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    Elle prit une profonde inspiration en regardant la façade du bâtiment devant elle. Elle entendait déjà les brouhahas à l’intérieur, les rires qui lui faisait dresser le fin duvet de sa nuque, et la musique, trop forte et trop ringarde. Elle serra un peu plus la main qui se trouvait dans la sienne, et elle tourna la tête vers son cavalier.

    Georg regardait Méandre avec un sourire qui se voulait rassurant. Il ne savait pas la moitié des angoisses qui pouvaient bousculer la rouquine à cet instant précis. Elle ne lui avait fait voir que le strict nécessaire pour qu’il comprenne de quoi cette soirée aller retourner : d’une revanche. Pas pour les autres, mais pour elle. Une revanche sur sa vie, et de la reprendre là où elle s’était arrêtée, avant le bal du lycée.

    - Tu sais, il n’est pas encore trop tard pour rebrousser chemin et aller manger des pop-corn devant Outlander, lui dit l’américain.

    Elle tourna la tête vers GK, et ne put s’empêcher de rire devant sa réflexion débile. La veille, il l’avait largement charriée sur cette série. Il n’avait pas compris en quoi cet univers était crédible, et il ne parlait pas des voyages dans le temps ! L’anachronisme le plus violent était quand même de voir un mec du XVIIIe siècle porter autant de respect à sa femme, alors qu’elle faisait clairement des trucs que la décence lui interdisait.

    - Avoue, tu veux savoir la suite, j’ai piqué ta curiosité.

    - Le cul de Jamie a piqué ma curiosité, nuance.

     

    ▪ 130 ▪

     

    Méandre explosa de rire. Elle était tellement stressée que la moindre blague débile que pouvait sortir GK la faisait rire. C’était nul et archi nul. Elle lui lâcha la main, essaya de reprendre une respiration normale, passa ses doigts sous ses yeux pour effacer des larmes imaginaires, et elle souffla.

    - Mais ce que je dis tiens toujours. T’as rien à leur prouver.

    - Non, je le sais. Mais je compte bien le faire quand même.

    Elle s’avança vers l’entrée du bâtiment et passa le double battant pour se retrouver dans un immense couloir traversant. De l’autre côté, elle vit sa meilleure amie, dans une robe absolument divine que peu aurait osé pour une simple soirée de retrouvailles d’étudiants dans un lycée de province, en train de discuter avec Grimm. Georg suivit Méandre, un pas derrière elle, et salua Alana et son compagnon. Hormis sur scène, il n’avait pas encore eu l’occasion de les rencontrer, et il était assez impressionné, il fallait le dire.

     

    ▪ 130 ▪

     

    - Bonjour ? demanda Alana en regardant le cavalier de sa meilleure amie.

    - Georg, répondit sobrement le jeune homme. Ou GK.

    Il se sentait un peu obligé de préciser, vu que Méandre pouvait l’appeler par son prénom ou ses initiales invariablement. Il tendit la main vers les deux membres des Alive!, attendant qu’on la lui serre. Alana l’ignora royalement, mais Grimm la lui serra chaleureusement.

    - Tu es le collègue de Méandre, dans le magasin de disques, c’est ça ?

    - C’est ça, acquiesça GK, plutôt ravi qu’il ne soit connu que comme ça pour le moment et non comme le petit-ami de Méandre.

    - Enchanté alors, les amis de Méandre sont mes amis. Je m’appelle Grimm, et voici Alana.

    - Oui, je vous ai vu sur scène. Je voulais d’ailleurs vous dire que j’ai adoré votre prestation, et j’espère vraiment ne pas passer pour un fanboy.

    - On n’est pas assez connus pour prétendre avoir des fanboys, donc on ne s’en soucie pas tant que ça, reprit le brun.

    Alana avait ignoré la suite de la conversation pour se focaliser uniquement sur sa meilleure amie. Elle savait très bien, tout comme Grimm, que ce bal du lycée allait être une épreuve pour Méandre. C’est d’ailleurs une des raisons qui les avaient poussés à venir au lycée ce soir-là, pour soutenir la rouquine dans cette épreuve sociale.

    - Ca va aller Min’ ? demanda Grimm en la regardant.

     

    ▪ 130 ▪

     

    Méandre serrait ses mains sur sa robe. Elle avait la tête baissée, et ses épaules tremblaient légèrement. Le grand brun s’avança près d’elle, posa une main sur son épaule et essayant d’être le plus rassurant possible. GK, un peu mis de côté, regardait cette scène d’un œil intrigué. Il avait l’impression qu’il y avait comme un terrible secret qui les liait tous les trois, un secret qui passait par Méandre. Mais il ne se sentait pas exclu néanmoins. Il voyait bien que cela ne le concernait pas, et il était plus inquiet de voir Méandre aussi démunie alors qu’il la voyait tous les jours avec un bagou à déraciner les cons.

    - Oui, ça va. Merci les gars. Ne vous occupez pas de moi, je gère.

    Elle releva la tête et, comme si cela eut été un signal, Alana et Grimm s’éloignèrent. Le batteur hocha la tête devant GK, tendit son bras à Alana et ils entrèrent dans la salle de devoir, réaménagée pour l’occasion en salle de bal à l’américaine.

    Georg attendit patiemment sur le côté que Méandre reprenne ses esprits, ce qu’elle fit après quelques secondes, et quand elle s’approcha de lui, il lui tendit son bras, singeant ce que venait de faire Grimm à l’instant. Elle sourit.

     

    ▪ 130 ▪

     

    - Merci.

    - Je t’en prie, j’ai toujours rêvé de faire ça.

    - D’attendre les filles ?

    - Non, de proposer mon bras à une jolie femme en robe de soirée.

    - J’espère que tu vas pouvoir t’amuser un peu quand même, reprit Méandre. T’es pas obligé de faire le chevalier servant toute la soirée.

    - Et manquer une leçon de danse ? Je ne sais toujours pas valser, et tu as promis de m’apprendre ce soir. Ne fais pas miroiter des choses comme ça aux américains, ils sont sensibles.

    Elle hocha la tête de haut en bas. C’est vrai qu’elle le lui avait promis. Elle entra donc dans la salle, où quelques anciens élèves se trouvaient déjà, au bras de Georg. Quelques regards se tournèrent vers eux, et elle perçut aussitôt des chuchotements dans leurs voix. Ils parlaient d’elle, c’était sûr. Elle aurait tout fait d’ailleurs pour cacher encore plus son visage derrière ses cheveux si c’était possible. Plus elle s’avançait, plus les chuchotements lui semblaient assourdissants, elle n’entendait même plus la musique. Georg la conduisit sur un côté et s’assit avec elle sur deux chaises qui n’avaient pas encore été prises d’assaut.

