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    Quelques heures plus tard, en milieu d'après midi, Georg attendait son meilleur ami, Camille, dans la bibliothèque du lycée, lieu qu'il fréquentait souvent quand il avait un imperceptible besoin de ne pas aller en cours, ou de dormir, tout simplement. Mais à ce moment-ci, ce n'était pas une sieste ou une flemmardise accrue qui motivait ce jeune homme d'à peine seize ans, mais les dernières nouvelles, qu'il avait entendu de la bouche de deux de ses professeurs lors de la pause de midi. Assis à une des tables les plus reculées de la pièce, il tapotait ses doigts nerveusement sur le bois du mobilier, se rongeant les ongles ici et là, ses pensées complètement accaparées par une inquiétude grandissante pour ses parents, et notamment sa mère.
    Pourquoi n'en fut-il pas autrement après tout ? Sa propre mère avait été séquestrée et battue par l'homme qu'elle avait toujours considéré, et qu'elle considère toujours par ailleurs, comme son père, malgré l'absence totale de lien de sang. Ses parents, William et Julia, ont été élevés ensemble, comme frère et sœur, enfants d'un couple auquel l'époux, Harry, mit fin, en assassinant son épouse, Emina. Et pour rajouter à la complexité de cette famille, il s'est avéré que Julia avait été adoptée, sœur cadette d'Emina, et que William était le fruit d'une précédente union. On ne pouvait certes pas faire plus compliqué comme famille : grand père assassin et trafiquant, grand mère assassinée et parents incestueux.
    Et ce ne fut qu'une fois Harry enfermé derrière les barreaux de sa prison qu'ils purent tous se reconstruire, Georg compris, né au milieu de tout ce trouble familial. Soupirant, Georg s'écrasa le visage contre la table, les yeux rivés sur les nervures du bois.

     

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    _ GK ! Héla son meilleur ami en débarquant à son tour dans la bibliothèque, de la façon la plus bruyante qu'il put, sous le regard rouge de la bibliothécaire qui remettait en rayon les livres dérangés par les incroyables et très disciplinés élèves de ce merveilleux lycée qui la fatiguait au plus haut point.
    Georg releva le nez pour distinguer la personne qui venait de s'installer en face de lui. Un petit châtain de quatorze ans à peine, maigre comme une crevette, sans un dessous de muscle sur les os. Le plus caractéristique chez cet adolescent était son aptitude à manipuler les gens, et notamment la gent masculine dont il était très friand, avec ses gestes, son regard et ses mots (oh, et peut-être ses lèvres quand il devait en arriver à de telles fins). Coureur de pantalon jamais rattrapé, jamais égalé et jamais acculé !

     

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    _ Alors, remis de tes émotions ? Demanda Camille en parcourant la bibliothèque du regard à la recherche d'un en-cas.
    _ Crois moi, à ma place tu t'en remettrais pas si facilement, soupira Georg.
    _ C'est pas toi, que ça concerne, mais tes vieux! Fulmina Camille.
    _ Ton père aussi est concerné, rajouta Georg. T'es au courant au moins ?
    _ Bien sûr que oui je sais que P'pa a foutu ce type en taule, prends moi pour une bille aussi. Mais je ne m'en soucie pas pour autant, on s'en remettra tous, et basta. On se doutait bien qu'il allait sortir un jour de toute, on fout plus les gens en taule à vie, alors bon …
    _ Certes … Mais Maman s'en foutra pas elle, et je visualise déjà la vie infernale que l'on va connaître à la maison.
    _ S'tu le dis …

     

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    Camille continua de fouiller la bibliothèque du regard, cherchant quelconque perle rare à découvrir entre deux livres, peut-être un charmant rat de bibliothèque, qui sait. Ce n'est pas une espèce si rare que ça quand on sait regarder où il faut. Son regard perdu dans le vague attira aussitôt Georg, qui claqua ses doigts devant son nez.
    _ Et Cloud ?
    _ Il est en latin, expliqua le plus sobrement du monde le châtain. Et puis, il sait déjà comment je fonctionne, qu'il se mette pas à piailler parce que je regarde ailleurs …
    _ Soit, soit …
    Georg se leva, rassembla ses affaires, et jeta son sac sur son épaule avant de se tourner vers son ami.

