MaJ 17 (8)

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Andy avait disparu assez vite, une fois qu'elle se fut décidée à laisser Spencer seul avec sa mauvaise humeur.  Elle n'avait pas envie de l'entendre, pas envie de montrer qu'elle avait peur. Elle n'avait pas envie qu'il la fasse plonger alors qu'elle avait enfin la tête hors de l'eau. Elle n'avait pas besoin de ça. Alors plutôt que de risquer sa santé mentale bancale en voulant faire la fière, elle s'était littéralement enfermée dans la chambre au grand lit blanc. Et elle pleurait. Ca la soulageait.

 Mais les tambourinements de Spencer de l'autre côté, c'était tout le contraire. Il s'escrimait depuis cinq bonnes minutes. Ca l'agaçait.

- Andy, ouvre moi, s'il te plaît. Je n'aurais pas du te parler comme ça, excuse moi.

- J'en veux pas de tes excuses, gronda-t-elle au travers de ses larmes. Va voir ailleurs si je suce le pape.

Spencer, de l'autre côté de la porte, encaissa la pique. Andy n'était jamais injurieuse. Il devait donc lui avoir fait plus de mal qu'il ne s'en était rendu compte. Il toqua alors plus doucement à la porte, essayant de montrer patte blanche.

- Andy, bébé. Ouvre.

La jeune femme soupira.

- C'est pas fermé à clé.

 

 

Spencer entra, sans un mot, et Andy se releva sur le lit. Elle le toisa, mauvaise à son tour. Il baissa les yeux, il l'avait mérité. Il lui aurait bien présenté une nouvelle fois ses excuses, mais vu la tête de sa petite amie, il risquait de finir émasculé s'il avait l'affront de parler avant elle. Il attendit patiemment, tête lasse, que le couperet tombe.

- Je peux savoir ce qu'il t'arrive Spencer ? Depuis quand est-ce que tu me parles comme si j'étais guère mieux que le gravier sur lequel tu marches ?

- J'aurais pas du, commença Spencer.

- Oui, je suis d'accord. Mais ça ne me donne pas d'explication.

Elle croisa les bras et attendit. Manquerait plus qu'il se ravise celui-là.  Il ne répondit pas assez vite à Andy car c'est elle qui brisa de nouveau le silence.

- Tu te cames, c'est ça ?

- Jamais ! répondit Spencer vivement.

Et jamais il n'avait été plus sérieux que maintenant. Il refusait de toucher à ça, de tomber là dedans à s'en bousiller le corps, le cerveau et sa vie. Il préférait affronter les difficultés avec ses seules compétences et pas celles d'une drogue quelconque.

 

 

- Alors explique-toi, lança Andy acerbe.

Spencer releva les yeux, et Andy écarquilla les siens. C'est yeux si souvent froids et assurés étaient ceux d'un petit enfant, perdu. Rien à voir avec l'homme qu'elle avait rencontré et qu'elle fréquentait. L'homme en face d'elle n'était pas Spencer. Elle se retint de descendre du lit pour le prendre dans ses bras. Ce serait trop facile, même s'il en avait besoin et elle envie.

- Je suis dans la merde Andy, dit-il du bout des lèvres.

- Quoi ?

- Je suis dans la merde ...

Il la regarda, et Andy n'hésita plus. Elle se leva du lit tandis que Spencer s'écroulait au sol. Elle s'installa derrière lui, enserra ses épaules dans ses bras, essayant de le rassurer. Tout ce qu'il arriver à marmonner, c'était "Aide-moi", en boucle.

Ca devait être grave. Très grave.

 

 

- Raconte-moi, demanda Andy une fois que Spencer se fut calmé.

Il ferma les yeux un instant, et se calma. Il prit la main d'Andy dans la sienne, la serrant entre ses doigts pour lui donner contenance. Il risquait sa vie à cet instant, leurs vies. Mais il ne pouvait pas l'intégrer à ses problèmes. 

- J'ai repensé à notre discussion, que ce n'était pas à toi de me dire quoi faire. Tu te rappelles ?

- Bien sûr. Ca avait l'air de tenir à cœur. Ca l'est toujours ?

Il acquiesça, et inspira longuement.

 

 

- J'arrête tout. Pour moi, pour toi, pour nous. Je mets fin à presque dix ans de deal. Mais plus haut, ça ne suit pas. Enfin, ils en savent rien. Ils savent pas que je veuille arrêter. Mais ils doivent avoir de l'intuition. Ils m'en donnent de plus en plus, et je dois m'exécuter. Les jours passent, je ne trouve pas d'échappatoire, et puis, j'ai ... un gros client. J'ai refusé. Et ils t'ont menacé. Si je bosse pas, c'est toi qui prend.

Andy se figea, stupéfiée. Elle n'imaginait pas un seul instant que le "travail" de Spencer puisse être à ce point dangereux, qu'il puisse a ce point ressembler à une piège à ours qui se refermait sur soi quand on y avait pris pied. Elle posa ses lèvres sur le sommet du crâne de Spencer, l'embrassant. Elle ne savait pas quoi faire de plus, ou quoi lui dire. 

 

 

- Je suis sous pression depuis des semaines, dit-il. Et, j'ai explosé. Ca n'aurait pas du tomber sur toi.

- Shhh, le berca Andy, le câlinant.

Spencer se laissa aller un peu plus contre elle, profitant de sa présence encore un peu. Car il savait que ça n'allait pas durer. Parce qu'il allait devoir faire des choix, entre lui et elle. Et s'il la choisissait elle, alors ils devaient s'arrêter là.

- Il vaut mieux qu'on ne se voie plus, dit Spencer.

- Non ! 

Andy sursauta, la panique reprenant le dessus sur elle. Si Spencer partait, elle allait se noyer. Et elle ne sait pas nager. Pas dans ce domaine. Plutôt mourir avec lui que de partir sans lui. Elle resserra ses bras autour de lui, voulant s'accrocher, qu'il ne la quitte pas. Spencer comprit très vite la détresse de sa petite amie. Il ne pouvait que la comprendre, mais il ne pouvait pas lui donner raison.

- Si je n'obéis pas, ils viendront te voir.

- Et si je pars maintenant, ils vont voir que tu me protèges et ils comprendront que tu veuilles partir. Tu peux pas faire ça, ils t'auront à l'œil.

Elle ne savait pas si ce qu'elle disait tombait juste. Elle avait lu quelques romans et vu des séries. Ca se passait comme ça dans la mafia en Italie, non ? Là, c'est juste des dealers, ils sont peut-être crétins et ils feront sûrement pas gaffe, mais elle voulait avant tout que Spencer change d'idée.

- Très bien, soupira-t-il. Mais tu retournes chez ta tante. Ca me rassurerait de te savoir avec elle, d'accord ?

- Si tu le dis. Et toi, tu comptes faire quoi ?

- Gérer mon client, terminer mon contrat et tâcher de rester en vie, ajouta-t-il pour détendre l'atmosphère.

- C'est pas drôle.

- Je sais.

 

 

Et Andy répondit avec son seul silence. Elle n'avait pas mieux en stock. Elle comprenait bien qu'elle le perdait. 

Spencer risquait de ne jamais revenir de cette dernière expédition. Et elle se refusait d'y croire. Pas alors que tout allait pour le mieux entre eux. Alors qu'elle avait trouvé quelqu'un qui donnait un sens à sa vie.

Était-elle condamnée à perdre tous ceux qu'elle aimait d'une manière ou d'une autre ?

Mais il était hors de question qu'elle perde Spencer. Tout, mais pas lui. Alors s'il tombe, elle tombera. Ce sera comme ça, et pas autrement.