     

    ▪ 130 ▪

     

     

    - Ils me regardent, dit Méandre en regardant autour d’elle. Ils parlent de moi, je suis sûre.

    - Peut-être, répondit GK.

    Elle tourna la tête vers lui. Il n’était pas très rassurant sur ce point-là. Elle aurait dû venir avec Samuel, lui il aurait au moins essayé de la faire changer de sujet. Georg répondit alors assez rapidement, pour justifier sa pensée.

    - Non, je veux dire. C’est probable qu’ils parlent de toi : tu viens de rentrer dans la salle, ils ne t’ont pas vue depuis longtemps et donc ils doivent se dire « Oh, tu te souviens, c’est Méandre de Terminale B. Je ne l’aurais pas reconnue avec cette robe-là, elle a drôlement changé ». Puis, quand Edouard Duval rentrera à son tour, ils diront « Non mais attends, c’est Edouard lui ? Ils sont où ses cheveux ?! ». Tu vois ?

    - Oui, je vois, dit-elle avec un léger sourire. Sauf que Edouard Duval est déjà arrivé, c’est celui qui parle avec Alana.

     

    ▪ 130 ▪

     

    Elle indiqua de l’index un jeune homme à la peau foncée, vêtu de noir, qui faisait de grands sourires à Alana. Il avait l’air vraiment jovial, du genre le bon copain de tout le monde, et il comprenait pourquoi Méandre disait qu’il était le beau gosse du lycée :  il avait encore la tête du roi du bal de promo, et même plus. Il était carrément séduisant, ce qui fit sourire Méandre. Elle le regardait déjà du temps du lycée, sans s’en lasser, et elle était heureuse de constater qu’il s’était même bonifié avec le temps.

    - Il faisait juste le beau au lycée ? lui demanda Georg sans quitter du regard la discussion entre Alana et Edouard.

    La jeune femme aux cheveux bleus était l’égale d’elle-même, du moins, pour l’idée que GK se faisait d’Alana, à savoir hautaine, condescendante et … Alana quoi. Quant à Edouard, il lui parlait, agitant les mains dans tous les sens, il avait l’air de la féliciter, il ressemblait assez à une mouche tournant autour d’un pot de miel.

    - Oui, il n’avait pas vraiment d’autres caractéristiques pour beaucoup d’autres filles. Mais il était surtout très gentil, il s’entendait bien avec tout le monde. Pourquoi tu dis ça ?

    - Je ne sais pas, Alana a l’air de pas mal le snober là.

    - Elle n’avait pas envie de venir à la base tu sais. Il essaie sûrement de raccrocher les wagons, c’était un gars assez sociable, et Alana et moi avons coupé les ponts avec ceux du lycée quand on est parties faire nos études sur Bordeaux.

    - Des études sur Bordeaux ? Carrément ? Je croyais que vous n’étiez jamais parties d’ici.

     

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    - Alana est toujours inscrite à la fac là-bas, en psycho. Elle suit les cours à distance. J’ai arrêté pour aller travailler afin de nourrir mes frères. Mais on n’a pas renoué avec les gens du lycée quand on est revenues. C’était aussi bien comme ça.

    - Laisse-moi deviner, dit Georg en se tournant vers elle. Vous n’étiez probablement pas les filles populaires du lycée, n’est-ce pas ?

    Méandre le regarda avec un petit sourire avant de lui prendre la main entre les deux siennes. Ce qui était surprenant avec Georg, c’est qu’il ne cherchait pas à savoir quoi que ce soit de son passé, mais qu’il avait toujours la bonne phrase pour lui permettre d’en parler si elle le voulait. Il ne parlait pas de sa vie aux Etats-Unis non plus, c’est sûrement la raison pour laquelle elle se sentait aussi bien en sa compagnie : ils n’essayaient pas de tout savoir l’un de l’autre.

    - Je me demande bien comment tu es arrivé à cette conclusion,  lui dit-elle avec une pointe d’ironie.

    - Et bien, je trouve qu’Alana a un caractère tellement amical qu’il était impossible qu’elle n’ait pas un million et demi d’amis sur cette planète.

    - Bien vu, lui répondit-elle dans un sourire. En effet, on n’était pas dans le club des populaires, mais on s’en moquait un peu. Tant qu’on était là l’une pour l’autre.

    - Tiens, d’ailleurs, je peux te poser une question un peu indiscrète … ?

     

    ▪ 130 ▪

     

    La jeune femme le regarda en haussant un sourcil. Elle allait finir par regretter d’avoir pensé de lui qu’il ne se mêlait pas de ce qui ne le regardait pas. Mais elle acquiesça néanmoins. Il pouvait toujours la poser, ça ne lui garantissait pas une réponse.

    - Si j’ai bien suivi, à l’origine c’est toi et Alana Alive!, c’est ça ? Comment ils sont arrivés les trois autres ?

    - Ah !

    Elle rit. Ce n’était pas du tout indiscret comme question.

    - Alive! c’est Alana, Grimm et moi en fait. Alana a rencontré Grimm quand on avait seize ans toutes les deux, et le courant est passé assez vite entre nous trois. Ils ont commencé à sortir ensemble peu de temps après ça. Samuel c’est le meilleur ami de Grimm, donc il a débarqué comme ça, assez naturellement. Pendant plusieurs années, on a été que quatre.

    - Et … Kaoline ? C’est ça ?

    - Oui, c’est ça. Kaoline, c’est digne d’une légende urbaine. Il y a deux ans, une groupie a forcé le passage de la régie son pour pouvoir admirer son « groupe préféré » de plus près, et donc du perchoir son. Elle avait aussi eu des idées de mixages complètement chelou de nos sons, enfin bref. Elle force le perchoir, et se met à passer des samples persos en plein concert ! Alana a adoré de suite, son son, et puis son audace. Et paf, ça fait une tête de plus chez les Alive!.

     

    ▪ 130 ▪

     

    Georg écarquilla les yeux tellement c’était improbable. Non seulement elle avait forcé le passage, mais ça avait payé ! Il imaginait bien la tête ébahie de Alana après une telle démonstration de force. Il se disait aussi que c’était sans doute la manière la plus logique de se faire une place à proximité des Alive!. Le groupe était si détonnant qu’il fallait forcément être à moitié perché pour réussir à s’en faire remarquer.

