Nate était au volant de sa voiture, Andy installée confortablement sur le siège passager, regardant passer le paysage, en silence. Nate avait ordre d'éteindre la radio, ce qui rendait ce silence encore plus lourd qu'il ne l'était déjà.

Le jeune homme ne cherchait pas à entamer la conversation, elle allait encore et très certainement lui balancer des « t'es pas mon psy » en pleine figure, valait mieux ne rien tenter du tout, et se contenter de garder un regard fixe sur la route.

 _ Il est mignon Georg, dit-elle finalement à la plus grande surprise de Nate.

_ Mouais, si tu le dis. J'aurais quand même aimé connaître le résultat moi.

_ J'en avais marre, dit-elle d'un ton monocorde.

_ Tu aurais pu penser à Julia, non ? Elle avait besoin de nous...

_ Elle a William et Sienna, Nate. Son frère, c'est pas rien.

_ Will, c'est sûr. Mais Sienna doit aller travailler, tu le sais ça en plus.

_ Mikael va arriver, conclut-elle en se terrant de nouveau dans son mutisme.

 Durant les quelques minutes restantes, ni l'un ni l'autre n'ouvrit la bouche pour ne prononcer ne serait-ce qu'un mot, une minuscule phrase. Ca ne semblait pas déranger Andy qui continuait de regarder par la fenêtre, au plus grand damn de Nate.

 A peine eut-il éteint le moteur qu'Andy sortit en trombe de la voiture pour rentrer dans l'appartement, sûrement pour se couler sous sa couette, et n'en sortir que pour manger ce soir, et encore. Elle vivait dans sa chambre, en avait fait son antre, et interdisait quiconque d'y entrer, même avec son autorisation.

 Ce style de vie finissait par ennuyer Nate, qui se retrouvait seul dans cet immense appartement, avec un statut plutôt ambigu.

A la fois seul et à la fois colocataire de la jeune femme.

Aide de vie, ou juste glandeur devant la télé.

Car s'occuper d'Andy lui prenait un temps plein. Il suffisait qu'elle parte en déprime pour que tout dérape, et bien évidement, elle ne prévenait pas à l'avance. Ce qui pouvait le rendre inactif pendant des jours, ou surmené dès qu'elle ne souhaitait plus vivre.

 En deux mois et demi, sans compter sa première tentative de février, elle a essayé de mettre fin à ses jours pas moins de cinq fois.

Nate l'avait d'abord retrouvée à demi consciente dans la baignoire, après une tentative de noyade. Une autre fois, il l'a surpris à avaler une partie de l'armoire à pharmacie. Il n'était pas arrivé assez vite, et il a du l'amener aux urgences. Une partie des médicaments avaient été assimilés par le corps.

Et la dernière fois ?

Elle remonte à deux semaines.

 Il l'avait retrouvée ivre morte dans sa chambre, en plein coma éthylique. S'il était arrivé quelques secondes plus tard, elle serait morte à l'heure qu'il est. Vivement, il se secoua la tête, voulant faire sortir ses idées noires, il ne fallait pas se mettre à repenser à tout ça. Elle allait bien aujourd'hui. C'est même elle qui avait réclamé cette première sortie depuis sa dernière tentative. Il espérait qu'elle irait mieux.

Parce qu'elle ira mieux.

_ Mmmmh ....

L'adolescente luttait contre ses paupières, alourdies par un mal de tête incessant depuis quelques jours. Elle était habituée, à ces crises répétées, mais plus ça allait, plus ces crises étaient longues et douloureuses, comme si un poignard lui découpait chaque neurone avec lenteur.

_ M'man ... gémissait-elle, espérant faire venir Katia le plus vite possible, avec un de ses remèdes miracles contre les maux de tête.

Mais elle prenait des doses de plus en plus fortes, ses maux de têtes ayant trouvé l'astuce pour contrer le précieux remède.

_ M'man ... répéta l'adolescente.

 La porte de la chambre grinça, et c'est Caleb qui entra, le visage inquiet.

_ Tu fais encore des crises ma chérie ?

Elle acquiesça et son père s'assit à côté d'elle, sur le lit.

 _ Tu as essayé de dormir un peu ?

_ Ca lance tellement que ça m'empêche de dormir, j'en peux plus Papa, ça fait super mal ...

Le père de famille passa sa main sur le front de l'adolescente avant de la retirer brusquement, surpris par ce contact.

 _ Tu es brûlante Lola.

_ Nate... murmura l'adolescente avant de fermer les yeux.

