• (21)Et à peine avait-il passé la porte qu'un éclat de voix lui parvint aux oreilles. Sa mère et son « père » s'escrimaient encore dans la cuisine, à son sujet. Il était persuadé d'avoir entendu son pr

     

    Et à peine avait-il passé la porte qu'un éclat de voix lui parvint aux oreilles. Sa mère et son « père » s'escrimaient encore dans la cuisine, à son sujet. Il était persuadé d'avoir entendu son prénom juste avant qu'ils ne se stoppent en le voyant rentrer.
    _ Ouais, c'est moi. Reprenez donc où vous vous êtes arrêtés, je ne veux pas vous couper dans votre discussion.
    _ Bonjour Georg, sourit tant bien que mal Julia à l'égard de son fils. Tu as passé une bonne journée ?
    _ Pluvieuse, donc si tu peux me laisser aller me doucher, ça m'arrangerait tu vois.
    _ Oui … Bien sûr.
    Julia posa son regard sur son fils, le regardant traverser le salon puis grimper les escaliers en colimaçon avant de disparaître dans la salle de bain qui se trouvait à l'étage. Georg fit claquer la porte de celle-ci, faisant ainsi sursauter sa génitrice, qui de nouveau se tourna vers William.

     

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    _ Quoi ? Tu vas encore dire que c'est de ma faute si il est irrespectueux ? Gronda-t-il.
    _ Je n'ai rien dit William, alors tu peux te calmer, s'il te plaît ? Essaya de tempérer son épouse.
    L'homme ne rajouta rien, regardant son épouse de manière fixe, attendant que celle-ci n'ouvre la bouche pour prophétiser une nouvelle fois sur l'avenir incertain de leur fils qui ne leur parlait pratiquement plus. Chose qu'elle ne fit pas, à la grande surprise de William.
    _ Il faudrait quand même qu'on aie une discussion, tous les trois, quatre même si Zhoo veut participer, dit-elle en dévisageant William.
    _ Certes. Et tu espères l'avoir comment cette discussion ?

     

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    _ Tu pourrais arrêter d'être sur la défensive William, soupira Julia. Ça ne sert à rien de se déchirer comme ça, ça ne fera pas revenir Georg vers nous.
    _ Tu n'aurais pas autant tardé à lui donner cet album photo, on en serait pas là Julia ! Harry serait peut-être venu, mais Georg l'aurait appris de notre bouche !

    Les yeux de Julia devinrent alors lourds de reproches. Elle aurait tellement voulu lui assener une claque si elle se savait assez forte pour choquer le mastodonte qui se trouvait devant elle à l'instant. Mais le faire ne serait que le résultat d'un coup dans l'eau, et c'est elle qui finirait blessée.

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    _ Tu sous entends aussi que c'est de ma faute si Papa m'a violée ?! Non parce que autant me le dire tout de suite, histoire que je sois au courant pour la prochaine fois ! Je lui dirais que c'est sûrement pas une bonne idée, et il reculera ! Jamais tu ne t'es mis à ma place William ! Jamais ! Tu n'étais que le grand frère qui se soûlait et se tapait des putes à longueur de journée, et qui a été rassuré d'apprendre qu'on avait aucun lien de sang pour m'ajouter à ton tableau de chasse !
    _ Julia !
    _ Je vais au travail !
    Sur ces quatre mots crachés au visage, elle s'empara de son manteau et de son sac à main, et se dirigea vers la sortie du duplex, claquant la porte sauvagement. William resta debout dans la cuisine, regardant la porte qui tremblait encore dans ses gonds, et finalement, il se dirigea vers le salon, pour s'avachir sur le canapé.

