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    Je toque vivement à la porte de la salle de classe, finalement, je n'ai que dix minutes de retard. Et je vais devoir me taper un cours de maths barbant dispensé par Lhomer, le seul prof qui ne peut pas me piffrer.
    J'avoue, aucun prof ne peut me voir, mais lui, c'est comment dire ... une allergie qui le pousse à me gueuler dessus toutes les trente secondes.
    - Entrez ! dit-il avant que je pousse la porte.

     

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    - Tiens. Monsieur Aaron Hart nous fait l'honneur de sa présence en cours ce matin.
    - Excusez moi, fis-je tête baissée.
    - Va t'asseoir, je ne veux pas t'entendre.
    Au moins, ça a le don d'être clair. Alors, sans me faire prier plus longtemps, je retourne à ma place, aux côtés de Niny, la surdouée de la classe.

     

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    Le seul avantage des cours de Maths, c'est que je peux dormir, je sais que je peux copier sur Niny aux interros, le prof est bigleux. Dommage que ça ne soit possible qu'en cours de maths, un peu d'aide en anglais ne serait pas de refus.

     

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    Heaven était assise devant, aux côtés de Thomas, un blond un peu déjanté qui se prenait pour le roi du lycée. Il ne s'entendait particulièrement pas avec qui que ce soit, il valait mieux l'éviter, il était du genre à être le mec avec des blagues un peu lourdes, et un peu trop sûr de lui.
    Bref ...

     

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    Je détaillai Heaven de dos jusqu'à ce qu'elle se retourne avant de me gratifier d'un sourire, contente de me voir. En effet, ce n'est pas la première fois que j'arrive en retard, et d'habitude, c'est à cause de mon père qui se croit gentil de me foutre une raclée avant d'aller en cours, où ma mère qui essaye de se faire pardonner. D'ailleurs, en parlant d'elle, elle est rentrée à la maison hier soir, à ma plus grande surprise. D'autant plus surpris que quand je suis allé récupérer des fringues à la maison, elle était dans la cuisine, en train de faire une espèce de rangement. Le ciel a dû lui tomber sur la tête, c'est pas possible autrement.
    - Aaron ! entendis-je.

     

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    Je relevais la tête et vis le prof de maths, debout devant notre table, à Niny et à moi, en train de me regarder noir.
    - Oui ? feignis-je l'innocence, ce qui eu pour don de déclencher les rires de ma voisine.
    - Peux-tu aller me résoudre cette équation, s'il te plaît.
    - Euh, c'est à dire que ...
    - Oui ...
    - Niny saurait mieux répondre que moi à ce problème mathématique monsieur. De plus, à quoi cela peut-il me servir de connaitre la limite de cette équation, ce n'est pas ça qui va me permettre d'acheter mes croissants le matin.

     

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    - EN COLLE ! Sur le champ !
    Oups ...

     


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    - T'es complètement débile ! me sermonna encore une fois Heaven alors qu'on était tous les deux au CDI du lycée.
    J'étais assis sur une des chaises, les bras étendus devant moi, les quelques bouquins dont j'avais besoin posés à côté de moi. Heaven tournait encore dans les rayons, à la recherche de sources pour son exposé de latin. Genre, elle fait un exposé de latin, elle ... La bonne blague.

     

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    Elle revint finalement vers moi, posant sa montagne de livres sous mon nez, puis elle sortit sa trousse, et son classeur de latin, apparemment décidée à travailler. Oui, sauf que non. Elle s'est assise avec moi, donc, logiquement, elle ne va pas bosser, on va passer nos deux heures de perm à parler comme de vieilles commères.
    - Pourquoi débile au fait ? demandai-je.
    - Tu t'es fait collé Aaron, dit-elle en soupirant. Encore une fois.
    - Roooh, ça va, grognai-je, y a pas mort d'hommes. En plus, c'était joué subtil !
    - Genre ...

     

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    - Sinon, quoi de beau ma petite pupille, dis-je en riant. Des nouvelles de tes bourses ?
    - Non, aucune, je commence à m'impatienter. Je vais finir sans le sou, ça va être joli tiens. Et je ne compte pas sur toi pour m'héberger, n'est-ce pas ?
    Heaven est pupille d'état. En gros, elle est orpheline, et n'a jamais été adoptée. C'est l'État qui subventionne ses besoins, qui lui paye ses études, son logement, sa nourriture. D'ailleurs, je me demande comment personne n'a pu l'adopter, c'est la gentillesse même Heaven, ne porte-t-elle pas bien son prénom ?

