Des rires perçaient l’intérieur d’un petit appartement bleu et vert. Naé Thomson, la voisine du dessous de Sienna donnait des coups de balai dans son plafond afin de faire taire cette bonne humeur qui l’empêchait de regarder la rediffusion de sa série, épisode qu’elle a vu la veille au soir : Plus belle la vie.

 Sienna était asise au sol, Matt à ses côtés, un magazine près d'eux, parlant de tout, et surtout de rien. Le jeune homme passait ses mains dans les cheveux flamboyants de la jeune femme, donnant quelques regard discrets en direction du magazine qu’ils feuilletaient ensemble, lui déposant des baisers humides sur les avant bras, seules parties du corps de la jeune femme qu'il pouvait atteindre de ses lèvres sans bouger.

 _ Arrête, rit Sienna en se baissant, afin de voir rapprocher son visage de celui de son homme.

_ Pourquoi arrêterai-je ? J’aime te voir rire.

 _ Tu parles, je ris comme un cochon !

_ Un adorable cochon suis-je obligé de préciser.

 Et sur ces mots, il embrassa tendrement la jeune femme, qui se baissa, pour profiter d’avoir ses lèvres contre celles du jeune homme. Quand ils se décollaient pour respirer, Sienna décala sa bouche pour titiller la griffure de Matt, à l’extrémité droite de ses lèvres.

«Blessure de guerre» , qu’il lui avait dit en riant.

 _ On fait quoi ce soir ? demanda-t-il sans quitter son visage de celui de la jeune femme.

_ Tu veux vraiment sortir ? Moi, je suis très bien ici !

_ Rester toute la journée allongés dans un salon bleu et vert à se bécoter, y’a mieux comme programme, non ?

 _ Je sais pas, voyons … Je dois sortir ce matin, j’en aurais peut-être pour deux heures.

_ Ah ouais ? Où ? débita-t-il.

_ Je vais retrouver William, et on va passer au cimetière. Déposer une fleur sur la tombe de Paul et Claire, et nettoyer celle de Emina, sa mère. T’as pas du boulot toi ?

 _ Arf, si, bougonna-t-il en cherchant les lèvres de la jeune femme. Pas très envie d’y aller …

_ Ca fait deux semaines que tu me dis ça, que tu n’as pas envie d’y aller. Moi non plus, je veux pas bosser, mais c’est pas mes économies qui vont payer mes fringues et mon loyer.

_ Et la bouffe ?

_ Je compte sur toi pour me payer le resto, dit-elle, malicieuse.

 Et sur ce mots, elle sauta sur les lèvres de Matt, derrière les rires de ce dernier, et ses supplications pour que la jeune femme arrête.

 Dans un petit cimetière de campagne, calme et apaisant, un geai toujours présent dans le saule, deux amis étaient assis devant une tombe, riant comme des enfants.

 Ne croyez pas cette attitude déplacée, Emina aimait le rire des enfants, et plus particulièrement celui de cinq enfants en particulier, ses enfants et les amis de son fils.

 Alors c’est sans gêne que Sienna Churge et William Mayers riaient de bon cœur, se taquinant, lançant des « T’as vu ? » à la tombe, comme lors qu’ils se chamaillaient à six ans. « C’est pas moi qui ai commencé ! »

 _ Ca fait du bien de se retrouver, dit Sienna en se calmant.

_ Ouais, tu as vu Andy récemment ?

_ Non, pas depuis le matin qu’elle est partie voir Nate. Et toi ?

_ Ca fait deux semaines aussi, dit-il en regardant ailleurs.

 Il se tut, enfonçant ses mains dans l’herbe touffue, les yeux perdus dans le vague des nuages.

_ Tu me racontes pas tout toi, dit Sienna tout en s'étirant, sa matinée au soleil l'ayant bizarement fatiguée.

 _ De quoi ? décrocha Will.

_ Tu as la tête ailleurs mon lapin, tu me racontes ? S’enquit Sienna.

_ Euh … ne fut que la réponse de Will.

 _ Tu as flashé sur ta nouvelle proie toi, dit-elle en riant. Elle s’appelle comment ? Elle est jolie ?

_ Euh …

_ T'as jeté ton dévolu sur un mec? s’étonna Sienna, je te savais pas gay ! Le pauvre, il va souffrir avec un gars comme toi  ...

_ Parce que je suis pas gay ! s’offusqua Will, plus rouge que jamais.

_ Bi alors ?

_ Mais tu vas arrêter oui ?

 _ Bah raconte, le força Sienna.

_ C’est ma voisine, tu sais, chez Nate. Elle est venue toquer il y a deux semaines avec une amie, et depuis, bah, elle sort pas de ma tête, même si je l’ai pas entendu, sa copine était casse couille n’empêche !

 _ Elle s’appelle comment ?

_ La casse couille ? Mimi je crois !

_ Non, l’autre, s’impatienta Sienna.

_ Kim, dit-il en soupirant. Mimi aussi était jolie, mais un peu extravagante, je crois que je lui ai tapé dans l’œil, pour qu’elle s’excite comme ça…

 William se leva, et posa une main contre la tombe de sa mère, en soupirant.

_ Qu’est-ce qui ne va pas William ? s’interloqua Sienna face au comportement de son ami de toujours.

 _ Julia va mal, très mal. Ca fait deux semaines que je le voie en cachette, et elle est, étrange. Plus silencieuse que jamais, ses gestes sont différents aussi.

 _ Ses gestes ?

_ Comment réagirais-tu si ta petite sœur collait son visage au tien, te scrutant du front au menton, les yeux avec une étrange lueur. Elle va mal je te dis !

 _ Et je peux rien pour elle, continua-t-il. Elle est mineure, elle peut pas quitter le domicile familial.

William considéra la tombe de sa mère, les yeux embués.

 _ Toi, tu m’aurais cru, hein ? Tu sais qu’elle va mal.