     

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    A l'étage, Georg était adossé à la porte de la salle de bain, enfermé à l'intérieur de celle-ci et n'avait pas manqué une miette de la « discussion » qui s'était tenu à quelques mètres en dessous de lui. Il avait le cœur gros de les voir se déchirer ainsi, et bien qu'il ne montre rien, il était conscient de tout ce que cela pouvait apporter comme malheur, et notamment à sa sœur cadette, enfant légitime et naturelle du couple. Lui était non seulement adopté par celui qu'il avait longtemps appelé Papa, mais également non désiré, fruit d'un crime qui a encore plus brisé sa mère qu'elle ne l'était déjà. Si seulement il n'avait jamais existé, cela aurait été d'une facilité déconcertante pour tout le monde.
    Il laissa tomber son sac à même le sol, avant de quitter ses vêtements trempés par l'averse. Il dénoua ses cheveux bruns et glissa sous l'eau chaude de la douche, espérant que cela lui ferait du bien, non seulement pour sa crève à venir, mais pour essayer de faire sortir Harry de sa tête.

     

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    Sa rencontre quelques minutes plus tôt avec son géniteur n'avait pas été au goût de Georg. Voilà quatre ans qu'il ne l'avait pas revu, et il était bien heureux qu'il ne fasse pas partie de sa vie. Pour lui, c'était inconcevable de créer quoi que ce soit avec Harry. Il avait fait tant de mal autour de lui, il avait anéanti la vie de ses parents, de sa mère notamment, et il le savait bien avant qu'il n'apprenne pour la viol de celle-ci. Il en venait même à se demander ce qui pouvait bien motiver un tel homme pour nouer une affection avec Georg. Il n'avait jamais tenté de prendre contact avec lui durant les seize premières années de sa vie, alors pourquoi chercher à le retrouver, et surtout à le reconnaître.
    L'avantage, se disait le jeune homme, c'est que dorénavant majeur, il n'avait plus rien à craindre de la part de ce fou. Il ne pouvait rien exercer sur lui, et il en était grandement rassuré. Mais il est vrai que le voir rôder autour n'augurait rien de bon. Et savoir qu'il avait fait de recherches sur lui l'effrayait d'autant plus.

     

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    Après quelques minutes sous l'eau chaude, il sortit de la douche, et enroula une serviette de bain sur ses reins. Il rassembla ses affaires, qu'il lança dans le panier au linge, et sortit de la salle de bain, sac sur l'épaule, pour rejoindre sa chambre, sans alerter l'autorité familiale.
    Une fois dans sa chambre, il posa son sac au sol, et se vêtit d'un vieux jogging avant de se poser devant son ordinateur fixe, n'ayant plus vraiment envie de gratter sa guitare à ce moment même. A peine fut-il connecté que son meilleur ami lui sauta dessus sur Skype avec la discussion vidéo. Lâchant un profond soupir, il accepta la conversation. Après un long chargement, Camille apparut à l'écran, les cheveux attachés, et visiblement, encore en pyjama.

     

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    _ Tu n'es pas censé être encore en cours toi à cette heure-ci ?
    _ J'ai la crève, bougonna Camille en reniflant.
    _ Pauvre petit lycéen. Tu t'es pris la pluie battante toi aussi ?
    _ Ouais, celle d'hier. J'en ai pas dormi, ça me soûle. Enfin bref, comme t'es là, tu vas m'occuper !
    Un sourire carnassier pixellisé s'afficha sur son visage, et Georg esquissa une grimace. Ce genre de phrase sortant de la bouche de Camille pouvait amener à faire peur.

     

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    _ No stress. Je suis seul à la maison, je me fais chier comme un rat mort.
    _ Matt et Emma ne sont pas là ?
    _ Papa a été appelé au boulot pour une formation de bleus. Ça lui arrive souvent en ce moment. Emma, je sais pas ce qu'elle fout. Tu devrais le savoir toi, t'es pas son mec par hasard ?
    _ Si tu crois qu'elle me dit tout, bougonna Georg en levant les yeux au ciel.
    De toute façon, il valait mieux que cela en soit ainsi, il ne se voyait pas raconter toute sa vie à sa petite amie, encore moins ce qui s'est passé ce matin. Cela ne ferait que la faire s'inquiéter, et elle déciderait d'abandonner tous ses projets, et Georg n'a pas vraiment envie de faire partie des causes d'un éventuel échec.
    _ Tu racontes quoi donc GK ? Demanda Camille alors qu'il se mouchait avec la délicatesse d'un pachyderme.
    _ Eh bien, je vais finir dans le même état que toi demain je crois. Je suis rentré sous l'averse, enfin, j'ai fait la moitié du trajet sous la pluie, le reste dans une voiture.
    Il s'arrêta un instant avant de reprendre, empêchant ainsi Camille de se poser trop de questions sur son expédition. Ne pas tout dire à Emma ne veut pas dire que son meilleur ami est exempt de ses aventures, lui au moins, il s’inquiétera pas.

