Xander sur le front. Ce dernier rougit légèrement, peu habitué à ces marques d’affection gratuites. Kellan recula ensuite, s’étira et récupéra la bouteille de bière que Xander lui avait ramené. D’abord une bière, et la douche ensuite.

    Le téléphone de Xander sautilla dans sa poche, et il s’en empara pour regarder la notification qu’il venait de recevoir. Il ne dit rien, lisant avec un calme olympien le message qu’on venait de lui envoyer, puis il verrouilla son téléphone avant de le poser sur la table basse.

    Kellan n’avait pas raté une miette de ce qu’il venait de se passer, regardant du coin de l’œil Xander lire son message et se figer. Ce n’était peut-être pas visible au premier coup d’œil, mais il l’avait vu faire cette tête assez régulièrement ces derniers jours pour réaliser que ces notifications le contrariaient. Et le téléphone de Xander recevait beaucoup de notifications.

     

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    - Tu ne veux toujours pas me dire ce qui te tracasse ? demanda Kellan en buvant une gorgée de bière.

    - Y’a rien. Tout va bien, lui répondit le brunet, les yeux un peu ailleurs.

    - Je t’ai dit que ça ne servait à rien de me mentir. Ton visage est un vrai livre ouvert, et tu es contrarié à chaque fois que tu regardes ton téléphone. Il se passe quelque chose.

    - Mais non. C’est juste de la pub.

    Kellan reposa la bouteille sur la table basse et se tourna vers Xander, le visage fermé et le regard décidé. Il se redressa alors, et passa une jambe de chaque côté des cuisses de Xander, pour l’empêcher d’esquiver et parce qu’il était absolument décidé à obtenir une réponse.

    - Hé ! Je peux savoir ce que tu fais ?

    - J’attends des réponses, lui dit Kellan très simplement. Pourquoi tu ne veux pas me dire que ça ne va pas ? Tu sais bien que je ne vais pas te juger, au contraire.

    - Je sais, souffla Xander en baissant la tête. C’est juste que je veux arrêter d’y penser …

    Il se pencha vers Kellan et posa son front contre son torse, sans rien ajouter de plus. Interloqué, Kellan passa une main dans les cheveux de Xander. Il était clair qu’il se passait quelque chose de grave, et Kellan commençait à s’inquiéter, et à craindre le pire.

     

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    - Bae ? Dis-moi ce qui ne va pas.

    Xander eut un petit sourire. Ce n’était pas la première fois que Kellan l’appelait comme ça. Ce n’était pas fréquent non plus, mais Kellan le lui avait déjà dit, notamment quand il s’inquiétait pour lui. Xander n’était pourtant pas très fan de ce genre d’appellation mielleuse. Il avait tendance à trouver ça ridicule, notamment quand il entendait des couples s’appeler par ce genre de petits noms en public. Mais Kellan ne l’appelait ainsi que quand ils étaient tous les deux, et quand il tentait de le rassurer. Et dans ce contexte, ça ne le gênait pas, au contraire. Ça avait même plutôt le don d’être efficace.

    - T’es vil, tu utilises les mots magiques.

    - J’utilise ce qui marche. Alors ?

    - Charlie est revenue.

    Kellan écarquilla les yeux. Il ne s’était pas attendu à ça. Aux dernières nouvelles, Charlie avait plaqué Xander par texto avant même que celui-ci ne prenne le temps de s’expliquer avec elle, ce qui avait grandement contrarié le brunet. Et puis, Charlie vivait à Albany, dans l’état de New-York, ce qui n’était clairement pas la porte à côté de Bloomington : elle avait fait un voyage de monstre avant d’arriver à destination.

    Voyant que la conversation allait prendre un tour plus sérieux, Kellan se releva des jambes de Xander pour s’asseoir devant lui, sur la table basse, une main posée sur son genou. Xander posa une main contre son front, et lâcha un profond soupir.

     

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    - Quand Emilien est venu m’aider à faire mes cartons, il a deviné, pour toi et moi. Enfin, il a deviné que j’avais quelqu’un surtout, et j’ai fini par céder en disant que c’était toi. Il a été super compréhensif, pas choqué …

    - Normal, lui dit Kellan dans un sourire. C’est ton meilleur ami, c’est le plus à même de t’accepter, non ?

    - Peut-être. Enfin, toujours est-il que Charlie est arrivée à ce moment-là.

    Xander lui raconta, avec le plus détachement possible, la conversation plutôt houleuse qu’il avait échangé avec son ex petite-amie. Il essayait d’en parler comme si tout ceci ne l’avait pas affecté, et à chaque insulte qu’il répétait, Kellan sentait une forme de colère s’emparer de lui. Il était pourtant confronté à ce genre de remarque constamment, il savait que la connerie existait partout, mais il en restait bouche bée à chaque fois.

