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Assis dans la voiture, Nate songeait, avait la tête complètement ailleurs. Il ouvrit rapidement la boîte à gants, et eut un sourire soulagé en découvrant qu'il y en avait encore ici : des seven Stars. Il attrapa rapidement le paquet de cigarettes avant de sortir de la voiture.
Il s'approcha du mur, s'éloignant au plus possible du vent gelé d'hiver afin d'allumer sa cigarette, et sa première bouffée lui fut bénéfique. Ca lui avait tellement manqué. Non pas que ça le gêne d'essayer d'arrêter, mais une de temps en temps, ça ne peut pas faire de mal.
Il s'installa dos au mur, savourant cette première cigarette depuis des mois. Elle avait une nouvelle saveur, encore plus agréable qu'à l'époque où il en fumait jusqu'à dix pas jour. Il n'a pas spécialement envie de reprendre la consommation, mais une cigarette plaisir, ça ne fait pas de mal.
Tililiiiiiiiiiit !
Surpris par la sonnerie de son téléphone, il laissa échapper sa cigarette, poussant un juron, avant d'attraper le dit portable, sans vérifier qui pouvait l'appeler. Sienna ? William ? Parce qu'ils sont trop longs.
_ Pas de panique les gars, dit-il dans le combiné en guise d'allô, on fait rien de mal, finit-il en soupirant, blasé.
_ J'espère pour toi que tu ne fais rien de mal ? Et avec qui en plus ?
Oups. Marine.
Nate toussa en voulant recracher la fumée qu'il avait gardé jusque là, s'étouffant à moitié.
_ Je vois que tu pètes la forme mon chéri.
_Uh … Uhuh .. voulut-il se reprendre entre ses quintes de toux. Marine ?
_ Nan, c'est le pape sombre imbécile. C'est pour ta confession annuelle, qu'as tu as dire pour ta défense mon fils ?
_ Euh … je suis amoureux fou de ma petite amie et je n'ai qu'une envie, rentrer au plus vite chez moi pour lui faire l'amour comme une bête ?
_ Ce n'est pas ce qu'on raconte à son confesseur mon fils.
_ Je t'aime Marine … Pourquoi tu m'appelles ?
_ Bonne année Nate, dit-elle en riant. C'est dans deux minutes, mais vu comment les réseaux vont être saturés … Je m'y prends en avance.
_ Merci, bonne année à toi aussi mon ange. Tu me manques, un truc de fous …
_ C'est donc vrai ? S'étonna-t-elle en riant.
_ Quoi donc ?
_ Que tu veux rentrer en urgence pour me voir ?
_ Bien sûr, et ne crois pas que c'est pour la seule raison que je t'ai énoncé … je ne veux pas juste te faire l'amour comme une bête, je veux te retrouver, te prendre dans mes bras, ne pas te quitter de la journée …
_ Toi aussi tu me manques …
_ Je rentre demain, ne te fait pas de souci pour moi … Biiiiiiiiip-Biiiiiiiiiiiip
_ Et merde, plus de réseau, grogna Nate en raccrochant son téléphone.
Maudites fêtes de fin d'années. Il regarda son téléphone, remarquant que ça faisait plus de dix minutes qu'Andy était grimpée, et ça l'inquiétais un peu. Il décida donc de fermer sa voiture, et de rentrer dans la vieille bâtisse, cherchant Spencer à son tour, ainsi que la jeune femme qu'il avait accompagné.
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Un crissement de pneus sur la neige alerta l'homme d'une cinquantaine d'années, assis tranquillement dans son salon, un verre de Scotch à la main, se fêtant la bonne année à lui même, sa femme reposant dans le cimetière de la ville, ses enfants ayant déserté la domicile familial.
Il ne prit même pas la peine de se lever quand il entendit des bruits de pas dans le salon, des talons aiguilles sur le parquet.
_ Bonne année inspecteur Dedwey, dit-il en levant son verre à l'intruse.
La jeune inspectrice se rapprocha furtivement de l'homme, de peur que celui-ci ne commette un acte irréparable. Il était peut-être armé, les restes de son gang traînaient peut-être dans la maison.
_ Je vous arrête pour le meurtre de Emina Mayers, Paul Thatch, Claire Thatch et l'enlèvement de Delphes Thatch il y a quatre ans. Mathieu, tu peux lui passer les menottes ?
Un grand brun à la peau matte se rapprocha de Harry, ce dernier se levant pour lui faire face.
