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    ♫ Dernier Combat - Manau

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    Ça fait déjà des mois que t'es parti, me laissant seul
    Me voilà aujourd'hui devant toi, assis sur le sol
    Entre les fleurs, le marbre et toutes ces dalles sombres
    Je ne peux voir que ton prénom inscrit sur cette tombe

     

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    La suite de ma vie, tu sais a tellement changé
    On dit que c'est ainsi et que le temps va me faire oublier
    Malgré les jours passés, je n'y arrive pas
    Et jour et nuit, je pense à toi

     

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    J'entends souvent ton rire, le son de ta voix
    J'ai même des souvenirs qui me reviennent des fois
    Les réalités, complicité du passé
    De tout ce que l'on a fait ensemble et que rien ne peut effacer

     

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    Et pourtant, il y a ce sentiment de colère
    Qui m'envahit comme un aimant attiré par le fer
    Putain de maladie qui ne s'arrête pas
    J'n'étais pas là pour ton dernier combat

     

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    Je vais rester debout, continuer mon chemin
    À prendre encore des coups, ça va dépendre des lendemains
    Un jour tu m'as dit que la vie ressemble à un bouquin
    Qu'il y a le début, le milieu et bien sûr la fin

     

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    C'est sûr, aujourd'hui je sais où j'en suis
    Je viens de finir le dernier chapitre de ta vie
    Tu peux partir en paix , toi seul avais raison
    Et rendez-vous sur l'Île d'Avalon

     

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    J'entends souvent ton rire, le son de ta voix
    J'ai même des souvenirs qui me reviennent des fois
    Les réalités, complicité du passé
    De tout ce que l'on a fait ensemble et que rien ne peut effacer

     

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    Et pourtant, il y a ce sentiment de colère
    Qui m'envahit comme un aimant attiré par le fer
    Putain de maladie qui ne s'arrête pas
    J'n'étais pas là pour ton dernier combat

     

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    J'n'étais pas là pour ton dernier combat


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    Je venais de griffonner ces quelques mots sur cette feuille de papier. « Je t'aime ». Oh oui, si tu savais à quel point je pouvais t'aimer Meredith, plus le temps passe et plus tu me manques. Il n'y a que l'image de ton sourire qui me fait tenir, qu'est-ce que j'aimerais te le dire. Mais je me suis promis de l'oublier. Alors, las, je contemple ma feuille où sont griffonnés ces quelques mots, alors que le vent se leva, me faisant frissonner sur mon fauteuil roulant. Je resserrais alors mon écharpe, resserrai mes cheveux attachés et refrénai mon envie de lui écrire. C'était pas comme ça qu'elle allait m'oublier, et puis, elle doit avoir d'autres chats à fouetter en ce moment, puisqu'il paraît qu'elle va se marier, mais même si j'ai tenté de cuisiner Heaven sur ce sujet, elle n'a pourtant rien dit de plus que ce qu'elle m'a avoué lors de sa cuite sur les bords de Seine. Et ça a le don de me les broyer bien comme il faut, peut-être pire même que la situation dans laquelle je me trouve, à savoir l'hôpital depuis pas loin de dix mois maintenant.

     

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    Je continuai de regarder ce morceau de papier qui commençait à prendre l'eau à cause de toute cette neige, comme si mes paroles se noyaient avec la neige, me demandant si je devais poursuivre, ou abandonner ma lutte pour protéger Meredith de tout ça. Ce serait tellement plus simple de lui dire la vérité, de pouvoir la serrer dans mes bras une fois supplémentaire.
    - Aa … AARON ?!

     

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    Je relevai la tête quand je vis quelqu'un s'approcher de moi, en tenue de jogging rouge, à toute allure, ses cheveux bruns lui balayant le visage.
    - Estelloo ? M'étonnai-je alors qu'elle était arrivée à ma hauteur.
    Précipitamment, je froissai la lettre et la fourrai dans ma poche, ne voulant pas qu'elle tombe nez à nez avec ce que j'écrivais. Elle poussa un profond soupir avant d'attraper mon fauteuil par les poignées, pour me pousser vers l'établissement.

