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▪ This Is War ▪
C'est le moment de vérité et le moment de mentir
Et le moment de vivre et le moment de mourir
Le moment de combattre, le moment de combattre, de combattre, de combattre, de combattre
(This is war - Thirty Seconds To Mars)
La maladie, mon combat.
On finit pas perdre espoir, on lâche prise, on compte les jours.
J'ai décidé de lâcher prise.
Il ne me reste plus qu'une chose à faire ...
A ma grand mère (†),
A Steph' (†),
A mon frère
Et à tous ceux qui se battent contre la maladie.
Préface
Aaron est loin d'être un personnage idéal. Il est loin d'être un personnage de conte de fées, un héros de roman pour adolescentes ou jeunes adultes. C'est exactement un anti-héros. C'est une personne qui aurait pu exister, peut-être même qui existe. Peut-être qu'ici sur Terre, il existe un Aaron Hart, grognon, hargneux, insolent, égocentrique, et passionné. Peut-être n'a-t-il pas le même nom, peut-être n'a-t-il pas le même passé et le même avenir. Mais il existe. Loin d'un idéal.
Mon Aaron s'appelait Stéphane, il avait 2 ans quand je l'ai connu. Il n'avait pas son passé, il n'avait pas son avenir. Il n'était pas grognon, hargneux, insolent, égocentrique. Mais il était passionné. Des Stéphane, il y en a aux quatre coins de la Terre. De jeunes adultes qui se battent depuis l'enfance contre la maladie, contre le « pas de chance », contre la fatalité.
Alors, je vais vous demander un simple service. Ne voyez pas Aaron comme un simple personnage de roman. Voyez-le comme votre ami, celui qu'on adore mais qu'on oserait jamais présenter à ses parents. Blâmez le, adorez-le, secouez-le, réconfortez-le. Pleurez et riez avec lui, comme avec n'importe quel autre ami. Donnez lui une vraie vie en dehors de ces lignes, donnez lui une existence, un moyen de communiquer avec le monde. Voyez-le comme votre petit ami, votre frère, votre meilleur ami. Voyez-le comme votre pire ennemi, comme le jeune homme au fond de la classe qui s'endort en cours d'histoire géographie, ou celui qui répond à toutes les questions du professeur de mathématiques, comme l'organisateur de vos soirées étudiantes, comme l'entremetteur du département, ou l'homme assis dans le métro à lire son journal.
J'aimerais que Aaron fasse partie de vos vies tout comme il fait entièrement partie de la mienne. Après tout, il est le seul dont je puisse dire qu'il est « l'homme de ma vie ».
- Zhu'
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Je préviens toute personne qui souhaiterait s'aventurer ici. This Is War est une histoire sombre, mais cela ne m'empêche pas de la publier de façon publique, elle l'était de toute manière sur son site original. Cette histoire traite principalement de la prostitution et de la mort. J'indique les sujets sensibles. Merci de prendre ceci en compte avant de poursuivre. Je vous souhaite une agréable lecture.
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Par Zhuen le 4 Octobre 2014 à 10:43
Le vingt neuf août deux mil dix neuf, midi et demi.
Le son des cloches de l'église toute proche envahit peu à peu le cimetière.
Il fait beau, comme lors de ce jour il y a dix ans. Les oiseaux chantent, les nuages dansent, le vent nous murmure des mots d'amour. Je lui murmure des mots d'amour. Je t'aime mon ange, ma princesse ...
Je m'appelle Aaron Hart, je suis décédé le vingt neuf août deux mil neuf à l'âge de vingt et un an. Cela fait dix ans aujourd'hui, que je suis sous cette plaque de marbre.
Ne me dîtes pas que c'est parce que je suis mort que je ne peux pas vous parler, on va dire que je suis un peu comme le fantôme de Noël, vous savez, dans le conte, qui apparaît pour vous montrer les meilleurs moments de votre vie.
Ma vie. Quelle belle connerie. Je crois que la seule chose que j'ai fait de bien, c'est bien encore cette frimousse brune assise avec sa mère devant cette tombe de marbre noir, ces petits yeux noirs et son large sourire, encadré par de lourdes boucles brunes lui tombant sur les reins.. Je ne l'ai jamais vue, elle ne m'a jamais vu. Je suis mort avant sa naissance, elle a neuf ans. Mélie est mon trésor. Sa mère est ma meilleure amie.