     

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    _ Harry m'a pris en voiture devant l'arrêt de bus de la fac. Et je me suis barré au milieu d'un embouteillage. C'était … bizarre. Franchement, je vois pas d'autres termes.
    _ Comment ça bizarre ?
    _ Il a fait des recherches sur moi, il sait même quelles notes j'ai eu à mes partiels d'hiver !

     

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    _ Glauque … T'en as parlé à tes parents ?
    _ Certainement pas. Quand je suis arrivé, ils se plumaient comme des chiffonniers, et encore à cause de moi. Tu crois vraiment que je vais aller leur dire « eh oh, j'ai rencontré Harry et on a fait un bout de trajet ensemble aujourd'hui » ? Ma mère en ferait une attaque, alors je préfère éviter. Il y a des jours, j'aimerais bien pouvoir me barrer de cette ville.
    Il lâcha un profond soupir, tête.
    _ Tu imagines, un endroit sans mes vieux, sans Harry, sans aucun problème, poursuivit-il. Ce serait franchement le pied.
    _ Tu peux te barrer tu sais, t'es majeur et tout ce que tu veux. Tu fermes ta valise, tu t'inscris dans une fac genre française ou italienne, c'est cool pour l'histoire de l'art ça, et voilà, t'es libre et plus de cons à proximité.
    _ Je préférerais largement en France, je parle pas italien, rit-il. Enfin bon, changement de sujet si tu veux bien, où je vais vraiment avoir envie de partir, et ta sœur me tuerait si c'était le cas.
    _ Roh, elle n'est pas si démoniaque que ça quand même, esquissa Camille derrière un rire.

     

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    _ Tu l'idéalises parce qu'elle ta jumelle, le reflet de toi, ton toi féminin et tout ce que tu veux. Tu es aveuglé par votre gémélarité !
    _ Ça n'existe même pas comme mot géméralité … Et toi tu la diabolises juste parce qu'elle a les cheveux roux, et c'est tout. Tu parles d'un petit copain, c'est pas l'amour qui t'aveugle.
    _ Je crois qu'au bout de quatre ans, j'ai acquis assez de lucidité mon cher Camille. Bref, je te laisse, j'ai des trucs à faire pour demain. A plus tard.
    Camille se contenta de faire un V avec ses doigts avant que Georg ne raccroche et n'éteigne son ordinateur fixe. Il se leva, attrapa son sac de cours et alla s'affaler sur le lit. Il sortit un gros volume universitaire, qu'il posa devant lui, avant de reprendre ses études bien sagement.

     

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  • (22)

     

    _ Et voilà, maintenant, tu sais absolument tout Emma. Et donc, non, je ne pars pas, du moins, pas pour le moment. Et si je venais à partir, oui, tu seras la première au courante. Es-tu rassurée ?
    La rouquine regarda Georg dans les yeux. Les siens étaient humides, elle avait essayé de se retenir de pleurer de rage, parce que ça n'allait pas arranger ses affaires. Elle ne voulait plus passer pour une pleurnicheuse, ça foutait en l'air tout son roadtrip qui était prévu pour l'année suivante. Si on la voyait comme une pleurnicheuse et pétocharde, jamais Mathieu ne la laisserait partir, et Georg ne voudrait plus d'elle comme copine. Alors il fallait être forte.

