• MaJ 10 (3)

     

     

     Après avoir pris deux bus et fait les dix minutes restantes à pied, Andy se retrouvait devant la maison de ses parents, bien décidée à retrouver le squat où elle avait croisé Julian, qui lui a sauvé la vie, si tant était que sa vie était en danger, chose fort probable quand on voit l'endroit où a atterri la jeune femme.

     

     

     Distraitement, elle jeta un regard à la maison faite de pierre blanche, espérant voir sa mère sortir, vêtue de son tablier super Maman, de la fumée noire s'échappant de la cuisine, après une énième tentative de cookies, qui a bien évidemment raté. Elle l'imagine bien, toute souriante, de la farine dans ses cheveux blonds impeccables, du chocolat tartiné sur la joue, et un semblant de larmes au coin des yeux, suite à son énervement.

     

     

     Cette époque semble si proche, après deux mois d'absence, elle avait encore l'impression de les revoir tous les deux, son père, papier en main, hurlant qu'il avait encore fini un chapitre, enfin, et que son éditeur allait être content qu'il soit enfin dans les temps. Oui, cette époque semble si loin, et par moments, Andy se demande même si elle ne l'a pas rêvée.

     

     

     Poussée par ses pas, elle atterrit dans la ruelle sombre de la dernière fois, ruelle beaucoup plus éclairée vu l'heure de la journée. Les sans abris qu'elle avait croisés par mégarde la dernière fois n'étaient plus là, laissant le lieu tel un dépotoir.

     

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    Andy s'avança alors vers la porte du bâtiment, jetant malgré tout des regards à la ronde. Même en pleine journée, cet endroit avait une aura inquiétante qui persistait. Mais elle était poussée sa curiosité, qui mettait en sourdine les signaux d'alarmes que lui lançait son cerveau depuis qu'elle avait remis les pieds dans le quartier. 

    Une fois devant la porte, elle la poussa doucement, la faisant grincer. Elle avait du en voir cette porte. Cabossée à de nombreux endroits, rouillés à d'autre, elle ne devait probablement tenir debout que par la présence du Saint-Esprit, ou de toute autre génie. Et une fois la porte ouverte, elle entra sur la pointe des pieds, essayant de se faire discrète.

     

     

     - Pas la peine d'être discrète, je t'ai vue.

    Andy sursauta et son coeur s'emballa dans sa poitrine. Elle retint cependant son hurlement de surprise et recula de trois pas en arrière, pour s'éloigner de ce qui venait de lui causer une telle frayeur. Et l'objet de ses peurs était un homme d'une vingtaine d'années, aux longs cheveux noirs ramenés sur les épaules et aux yeux qui brillaient d'un éclat argenté. Il était gentiment posé là, contre le mur, et la regardait avec un petit sourire amusé. Andy fronça les sourcils. C'était vraiment drôle son truc là, de faire peur aux gens de la sorte ?

    - Non mais on n'a pas idée de faire peur aux gens comme ça ! Ca va pas ?!

    L'homme fit un pas vers elle, sans perdre son sourire. Et Andy, sur la défensive, recula d'un pas et le toisa, méfiante.

    - On n'a pas idée, non plus, de rentrer chez les gens comme ça. 

    - Chez les gens ? C'est chez personne ici, dit-elle en pointant un trou dans le mur. 

    Elle en profita pour détailler le personnage plus longuement. Hormis ses cheveux et ses yeux, elle put remarquer qu'il avait un œil balafré et que son regard avait quelque chose de très calme et posé. Il n'avait pas l'air bien dangereux. Pour ce qui est de ses vêtements, ils étaient de très bonne qualité et propres. Il ne vivait pas ici à n'en pas douter.

    - Et puis, ça n'a pas l'air d'être chez toi non plus.

     

     

    - En effet, belle déduction Sherlock, lui répondit le brun.

    Andy croisa les bras, bougonne. Il était agaçant celui-là. Mais au moins, se disait-elle, il avait l'air plutôt sympa. Elle se décrispa un peu, mais garda malgré tout un peu de réserve. Une Andy avertie en valait deux, sa mère le lui avait toujours appris.

     _ Je m'appelle Spencer, continua l'homme en se rapprochant d'elle. Et donc, je peux savoir ce que tu cherches en te promenant par ici ?

    _ Ah euh … Personne. Je me promène c'est tout. 

    Spencer haussa un sourcil, pas dupe. 

    - La politesse veut que quand quelqu'un se présente, l'autre fasse de même. C'est quoi ton nom ?

     

     

     _ Andy, répondit-elle finalement. Bon, et ok, je cherche un gars qui s'appelle Julian, tu le connais ?

    Spencer hocha la tête de bas en haut.

    - Oui, je connais Julian. Mais il n'est pas ici. A vrai dire, il ne passe pas ici très souvent. D'habitude, il donne sa carte aux meufs qu'il rencontre pour qu'elles le rappellent. Il ne te l'a pas donné ?

