Le 26 avril 2010 - onze heures

 

 

 On ne pouvait pas dire que Georg avait un début de vie reposant et calme.

Dès l'arrivée de William il y a deux jours, les visiteurs se bousculaient pour voir le petit bonhomme, et féliciter la mère ... le père étant aux abonnés absents.

 

 

 En effet, Mikael n'a pas pu obtenir de congé paternité, n'étant pas lui même le père de l'enfant, et travaillait d'arrachepied.

Il savait qu'elle ne serait pas seule, puisqu'il avait appelé William, il se doutait qu'il ne laisserait pas sa soeur seule. Mais ce soir, il viendra le voir, son enfant. Première visite du pédiatre, et il savait que cette visite inquiétait Julia et il se devait d'être là pour la soutenir, il savait que cet enfant risquait gros. Alors, quand seize heures sonnera à sa montre, il quittera son travail avant de se ruer directement à l'hôpital.

 

 

 La visite était prévue vers seize heure trente, et tout le monde avait débarqué afin de faire oublier à Julia ce passage qu'elle craignait plus que tout. Bien sûr que tout le monde ici était au courant des origines de ce bout de chou, mais ils faisaient tous comme si de rien n'était, pour ne pas inquiéter encore plus la jeune femme.

 

 

 Nate était adossé près de la porte, pas spécialement attiré par ce qu'il se passait autour de lui. On ne peut pas dire que les couches et les tétines, ça soit sa tasse de thé. Il était là, parce qu'Andy lui avait demandé de venir, elle voulait voir Georg, elle gesticulait dans tous les sens, à croire qu'elle aimait ça, les mioches.

 

 

 William se rapprocha finalement de son ami, bien décidé à lui faire cracher le morceau. Voilà deux mois qu'il ne le reconnaît plus, et qu'il esquive ses questions. Aujourd'hui, l'heure des explications avait sonné.

_ On sort deux secondes Nate, j'ai à te parler.

_ Si tu veux, je te suis.

 

 

 

 _ Qu'est-ce que tu fiches encore là Nate ? S'énerva William.

_ Pardon ?

_ Qu'est-ce que tu fiches à Houlton ?

_ Je croyais que je te l'avais dit Will : je suis là pour Andy.

_ Elle n'a pas besoin de toi, et tu le sais...

 

 

 _ C'est pour me dire ça que tu veux me parler à part, merci, mais on me l'a déjà faite.

_ Non, je ... C'est pas uniquement pour ça.

_ C'est quoi alors ? Raconte.

_ Tu ferais mieux de partir Nate, pour ton bien à toi.

_ Qu'est-ce que tu racontes encore ?

_ Tu vas sombrer Nate, tu ne le vois pas encore, mais moi, je l'ai vu, je ne te reconnais plus, expliqua le jeune homme aux cheveux bleus.

 

 

 _ Laisse moi m'occuper de ma santé et de mes emmerdes William, je vais très bien, c'est Andy dont je dois m'occuper, pas de moi.

_ Je ne te reconnais plus, répéta-t-il. Il est où le Nate qui draguait tout ce qui bougeait, qui racontait des conneries ...

_ Je ... euh ...

_ Si y'a deux jours, je t'ai dit qu'il fallait que tu te trouves une fille, c'est parce que je ne comprends pas ce qu'il t'arrive, j'ai besoin que tu m'expliques.

 

 

 _ Elle m'a changé, sourit-il. Marine ...

_ Oh non, tu vas pas me la refaire. Tu n'as que ce prénom à la bouche depuis deux mois et demi.

_ Parce que tu te rends pas compte de la place qu'elle avait dans ma vie William. J'ai fait des conneries, j'assumais, mais elle, j'ai jamais pu lui faire de crasses, tu peux comprendre ça ...

_ On dirait que tu répètes ce que tu me disais d'Andy autre fois... Que tu ne pourrais jamais la tromper comme tu l'avais fait à Lucie.

_ Parce que je ressens la même chose qu'autre fois, mais pour Marine cette fois. Elle me sort pas de la tête, l'autre soir, j'ai ramené une fille, mais c'était pas elle que j'avais dans mes bras, en pensée, c'était Marine ...

_ Arrête, soupira William, tu vas finir par me faire croire que tu voulais finir ta vie avec ... Ce que je ne crois pas une seconde, vu tes convictions ...

 

 

 Nate sortit de sa poche une petite bague qui brillait doucement, un simple diamant sur un anneau doré.

_ Me dit pas que ...

_ A la saint Valentin ... et à la place, c'est une rupture que je lui ai servi sur un plateau d'argent. C'est pas juste ma petite amie que j'ai laissé en France, mais tous mes projets avec elle, alors, s'il te plaît, ne me dis pas que ce que je fais, c'est pour rien. Je ne veux pas croire que je me suis sacrifié pour l'abandonner. J'ai fait mon choix, et je ne dois pas le regretter, ne me fait pas le regretter...