Je crois que pour commencer mon histoire, des présentations s'imposent. Donc, comme convenu, et expliqué plus tôt, la plaque de marbre, c'est moi, ou du moins, ce qu'il reste de moi, déjà en plus que je n'étais pas en bon état le jour de mon enterrement … Mon enterrement, le deux septembre. Un jour de pluie en plus je crois, l'idéal pour enterrer les gens, le jour même de la rentrée scolaire …
Quant à la jeune femme assise avec l'enfant, il s'agit de ma meilleure amie de mon vivant, Heaven. Brune aux cheveux parfaitement coiffés, dans sa parfaite tenue d'employée de bureau, toujours irréprochable. Elle enserrait l'enfant contre sa poitrine, sans quitter du regard cette tombe, ma tombe.
- Heaven ! Appela un homme roux en arrivant derrière la jeune femme, serrant un peu plus la fillette contre elle.
Vêtu d'une chemise blanche et d'un simple jean, l'homme était de taille et de corpulence toutes à fait normales, grand, mince. Ses cheveux roux foncé aux mèches noires lui balayaient le haut du visage, nous peinant à distinguer ses deux yeux noirs sur sa peau claire et quelque peu tannée par le soleil, assez pour soupçonner qu'il rentrait de vacances, sans croire qu'il les eût passées à brûler sur une serviette de plage en plein soleil. Et d'aussi loin que je le connaisse, il n'a guère changé, toujours la même façon de se tenir, de sourire. Certes les années sont passées et l'ont fait mûrir, mais rien qui ne l'ait changé radicalement, et c'était tout à son honneur.
- Oh, bonjour Raise. Comment tu vas ?
- Jamais très bien, comme tous les vingt neuf août. Bonjour Mélie !
La petite fille sauta au cou du rouquin qui l'installa sur ses épaules, en riant.
Raise est mon frère jumeau. Et comme tous les jumeaux, il a mal vécu ma mort, je le sais, j'ai beau être réduit en poussière, je sais bien ce qu'il ressent. On ne peut pas dire non plus que nous deux, c'était de l'amour fraternel comme tout le monde peut en rêver, on se supportait plus qu'autre chose la plupart du temps. Mais quand il arrivait une bricole à l'un, l'autre arrivait en renfort, c'est comme ça qu'il est Raise. Et c'est comme ça que j'aime mon frère.
- Salut frangin, me dit-il en s'asseyant à son tour. Quoi de neuf depuis la dernière fois, tu me diras hein ?
Tout à fait, qu'est-ce que tu as encore fait comme conneries tête de pioche ! Raconte moi tout, et que ça saute, où je viens te hanter ! Oui, je sais, pour l'humour on repassera.
Bon, au lieu de vous faire lire les bla-blas incessants de mon frangin adoré, je vais plutôt vous raconter comment j'en suis arrivé là, six pieds sous terre, à même pas vingt-deux ans. Car oui, j'allais avoir vingt deux ans quand tout s'est arrêté.Je crois que pour commencer, il vous faut remonter trente deux ans en arrière, le jour où tout à commencé, et où j'ai signé mon arrêt de mort : le jour de ma naissance.
Je suis né un jour pluvieux du mois de novembre, le dix neuf précisément, suivant de près mon jumeau, Raise donc. Tout allait bien dans le meilleur des mondes. Nos parents étaient comblés, réellement. Deux enfants pour le prix d'un, c'était leur rêve. Cependant, deux jours plus tard, le pédiatre qui venait nous examiner, Raise et moi, annonça une terrible nouvelle à ma mère : elle avait donné naissance à un enfant à la santé fragile : moi. Mon cœur ne bat pas régulièrement, pour faire simple, je vais pas entrer dans les détails de ma cardiopathie non plus. Alors, j'ai vite été suivi, puis, vers mes six ans, j'ai reçu ma première pile cardiaque : un pacemaker. Je devais subir des opérations régulières, des contrôles, des échographies …C'était une dose supplémentaire de stress pour mes deux parents. Il fallait s'assurer que ma pile ne me fasse pas faux bond, que je ne tombe pas malade, que je ne joue pas comme tous les autres enfants. Mais allez donc expliquer à un enfant qu'il n'a pas le droit de courir pour le bien de sa santé tandis que son frère jumeau allait jouer au football avec ses copains, qu'il avait besoin d'une dispense de sport avant de s'inscrire à l'école et qu'il devait rester dans les jupons de son institutrice pour qu'elle puisse le veiller sans avoir à le chercher partout dans la cour. Les premières années de mon enfance furent dures pour tout le monde, à grogner après moi, à essayer de me maintenir sage chez les médecins, et cetera.