_ Vous avez le droit de garder le silence, de choisir l'avocat qu'il vous plaira. Si vous n'en avez pas, vous vous entretiendrez avec l'avocat commis d'office...
_ Tu es un traître Arthur … ou dirais-je, Mathieu apparemment. Ne crois pas que tu vas t'en sortir comme ça, tu vas morfler.
_ Marion ? Demanda Mathieu. Ajoute menace à l'encontre des forces de police, ça serait sympa.
_ Aucun problème, allez, on l'embarque ...
Mathieu tira l'homme hors de la maison, avant de le faire entrer dans la voiture de police.
_ Ne crois pas que tu vas t'en tirer à si bon terme … Je vais te pourrir l'existence, même depuis ma cellule.
_ Mais bien sûr.
_ Ta copine là, la rouquine, ouais, je t'ai filé. Je la protègerais si j'étais toi …
_ Dis encore du mal de Sienna, ou menace là un peu pour voir … Crevard !
_ On verra bien, on verra, rit-il avant que la porte de la voiture ne se referme sur lui.
Mathieu s'éclipsa, se rapprochant de Marion, adossée près de la porte de la maison.
_ T'occupes pas de ses menaces …
_ T'as vu Aki ?
_ Non, elle a pas dit qu'elle passerait ses journées avec Carmen en ce moment.
_ C'est vrai que ça fait des mois qu'elles se sont pas vues … Faut que je retrouve Sienna …
_ Tu comptes pas prendre pour argent comptant ce que t'a dit Mayers ?
_ Et pourquoi pas ?
_ Mais parce que ce mec est fou à lier ! Que veux-tu qu'il lui arrive ?
_ Je préfère pas tenter le diable. Je préfère mettre fin à notre relation plutôt que craindre à chaque instant pour elle. Je l'aime trop pour ça …
_ Tu fais une belle connerie Matt, souffla-t-elle en regagnant sa voiture.
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Nate grimpa les marches quatre à quatre, cherchant Andy et Spencer.
Ils pourraient au moins se manifester avant de s'enfuir tous les deux en amoureux.
Le jeune homme soupira, trouvant son ex irrécupérable.
Mais c'est une toute autre vision qui l'accueillit quand il arriva en haut.
Andy, les yeux fermés, bougeant à peine, allongée sur le corps apparemment sans vie de Spencer.
_ Merde, beugla-t-il en attrapant son téléphone et composer le numéro des pompiers.
_ Oui ?
_ Il y a un homme étendu mort sur Mapple Street, au 42, un squat' abandonné.
Tandis qu'il se débattait avec les pompiers au téléphone, il vit Andy bouger subtilement, entrouvrir les yeux, le dévisager.
Il fut tout de suite soulagé de voir qu'elle n'avait rien sur le plan physique, bien que le plan moral soit très forcément atteint.
Il raccrocha son téléphone, avant d'ouvrir la porte, et de se rapprocher de la jeune femme, s'agenouillant près d'elle.
_ Andy …
_ …
_ Viens, lâche le Andy …
_ Laisse moi Nate …
_ On va s'installer plus loin, viens Andy. Tu seras mieux qu'allongée sur lui, viens...
Finalement, la jeune femme accepta et ils s'assirent près du poêle, s'éloignant de Spencer, Andy lovée dans les bras du jeune homme.
_ Je l'aime tu sais, souffla-t-elle. Peut-être plus que toi … Il m'a redonné le sourire quand tu es parti...
_ Oui, je sais, tu m'en as déjà parlé Andy.
_ Tu savais qu'il jouait de la batterie, dit-elle, le regard perdu dans le vide. Comme moi, ce serait marrant que Marine sache jouer de la basse.
_ Andy ….
_ Oui ?
_ Tu as le droit d'être triste tu sais, ce n'est pas une preuve de faiblesse, tu es forte, et tu as le droit de pleurer, dit-il, complètement chamboulé par le cadavre en face de lui.
_ Je ne suis pas triste, il n'aime pas quand je pleure. Parce qu'il a l'impression que c'est sa faute, alors qu'il sait très bien qu'il n'y peut rien.
Nate ne dit rien de plus, serrant plus fort Andy contre lui, ne pouvant se retenir plus longtemps de pleurer.
Non seulement pour Spencer, mais pour elle aussi.
Finalement, elle s'était brisée de l'intérieur, elle ne survivait pas à un autre drame.
Les pompiers débarquèrent, s'affairant autour de la dépouille de Spencer, tandis qu'un policier se rapprochait des deux jeunes gens, voulant les prendre à part.