    Il fut assez vite coupé de ses pensées par une ombre qui passa devant eux. Il sentit Méandre qui lui lâchait la main pour se relever, et discuter avec l’ombre. Quand il releva le nez, il remarqua qu’il s’agissait du fameux Edouard Duval. Il se leva à son tour, et fut reçu avec un sourire jovial de la part du jeune homme. Ce dernier reprit sa conversation avec Méandre, visiblement ravi de la voir présente ce soir.

     

     

     

     


  • ▪ 131 ▪

     

    - C’est vraiment cool que tu aies pu venir Méandre, Mathilde me disait hier encore que tu serais probablement absente. Elle n’a pas pu venir d’ailleurs, elle est malade : ça lui apprendra à faire sa mauvaise langue. En tout cas, ça me fait vraiment plaisir de te revoir. Comment tu vas d’ailleurs ?

    - J’aurais manqué cette soirée pour rien au monde, lui assura la jeune rousse d’une voix posée. Je suis contente de te voir aussi.

    - Mens pas, lui dit Edouard avec un air un peu plus compatissant. Tu aurais eu de bonnes raisons de ne pas venir, et personne ne t’en aurait blâmé.

    - Toi, tu ne m’en aurais pas blâmé car tu es quelqu’un de bien. Les autres, ils auraient vu mon absence et l’auraient commenté au même titre qu’ils commentent ma présence actuellement. Je ne pensais pas devenir le centre des discussions un jour.

    Aux yeux de GK, la conversation tournait en banalités d’usage. Il n’avait pas un niveau de français assez bon pour comprendre toutes les nuances de cet échange, mais il voyait bien que Méandre se triturait les doigts, dansait d’un pied sur l’autre, se balançait. Elle n’était pas si à l’aise que ça dans la conversation, et pourtant il n’y avait aucune animosité dans le ton de son interlocuteur. Au contraire, il avait l’air vraiment curieux de sa santé et de sa vie actuelle, en toute amitié.

     

    ▪ 131 ▪

     

    Quand il regarda autour de lui, et notamment dans le champ de vision de sa cavalière, il remarqua que de nouvelles personnes étaient entrées dans la salle. Parmi elle, une jeune femme, brune, qui avait tout de Miss Popularité. Elle s’avançait, discutait avec les personnes présentes qui se pâmaient devant elle. Elle s’approcha alors d’Edouard, glissant ses doigts manucurés sur son épaule et le salua d’une bise sur chaque joue. Elle remarqua assez vite la présence de Georg, mais ne le reconnaissant pas, passa son chemin, avant que son regard ne s’arrête sur Méandre. Cette fois-ci, la jeune femme rousse se raidit. Georg n’eut pas besoin d’un schéma pour comprendre ce qui avait pu se passer entre elles par le passé.

    Si cette fille était Miss Popularité et que Méandre était l’exacte opposée, alors cette dernière avait probablement dû servir de bouc émissaire à cette fille, de défouloir. Il comprenait un peu mieux la revanche qu’elle voulait prendre ce soir. Il espérait juste que ça ne finisse pas en bain de sang.

    - Bonsoir Elaine, lui dit Méandre le plus posément du monde. Ta robe est ravissante.

    Méandre faisait des efforts assez importants pour prendre sur elle et lancer la conversation, ce que nota GK. Son interlocutrice en face semblait un peu surprise qu’elle lui adresse la parole. Elle se tourna alors un peu plus franchement vers Méandre pour la remercier de son compliment, et la saluer à son tour. Elle semblait troublée.

     

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    - J’espère que tout se passe bien pour toi, débuta Elaine. On suit un petit peu Alive! avec ceux du lycée, et vous nous soufflez à chaque prestation. Vous irez loin je pense.

    - Merci, c’est gentil, lui répondit Méandre.

    Elle n’arrivait pas à faire autrement que triturer sa robe de ses mains. Ces dernières étaient moites d’angoisse, et elle n’avait pas mieux en magasin pour se calmer. Elle avait besoin de faire front, de lui montrer ce qu’elle valait, pour obtenir ce qu’elle voulait.

    - De rien, c’est normal, tu le mérites. Bien plus que ce qu’on t’a fait au bahut. Je tiens à te présenter mes excuses pour ça. On a… Je t’ai fait du mal, volontairement, car je trouvais ça amusant, mais il n’y a rien d’amusant à blesser les autres. Je sais que tu en as souffert, et j’espère que tu pourras me pardonner un jour.

    Méandre esquissa un léger sourire, et acquiesça d’un mouvement de tête aux mots de Elaine. Elle attendait de les entendre depuis tellement longtemps qu’elle ne savait pas vraiment l’effet que ça pouvait procurer.

    Finalement, les deux femmes se saluèrent d’un hochement de tête, sans rien dire de plus. Edouard s’excusa pour aller discuter avec d’autres anciens élèves, ne laissant plus que Georg et Méandre dans leur coin. Alana et Grimm étaient un peu plus loin, veillant au grain, mais ils n’approchèrent pas du petit couple.

     

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    - Ca va ? demanda Georg en s’approchant de Méandre.

    Il tendit la main vers la sienne, comme pour la lui prendre, mais la laissa en suspens, afin de lui laisser le choix de l’accepter ou non. La rouquine prit la main de Georg dans la sienne, entrelaçant ses doigts aux siens, et elle le regarda avec un sourire bien plus rayonnant qu’il ne se serait attendu à voir. Georg lui baisa la main, tel un gentleman tout droit sorti de Outlander.

    - Au top, répondit-elle tout sourire. Je t’ai promis une danse, et je ne dois pas contrarier les américains il parait.

    Elle s’approcha alors de lui et lui vola un baiser furtif qu’Alana ne manqua pas de remarquer, complètement offusquée d’apprendre que sa meilleure amie avait un mec sans l’avoir prévenue. Puis elle tira Georg avec elle sur la piste de danse, pour continuer son travail de prof de danse et chorégraphe.

     

     

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    Elle avait le pas tout de suite plus léger, le sourire plus facile, et Georg se disait que peu importe la revanche que s’était fixée Méandre, il se disait qu’elle avait finalement obtenu mieux qu’elle n’avait pu espérer. Cela aurait été sûrement plus facile d’envoyer son poing dans le nez de cette fille que de faire ce qu’elle avait fait, mais la récompense ne semblait pas la même : un poids semblait vraiment avoir quitté ses épaules.