     

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    - Non, mais ça va pas bien dans ta tête de rester dehors par un temps pareil ? Comme si ça suffisait pas que ton cœur soit en sale état, tu cherches la pneumonie à présent ?
    - Calme-toi, il n'y a pas mort d'hommes …
    - Pas encore, mais vu tes agissements, ça va pas tarder. Nan mais tu penses à quoi sérieusement ?
    - Mais au fait, c'est pas ton jour de congé ? Lui dis-je pour changer de conversation.
    - Visiblement, on a encore besoin de moi, vu qu'ils sont incapables de te garder au chaud dans cet hôpital.
    - Allez, rentre chez toi, ou retourne à tes occupations, je suis un grand garçon, soupirai-je alors qu'on arrivait dans le hall de l'hôpital.

     

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    Je donnai alors un grand tour de roues pour qu'elle me lâche puis me tournai vers elle, pour lui faire face, de ma faible hauteur.
    - Bon ok, je m'excuse Estelloo, tu es contente ?
    - Non.
    - Mais quoi ? Qu'est-ce qu'il faut que je fasse pour que tu sois enfin contente ? Rah, et puis pourquoi je m'obstine, t'es juste un médecin de cet hosto, oups, pardon, interne, fis-je en insistant bien sur ce mot. Je te reverrais sans doute jamais de toute manière une fois que je serais sorti d'ici.
    - Vu le rythme auquel tu te soignes, tu ne vas jamais sortir d'ici Aaron. Allez, aujourd'hui je suis en civil, dis moi pourquoi tu ne veux pas nous donner ces infos.
    - Si tu crois m'avoir aussi facilement, lui ris-je au nez en allant vers la cafétéria de l'établissement.

     

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    Mais elle avait décidé d'avoir sa réponse, et me talonnait, commençant réellement à m'énerver. Subitement, je freinais, espérant la surprendre et la faire tomber au sol, ou s'empêtrer contre mon fauteuil, mais malheureusement pour moi, et mon esprit démoniaque, elle avait de bons réflexes. Rah, elle me soûle.
    - Allez quoi Aaron, c'est pas comme si on se connaissait pas. Et promis, je dirais rien au Docteur Kaiser, de toute je te demande pas de me donner le nom de ton cardiologue, juste de connaître tes motivations.
    - Et pourquoi je te le dirais hein ?
    - Parce qu'on est amis ?

     

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    Elle s'accroupit pour être à mon niveau et me regarda dans les yeux, directe et sans aucune pincette, elle me lança :
    - Ça fait neuf mois que tu te traînes dans cet hôpital, et même ta copine ne vient plus te voir, t'as plus que moi, alors vas-y, accouche. Parce que tu m'inquiètes vraiment, on dirait que tu te laisses mourir …

     

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    - Et si c'était le cas, tu crois que ça te ferait quoi de le savoir ? Tu me forcerais à me battre lors d'un combat perdu depuis ma naissance ?
    - Tu … tu te laisses vraiment mourir ?
    Elle me toisa, complètement sous le choc avant de se relever, alors que je poursuivais ma route vers la cafétéria. Elle m’emboîta le pas (ou la roue, au choix) et me suivit quand je m'installais à une table, se prenant une chaise tandis que je demandais de m'apporter un chocolat chaud et des croissants.

     

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    - Pourquoi ? Fut sa seule question.
    Je lâchai un profond soupir, jouant avec la cuiller dans ma tasse, puis la regardai.
    - Parce que j'ai vingt ans, que depuis que je suis môme je me fais opérer tous les cinq ans, et que je veux vivre, je meurs d'envie de vivre comme tout le monde. Pouvoir faire les mêmes choses que tout le monde, et mourir en me battant pour vivre, plutôt que de mourir de vieillesse dans un lit parce que j'aurais suivi les recommandations de médecins en blouse blanche et dépourvus de cœur.
    - C'est toute l'estime que tu as de toi ?
    - Ouais, faut croire.
    Je portai le chocolat à mes lèvres, et en bus une gorgée.