     

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    Elle se contenta alors de hocher la tête doucement, ravalant ses larmes, et s'empêchant de parler à Georg de son aventure avec Harry. Il ne voulait pas qu'elle soit au courant, alors elle se devait de ne rien dire sur le sujet.
    _ Tu ne me poses pas de questions ? S'étonna-t-il en la regardant, un léger sourire dessiné sur ses lèvres.
    Elle fit non de la tête, continuant de le regarder. Pas dupe de la manœuvre, Georg laissa cependant couler. En quatre ans, il avait appris à connaître Emma en tant que femme et plus simplement fille, et il savait bien qu'elle se retenait de pleurer quand ce n'était pas nécessaire, qu'elle gardait sa langue dans sa bouche plutôt que de poser des questions gênantes, et qu'elle était extrêmement possessive. Mais toutes ces petites facettes donnaient à Georg des raisons supplémentaires pour s'attacher à la rouquine, bien qu'il aimerait qu'elle soit plus naturelle en certaines circonstances, comme maintenant.
    _ Ton manque de curiosité m'étonne, mais je crois que je vais faire avec.

     

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    Le jeune homme se releva, et les yeux d'Emma le suivirent, jusqu'à ce qu'il ne s'approche de son visage pour l'embrasser tendrement, tout en lui caressant la joue. Quand il recula, elle ne put s'empêcher de sourire un peu niaisement, ce qui fit étouffer un rire à Georg.
    _ Bon, je vais aller me doucher vite fait, et on se file rencard ? Ça te dit ?
    Emma opina du chef, un large sourire maintenant dessiné sur sa jolie frimousse. Georg quitta alors sa chambre pour la salle de bain, où il prit une douche rapide, histoire ne plus sentir la sueur à des kilomètres, et se vêtit sobrement d'un jean, de baskets et d'un tee-shirt à manches longues. Il sortit de la salle de bain, et passa simplement la tête par l'encadrement de la porte.

     

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    _ Here we go ?
    _ J'arrive !


  • (23)

     

    Il venait d'écraser le dernier carton sous ses pieds. Le dernier d'une centaine approximative qui avait trouvé refuge dans cette immense maison de campagne. Plié soigneusement, il trouvera plus tard dans la journée sa place dans le grenier, avec tous les autres.
    _ Zélie ! J'ai déballé mon dernier carton ! Héla-t-il en passant celui-ci sous son bras.
    Il sortit de sa chambre et se dirigea vers la mezzanine de la maison, où il trouva Zélie, installée à son ordinateur, faisant les comptes du ménage. Autour d'elle s'agglutinaient encore quelques cartons rescapés du déménagement. Cela faisait pourtant déjà trois mois qu'ils avaient déménagés d'Albany pour une petite ville à côté de Bloomington, dans l'Illinois.
    _ Zélie ?
    _ Ton père les descendra dans la soirée, pose le contre la rambarde.

     

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    Elle fit pivoter sa chaise de bureau, pour indiquer au jeune homme où poser son chargement, afin que d'autres cartons ne s'empilent et ne créent un capharnaüm. Celui-ci obéit à la femme, posa ainsi donc son carton soigneusement plié avant de revenir vers elle, sans un mot supplémentaire.
    Zélie était très belle, et malgré ses quarante cinq ans déjà bien entamés, elle semblait n'avoir que trente ans. Ses cheveux dorés étaient toujours parfaitement coiffés, le plus souvent de manière relativement sophistiqué. Aujourd'hui, jour de congé, un simple chignon rassemblait sa chevelure blonde pour qu'elle n'entrave pas ses mouvements de maîtresse de maison. Elle était la belle mère du jeune homme depuis trois ans maintenant, du moins, de manière officielle. Cela faisait bien plus longtemps que son père, Alexis, la fréquentait, puisqu'ils ont tout deux donné naissance à une petite fille il y a quatorze ans bientôt : Chloé.
    Xander fit quelques pas vers le tas de carton a ses pieds pour s'assurer que rien de ce qui n'était à lui ne traînait. Et pour cause, cela faisait trois mois qu'il cherchait sa tablette graphique sans être capable de mettre la main dessus. Chloé et son instinct de sauvegarde primaire semble être un coupable idéal à cette disparition, mais il eut préféré encore qu'elle soit dans des cartons. Chloé n'avouera jamais son crime de toute manière.
    _ Xander ? L'appela la belle blonde.
    _ Oui ?