    - Prochain objectif, murmura-t-elle à GK tandis qu’ils dansaient sur une chanson au rythme lent, fiche la trouille à Alana avec ta prestation aux battles.

    - J’ai confiance en toi, tu vas me rendre incroyable.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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     Bonsoir à tous !

    Tout d'abord, je m'excuse pour mes quatre jours de retard. Je suis malheureusement tombé dans un cercle de flemme tout le mois d'avril, une panne d'inspiration pour la rédaction de la dernière scène (dans ma première version, ça finissait en bain de sang, je vous laisse découvrir ça sous spoiler tiens, cadeau :p ) et le tout fut sublimé par une ultime semaine saupoudré par un gentil virus qui nous tourne autour depuis deux ans **très déçue de ne pas avoir réussi à passer entre les mailles du filet après deux ans de Résistance**. 

    Enfin bon, je vais essayer de reprendre le rythme, et ne soyez pas surpris si jamais la prochaine MaJ ne tombe pas les 28 ou 29 mai. Elle tombera bien un jour, promis ;)

     

    PS : Il y a deux jours et un an, je relançais DTA ! Même moi j'y crois pas que ça fait un an que mon jeu tourne régulièrement, champagne !!

    **retourne faire de la peinture dans sa maison en chantant Wouldn't it be nice des Beach Boys**

     

     ♥ 

     

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    Sienna rentra chez elle, les bras chargés de livres en tout genre, les cheveux en pagaille et elle était persuadée que son soutien-gorge s’était décroché dans la mêlée.

    Le matin même, sa voiture avait décidé de tomber en panne, et elle avait donc dû faire le trajet jusqu’à l’université en bus, à l’heure de pointe au retour et elle ne s’était jamais sentie aussi proche de la race humaine qu’au moment où les portes du bus s’étaient refermées sur ses fesses alors qu’elle venait de trouver un coin avec de l’air dans le transport bondé. La prochaine fois, elle se fait porter pâle, tant pis pour les étudiants. Mais plus jamais de bus de sa vie.

    Une fois dans l’entrée, elle posa ses livres sur une petite table, et lâcha un profond soupir. Au moins, on était vendredi, elle pourrait dormir demain matin. Ensuite, elle appellerait le mécanicien et elle priera pour que ses services ne lui coûtent pas deux mois de salaire.

    Nouveau soupir. Elle récupéra l’élastique autour de son poignet et s’attacha rapidement ses cheveux en une queue de cheval, histoire d’avoir les épaules dégagées. Puis elle récupéra ses livres qu’elle venait de poser.

     

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    Elle s’arrêta et renifla. Ça sentait le sucre, le sucre chaud. Elle avait oublié le four ? Non, elle ne s’en était pas servie depuis plusieurs jours, et puis, ça ne sentirait pas cette odeur emprunte de caramel, mais plutôt le brûlé, voir l’incendie. Elle se figea, réalisant que quelqu’un était entré chez elle. Personne n’a les clés, et ses enfants et son mari sont loin. Camille en France, Emma quelque part en Finlande et Mathieu était encore à Burlington pour trois semaines.

    - Marine ? C’est toi ?

    Fortement improbable. Elle avait sûrement mieux à faire que de venir chez elle préparer un gâteau. Julia pareil. William ne cuisinait pas, et puis, il aurait plutôt débarqué pile à l’heure du dîner pour se faire inviter. Quant à Nate … Il ne valait mieux pas penser à Nate.

    - Karin ? Cole ?

     

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    Elle s’avança à petits pas vers la cuisine. Ce serait bien une première que son frère et sa sœur squattent chez elle pour faire des gâteaux-surprise. Elle n’osa même pas un « papa ? maman ? » vu que ses parents n’étaient pas du tout des adeptes des surprises.

    Plus elle avançait vers la cuisine, plus son cœur tambourinait dans sa poitrine. Elle ne savait pas quoi penser. Ça ne pouvait pas être un cambrioleur ou un tueur à gages, ils ne font pas des gâteaux à leurs victimes avant de les tuer ou de leur voler leurs affaires. C’est forcément quelqu’un qu’elle connaît et à qui elle a donné les clés, quelqu’un qu’elle devait voir aujourd’hui et sa journée dans le bus lui a totalement fait oublier le programme de sa soirée. Ça ne peut-être que ça.

    - Bonsoir.

    - AH PUTAIN BORDEL DE MERDE !

     

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    Elle sursauta, laissa échapper ses livres et fit volteface. Mathieu était en train de descendre les dernières marches de l’escalier. Il s’arrêta en bas des marches, regardant sa femme avec des yeux médusés. Elle avait l’air terrorisé. Il ne pensait pas lui faire peur avec ce simple bonjour.

    Sienna posa sa main sur sa poitrine, cherchant sa respiration, avant de relever la tête finalement pour avoir la confirmation de ce qu’elle avait cru voir. Matt était rentré trois semaines en avance. Elle n’arrivait même pas à être heureuse, elle avait eu la trouille de sa vie a l’instant !

    - Je te déteste, dit-elle avec une tête empreinte de soulagement. Mais à un point.

    Elle s’avança vers lui à toute vitesse avant de lui sauter dans les bras et de se serrer contre lui. Elle n’avait pas vu Matt depuis des semaines, et cette absence avait été tellement pesante pour elle.

     

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    Matt la réceptionna avec douceur dans ses bras, glissant une main dans ses longs cheveux roux, avant de l’embrasser sur la tempe. Il était si heureux d’être de retour chez lui. Il avait eu l’autorisation de quitter Burlington la veille, et s’était dit qu’organiser une petite surprise pour Sienna aurait été une bonne idée. Il ne pensait pas qu’elle l’aurait vécu ainsi.

    - Je suis désolé Sien’, je ne pensais pas te faire peur de la sorte.

    Sienna hocha la tête de droite à gauche aussi vivement qu’elle put, ainsi calée dans les bras de son mari. Elle serra ses bras encore plus autour de lui. Elle n’avait absolument pas envie de le lâcher, même s’il lui avait fichu la frousse de sa vie et qu’elle avait envie de l’énucléer.

    - Je suis tellement contente que tu sois là. Tu m’as manqué.

    - Toi aussi tu m’as manqué.