     

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    - Et ta famille ? Tes amis ?
    - Ma mère est morte sous les coups de mon frère, qui aimerait bien mettre fin à ses jours depuis sa cellule de prison, mon père, s'il est pas encore mort, il doit pas en être loin. Pour mes amis, ils acceptent mon choix, et si tu dis être mon amie, je vais te demander de faire pareil.
    - Que …? Non ! Enfin, bien sûr que non, on ne souhaite pas à nos amis de mourir trop jeune.
    - Toi qui est médecin, ou à moitié médecin, tu connais mon espérance de vie. Tu crois que ça vaut le coup de survivre pour un laps de temps aussi court, plutôt que de chercher à vivre de façon la plus normale qu'il soit ?
    - Tu as peut-être raison … abdiqua-t-elle. Mais je suis sûre que quelqu'un te fait hésiter dans ton entourage … Tu as l'air convaincu de ton projet, mais ça se voit qu'au fond tu ne l'es pas vraiment.
    Je ne dis rien, préférant baisser la tête, attendant la fin de sa réflexion.
    - C'est ta petite amie, qui te fait ralentir, n'est-ce pas ? Je le connais ton regard, alors tu sais.

     

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    - Ça dépend de qui tu appelles ma « petite amie », car je ne crois pas qu'on parle de la même personne … lui dis-je avec un petit rire moqueur.
    - La brunette qui vient de temps en temps, elle a un prénom étrange … Heather ou un truc dans le genre...
    - Tu parles de Heaven, et elle est juste ma meilleure amie. Ma petite amie, je l'ai fuie si tu veux tout savoir. Elle est restée dans ma ville, et elle ne sait pas où je suis.
    - Oh, et c'est à elle que tu écris autant ? Oui, je t'ai vu écrire plusieurs fois, ça veut pas dire que je t'espionne hein, te bile pas, je suis pas si folle que ça hein !

     

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    - T'inquiète, je te dirais ça une autre fois, mais il y a ma série qui commence dans cinq minutes, et si je loupe mon épisode, je vais être de sale poil jusqu'à la rediffusion demain matin, tu m'excuses ?
    Je reculai alors, et me dirigeai vers ma chambre, mi amusé, mi triste de cette situation.
    Oui, je m'accrochai à Meredith et c'était elle qui me faisait tenir en ce moment, mais j'aurais préféré que personne ne le sache, surtout pas Heaven. Ça lui donnerait une bonne raison de me motiver à me faire opérer, et ça, c'est niet, foi de rouquin !


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    Ca faisait plus d'une semaine qu'Heaven n'était pas revenue me voir, et je commençais sérieusement à me demander ce qu'il se passait. Je ne dormais que très mal, j'étais d'une humeur de chien, et par plusieurs fois, j'avais tenté une évasion, très vite rattrapée par Estelloo, ou des infirmières. Et aucun moyen de joindre Heaven, je ne connais même pas son adresse, je tourne en rond et je ne supporte pas cette situation.
    Ce matin, je m'étais installé dans la cafétéria, crayon et bloc note en main, bien décidé à concrétiser cette lettre à Meredith que je me tardais à faire depuis plus de huit mois.

     

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    « Pour Meredith Anforth, de la part de Aaron Hart.
    Bonjour ma Punkette. Je me permet d'utiliser le possessif, puisque après tout, quoi que tu en penses, ce surnom te vient de moi n'est-ce pas ? Et quiconque s'en servira à ma place finira égorgé, ou juste avec ma menace sur le dos, mais après tout, je n'ai aucun moyen de savoir ce qu'il t'arrive, alors peu importe.
    J'ai appris ton mariage, et je suis heureux de voir que tu as continué ta vie, que tu ne te sois pas accroché à moi, et que tu aies trouvé quelqu'un qui te convienne. Alors je te souhaite tout le bonheur du monde, et plus encore si cela était possible, tu le mérites. Tu es la personne la plus merveilleuse que j'ai jamais rencontré, alors j'espère que le bon Dieu là haut, ou une autre entité supérieure, fera de toi la plus heureuse des femmes, et que jamais tu n'auras à souffrir. Comme je le dis, tu le mérites.
    Aujourd'hui encore, je pense à toi. Heaven est portée disparue et une femme m'a parlé de toi, ou du moins, m'a fait parler de toi en se doutant de ton existence et de l'importance que tu avais eu pour moi, comme quoi certaines personnes peuvent être perspicaces. »