     

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    Il releva la tête vers Zélie, et vit qu'elle avait un petit paquet dans la main, aussi grand qu'un étui à bijou, ce qui sembla une chose tout à fait probable. Le jeune homme s'avança vers sa belle-mère et saisit le paquet dans sa main. Il était léger et un doux tintement se faisait entendre à l'intérieur.
    _ Qu'est-ce que c'est ? Questionna-t-il.
    _ Ton héritage. Alexis voulait te le donner depuis longtemps, mais il l'avait tellement bien ramassé que seul le déménagement l'a aidé à remettre la main dessus. Je l'ai retrouvé tout à l'heure, avec un mot de Sarah.
    Le regard de Xander, interloqué, se posa rapidement sur le paquet et sur Zélie qui lui tendit une lettre. Il tendit la main vers le courrier, qu'il accueillit comme un bien précieux contre lui. D'un simple hochement de tête, il la remercia, avant de tourner les talons jusqu'à sa chambre. Il ferma la porte doucement derrière lui et grimpa sur le lit sur lequel il s'assit en tailleur. De deux présents, il ne savait lequel ouvrir en premier.

     

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    D'abord ce que sa belle mère avait appelé « héritage » ou la lettre de sa mère ? Sarah était sa mère adoptive, la première épouse d'Alexis. Tous deux avaient adopté Xander alors qu'il n'avait que quelques mois à peine, et l'avaient baptisé ainsi en souvenir d'un illustre grand père de Sarah, nommé Alexander. Et comme beaucoup d'enfants adopté, Xander ne sait rien de sa naissance, de ses parents biologiques ou des circonstances qui ont poussé ceux-ci à l'abandonner. Enfin, si. Il connaît un élément de son passé. Son prénom. Parce que durant les premiers mois de sa vie, Xander n'était pas son prénom, Thompson n'était pas son nom. Il s'appelait Spencer. Rien de plus. Il le sait parce que c'est aujourd'hui son deuxième prénom. Xander Spencer Thompson. Et parce que la vie n'est pas rose, alors qu'il avait cinq ans, Sarah succomba à une forme rare de leucémie, laissant Alexis et Xander seuls au monde. Et pour le petit Xander, une boucle infernale sembla se poursuivre.
    Il déchira alors le haut de l'enveloppe d'une main tremblante mais encore vive par l'impatience, pour y lire la lettre de sa mère. Une lettre manuscrite. Pas très longue. Mais suffisante pour que des larmes pointent au coin des yeux du jeune homme.

     

    « Mon Xander,
    Tu dois avoir pas très loin de quatorze ans si tu lis cette lettre. Sauf si ton père a oublié notre accord, ou s'il a oublié la boîte et la lettre dans le fond d'une caisse dans le fond du grenier de la maison. Et il y a de fortes chances que ce soit le cas. Je n'ose pas imaginer ton âge dans une telle situation.
    Cette petite boite, si tu ne l'as pas encore ouverte, contient un petit objet, grand comme une phalange qui nous a été confié lors de ton adoption. La responsable des adoptions nous l'avait donné dans la même boite que celle où il se trouve – sauf si ton père a encore fait des siennes. Il a appartenu à ton père biologique, Spencer, celui dont tu portes le prénom. On ne sait rien de lui, malheureusement. Ce petit pendentif t'a été confié pour que tu saches que tes parents s'aimaient, et que ton abandon n'était pas un choix facile à faire. C'est ce qu'elle m'a dit. Et je voulais que tu le saches. J'espère qu'il saura te rassurer, et te faire grandir, comme un arbre qui a besoin de ses racines profondes pour viser le ciel.
    Je t'aime mon Xander, maintenant et à jamais.
    Maman »

     