Et c'est finalement aux alentours de mes douze ans que tout a explosé pour maman, et ce sera là que commencera mon histoire.
- Tu viens Mélie ? demanda Raise à ma fille.
- Oui ! fit-elle de sa voix claire, puis elle se tourna vers moi. Au revoir papa !
L'enfant se rua vers mon frère, qui l'a prise par la main et ils sortirent tous deux du cimetière en riant. Ils me manquent tous, affreusement.
Heaven, quant à elle, resta assise devant ma tombe, comme à chaque fois qu'elle venait. Elle y restait des heures, à me parler, à pleurer, me raconter ses tracas, me parler de Mélie, de ses progrès fulgurants. Certains hivers, elle en oubliait même la neige qui tombait et qui la rendait blanche telle une mère Noël. Elle avait toujours ce même rituel : venir sur ma tombe avec quelque chose qui me faisait plaisir de mon vivant, un bon livre, un sachet de sucrerie, un nouvel album à écouter. Et elle s'adossait contre ma tombe, lisant l'ouvrage, me rappelant les meilleurs passages à voix haute comme si je ne l'avais jamais quitté. Elle se goinfrait de sucreries quand elle avait le cafard, et pouvait passer des heures à chanter à tue tête quand elle avait découvert un nouvel album absolument fantastique.
D'ailleurs, quand elle est sortie de la maternité, la première chose qu'elle ait fait, c'est de venir ici, avec Mélie dans son transat, pour m'annoncer qu'elle n'avait aucun souci cardiaque, qu'elle était une petite fille en parfaite santé. Et mine de rien, j'en étais heureux. Et elle m'avait raconté chaque étape de sa vie, me racontant à quel point elle grandissait et qu'elle faisait des progrès. Une fois par mois, Heaven venait avec Mélie, et ma fille s'en allait en me disant « au revoir Papa, à bientôt ». La voir grandir et s'épanouir faisait de moi le plus heureux des pères fantômes.
- Je vais me marier Aaron, me souffla-t-elle. Avec Drew, tu sais, ton meilleur ami de collège, le blond aux yeux violets. Ça fait longtemps qu'on le sait, mais je n'ai jamais vraiment trouvé le temps, ni même le courage, de te le dire. Mélie ne dit rien, je crois qu'elle l'aime bien. Je ne sais même pas si elle sait qui tu représentais pour moi, rit-elle, elle a dû se mettre dans le crâne qu'on était amoureux l'un de l'autre toi et moi. Enfin, ça ne me dérange pas plus que ça qu'elle le croit, c'est sûrement mieux qu'un enfant se croit le fruit de l'amour de ses parents, et puis, vu que j'étais vraiment amoureuse de toi Aaron, je ne cherche pas à la contredire. Et je ne regrette en rien ce qu'on a fait cet après-midi là, Mélie a été le plus beau cadeau de ma vie, j'espère qu'elle aura été la tienne. Je t'aime.
Heaven se leva alors et embrassa ma stèle avant de retrouver sa famille, en dehors du cimetière. Mélie jouait avec Raise, et un homme blond à lunettes s'approcha du groupe avant d'étreindre Heaven, et ils s'embrassèrent, devant une grimace de dégoût de Raise et Mélie qui se mirent ensuite à rire comme des enfants.
Une légère brise passa, souleva les longs cheveux de jais de ma meilleure amie et effeuilla les fleurs de ma tombe déjà noircie. Heaven tourna la tête vers la provenance de la brise, comme si elle savait que c'était moi qui en avait profité pour la remercier de sa présence ici auprès de moi.
- Tu viens Heaven ? lui demanda Drew en lui prenant la main. Cathe-Line et Andrew vont nous attendre.
- J'arrive, souffla-t-elle.
Une dernière fois, elle embrassa le cimetière du regard, ses yeux cherchant un quelconque fantôme dans le ciel, puis elle tendit la main vers Mélie, et tous les quatre disparurent finalement vers le centre-ville pour se retrouver, comme tous les ans depuis mon décès, entre amis, à picoler et raconter des bêtises, et se souvenir de moi.
Si j'eus été encore vivant, mon cœur se serrait pincé à l'idée de les voir partir de ce cimetière. Et bien que je sois triste pour eux, bien que je sais que je les ai tous abandonnés en me rendant à ma mort, jamais je ne regretterais mes choix, jamais. Car j'ai fait les bons, depuis le début.