     

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    - Aaron ? M'appela une voix que je ne connaissais que trop bien.
    Je pliai alors ma lettre et me tournai vers la source de la voix, qui était bien celle que je pensais : Estelloo.
    - Bonjour à toi aussi. Un problème ?
    Attendant sa réponse, je remarquai la présence d'un homme juste derrière elle, grand, brun à la peau sombre, emmitouflé dans une grosse écharpe, l'air impatient. Il semblait taper du pied et lançait des regards furtifs dans chaque coin de la pièce.

     

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    - On te cherche en fait, dit-elle en me désignant l'homme.
    Je la regardai, cherchant à ce qu'elle m'en dise plus, et celui-ci fit un pas vers moi, permettant à Estelloo de s'éclipser, et me laissant seul avec lui.
    - Oui ? Que puis-je pour vous ?
    - Je m'appelle David Waston. Vous ne me connaissez pas, mais nous avons une amie en commun, poursuivit-il.
    - Une amie ?
    - Je viens de la part de Heaven Fewser.
    - Heaven ?! Comment elle va ? Où est-ce qu'elle est ?

     

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    Il émit un petit rire, ce qui m'impatienta encore plus. J'avais vraiment pas le temps de rire moi, mais absolument pas. Il s'invita à ma table, tira une chaise vers lui et s'y installa.
    - Doucement, ne paniquez pas, elle va bien, mais elle ne peut pas venir. Elle s'est faite agresser à la sortie de son travail il y a une semaine, et elle ne peut plus bouger de son lit tellement elle a mal au dos et aux côtes.

     

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    Je serrai les poings de fureur, avec une envie folle de tuer celui qui avait oser lever la main sur ma meilleure amie, il n'allait pas l'emporter au paradis !
    - Et elle s'inquiète pour vous, alors elle m'a envoyé vous faire chercher. Ah oui, je suis son voisin, je sais pas si elle vous a parlé de moi …
    - Celui qui lui prête des meubles, si, je vois très bien qui vous êtes, lui répondis-je alors que je reculai au moyen de deux tours de roues.

     

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    - Qu'est-ce que vous faites ? Me demanda-t-il alors que je me dirigeais vers l'accueil de l'hôpital, me suivant.
    -Je négocie ma sortie pour aller la voir, je compte pas rester ici les bras ballants. Vous êtes venu ici comment ?
    - En … en bus, pourquoi ?
    - Allez appeler un taxi, je m'occupe du reste, lui dis-je alors que je captai l'attention de la secrétaire.

     

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    - Bonjour, ce serait pour avoir une permission pour la journée, je suis sûr que le Docteur Kaiser se fera un plaisir de me la donner, vous voulez pas m'aider pour que ça aille plus vite ?
    - Sans l'avis d'un médecin, je ne peux rien vous donner Monsieur.
    - Roh, allez, soyez cool, ça fait neuf mois que je croupis ici, laissez moi au moins une après midi quoi, s'il vous pl …
    Je fus coupé dans ma phrase par un papier qui flottait devant mon visage, papier que j'essayais d'attraper et qui tomba sur mes genoux.

     

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    - Je t'accorde le weekend Aaron, mais tu as intérêt à être de retour demain soir pour le dîner, ou je remue toute la France s'il le faut pour te retrouver, c'est compris Hart ?
    - Je t'adore toi tu sais ! Lui répondis-je avec un large sourire.
    - Oui, je sais, les amis ça sert à ça, allez file, avant que je change d'avis !
    - Merci.
    Je reculai tout en effectuant un demi tour, et roulait vers David, qui était dehors.
    - Bon, il est où ce taxi ?
    - Vous êtes vraiment si impatient ?