    Il laissa la lettre lui glisser entre les doigts pour se poser, flottant, et tout en douceur sur le couvre lit. Les doigts fébriles du jeune homme cherchèrent à tâtons le petit paquet qui se trouvait juste en face de lui. Il le sentit sous sa paume, referma ses doigts autour et l'approcha de son visage pour l'examiner, avant de retirer le papier qui le protégeait. C'était bien un écrin à bijou. Il était vert sombre, avec un liseré doré entre les deux parties de l'écrin. Il le retournera et vit en dessous l'adresse d'une bijouterie inscrite en lettres dorées également, mais patinée et effacée en partie, ce qui la rendait illisible, sauf pour le dernier mot : Maine. Et finalement, il l'ouvrit, après avoir prit une profonde inspiration. Son cœur tambourinait dans sa poitrine, et en d'autres circonstances, il en aurait paniqué. Mais à cet instant, il savait que son cœur avait besoin de battre aussi fort, et que rien ne pourrait l'arrêter. Posé sur un tissu de coton blanc et brillant, une petite croix en argent, pas plus grande qu'une phalange, attendait patiemment depuis près de vingt ans que quelqu'un vienne la sortir de sa prison. Elle était simple, ciselée de noire avec, au croisement des deux bras, une petite pierre rouge. Sans doute sans valeur, mais elle brillait quand bien même. Il saisit le pendentif entre ses doigts, délicatement, et vit qu'il était rattaché à une chaîne, prêt à embellir le cou de son destinataire. Xander posa alors l'écrin sur son lit, et fit courir ses doigts sur sa nuque, pour décrocher l'actuelle chaîne qui y était logée. Une breloque de vacances que lui avait offert Charlie l'été dernier. Il échangea les deux bijoux et installa la croix au creux de ses clavicules, où elle se logea sans le moindre effort. Xander ferma ensuite l'écrin pour aller le poser dans sa bibliothèque, et glissa la lettre entre deux livres.

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    Alors qu'il allait sortir de la chambre, il s'arrêta devant le miroir qui se trouvait à côté de sa porte, et croisa le regard d'un jeune homme, les cheveux de jais et les yeux d'un vert intense. Et soudain, cet individu lui semblait moins improbable avec ce collier autour du cou. Il devenait cohérent, il prenait forme. Il avait des origines, tout simplement, et un fragment de son passé qu'il pouvait afficher, et que lui seul pourrait revendiquer. Pour la première fois depuis bien longtemps, le reflet que lui renvoyait le miroir lui plaisait.
    Il attrapa ses papiers, les enfonça vivement dans la poche arrière de son jean et sortit de sa chambre. Ses pas le conduisirent directement au rez-de-chaussé, où il trouva son père, assis dans la cuisine, un journal dans les mains.

     

    (23)

     

    _ Je peux prendre ta voiture cette après-midi ? Questionna-t-il en attrapant les clés dudit véhicule dans le vide poche accroché à côté de la porte de la cuisine.
    _ Tu vas en ville ?
    _ Je dois retrouver Emilien et ses amis, oui. Je rentre pas trop tard, s'il te plait.
    _ Je n'y vois aucun problème. Tu as proposé à Chloé de sortir avec toi ? Ça lui ferait du bien de prendre l'air …
    Xander se renfrogna immédiatement, peu enthousiaste à l'idée de jouer les baby sitters cette après midi là, alors que Emilien allait lui présenter ses amis de Bloomington. Pour une fois qu'il avait l'occasion de rencontrer du monde, il voulait mettre toutes les chances de son côté, et ce n'est pas avec Chloé qu'il allait y arriver.

     

    (23)

     

    _ Une prochaine fois plutôt, modéra le jeune homme. Elle va s'ennuyer, on va juste rester à discuter dans un café, et on a tous au moins vingt ans alors …
    _ J'ai compris, sourit Alexis en refermant le journal. Tu peux y aller, mais ne rentre pas trop tard s'il te plaît, le nouveau locataire vient dîner ce soir.
    _ Le nouveau locataire ? Comment ça ? Je savais pas qu'on avait un nouveau locataire ...
    _ Le petit studio de Zélie en centre ville, tu te rappelles ?
    _ Ouais, celui pour lequel je t'avais supplié de me le laisser pour rejoindre mes potes, bougonna Xander. Bon, ok, je rentre pour manger. A ce soir.

     

    (23)

     

    Sans laisser la politesse à son paternel de lui souhaiter une bonne journée, il s'engouffra dans le garage de la maison et s'installa au volant de la petite voiture grise d'Alexis. Il fit ronronner le moteur quelques instants avant de faire marche arrière pour sortir du garage, et il fila sur les routes jusqu'à Bloomington, à vingt minutes de là, afin d'y retrouver ses amis.