     

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    _ Bon, et bien, je te laisse chasser. Il paraît que je dois des explications à ta sœur …
    _ Bon courage !
    _ Toi aussi …

     


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    En effet, le courage était quelque chose de plus que nécessaire pour Georg à cet instant précis, puisqu'il connaissait très bien la sœur jumelle de son meilleur ami, et notamment sa capacité fulgurante et instantanée de le tuer d'un simple regard, bien que parfois, elle y faisait participer ses poings. Mains enfoncées dans les poches, il parcourait le lycée de long en large, espérant la trouver ainsi, puisque comme son frère, elle était actuellement en pause. Après quelques minutes de recherche intensive, il la trouva finalement dans une salle de classe, seule, en train de travailler face à des piles de livres.

     

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    _ Je peux entrer ? Demanda-t-il en passant la tête par l’entrebâillement de la porte.
    Elle ne tourna même pas la tête quand elle entendit la voix de Georg, bien que tout son être tremblait d'envie de le voir, d'autant plus qu'il était visiblement venu seulement pour elle. Elle resta alors figée sur ses feuilles, ses lèvres s'ouvrant imperceptiblement pour lui répondre.
    _ On est dans un pays libre, fais comme tu veux.
    Le brun prit donc cette phrase comme une invitation, et s'installa au côté d'Emma, qui n'avait pas bougé d'un cil. Elle ne lisait même plus ses cours, elle n'écrivait plus, elle se contentait de mimer un travail assidu pour espérer qu'il la laisse tranquille, plutôt que d'entendre ses plates excuses, vides de sens et qu'il lui sortait à chaque fois. Aujourd'hui, Emma avait décidé d'être forte, et de ne pas craquer face à la bouille de chien battu de Georg.

     

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    _ Je suis venu m'excuser, lança-t-il pourtant à l'attention de sa voisine de paillasse. Pour hier soir, puisque je sais que Camille t'a déjà tout raconté.
    Emma ne bougea pas, hormis peut-être une raideur qui lui parcourut le corps pour se forcer à rester muette et indifférente au baratin qu'il allait lui servir. Elle attrapa un crayon, qu'elle fit tourner entre ses doigts avant d'entamer un exercice de mathématiques.
    _ Mais je peux t'assurer que je n'ai rien fait de répressible hier, et puis …
    Il se coupa un instant, fronça le nez et leva les yeux au ciel.

     

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    _ Nan, mais pourquoi je m'évertue à te présenter des excuses et à me justifier, alors qu'en fait, on ne sort pas ensemble. C'est pas comme si j'avais franchement fait quelque chose de mal. Tu serais ma copine, okay, ce serait logique, mais là, juridiquement, j'ai rien à te devoir.
    _ « Juridiquement » … c'est un terme qu'on utilise quand un contrat est compris. On n'est pas mariés, il n'a pas de juridiquement qui tienne Georg-Kaitlin.
    _ Eh ! M'appelle pas comme ça, tu sais que je supporte pas ! Gronda-t-il aussitôt en regardant la rouquine.

     

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    Cette dernière se tourna vers lui, un léger sourire moqueur sur le visage. Quelque peu rassuré de voir un geste amical sur le visage de son amie, il lui répondit en souriant à son tour, et tendit la main vers elle.
    _ Allez, on fait la paix Em', okay ?
    Elle considéra cette main tendue un instant, puis remonta son regard vers celui bronze de son ami. Elle hocha la tête en signe de négation et retourna à ses exercices de mathématiques, résolue et pleine de bonne volonté.
    _ Euh, ok … Je viens en signe de paix, et tu veux toujours me faire la guerre. Qu'est-ce que j'ai fait de mal, franchement ?
    Le brun bougonna, puis croisa les bras sur la paillasse, avant de laisser reposer sa tête sur ceux-ci, regardant ailleurs.

     

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    _ Je te jure que je fais preuve de la meilleure volonté du monde en venant te voir, qu'est-ce qu'il te faut de plus ?
    _ Sors avec moi peut-être, murmura-t-elle.
    Elle piqua immédiatement un fard, et tourna la tête à l'opposé, ne voulant pas croiser le visage de son voisin, et risquer de paraître encore plus ridicule à ses yeux, d'autant plus que le rouge de ses joues devait faire tâche avec la rousseur de ses cheveux.
    _ Pourquoi pas, souffla simplement Georg. Je comprends pas pourquoi tu ne m'avais pas dit ça plus tôt d'ailleurs.