    Il l’embrassa une dernière fois sur la joue et recula quelque peu pour pouvoir la regarder. Elle avait les yeux rougis et humides, le résultat de sa frayeur d’il y a quelques minutes. Il passa ses pouces sous les yeux de Sienna, le visage désolé. Il s’en voulait vraiment de lui avoir fait peur à ce point.

     

    ▪ 132 ▪

     

    - Comment tu vas ? lui demanda-t-il.

    - Super bien, encore mieux maintenant que tu es là. Mais tu aurais dû me prévenir. Je t’aurais fait quelque chose pour le dîner, j’aurais rangé la maison …

    - Je voulais te faire une surprise, te prévenir n’était pas dans mes plans. Et tu as l’air déjà assez à bout comme ça pour ranger la maison, et faire la cuisine. Ça ne va pas si bien que ça j’ai l’impression.

    Sienna soupira. Elle recula alors, prit la main de Matt et alla s’asseoir dans le salon en l’entraînant avec elle. Il était impossible de lui cacher quoi que ce soit après presque vingt ans de mariage. Il lisait en elle comme dans un livre ouvert.

    - Disons que la solitude me pèse, et ça ne m’aide pas à aborder les évènements sereinement.

    - Quels genre d’évènements ?

     

    ▪ 132 ▪

     

    Il haussa un sourcil. A cause de sa filature, Matt ne pouvait pas prendre de nouvelles de sa famille comme il le voulait. Chaque conversation était susceptible d’être captée, et il devait passer pour quelqu’un d’autre, laisser ainsi sa famille sans nouvelle hormis l’essentiel.

    - Julia a mis William dehors, et il a replongé dans l’alcool. Rien de grave pour le moment, mais il ne tiendra pas longtemps avant d’être constamment ivre. Et Nate a disparu.

    - Disparu ?

    Cette fois-ci, il s’était raidit. Il était au courant de la situation de Nate, savait que ça n’augurait rien de bon, que son court passage en prison pouvait se transformer en quelque chose de bien pire, et sa disparition ne tombait pas dans les meilleurs moments.

    - Vous avez prévenu les autorités ?

     

    ▪ 132 ▪

     

    - Marine s’en fiche, elle est trop en colère contre lui pour vouloir le chercher, et William est trop cuit pour réaliser la gravité de la situation. Je suis allée voir Yann, et il m’a dit que sa disparition n’avait rien d’inquiétant et que c’était son droit de disparaître de la circulation sans prévenir.

    - Il n’a pas tort. J’en parlerai avec Akira, elle pourra mettre un avis de recherche.

    - Merci.

    Il ne pouvait pas en dire plus, dire qu’il n’y avait aucune raison de s’inquiéter et que Nate allait sûrement très bien. Il n’en avait aucune certitude, et avec ce qu’il avait vu à Burlington, il n’était plus sûr de rien sur l’emprise de Mayers sur ses villes. Il ne pouvait pas affirmer que la disparition de Nate n’avait rien à voir là-dedans.

     - Et toi ? Ça se passe bien ta formation ?

    - Oui, très bien. Certains me donnent du fil à retordre, mais c’est ce qui rend le challenge intéressant. Je suis désolé de pas pouvoir t’en dire plus quand je suis là-bas.

    - Je sais bien, ne te tracasse pas pour ça.

     

    ▪ 132 ▪

     

    Elle posa sa tête contre l’épaule de Matt et soupira d’aise.

    - Tu restes combien de temps ? demanda-t-elle finalement.

    - Deux semaines environ. Peut-être moins s’ils me rappellent avant. J’espère au moins qu’ils me laisseront une semaine complète.

    - J’espère aussi.

    Ils restèrent ainsi quelques instants, jusqu’à ce que la sonnerie du four ne retentisse. Matt releva la tête. Il avait presque oublié qu’il avait mis un gâteau dans le four. Ils se séparèrent alors, et Matt alla dans la cuisine. Sienna le suivit, curieuse de ce qu’il avait fait.

    - Tu rentres aujourd’hui, et la première chose que tu fais, c’est un gâteau ?

    - Une tarte, la corrigea-t-il.

     

    ▪ 132 ▪

     

    Il la sortit du four, la posa sur un plat au milieu de la table. Sienna suivit les actions de Matt du regard. C’était une tarte aux pommes et aux fruits rouges. Sa tarte préférée. Elle roula des yeux, et s’approcha de lui.

    - Tu as quelque chose à te faire pardonner ? lui demanda-t-elle.

    - Il faut une bonne raison pour faire ton dessert préféré ?

    - En temps normal, oui.

    - Oh. Alors, c’est pour mon absence.

    Il s’approcha d’elle pour la prendre dans ses bras et l’embrasser tendrement. Sienna sourit, enroula ses bras autour du cou de Matt et se pressa contre lui, savourant son retour à la maison, et peut-être l’absence aussi de leurs enfants qui leur permettaient de retrouver une seconde jeunesse, sans avoir deux paires d’yeux capables de les surprendre enlacés dans la cuisine.

    - Tu pars quand tu veux si ça me permet d’avoir une tarte à chaque fois que tu reviens, lui glissa Sienna entre deux baisers.

    Il esquissa un rire contre les lèvres de la rouquine, puis il remonta sa main dans ses cheveux afin de s’emparer de l’élastique et de lui dénouer les cheveux.

    - J’en prends bonne note.

     

     

     

     

     

     


  • ▪ 133 ▪

     

    A partir du moment où Julia avait mis William dehors, de la manière la moins adulte et responsable possible, Zhoo avait fait ses valises et avait claqué la porte de l’appartement de sa mère. Il lui avait été intolérable de vivre dans une maison où tout se faisait dans le dos des uns et des autres, où le respect n’existait pas et où sa mère n’avait aucune considération, même infime, pour son père.

    Elle s’était donc retrouvée sur le trottoir avec son petit sac à dos, et squattait chez An depuis. Elle aurait pu aller 1 000 fois ailleurs où il y avait plus de place, comme chez son petit ami. Mais étant ensemble depuis à peine quinze jours, elle n’avait pas pu se résoudre à débarquer chez lui, telle une fleur, pour lui demander une place dans son canapé le temps qu’elle trouve mieux.

    Ça arrangeait An aussi d’une certaine manière. Avec Zhoo à la maison, une autre ambiance s’était installée et elle faisait oublier, en partie du moins, les problèmes de la famille Handers à cet instant précis. An se changeait les idées aussi, et arrivait à oublier son attirance pour Philip, dont elle n’avait toujours aucune nouvelle.