_ Lola, allez, ouvre les yeux ma chérie, ouvre les yeux, Lola ... commença à paniquer Caleb, en vain.

La jeune fille n'ouvrit pas les yeux pour autant. Sans attendre plus longtemps, il tira son téléphone cellulaire de sa poche, appelant les secours, hurlant le prénom de sa femme tandis que le téléphone sonnait.

 _ Réveille toi mon ange, je t'en prie, Lola ...

 _ Je vais devoir y aller, sourit Sienna alors qu'elle avait Georg dans les bras. Je peux pas me permettre d'être en retard, je suis navrée de pas pouvoir rester avec toi Julia, mais je pense très fort à toi. Je prie pour qu'il n'ait rien...

 _ Merci, fit Julia tandis que Sienna lui passait l'enfant.

Son téléphone ne faisait que vibrer depuis deux jours, et toujours pour la même raison, voilà encore qu'il vibrait, exaspérant au plus haut point la jeune femme.

 _ Il me gonfle celui là ? Ronchonna Sienna en coupant une énième fois la sonnerie.

_ Qui ça ? Demanda Julia.

_ Mathieu, tu sais, mon ex. Ca fait deux jours qu'il m'appelle sans interruption, je commence à en avoir marre ...

_ C'est peut-être important, il te laisse des messages ? Demanda William.

_ Bien sûr, mais je ne les écoute pas, j'ai pas envie de l'entendre...

William leva les yeux au ciel avant de s'emparer du téléphone de la jeune femme, sous les protestations de cette dernière.

 _ Nan, mais arrête, débuta-t-elle alors que celui-ci composait le numéro de la messagerie.

_ Chute-toi, j'entends quedalle.

_ Vous avez douze nouveaux messages. Message reçu le 24 avril à quatorze heures, trente sept : Sienna ? C'est Marion Dedwey, il est arrivé quelque chose de grave à Matt, je souhaitais vous prévenir. Rappelez-moi ...

 Les messages défilèrent ainsi sous les yeux étonnés de William, ce qui eu pour conséquence de faire paniquer Sienna, qui ne tenait plus.

_ Will, qu'est-ce qu'il se passe ?

 _ Matt s'est pris une balle, expliqua William en raccrochant à la fin des messages. Il est tombé dans le coma, il a perdu un poumon ...

_ Que ... Est-ce qu'il va bien ?

_ Il s'est réveillé il y a quelques minutes, c'est ça ton dernier message.

 Sienna ne bougea pas d'un pouce, réalisant ce qu'elle venait de faire. Matt aurait pu mourir qu'elle ne l'aurait jamais su, elle s'en serait voulue à mort. Deux jours qu'on cherchait à la joindre, à lui expliquer, et elle, comme une gamine, elle ignorait ces appels.

 _ Je suis nulle, dit-elle en explosant en sanglots. Je ... suis idiote. Je veux plus entendre parler de lui, et voilà ce qui arrive.

_ Sienna, soupira Julia en s'approchant d'elle.

_ Navrée de t'emmerder avec ça Ju, comme si tu n'avais pas assez de problème comme ça...

 William tira vivement la jeune femme à lui, cette dernière ouvrant de grands yeux choqués. Le jeune homme passa doucement sa main dans ses cheveux, la rassurant, comme il le pouvait.

 _ Calme-toi, il est sain et sauf Sienna, c'est fini.

_ Mais c'est pas ça le problème. C'est que ... il aurait pu mourir, sans que je le sache, je lui en aurais voulu, à lui, à moi aussi ... Je ne suis qu'une imbécile.

_ Tu peux aller le voir si tu veux, c'était mis dans le dernier message.

_ Nan, c'est bon ... Je me suis jurée de plus le voir.

_ Pourquoi ?

_ Parce qu'il m'a trop fait souffrir... Parce que j'avais cru en lui, comme avec tous les autres, parce que je l'aime encore et qu'il ne veut pas de moi...

 _ Ecoute Sienna, tu vas pas bosser, tu sautes dans le premier taxi que tu trouves et tu vas dans ta famille, ok ? Je croyais que tu devais aller voir Karin demain, va la voir dès aujourd'hui ...

_ Mais ...

_ File j'ai dit. Va voir ta soeur et ton frère, faîtes votre week end avec une soirée supplémentaire, c'est pas un drame. Ca va te changer les idées, aller, file.

  _ Merci Willou.

_ Me remercie pas encore, t'es pas sortie de cet hôpital.

Sienna esquissa un sourire discret avant de quitter la pièce, laissant ainsi seuls Julia, William et Georg.