Nate aida donc Andy à se lever, et il se retrouvèrent tous les trois dans le salon du rez de chaussé.
_ Je suis navré de vous annoncer que cet homme est mort. Qui a découvert le corps en premier ?
_ C'est elle, dit Nate en soutenant Andy du mieux qu'il pouvait.
_ Le connaissiez-vous ?
_ Il s'agit de son compagnon, poursuivit Nate.
_ Pouvez vous vous exprimer mademoiselle ?
Andy ferma les yeux et resta muette, se rapprochant au plus de Nate, y cherchant le réconfort dont elle a tant besoin.
_ Je vais avoir besoin de votre déposition mademoiselle, vous aussi monsieur.
_ Bien sûr, dit Nate. Tu viens Andy ?
Elle acquiesça faiblement avant de suivre Nate à l'extérieur, et d'entrer dans la voiture de police.
« Envole moi, me laisse pas là, emmène moi, tire moi de là ! »
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Dimanche trois janvier 2010
Funérarium Andrews
Dix heures du matin
Le corps de Spencer venait tout juste d'arriver au funérarium, étant passé entre les mains d'un médecin légiste, meurtre oblige. Mais la famille du jeune homme avait tout fait pour récupérer son corps au plus vite, ne supportant pas plus l'idée de voir leur fils examiné sous toutes les coutures, par des gens peu respectueux de la tristesse qui pouvait ravager ses proches à l'instant.
Ses proches …
Seulement deux à l'instant.
Kael et Elodie, ses parents, tous deux rongés par la tristesse de la perte de leur fils unique, cherchant du regard Andy, espérant à chaque instant que la jeune femme passe cette porte.
Mais depuis sa mort, plus personne n'avait eu de nouvelles de la jeune femme.
A part peut-être, ce grand brun aux cheveux dressés sur la tête, une balafre sur la joue droite, que Kael et Elodie ne connaissait évidemment pas.
Allongé sur le lit de pièce, Spencer semblait paisiblement endormi, juste endormi. Sa peau n'avait pas blanchit, n'avait pas cette couleur si caractéristique des morts. Il semblaient tellement vivant, on s'attendait presque à ce qu'il se réveille, qu'il s'asseoit sur le lit, avant de sourire, comme d'habitude quand il faisait une mauvaise blague.
Oui, mais il ne se réveillera pas, il ne s'assiéra pas sur le lit, et il ne rira pas d'une mauvaise blague. Il était endormi, certes, mais d'un sommeil tellement lourd et léger à la fois, un sommeil dont il ne pourra se réveiller, mais si doux et paisible qu'il en ressemblait aux anges.
La porte grinça doucement, faisait retourner aussitôt Kael, le père de Spencer, tandis qu'Elodie continuait de regarder son fils, de lui caresser le visage, de se mémoriser ses traits, de passer ses doigts sur sa balafre rougie par les ans, un coup de couteau évité de peu.
Un homme s'approcha de Kael, serein.
_ Monsieur Andrews, dit Kael en s'approchant.
_ Je suis venu vous annoncer que Maître Bayers est arrivée. Elle souhaite l'un d'entre vous.
_ J'arrive, dit-il en sortant de la pièce.
Près de la machine à café se tenait une jeune femme, aux cheveux bruns ondulés retenus par une nœud blanc en dentelle. Un gilet gris, des talons aiguilles et un pantalon noir. Kael ne put que noter le jeune âge de la jeune femme, vingt cinq ans grand maximum. La jeune femme se retourna, un large sourire sur le visage.
_ Bonjour, Justine Bayers. Enchantée, monsieur Jekill, c'est ça ?
_ Oui, c'est exact, dit-il. C'est au sujet de Spencer ?
_ Oui, tout à fait. Je recherche une Andy Thatch, malheureusement, je n'arrive pas à la joindre. Vous savez, pour le testament que vous m'avez envoyé...
Kael resta bouche bée devant les dires de la jeune femme. Andy ?
_ Andy ? Répéta-t-il à voix basse.
_ Oui. Il l'a désignée comme principal héritière de ses biens personnels. Vous savez où je pourrais la contacter.
_ Non, malheureusement. Je vais essayer de me renseigner.
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♫ Là-bas - Marie-Mai & Baptiste Giabiconi (JJGoldman Cover)
En effet, la jeune femme n'avait donné de signe à vie à personne, restant cloitrée chez elle, dans ses souvenirs. Ce matin, elle avait été contrainte de se lever, pour ouvrir la porte, après qu'un homme ait sonné de façon virulente. Un paquet était arrivé pour elle.