     

    ▪ 133 ▪

     

    Le samedi matin qui suivit, Zhoo se leva relativement tôt. Elle dormait dans la même chambre qu’An, sur un petit matelas posé au sol, comme lors de leurs soirées pyjamas. Seulement, autre fois, la chambre entière était tapissée de matelas pour toute l’équipe. Aujourd’hui, il ne restait plus qu’elles deux.

    Zhoo se dirigea vers la salle de bain, sans faire trop de bruit pour ne pas réveiller sa meilleure amie, et se prépara assez rapidement. Elle devait retrouver Robbie à l’université. Les locaux avaient un studio d’enregistrement utilisés par les étudiants en musicologie. Ils pouvaient alors l’emprunter, en dehors des heures de cours, pour enregistrer les titres que son frère présenterait en France.

    Après quelques minutes dans la salle de bain, Zhoo en sortit et elle vit que An s’était réveillée. Elle était assise dans son lit, en train de scroller sur son téléphone, la tête ailleurs.

     

    ▪ 133 ▪

     

    - Salut, dit Zhoo en souriant. Déjà d’attaque sur ton téléphone ?

    - Coucou. Je vérifiais que j’avais pas de message …

    Elle releva la tête pour parler directement à son amie. Elle nota que la tenue de Zhoo était peut-être un peu plus sophistiquée que d’habitude, trop pour un tour en ville ou une simple session d’enregistrement.

    - Ce n’est pas très adapté pour un rencard ce genre de tenue tu sais, dit An en haussant un sourcil.

    - Ce n’est pas un rencard, même si je vais voir Robbie. On enregistre l’image pour la prestation de GK aujourd’hui, je ne peux pas juste y aller en jean et baskets. GK me le pardonnerait pas.

    - En effet. Amuse-toi bien alors.

    - Merci. Et toi, tu ferais mieux d’envoyer ce message plutôt que d’attendre qu’on te l’envoie, tu ne crois pas ?

    Elle appuya sa remarque d’une moue blasée. Elle n’était peut-être pas la mieux placée pour conseiller les gens sur leurs relations en société, mais s’il y a bien quelque chose qu’elle a fini par comprendre, c’est que ça ne sert à rien d’attendre que quelqu’un fasse le premier pas pour nous quand on voulait quelque chose.

     

    ▪ 133 ▪

     

    Elle sortit finalement de la maison, saluant Marine qui passait dans le couloir à ce moment-là, et elle prit la direction de l’université. Alors qu’elle passait l’angle de la rue, elle reçut un message. Elle prit son téléphone, craignant que la session ne soit annulée et qu’elle se soit levée tôt pour rien. C’était un message de Robbie.

    « Arrivé. Bâtiment O, studio 4. A tout de suite. »

    Zhoo roula des yeux et sourit malgré tout. Elle n’avait jamais vu quelqu’un d’aussi peu bavard. Il n’envoyait jamais de smiley d’ailleurs, elle n’avait jamais vu ça ! Mais ça ne la dérangeait pas bizarrement. Elle savait que c’était sa façon d’être et demander plus dénaturerait Robbie.

    Elle lui répondit aussitôt, avec ses smileys habituels cette fois ci.

    « Je pars juste de chez moi, désolée, je suis à la bourre >.<° A tout de suite !! ♥ »

     

    ▪ 133 ▪

     

    Elle rangea son téléphone et pressa le pas jusqu’au studio d’enregistrement, s’en voulant de ne pas avoir anticipé plus dans sa routine matinale. Elle arriva une dizaine de minutes plus tard. Elle poussa les lourdes portes du bâtiment O, fonça à droite du comptoir et grimpa quatre à quatre les marches de la mezzanine pour arriver devant le studio 4. Robbie n’était pas sur le pallier, il avait déjà dû prendre place.

    Elle prit trois secondes pour souffler, remettre de l’ordre dans ses cheveux et entra dans le studio. Robbie était assis à la batterie, baguettes en main et jouait un rythme qu’elle ne reconnaissait pas. Peut-être une création originale, ou quelque chose de totalement random. Elle posa son sac sur un des fauteuils de la petite pièce de mixage et entra dans le studio.

    - Désolée, vraiment. Je suis à la bourre.

    Robbie posa ses baguettes quand il la vit et se leva pour s’approcher d’elle. Zhoo leva la tête pour le regarder dans les yeux. Il était plus grand qu’elle et il ne mettait pas vraiment les distances pour soulager son cou.

    - Ce n’est pas grave.

     

    ▪ 133 ▪

     

    Il se pencha vers elle pour l’embrasser en guise de bonjour. Zhoo esquissa un léger sourire, posa sa main sur l’avant-bras de Robbie et lui rendit son baiser. Petite chose qu’elle avait noté : Robbie n’était pas des plus bavards, il est vrai, mais pour ce qui est de montrer son affection, il était plutôt expansif. Elle adorait ça.

    - GK n’a pas encore appelé ? demanda Zhoo malgré tout.

    Ils étaient là pour travailler et non pour faire un cours de secourisme, même si elle aurait plutôt bien apprécié l’idée. Robbie nia de la tête. Normalement, GK appelait en visio sur l’ordinateur de la salle de mixage. Il avait peut-être un empêchement.

    Robbie prit alors la main de Zhoo et il l’amena avec lui pour s’asseoir dans les fauteuils. Zhoo ramena ses jambes sous elle et guetta l’ordinateur devant eux.

     

    ▪ 133 ▪

     

    - Ca se passe bien avec An ? demanda Robbie.

    - Hein ? Euh, oui. Ça va. C’est un peu petit chez elle, mais ça le fait. Il faut juste que je trouve autre chose, je ne veux pas l’embêter trop longtemps.

    - Tu peux venir chez moi. Il y a de la place.

    Zhoo se tourna vers Robbie, et le regarda en souriant. Elle était contente qu’il le lui propose. Elle y avait bien pensé aussi après tout, avant d’annuler ce projet.

    - Ce n’est pas une bonne idée Robbie. D’un parce que ton coloc ne va peut-être pas apprécier de me voir débarquer du jour au lendemain, et ensuite parce que ça ne fait vraiment pas longtemps qu’on sort ensemble. J’ai besoin de ma liberté, un peu. Je trouverai un appartement.