     

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    - Quand il s'agit de Heaven, toujours. Au fait, je me présente : Aaron Hart, meilleur ami de Heaven ta voisine, et tu peux me tutoyer si tu me laisses en faire de même, je suis pas un vieux croulant et toi non plus. Voilà qui est fait.
    Et sur ces mots, je descendis la rampe et m'approchai du taxi qui nous attendait sur le bas de la route.


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    - C'est ma sœur qui s'occupe d'elle en ce moment, me dit-il alors qu'on avançait vers une petite résidence largement pommée entre une fourmilière de buildings.
    Ce qu'il me racontait ne m'intéressait pas vraiment, plus il parlait, moins je me rapprochai de Heaven, et j'avais furieusement envie de la voir.
    On passa finalement le portail, et nous prîmes la direction du fond de la cour, moi le suivant comme je pouvais malgré mes roues coincées dans la neige. Et intérieurement, je priais pour qu'elle ne vive pas à l'étage. Non pas que je sois incapable de me tenir debout, puisque j'en suis tout a fait capable. Mais marcher, c'est une toute autre histoire, et on va dire que mes jambes déconnent un peu, sûrement le manque de force de me tenir debout et de marcher en même temps. Saloperie de palpitant.
    - Viens, c'est là.

     

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    Nous étions devant la porte d'un logement bien caché dans le fond de cette cour, et j'eus de la peine à imaginer Heaven vivre dans ce quartier. D'une certaine manière, j'avais envie qu'ils se soient trompés de Aaron dans l'hôpital, mais si je me doutais que c'était peu probable.
    David entra dans l'appartement, et je l'y suivis de près, m'attendant au pire.

     

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    Et quelle ne fut pas ma surprise quand je découvris cette large pièce unique, meublée telle un cocon, loin d'une boite vide ou d'un appartement similaire à celui de mes parents. Du regard, je cherchais Heaven, qui était allongée sur le lit, prostrée, et assise en tailleur sur le lit, une femme, au teint légèrement plus foncé que celui de David, elle devait donc être sa sœur. Je m'avançais sur le lit comme je pus, et une fois à distance raisonnable, je me levai, et posai ma main sur l'épaule de Heaven.
    - Heav …
    Je resserrais ma main sur son épaule, et elle se tourna sur le dos, avant de me regarder, souriante et soulagée. Je pus distinguer des larmes sur le coin de ses yeux, et finalement, je m'assis sur le lit et la pris contre moi.

     

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    - Shhh … la berçais-je tendrement. Pas la peine de pleurer, je suis là tu sais. Et j'ai même tout mon weekend, c'est pas génial ?
    Je l'embrassai dans les cheveux, et à ce moment, les deux voisins de Heaven s'éclipsèrent pour ne laisser un peu seuls tous les deux. Heaven, quant à elle, s'accrochait à mon pull, telle une enfant perdue, et je me contentais de la rassurer comme je le pouvais, bien que mon allure n'ai rien de rassurant : les traits tirés, la mine sombre, et des jambes en compote. Mais tant bien que mal, je me devais de la rassurer. Je lui avais promis de rester avec elle tout le long de ce voyage, et ça fait neuf mois que je ne vis même plus avec elle.
    - On va repartir Heaven, je te laisse pas toute seule ici …

     

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    Elle se redressa, et me regarda droit dans les yeux, comme si elle savait que je ne tiendrais pas ma promesse, comme je n'ai pas tenu la précédente.
    - Crois moi Heaven, ça me saoule autant que toi de devoir rester ici, je vais me barrer de cet hôpital, il me laisseront jamais partir sans me faire opérer.
    - Alors fais-toi opérer. Je suis prête à tout endurer pour que tu restes en vie. Fais toi opérer, retourne voir Meredith, épouse la, fais lui des tas d'enfants et reste auprès de moi Aaron. Ne meurs pas …

     

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    Elle ferma les yeux si fort que son visage tout entier se crispa, retenant ses larmes.
    - Je peux pas Heaven …
    Je passai ma main dans ses cheveux, un pincement au cœur. Non, je ne pouvais pas faire ça, c'était pas ce que j'avais prévu, et cette fin que je m'étais choisi me plaisait au plus haut point.
    - Laisse moi au moins mourir comme je le souhaite, à défaut de ne pas avoir pu vivre comme je le voulais. S'il te plaît. Et après, tu vivras comme tu le voudras.
    - Si tu le fais pas pour moi, fais le pour elle …
    - Elle ? M'interloquai-je.