    - Si, il m'a donné sa carte, dit Andy. Toutes les filles hein ? A vrai dire, ça ne me surprend pas.  Tant pis, je ferais mieux de filer. Désolée de t'avoir dérangé Spencer.

     

     

     

    - Tu déranges pas. Il va peut-être repasser aujourd'hui. Il doit me refiler un truc, si tu veux l'attendre avec moi.

    Il passa à côté d'Andy pour rentrer un peu plus dans ce qui semblait être une ancienne maison. Il passa une vieille double porte pour entrer dans un salon, ou du moins, ce qui y ressemblait le plus et disparut en haut d'un escalier. Andy le regarda faire un court instant. Elle ferait mieux de rentrer chez elle. Elle avait eu la réponse à sa question : Julian était un coureur de jupons. Et puis, ce n'était pas très raisonnable de courir après ce genre de personnage.

    Mais d'un autre côté, ce Spencer l'intriguait. Il avait l'air sympathique, quoiqu'un peu moqueur, et elle trouvait que le courant passait plutôt bien entre eux. Et puis, ce n'est pas comme si elle avait eu autre chose à faire de sa journée. Elle haussa alors les épaules et suivit Spencer.

     

     

     

    En haut des marches, elle remarqua que le haut de la maison était totalement détruit. A croire qu'une bombe était tombée dessus. Et des marques sombres sur les murs la confortaient dans cette idée. Elle ne s'y sentait pas vraiment à l'aise, et elle réprima un frisson. Spencer le remarqua bien, et poussa une autre porte dans un triste état pour entrer dans une salle qui avait moins souffert des "bombardements" et donc les quatre murs tenaient debout. Au centre de la pièce, un vieux matelas avait été plié en deux et posé sur deux parpaings pour en faire un canapé. Un vieux poêle à bois trônait dans un coin, ainsi que quelques caisses de vêtements. Quelqu'un vivait ici.

    Spencer grimpa alors sur le canapé et s'assit sur le dossier. Il invita Andy à le suivre d'un petit signe de la main.

     

     

    - T'as le droit de t'asseoir, lui dit Spencer en souriant. Je ne vais pas te manger.

    Andy hocha la tête mais resta près de la porte, continuant de regarder la pièce. Même d'un point de vue odeur, elle réalisait bien que cette pièce était habitée. Elle ne sentait pas l'humidité comme les autres. Mais elle ne le releva et se contenta de rester debout au milieu de la pièce.

    Spencer la regardait, toujours aussi amusé. 

     

     

     - T'es un ami de Julian ? finit par demander Andy en portant de nouveau son regard vers Spencer.

    - On peut voir ça comme ça, rit Spencer, perché sur le dossier du canapé improvisé. On se connaît depuis bientôt six ans …  Mais on n'est pas vraiment amis, on se supporte plutôt qu'autre chose. Et toi, qu'est-ce que tu lui veux ? 

    - Comment ça ? S'interloqua Andy. 

     

     

    - Si tu étais comme l'intégralité des meufs que Julian se fait, tu ne serais pas là à le chercher. Tu l'aurais appelé. Ce qui me fait penser que tu n'es pas attirée par lui. Tu cherches autre chose.

    - Et c'est moi que tu appelles Sherlock ? dit-elle en faisant la moue.

    Spencer ne répondit pas, haussant simplement un sourcil pour l'enjoindre à continuer. Andy leva les yeux au ciel et soupira.

    - A vrai dire, je m'en fous un peu de Julian, avoua-t-elle, piteuse.

     

     

    - Pourquoi tu lui cours après alors ? S'interloqua Spencer. Aucun intérêt.

    _ Je suis curieuse de nature … Je voulais savoir ce qu'un acteur foutait dans le coin, mais finalement, il venait peut-être te voir.

    _ Oui, peut-être, dit Spencer en souriant. Rentre donc chez toi. C'est pas le meilleur endroit pour quelqu'un qui n'a pas de temps à y perdre.

     

     

    - Car toi tu as du temps à y perdre ? lui demanda Andy en s'avançant un peu.

    - Peut-être. Mais comme je te connais depuis dix minutes, ne compte pas sur moi pour tout te raconter. 

    - Oh. Je vois. T'es pourtant bavard pour quelqu'un qui ne veut pas raconter sa vie à une inconnue rencontrée il y a dix minutes, releva Andy avec un petit sourire en coin.

    - En général, je raconte ma vie tourmentée après quinze minutes. Encore un peu de patience.

    - Donc je vais attendre cinq minutes de plus pour essayer de te percer à jour, dit Andy en s'asseyant à côté de Spencer.

     

     

     Spencer étouffa un rire avant de lui répondre, et finalement, l'après midi passerait bien comme ça, comme deux amis qui se retrouvent après s'être perdus de vue depuis des années ...

     


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