     

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    - C’est elle qui t’envoie des messages ? demanda Kellan une fois que Xander eut terminé son récit.

    - Non. Ses amis. Ils m’insultent. Ils prennent la défense de Charlie, je comprends, je …

    - Non. Tu ne comprends rien du tout, car il n’y a rien à comprendre Xander. Tu n’as pas à te faire insulter de la sorte car tu as plaqué ta meuf. Tu as le droit de la plaquer, tu ne l’as pas trompée, ni battue, ni quoi que ce soit d’autre. Tu as juste décidé qu’entre vous c’était fini.

    - Je l’ai quittée pour toi, pour un mec, reprit Xander. C’est normal qu’elle soit en colère.

    - Xander, elle n’est pas en colère là. Elle est haineuse. A part te pourrir la vie, elle et ses amis ne font rien. Aujourd’hui, ce sont des messages que tu peux ignorer, mais demain ? Ils pourrissent tes réseaux sociaux ? Te clouent au pilori et te descendent en flèche sur internet ? Viennent te casser les dents ? Et tout ça parce que tu es gay. Alors, je te le répète, ce n’est pas de la colère. C’est de la haine.

    - C’est sympa tout ça. Mais moi, je fais quoi ?

    - D’abord, tu ne gardes pas ça pour toi. Tu m’en parles, ou à Emilien vu qu’il sait déjà. Et si elle se lasse, tant mieux. Si ça prend des proportions démesurées, on va faire quelque chose pour les calmer.

    - Comme si ça allait les arrêter, marmonna Xander.

    - Je me permets de te rappeler que contrairement à ce que tu penses, être bi ne me rend pas la vie plus facile. Les remarques homophobes, j’en connais un rayon. Et autant te dire que se faire appeler « salope », « putain » ou « chien en rut », ça permet d’en voir un peu plus sur la nature humaine.

    - Que … ? Toi ? s’étonna Xander.

     

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    Il ne s’était pas attendu à ce que Kellan soit victime de ce genre d’insultes. Après tout, il s’était dit, naïvement, qu’aimer autant les hommes que les femmes devait lui rendre la vie plus facile.

    - Il y a les filles qui sont comme Charlie, me traitent de « salope » ou du classique « PD » quand je leur dis que je suis bi, ou alors les mecs qui disent que je suis un homo refoulé ou la putain à je ne sais pas trop qui ou quoi. Certains sont très imaginatifs. Et puis, il y a les autres. Selon eux, je vois le monde comme un baisodrome géant et je souhaite donc forniquer avec la terre entière.

    - Et … tu fais quoi quand ils te disent ça ?

    - Je leur réponds qu’ils se rassurent car je ne suis pas spécialement attiré par les cons.

    Le brunet esquissa un sourire, imaginant plutôt bien la scène. Soit ses interlocuteurs devaient se ratatiner sur place de honte, soit l’insulter encore plus fort de s’être faits traiter de cons.

    - Alors, tu vois, je ne les laisserai pas faire. Mais ne garde pas ça pour toi, ok ?

     

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    Xander acquiesça timidement. Il se demandait bien ce que Kellan pourrait bien faire de tout ça. Après tout, il ne risquait pas de débarquer chez Charlie, tel le dernier cavalier de l’apocalypse, pour l’engueuler de tout son soûl et lui dire d’arrêter de maltraiter son mec. Ce serait absolument la honte assurée. Il n’avait pas besoin qu’on le protège, il ne voulait pas passer pour le petit homo frêle qui regarde son copain casser la gueule des désaxés qui leur souhaiteraient du mal. Hors de question de devenir un cliché.

    - On peut changer de sujet, s’il te plaît ?

    Kellan acquiesça et lâcha les mains de Xander. Ce dernier le remercia brièvement puis se releva pour prendre la direction de la cuisine afin d’y déposer les bouteilles vides dans l’évier. Kellan le suivit presque aussitôt et enlaça Xander de dos alors que celui-ci était encore debout devant l’évier. Xander ferma les yeux, posa ses mains sur les avants bras de Kellan.

     

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    - Tu veux aller faire un tour en ville ? Il y a un parc à côté, de l’air frais nous fera du bien.

    - Ça marche.

    Kellan recula d’un pas pour laisser à Xander la possibilité de faire demi-tour. Celui-ci se tourna effectivement vers le blond mais ne lui adressa ni un sourire, ni un geste affectueux quelconque. Il avait l’impression de tout faire de travers avec Kellan, et ne savait plus comment prendre les choses avec lui après leur conversation. Mais il avait raison, de l’air leur ferait le plus grand bien.

    Et pour la suite ? Il verra ça plus tard. Il trouvera bien un moyen de réduire la distance qui venait de s’installer, d’une façon ou d’une autre.