     

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    Elle se terra dans son mutisme, et son regard se dirigea vers le meuble au pied de son lit. Intrigué, je me levai, et me dirigeai vers celui-ci.
    S'y trouvait une enveloppe blanche, sur laquelle était inscrit en lettres noires : « Reviens nous vite Aaron – Cathe ». Non mais il se passe quoi là ? Je retournai l'enveloppe, l'ouvris et en sortis un papier cartonné, soigneusement décoré, et à sa vue, mon visage se décomposa.

    « Meredith & Florian
    Ont la joie de vous faire part de leur mariage
    Qui sera célébré le Samedi 21 juillet 2007
    En la basilique St Benedict de Bloomington.
    Meredith Jane Anforth & Florian Adrian McMallers »

     

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    - Elle … elle se marie avec lui ?
    J'eus un rire jaune et rangeai vivement le carton d'invitation dans l'enveloppe, avec la ferme intention de ne plus y toucher. Elle a décidé de se remettre avec lui, et bien soit, il lui reste plus qu'à assumer, j'en ai rien à faire …
    Mais, malgré moi, ma gorge se serra, mes jambes ne semblait plus me tenir et je m'empressais de m'appuyer contre le meuble pour le ne pas tomber.
    Après tout ce que j'ai fait pour elle, pour la sortir de ce merdier avec ce type, elle retournait vers lui à pieds joints ? Je pouvais pas le croire, vraiment pas …

     

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    - Dis moi que c'est une connerie de la part de Cathe-Line … suppliai-je Heaven, ma voix se masquant par mes sanglots.
    Je gardais la visage détourné, à regarder vers la cuisine, à me traiter de tous les noms. Je me sentais complètement ridicule, comme si elle allait sagement attendre l'annonce de ma mort pour refaire sa vie, tu l'as abandonné Aaron, il fallait bien qu'elle se retrouve quelqu'un.
    - Non, ce n'est pas une blague.
    - C'est ça que tu as failli me dire quand tu avais été bourrée. « Meredith va se marier avec Florian, c'est une hypocrite ». Pourquoi je me suis douté de rien ?
    - Parce que tu es trop loin d'elle à présent …
    Elle se leva et se dirigea vers le canapé en boitant quelque peu, avant de s'y asseoir.

     

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    - Avec tout ce que je sais sur ce type, je t'assure que tu ferais mieux de rentrer...
    - A quoi bon ?
    - Tu ne vas quand même pas la laisser avec lui ? Enfin, c'est un psychopathe …
    Je me tournai vers elle, vivement, le regard noir.
    - Ne m'en parle plus Heaven … s'il te plaît. Je me suis enfui, elle a fait son choix de vie future. J'ai plus rien à voir dans sa vie. T'oublie que je ne vis que pour toi à partir de maintenant.
    - Sauf que je sais que tu lui écris encore. Tu sais, je reçois les lettres de Cathe, je les lis … Et elle s'est demandé quand tu comptais réécrire une lettre à Meredith.
    - Jamais …
    Je fis le tour du canapé et m'installai dessus, bras sur mes cuisses.