    Elle était fixée sur cette idée. Elle avait déjà commencé des recherches après tout. Un appartement notamment, au-dessus d’une supérette, lui avait tapé dans l’œil. Elle devait contacter l’agence pour programmer une visite, mais elle ne savait pas encore comment elle se débrouillerait pour payer loyer et charges, alors elle n’osait pas trop aller le visiter.

    - Mais merci de me le proposer, ça me fait plaisir.

    Elle se pencha vers lui et l’embrassa sur la joue, juste au moment où la sonnerie habituelle de Skype se fit entendre sur l’ordinateur. Zhoo se leva alors et décrocha à l’appel de son frère.

     

    ▪ 133 ▪

     

    - Salut GK ! lâcha Zhoo toute joyeuse de voir son frère.

    Elle ne lui avait pas encore dit qu’elle s’était enfuie de chez leurs parents, ni que leur mère avait mis leur père dehors, en changeant les serrures. Elle ne voulait plus entendre parler de cette situation.

    - Salut les gars, répondit GK en voyant que Robbie s’était approché de l’ordinateur. Je suis un peu à la bourre, j’avais un truc à finir avant de venir ici.

    - T’es où d’ailleurs ? demanda Zhoo en ne reconnaissant pas le décor derrière son frère.

    - Dans le pigeonnier de la salle de concert. C’est ici qu’on va jouer !

    Il gonfla le torse, fier comme un paon, même s’il était mort de trac à l’intérieur. Evidemment, il ne le montrait pas, mais plus la date du concert approchait, et plus il craignait ce qui pouvait arriver de mal. Après tout, une fois sur scène, il serait le seul à tout gérer, et Robbie et Zhoo ne pourront rien faire, même pas y assister.

    - Trop cool ! s’enthousiasma la jeune femme. Bon, et bien go ! On a des titres à enregistrer je crois.

    Elle sauta sur ses pieds, passa les commandes de la régie à son frère – merci les logiciels de contrôle à distance - et elle fila dans le studio. Elle s’approcha des caméras, installée en face des instruments, qui permettraient de faire les prises de vue, les alluma et lança l’enregistrement.

     

    ▪ 133 ▪

     

    Zhoo alla s’asseoir à la batterie, et Robbie récupéra la basse.

    Aujourd’hui, ils n’enregistraient que les images. Les chansons étaient prêtes, il ne restait donc plus que la partie clip, et mise en scène. Zhoo était hyper enthousiaste à l’idée de jouer la comédie et de suivre les directives de son frère. Elle allait s’éclater.

    La voix de Georg résonna dans le studio.

    - Trois, quatre … C’est parti !

     

     

     

     


  • ▪ 134 ▪

     

    Xander avait très mal vécu son expérience à l’état civil. Il avait néanmoins déposé son dossier, avec ses empreintes, et n’avait pas eu de nouvelles depuis. Ça faisait bientôt deux semaines qu’il attendait des nouvelles de tout ça.

    Le temps jouait contre lui. Il se disait, peut-être innocemment, que s’il y avait eu une concordance dans les empreintes, ça se serait vu tout de suite et il n’aurait pas attendu plus de deux jours pour avoir une réponse. S’il n’avait pas de nouvelles, c’est parce qu’il n’était pas celui qu’il prétendait être.

    Il n’avait alors aucune histoire. Il ne saurait jamais qui il était, il n’aurait aucun moyen de retrouver ses parents, et cette seule idée l’angoissait. Quand il y pensait, il sentait son cœur se serrer dans sa poitrine, et un néant l’envelopper dans son ensemble. Il avait fini par refouler toute bribe de sentiment qui pourrait transparaître. Il se concentrait alors sur ses cours, et uniquement cela.

    Ça faisait donc dix jours qu’il n’avait pas eu de nouvelles de Kellan, ni qu’il lui en avait donné. Kellan avait sûrement essayé de le contacter, c’était possible. Mais il avait éteint son téléphone, ne consultait pas ses mails et avait déserté les réseaux sociaux. Il n’arrivait pas à oublier ses angoisses en pensant à son petit ami, car il savait pertinemment que ce dernier lui demanderait des nouvelles de ses recherches et il ne se voyait pas l’affronter.

     

    ▪ 134 ▪

     

    Il travaillait actuellement à son ordinateur, dans sa chambre, quand la sonnette de l’appartement retentit. Il n’en tint pas cure. Robbie était dans le salon, à jouer à la console, et à chaque fois que la sonnette se faisait entendre, il s’agissait de la petite amie de son colocataire, Zhoo. Il n’avait donc aucune raison particulière de se lever et de sortir ses pensées du dessin devant ses yeux. Pourtant, quelques instants plus tard, on toqua à la porte de sa chambre. Il recula de son ordinateur après avoir sauvegardé son travail. Zhoo allait sûrement proposer une partie de Mario tous les trois, c’était déjà arrivé. Il ouvrit alors la porte, mais c’est Robbie qui se trouvait derrière.

    - Il y a quelqu’un pour toi.

    Xander eut un instant d’arrêt. Il n’attendait personne. Il n’avait pas vraiment d’amis dans cette nouvelle ville, en dehors de son colocataire et de sa petite amie. Une petite voix dans sa tête lui souffla « c’est Kellan ! » mais c’était fort peu probable et il la chassa en secouant la tête. Robbie retourna vers le salon, et Xander le suivit. Il le quitta devant la porte du couloir pour sortir de l’appartement. Robbie ne faisait pas entrer les inconnus chez eux, donc qui que ce soit, c’était quelqu’un que Robbie n’avait jamais vu.

     

    ▪ 134 ▪

     

    Quand il ouvrit la porte, il se fit aussitôt engueuler par un Kellan qui avait le visage bien énervé. Xander ne réalisa même pas ce qu’il se passait devant lui. Kellan ne pouvait pas être là, à Houlton. Il y avait beaucoup trop de route, et il avait ses propres cours à suivre.

    - Tu as sérieusement éteint ton téléphone ? T’as une idée de la trouille que tu m’as donné ?!

    Il poussa la porte pour entrer dans l’appartement et prendre Xander dans ses bras. Ce dernier fut surpris en premier abord, ne s’attendant vraiment pas à sa présence ici, et finalement il enroula ses bras dans le dos de Kellan et cacha son visage dans son torse. Le voir avait fait s’envoler, comme par magie, le poids sur ses épaules.