 

 

 Nate prit la direction de l'ascenseur, laissant un William abasourdi dans le couloir.

_ Tu rentres ?

_ Non, quand Andy l'aura décidé. Je vais aller cloper. Je reviens dans un quart d'heure.

 

 

 

 Deux jours.

Voilà deux jours qu'elle était célibataire, pour son plus grand bonheur.

Elle n'a pas mis longtemps à l'expédier, ce fut assez simple d'ailleurs. Juste un « casse-toi couillon » lui avait suffit pour se retrouver célibataire, un jeu d'enfant.

 

 

 Et le célibat, elle s'en réjouissait.

Tout comme de la fin de l'année universitaire, la fin d'un calvaire. Examens tout juste passés, il lui restait deux bonnes semaines avant les résultats des partiels, deux semaines durant lesquels elle ne comptait rien faire, ou presque.

 

 

 Presque puis voilà quelques heures que ses valises trainaient dans le hall de la maison, bien décidée à ne pas s'avouer vaincue.

Deux semaines, ce serait suffisant pour le ramener, non ?

Oui, parce que cette demoiselle aux allures de poupée avait appris, aussitôt la nouvelle ébruitée, que son ex colocataire avait, sans grand scrupule, abandonné Marine à son triste sort, pour rentrer se la couler douce en Amérique.

 

 

 Et quelle chance, n'est-ce pas que Nate lui ait parlé de la ville où habitent ses parents et ses amis, elle n'avait pas mi longtemps à retrouver sa trace sur une carte, et avait pris, aussitôt Emiel lancé aux oubliettes, un billet d'avion, aller-retour pour les Etats Unis, résolue à le ramener en France, pour ses beaux yeux à elle.

 

 

 Elle se leva de son lit, et sortit finalement de la maison, après avoir laissé un message à sa nouvelle colocataire depuis quelques semaines, indiquant qu'elle partait en vacances, un petit tour du monde.

Un petit tour du monde, un simple arrêt par la case USA.

 

 

 

 Deux jours.

Deux jours qu'il était dans le coma, après s'être pris une balle de plein fouet à la place de la jeune femme.

Deux jours qu'elle tournait en rond dans la petite chambre blanche, à surveiller un probable mouvement de la part de son petit ami.

Deux jours qu'elle ne dormait plus.

Deux jours qu'elle espérait.

 

 

 Tout s'était passé tellement vite.

Elle ne se rappelle plus de grand chose, hormis peut-être qu'à son tour, elle avait appuyé sur la gâchette, par l'effet de surprise, et que Julian avait fini par s'écrouler au sol à son tour, raide mort.

 

 

 Mort.

Elle avait tué un homme.

Ok, c'était de la légitime défense, mais la voilà maintenant suspendue de ses fonctions pour quelques temps, et on lui a retiré l'enquête, puisque la mort du principal suspect allait plus que ralentir la procédure.

 

 

 Elle avait donc décidé de passer ses journées ici, au chevet de Mathieu, espérant à chaque instant qu'il ouvre les yeux. Les médecins étaient sceptiques quand à sa survie. La balle était passé tout près du coeur, et avait même perforé un poumon, qu'on a du lui retirer immédiatement, l'organe ne pouvant se cicatriser par lui même, la déchirure était trop importante.

 

 

 On peut vivre avec un seul poumon, mais la vie est beaucoup plus dure.

S'il survit, il peut faire une croix sur son job, sa raison d'être, ce pour quoi il a tout plaqué.

La jeune femme se leva finalement, afin d'aller se chercher un café, elle tombait de sommeil.

 

 

 

 Alors qu'elle avait la main sur la clenche, une voix se fit entendre derrière elle.

_ Marion ? C'est toi ?

Elle se stoppa, les larmes pointant au coin de ses yeux. D'un revers de main, elle les essuya avant de se retourner et de constater que Matt avait ouvert les yeux.

 

 

 _ Oui, c'est moi, je suis juste là, dit-elle en s'approchant.

Elle s'assit doucement sur le rebord du lit, caressant tendrement la joue du jeune homme.

 

 

 _ Tu m'as causé une sacré frayeur, j'ai cru que tu ne te réveillerais jamais. Qu'est-ce qu'il t'as pris de te prendre la balle ? Tu n'en serais pas là aujourd'hui.

_ A ton avis ... je voulais pas que tu meures.

_ Ouais, bah là, c'est toi qui a faillit y passer ...

_ Marion ...

_ Mmmh ?

_ Epouse-moi. S'il te plaît.