     

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    - Je préfère l'oublier tu vois, comme elle l'a fait pour moi. On peut changer de sujet maintenant ?
    - Euh oui … j'ai des nouvelles d'un certain Cory, c'est ça je crois.
    - Ouais, Cory Summers. Quoi de nouveau alors ? Demandai-je en tournant ma tête vers elle.
    - Il a quitté Oliver il me semble, il a carrément quitté la ville en fait …
    Elle fit sa petite moue qui me fait sourire, celle quand elle creuse son cerveau d'élève modèle. Pas à nier, elle était craquante comme ça, pas la peine de débattre sur ce sujet. Mon Heaven, c'est la plus belle en toute circonstance. Je n'écoutais même plus la fin de son explication, et me penchai vers elle, pour lui déposer un léger baiser sur la joue. Surprise, elle tourna la tête vers moi, un petit sourire sur le visage.
    - En quel honneur ?
    - Je dois avoir une bonne raison pour embrasser ma meilleure amie sur la joue ?
    - Euh non, bien sûr que non. Tant que tu cherches pas à te consoler de … de machine – elle esquissa un sourire taquin – dans mes bras, ça ne me dérange pas.

     

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    Je soupirai, amusé et l'attirai dans mes bras pour la blottir contre moi.
    - Tu peux pas être un ersatz de copine, t'es mon Heaven à moi, c'est tout !
    A nouveau, je l'embrassai sur la joue, tel un véritable gamin.
    - Dis voir … ça te plairait la Pologne ?
    - J'adorerais !


  • - 173 -

     

    - Votre bilan n'est pas très bon Mr Hart.
    La journée commence mal. Un mois s'était écoulé, et j'avais retrouvé un (presque) parfait usage de mes jambes. Je n'avais donc plus besoin de fauteuil, ni de béquilles. Je ne courrais pas, il m'arrivait de m'appuyer contre les murs, mais j'avançais seul, et ça pour ma fuite loin de Paris, c'était plus que indispensable. D'ailleurs, parmi les nouveautés, je vivais avec Heaven la moitié de le semaine, à condition de partir avec une armada de médicaments, et ça avait tout de suite rassuré et Heaven et Estelloo, qui d'ailleurs s'entendent plutôt bien, en même temps, elles veulent toutes deux m'empêcher de mourir, donc elles font cause commune.

     

    - 173 -


    - Qu'est-ce qu'il se passe alors ? Demandai-je en tentant de regarder par dessus ses notes sur son bureau.
    - Votre pacemaker est inutile, il ne fonctionne plus. Le moindre faux pas de la part de votre cœur, et vous y passez. Je ne peux pas être plus clair que ça.
    - Il est mort … ce truc est bien mort, c'est ça ? Vous pouvez me l'assurer ?
    - Oui, il ne vous sert plus à rien. Il faut vous faire opérer dans les plus brefs délais.
    Je lui lançais un regard noir. Il allait pas s'y remettre non plus, quand je dis non, c'est non. Grr !
    - Comment vous expliquez clairement qu'il n'en ai même pas question. Vous venez de m'apprendre une bonne nouvelle.
    Il ouvrit des yeux ronds comme des billes, me dévisageant. Oui, je suis tombé sur la tête et alors ?

     

    - 173 -

     

    - Mais, enfin … vous allez mourir …
    - Merci, je suis au courant. Et vous savez quoi, ça me fait fichtrement du bien de savoir que j'ai pas autant souffert pour rien. J'ai achevé mon pacemaker, je vous assure que c'est une victoire pour moi.
    - Écoutez Mr Hart … Aaron... Vous ne pouvez pas sourire ni rire de cette situation. Ce n'est pas juste pour vous, nous nous devons de vous soigner. Ne serait-ce que pour notre conscience.

     

     

    - 173 -


    - Vous me semblez bien entreprenant. J'ai le droit d'user et d'abuser de mon corps comme cela me chante. Il s'agit de mon corps, pas du vôtre. Et si j'ai envie de mourir, c'est mon choix. Pas le vôtre, alors laissez moi.
    Je me levai, hochai la tête en guise de salut et me dirigeais vers la porte.
    Et alors que je posai ma main sur la poignée, je l'entendis se lever.

     

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    - J'espère que vous savez ce que vous faîtes en décidant de vous suicider.
    Je me figeai un cours instant avant d'ouvrir la porte et de sortir de la pièce, pour me diriger vers ma chambre.
    Il est vrai que je ne l'avais jamais vu sous cet angle là …