     

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    Emma fit aussitôt volte face, dévisageant immédiatement Georg. Elle était absolument sûre d'avoir rêvé ce qu'il venait de dire, puisque tout ceci n'était pour elle qu'une simple illusion. Elle hésita même à se pincer, mais enleva très vite cette idée de son esprit. Georg la verrait, et ce ne serait qu'une raison de plus pour se moquer d'elle.
    _ On a qu'à se dire ciné demain soir, t'en penses quoi ?
    Il se leva de son tabouret, et réajusta son sac sur son épaule. Emma ne cessait de le quitter des yeux, plus rougissante que jamais. Elle se contenta alors d'opiner du chef tout en regardant Georg qui se trouvait devant elle, abasourdie.

     

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    _ Cool. Je passerais vers vingt heures alors. A plus tard !
    Il lui fit un simple signe de la main en guise d'au revoir, avant de sortir de la pièce et de poursuivre son avancée hasardeuse dans les couloirs du lycée, tout en évitant le personnel éducatif, avant d'aller se poser dans un coin de l'établissement, et ne plus bouger jusqu'au cours suivant.

     


  • (11)A quelques mètres de là, une porte subissait les ravages de la jeunesse, dans un silence des plus étranges, malgré quelques bruits étouffés. Une sonnerie perça cet étrange calme et la porte cessa

     

    A quelques mètres de là, une porte subissait les ravages de la jeunesse, dans un silence des plus étranges, malgré quelques bruits étouffés. Une sonnerie perça cet étrange calme et la porte cessa de se mouvoir sur elle même.
    Un cri de victoire perça depuis la petite pièce, et un jeune homme en déboula, mal vêtu, le nez rivé sur l'écran de son téléphone portable, sur lequel il avait reçu un message assez improbable de la part de son meilleur ami :
    « Appelle moi beau frère Cam ♥ »

     

    (11)A quelques mètres de là, une porte subissait les ravages de la jeunesse, dans un silence des plus étranges, malgré quelques bruits étouffés. Une sonnerie perça cet étrange calme et la porte cessa

     

    Et à ce simple message, il envoya un texto de félicitations à sa sœur, bien content de ne plus avoir à se prendre des oreillers et des peluches dans la figure chaque lendemain de fête. Déjà que lui même y participait, si elle pouvait cesser d'aggraver sa propre gueule de bois en hurlant dans tous les coins, ça lui fera quelques vacances, qui ne seront pas de trop.
    Il partit donc à la recherche de son meilleur ami, plantant sa conquête qui lui a servi d'encas à la place de son petit ami, quand un autre message vint lui rompre sa très éphémère solitude.
    « Bonjour ^.^ »
    Camille s'arrêta un instant, regardant son téléphone, étonné d'avoir des nouvelles de lui, alors que cela faisait des jours qu'il ne lui avait plus parlé.

     

    (11)A quelques mètres de là, une porte subissait les ravages de la jeunesse, dans un silence des plus étranges, malgré quelques bruits étouffés. Une sonnerie perça cet étrange calme et la porte cessa

     

    Lui, un gars que Camille avait rencontré fortuitement sur un site internet alors que Georg l'avait forcé à s'y inscrire, et finalement, avaient fini par s'entendre plutôt bien, prouvant à beaucoup de personnes autour de lui que l'on pouvait se faire de vrais amis sur internet, car c'est ce que Cameron était devenu pour Camille. Un véritable ami, bien que récemment ce n'était plus tout à fait le cas, vu leur clair manque de communication.
    Les doigts de Camille glissèrent alors sur le pavé tactile de l'appareil, et commença à pianoter une réponse pour ce déserteur d'ami qu'il était.
    « Encore en vie ? C'est si bien que ça la mer, les vacances, les vieux et tout ? »
    « Oui c'est agréable »
    « Quoi de neuf alors ? »
    Camille se dirigea vers le fond de la cour de l'établissement, le regard fixé sur son téléphone portable, en attente d'une réponse, pendu à la conversation qu'il entreprenait. Plusieurs minutes passèrent ainsi, les yeux de Camille n'avaient pas quitté l'écran pour autant, esquivant comme il pouvait les élèves qu'il croisait dans son périple.