     

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    - Et toi, tu racontes quoi de beau ? me demanda-t-elle après un énième blanc.
    Je savais qu'on n'allait pas bosser. Je suis devin que voulez-vous.
    - J'ai son prénom, dis-je tout fier de moi. Et celui de son petit ami aussi...
    - Vraiment ? Alors là, c'est fort.
    - Gna gna gna, singeai-je.

     

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    Heaven est au courant pour "Laura", qui s'appelle en fait Meredith. Meilleure amie oblige, je lui dis tout, enfin presque. Par exemple, elle ne sait pas ce qu'il s'est passé durant mon adolescence, et tant mieux pour elle. Cette histoire n'est pas un conte pour enfants, et seuls Raise, et les principaux concernés, sont au courant.
    Je n'ai pas eu une enfance heureuse, tout le monde me traite de grognon, de jamais content, ce qui les pousse à s'éloigner de moi, mais s'ils avaient vécu ce que moi, j'ai vécu, je ne pense pas qu'il réagirait différemment.

     

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    - Alors, son nom ? me demanda-t-elle, me sortant de ma rêverie.
    - Hein ?
    - Laura. Elle s'appelle comment ?
    - Meredith, répondis-je en regardant par la fenêtre.
    - Aaron ? Ca va ? me demanda-t-elle, inquiète.
    - Hein ? Ah ... Oui, ça va. Pourquoi ça n'irait pas ?
    - A quoi tu penses ?
    - A rien ...

     

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    La porte du CDI grinça, laissant entrer Raise, les bras croisés, le sourire du warior sur son visage. Qui avait encore souffert le martyre pour qu'il soit heureux comme ça ?
    - 'lut, dit-il à Heaven en s'installant à côté d'elle. Quoi de beau chez mes amoureux préférés ?
    - Très marrant Raise, vraiment hilarant, cinglais-je.

     

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    - Quoi, vous êtes tout le temps collés. Les trois quarts du lycée vous croient ensemble.
    - Grand bien leur fasse, pouffa Heaven avant de retourner à son latin.
    - Tu t'es levée du pied gauche ? fit mon frère.
    - Non ...
    - Elle a pas ses bourses, répondis-je à sa place.
    - Aïe.

     

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    - Vous venez dormir à la maison ce soir les garçons ? demanda-t-elle pour détourner la discussion.
    - Avec plaisir, fis-je en riant.
    - Et toi Raise ? ajouta-t-elle. Tu squattes ?
    - Non merci. Deux trois trucs à régler avec Jose, dit-il en me regardant.

     

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    - Fais gaffe, le sermonnai-je. Tu vas te faire choper un de ces quatre.
    - No panic ptit frère.
    - C'est ça ...
    - Un peu de silence s'il vous plait ! vint hurler à nos oreilles la voix de Catialine, la documentaliste.

     

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    - Raise, si tu n'as rien à faire là, tu es prié de sortir, dit-elle toujours sur le même ton.
    Mon frère leva les yeux au ciel avant de reculer sa chaise le plus lentement possible, en la faisant grincer, pour faire rager la documentaliste. En même temps, elle se mettait dans tous ses états, rien que l'idée de la faire chier nous amusait.
    - Dehors ! beugla-t-elle en indiquant la sortie, rougissant un max au fil des secondes sous les rires d'Heaven et de moi même, avant que Raise se casse en riant.

     

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    - Vous deux, je ne veux pas vous entendre, cingla-t-elle.
    - Excusez-nous, dit Heaven en retournant à son travail, en cachant ses rires comme elle le pouvait.
    Catialine disparut derrière les rayonnages, nous laissant finalement seuls tous les deux.

     

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    - On a eu chaud, dit Heaven. Allez maintenant, on bosse.
    - On mange quoi ce soir, j'ai les crocs moi, chuchotai-je.
    - On bosse j'ai dit, parle pas de bouffe.
    - Heaven ! Allez.
    - Je te laisse choisir !
    - Pizza !!! hurlai-je.

     

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    - Aarooooooon !! grogna la documentaliste. Deux heures de colle. Illico presto.
    Je levai les yeux au ciel en riant, sous le regard consterné d'Heaven. Ce ne sera que ma deuxième colle de la journée.
    - A ce soir Heaven, fis-je en me levant de mon siège, direction la salle 107, ma meilleure amie depuis trois ans.