Une simple lettre, écrite maladroitement, et un petit écrin bleuté entouré d'un ruban rouge, comme s'il avait été un cadeau de Noël, ou d'anniversaire.
Andy, peu désireuse de lire, de fournir une action méritant un tant soit peu de concentration avait ouvert l'écrin en premier.
La croix de Spencer.
Celle qu'il portait autour de son cou, qu'Andy ne cessait d'attraper quand ils étaient les bras l'un de l'autre. Elle s'était alors précipitée sur la lettre qu'elle avait posé à côté d'elle, la décachetant à la va vite.
Là-bas
Tout est neuf et tout est sauvage
Libre continent sans grillage
Ici, nos rêves sont étroits
C'est pour ça que j'irais là-bas
Là-bas
Faut du coeur et faut du courage
Mais tout est possible à mon âge
Si tu as la force et la foi
L'or est à portée de tes doigts
C'est pour ça que j'irais là-bas
Là bas
Y'a des tempêtes et des naufrages
Le feu, les diables et les mirages
Je te sais si fragile parfois
Reste au creux de moi
« Andy.
Je suis tellement désolé mon ange. Tellement désolé de ne pas avoir été auprès de toi comme tu l'espérais, de ne pas t'avoir aidée à te reconstruire. Tellement désolé de n'être que moi.
Mais maintenant, c'est fini.
Ne crois pas que je suis heureux de partir loin de toi, mais … sache que c'est ce que j'ai toujours souhaité, avant que tu n'entres dans ma vie. »
On a tant d'amour à faire
Tant de bonheur à venir
Je te veux mari et père
Et toi, tu rêves de partir
« Alors je regrette ce choix, de me débrouiller seul, de ne pas demander d'aide.
Avec un peu de chance, je survivrais, qui sait après tout.
Mais sache que je t'aime, que je t'aimerais.
Et ne baisse pas les bras, cette croix sera là pour te le rappeler. »
Ici, tout est joué d'avance
Et l'on n'y peut rien changer
Tout dépend de ta naissance
Et moi je ne suis pas bien né
« Je veux te savoir heureuse sans moi.
Je veux voir ton sourire d'en haut, si tant est-il qu'un « en haut » existe.
Alors n'oublie pas de sourire, même si ce n'est que pour moi »
Là-bas
Loin de nos vies, de nos villages
J'oublierai ta voix, ton visage
J'ai beau te serrer dans mes bras
Tu m'échappes déjà
La jeune femme avait passé aussitôt le collier autour de son cou, s'efforçant de sourire, honorer la dernière volonté du jeune homme.
Un sourire, pour lui, pour montrer qu'on se bat, qu'on s'accroche.
Là-bas
J'aurai ma chance, j'aurai mes droits
N'y va pas
Et la fierté qu'ici je n'ai pas
Là-bas
Tout ce que tu mérites est à toi
N'y va pas
Ici, les autres imposent leur loi
Là-bas
_ Tu me manques tellement, souffla-t-elle avant d'exploser en sanglots et de s'allonger au sol, recroquevillée sur elle même.
Elle ne voulait pas affronter la réalité des choses. Elle ne voulait pas le voir, ne pas l'enterrer, enfermer de nouveau un être qui lui est cher dans une simple boîte en bois avant de le laisser devenir le festin d'une bande d'asticots. Non, elle ne pouvait s'y résoudre.
Je te perdrai peut-être là-bas
N'y va pas
Je me perds si je reste là
Là-bas
La vie ne m'as pas laissé le choix
N'y va pas
Toi et moi, ce sera là-bas ou pas
Là-bas
Tout est neuf et tout est sauvage
N'y va pas
Libre continent sans grillage
Là-bas
Beau comme on n'imagine pas
N'y va pas
Ici, même nos rêves sont étroits
Là-bas
C'est pour ça que j'irais là-bas
N'y va pas
On ne pas laissé le choix
Là-bas
Je me perds si je reste là
N'y va pas
C'est pour ça que j'irais là-bas
_ Ne pars pas, ne me quitte pas....
La jeune femme leva les yeux vers la cuisine, sur les couteaux qui y étaient rangés soigneusement.
_ Si tu ne peux plus revenir vers moi, c'est moi qui viendrait à ta rencontre. Attends moi.
N'y va pas...