     

    (11)A quelques mètres de là, une porte subissait les ravages de la jeunesse, dans un silence des plus étranges, malgré quelques bruits étouffés. Une sonnerie perça cet étrange calme et la porte cessa

     

    - Piliiiip -
    Le téléphone sautilla dans la paume de l'adolescent, qui s'empressa aussitôt d'ouvrir la conversation pour y lire le message tant attendu.
    « Jai un cou de soleil xD et toi ? »
    Et lui ? Un sourire passa sur son visage en repensant à ses nouveautés, se demandant s'il était vraiment judicieux qu'il lui parle de ses aventures scolaires. Il commença à pianoter un message, l'effaça ensuite, en récrivit un autre et ainsi de suite, jusqu'à ce que ces doigts glissent et forment :
    « Rien de spécial … Hormis que ton texto est un peu mal tombé :p J'étais assez occupé xDDD »
    « Ah excuse moi, t'été pas obliger de répondre »
    « Justement, c'était pas un bon coup. Tu m'as sauvé la vie, thks »
    « Aha.. Serien.
    Derien* »
    A cet instant, la sonnerie retentit, annonçant le changement de cours, et notamment, la fin du cours de latin auquel était inscrit le petit ami de Camille. Du moins, petit ami pour la forme. Non pas que ce jeune homme ne ressente pas une réelle affection pour le blondinet, mais s'attacher à un seul mec à son âge, ce n'était clairement pas envisageable pour lui. Il rangea alors son cellulaire dans le fond de sa poche, et n'eut pas à attendre bien longtemps avant que ne se pointe son petit ami, qui s'installa immédiatement à califourchon sur ses genoux.

     

    (11)A quelques mètres de là, une porte subissait les ravages de la jeunesse, dans un silence des plus étranges, malgré quelques bruits étouffés. Une sonnerie perça cet étrange calme et la porte cessa

     

    _ Bon cours ? Demanda la crevette en posant ses mains dans le bas du dos de Cloud.
    _ C'est du latin, qu'est-ce qu'il y a d'intéressant et de bien là dedans ? Demanda-t-il de manière tout à fait rhétorique.
    _ Bah je sais pas moi, je n'ai pas choisi l'option latin contrairement à une certaine personne juste en face de moi.
    Le blond encadra le visage de son petit ami de ses mains, cherchant à lui déposer un baiser sur les lèvres quand quelque chose le freina dans son envie. Une odeur qu'il ne connaissait pas émanait de Camille. Il se recula alors vivement, le regard noir et dévisagea son petit ami, furieux.

     

    (11)A quelques mètres de là, une porte subissait les ravages de la jeunesse, dans un silence des plus étranges, malgré quelques bruits étouffés. Une sonnerie perça cet étrange calme et la porte cessa

     

    _ Quoi ? S'étonna le châtain. J'ai fait quoi encore ?
    _ Fais pas l'ignorant. T'as recommencé. C'était qui cette fois ?
    _ Qu'est-ce que ça peut te foutre ?
    _ Je suis ton MEC ! Je me sens un minimum concerné par tes petites sauteries tu vois. Putain, tu me soûles Cam ! J'en ai marre de ta gueule, je me casse.

     

    (11)A quelques mètres de là, une porte subissait les ravages de la jeunesse, dans un silence des plus étranges, malgré quelques bruits étouffés. Une sonnerie perça cet étrange calme et la porte cessa

     

    Sur ces mots, Cloud se leva des genoux de son désormais ex petit ami, avant de tourner les talons et de prendre la direction du lycée, laissant Camille seul sur son banc à l'extérieur. Il attrapa alors son téléphone portable, pianota sur l'écran, et envoya un unique message au seul ami qu'il savait accessible à cette heure.
    « Toujours par là ? Où tu es retourné te baigner ? »
    Son message resta ainsi sans réponse de longues minutes, puis Camille entreprit de se lever, pour aller rejoindre sa sœur en classe, pour la fin de la journée de cours qui l'attendait.