    Après quelques instants, Xander recula. Il ne voulait pas que Robbie les voie. Kellan n’avait probablement pas dit qu’il était le petit ami de Xander, ce n’était donc pas pour se faire surprendre dans le couloir. Il prit néanmoins la main de Kellan pour le faire entrer dans l’appartement. Ils remontèrent jusqu’au salon et Xander lui lâcha la main. Il allait quand même le présenter à son coloc, notamment parce qu’il allait dormir ici au moins une nuit.

     

    ▪ 134 ▪

    ** Robbie joue à Soldats Inconnus, Mémoire de la Grande Guerre **

     

    Robbie lâcha sa manette et se tourna vers eux quand il remarqua du mouvement dans son champ de vision.

    - Robbie, voici un ami, Kellan. Kellan, Robbie, mon colocataire.

    - Enchanté, répondit Kellan. Désolé de débarquer à l’improviste.

    - Ce n’est rien. On a de la place.

    Xander se tourna ensuite vers Kellan. Il n’avait pas de sac avec lui, soit il était venu mains dans les poches, soit il avait fait tout le trajet en voiture et avait laissé ses affaires dans sa voiture.

    - Tu as un sac ?

    - Dans ma voiture. Je suis monté direct.

    - On va le chercher.

    Il rebroussa chemin pour sortir de l’appartement, Kellan sur ses talons. Une fois dans le couloir, Kellan s’approcha de Xander pour lui prendre la main et l’arrêter. Les premiers mots qu’il venait de lui adresser, c’était vraiment « tu as un sac ? » ? Kellan fulminait.

     

    ▪ 134 ▪

     

    - J’ai le droit à une explication Xan’ ? demanda-t-il de but en blanc. Tu réalises que les derniers messages que j’ai de toi c’est « je vais à l’hôpital » ? Je suis même allé demander des nouvelles à ta sœur. Bon, du coup elle sait qu’on sort ensemble maintenant.

    Xander baissa la tête. Il n’avait même pas la force de grogner sur cette dernière nouvelle. De toute façon, ce n’est pas comme si Chloé ne se doutait pas de leur relation à tous les deux depuis le départ. Il aurait juste préféré le lui annoncer directement.

    - Je suis désolé, répondit Xander. Je n’ai pas pensé à ce que tu pouvais ressentir. C’était juste plus facile pour moi.

    - Bien. On récupère mon sac, on monte dans ta chambre et tu m’expliques.

     

    ▪ 134 ▪

     

    Kellan lâcha la main de Xander. Il descendit sur le parking pour aller à sa voiture. Xander ne se sentait pas très bien. Il avait bien ressenti la colère de Kellan dans ses mots, et le voir lui lâcher la main de la sorte ne l’aidait pas à se rassurer. Il avait besoin de Kellan, il ne pouvait pas se permettre de tout faire foirer avec lui. Il passa une main dans ses cheveux, nerveusement, et descendit à sa suite. Kellan ne traîna pas. Il récupéra son sac, ferma sa voiture et rejoignit Xander qui descendait encore les escaliers.

    - Allez, viens, tu vas me raconter, lui dit-il d’une voix plus posée.

    Il lui prit la main et ils remontèrent tous les deux dans l’appartement. Kellan prit bien soin de lâcher la main de Xander dans l’appartement, pour ne pas être vu du colocataire de son petit ami, et ils s’enfermèrent tous les deux dans la chambre de Xander. Kellan posa son sac au pied du lit, et il s’assit sur celui-ci. Xander fit de même, s’asseyant à côté de Kellan. Il gardait la tête basse, s’en voulant d’avoir fait le mort ainsi.

     

    ▪ 134 ▪

     

    - Je n’aurais pas dû gronder, je suis vraiment désolé Xan’. J’étais juste mort d’inquiétude, même Emilien n’avait pas de nouvelles de ta part.

    Xander releva la tête vers Kellan. Emilien ? Il réalisa que Kellan avait dû remuer ciel et terre pour comprendre ce qu’il se passait, et il s’en voulait d’autant plus. Il rougit jusqu’aux oreilles. Kellan le regarda en coin, perdu de voir Xander ainsi. Il passa alors un bras autour de ses épaules pour l’attirer contre lui, et Xander se cacha contre lui.

    - Qu’est-ce qu’il s’est passé ? C’est Charlie ?

    - Non. Je m’en moque bien de Charlie.

    - Alors, c’est quoi ?

    Xander prit quelques instants pour essayer de rassembler ses idées, et expliquer le plus clairement à Kellan ce qu’il se passait. Il ne savait pas trop comment faire pour lui dire, sans rendre le problème tangible. C’est un peu l’histoire d’un chat dans une boîte : tant qu’on ne dit rien, le problème n’est pas vraiment là.

    - Mon acte de naissance, ce n’est pas le mien. Il y a eu un problème administratif et on aurait donné à mes parents l’acte de naissance d’un autre. Parce que je suis censé être mort. Le Spencer de mon acte de naissance est mort à quatre mois.

     

    ▪ 134 ▪

     

    Cette fois-ci, les larmes roulèrent le long de ses joues. Il l’avait dit. Il avait dit ce qu’il redoutait tant, ces quelques mots qui annulait toute son existence, et ça lui fit horriblement mal.

    Kellan en resta bouche bée. La situation était plutôt tordue à comprendre, mais il voyait bien ce qui posait problème. Si l’acte de naissance que Xander a toujours considéré comme le sien était une erreur administrative, alors il n’avait aucun moyen de mener son enquête.

    - T’es sûr ? Je veux dire, l’hôpital est sûr que ce n’est pas toi ?

    - J’ai demandé une comparaison d’empreintes et d’ADN, mais je n’ai pas encore eu de retour. Ça fait dix jours. Ils auraient trouvé une concordance, ils me l’auraient dit il y a longtemps.

    Kellan n’ajouta rien. Xander n’avait pas tort après tout. En général, si les tests étaient concluants, la réponse était immédiate. Là, c’est qu’ils cherchaient encore, et ce n’était pas bon signe.

    - On ira à l’hôpital demain, lui dit Kellan finalement. On ira chercher cette réponse qui ne vient pas.

     

    ▪ 134 ▪

     

    Il l’embrassa sur la tempe et le berça doucement contre lui. Xander se laissa faire, apaisé, et il ferma les yeux. Ici, dans les bras de Kellan, il avait l’impression d’être plus léger, que ses tracas étaient loin derrière lui.

    - Et peu importe le résultat, tu seras toujours Xander. Ils ne pourront pas t’enlever ça.