• - 4 -

     

    - Tu es là ? demandai-je à l'interphone. C'est Aaron.
    Je lâchai ma main du bouton, et attendis une réponse de la part de ce crevard. Oui, je sais, je suis très amical dans mes surnoms.
    - J'arrive !
    Youhou, je suis pas seul au monde ! Quoi ? y a pas de quoi sauter au plafond ? Tssss...

     

    - 4 -


    La porte s'ouvrit et Drew la passa, le feu aux joues. Me dîtes pas que je tombe quand monsieur batifole ?! Ce serait un comble.
    - Salut.
    - Re-salut je dirais même, fis-je. On s'est vus ce matin. Je te dérange ?
    Le blondinet piqua un fard, et lui qui d'habitude est si fier, le voilà tout démuni. Pas la peine de faire un dessin pour comprendre que sa petite amie est en haut.

     

    - 4 -


    - C'est pas grave, je repasserai.
    - Je croyais que tu passais la soirée chez Heaven ?
    - Brouillage. Je vais passer la soirée avec Raise. Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas battu. A demain. Et fait pas de conneries avec ...
    - Zupprika. Tu pourrais faire l'effort de retenir son prénom, non ?
    - Désolé, trop complexe pour moi, à demain.

     

    - 4 -


    Finalement, je me suis retrouvé seul dans la rue, en direction de chez moi.
    Je rentrais le pas traînant, sans aucune grande envie de rentrer dans l'appartement moisi qui me sert de lieu d'habitation, encore moins de passer devant mon père, plein comme une outre devant son match de foot.
    Je m'arrête, et contemple le ciel bleu.
    Il y a des jours, j'espère trouver une vie meilleure ailleurs.

     

    - 4 -


    Mais mon quotidien, c'est la guerre.
    Guerre contre ma maladie, contre mes parents, contre mes souvenirs.
    Alors, je mens, j'avance, je construis une carapace autour de moi, et je fais semblant de vivre, histoire de ... profiter de ce qu'il me reste à vivre.

     


  • Alive!! - Becca

     

    Alive!

    Samuel - Méandre - Alana - Grimm - Kaoline

     

    Cette fois encore, Alive ! nous a prouvé que malgré une tête d'affiche ressemblant plus à une Hatsune Miku qu'à une réelle chanteuse, rien ne vaut un son puissant et addictif pour qu'une salle entière arrache les sièges, prise d'un engouement et d'une fièvre dont nous sommes nostalgiques depuis la fin des idoles. Ses cinq membres enchaînent les titres dans un rythme endiablé, occupant la scène chacun à tour de rôle pour une soirée qui se sera vu la plus lucrative de l'année au Rocksane. Salle comble pour ce groupe local, les billets pour les concerts supplémentaires ne se trouvent désormais plus que sur le marché noir. Voilà de quoi faire tourner les têtes du quintette ! Nous avons eu l'immense privilège de les rencontrer juste après le concert, la chanteuse, Alana Einermann, n'ayant pas répondu à notre offre.

     

    Comment vivez-vous cette notoriété ?

    Méandre (guitariste) : A vrai dire, je crois qu'on ne réalise pas tous très bien (sourire) Nous sommes toujours une bande de cinq amis qui jouent sur des guitares dans une petite chambre en guise de salle de répétition. Et je n'aimerais d'ailleurs pas trop que cela s'accélère trop.

    Samuel (bassiste) : Ils ont vraiment arraché les sièges ?!

    Grimm (batteur et leader du groupe) : Il faut avant tout garder la tête sur les épaules. Toute célébrité peut se retrouver balayée, surtout à un niveau local. On joue avant tout pour le plaisir, la notoriété, on s'en accommodera quand elle arrivera.

    En parlant de vos musiques, sont-elles des créations originales ?

    Kaoline (synthé et transformation vocale) : Alana est la seule auteure et compositrice du groupe, ce sont donc ses titres que nous interprétons. La plupart du temps, nous les interprétons tels quels, dans le cas contraire, ils passent entre mes mains pour un arrangement.

    Méandre : Mais nous sommes tous les cinq auteurs ou compositeurs. Nous choisissons les morceaux interprétés en collège, et nous avisons après. La plupart du temps, quand il s'agit de créations personnelles, seul son auteur la chante.

    Samuel : Sauf quand c'est un titre signé par Grimm. On voit que vous ne l'avez jamais entendu chanter.

    Avez-vous des projets pour l'avenir ?

    Kaoline : Supplier Alana de déménager ! (rires) On étouffe à répéter dans son petit T2.

    Grimm : Nous envisageons d'organiser des battles musicales au Rocksane. Après tout, ce serait injuste que nous soyons les seules à profiter d'une telle salle de concert. Nous lançons d'ailleurs dès à présent un appel à tous les groupes amateurs qui souhaitent nous défier.

    Samuel : Mais ce serait vraiment dommage de se faire distancer par des rookies. Vous imaginez un peu la tête de notre chanteuse après ?

    Alana Einermann est votre chanteuse. Tout ce dont on sait d'elle, c'est qu'elle se colore les cheveux, qu'elle se maquille exagérément le visage et qu'elle a une voix incroyable, oscillant entre plusieurs octaves. Pouvez vous éclairer nos lecteurs ?

    Méandre : Alana est un personnage trop complexe à aborder en une simple interview. Il faudrait que vous réussissiez à l'attraper pour en parler directement avec elle.

    Grimm : Alana est l'âme de notre groupe. C'est elle qui a réussit à nous réunir tous les quatre autour d'elle pour monter ce projet, et il est vrai qu'actuellement, on ne serait rien sans son talent. Mais comme l'a dit si bien Méandre, il faudrait que vous l'attrapiez pour en savoir plus sur elle.

    Et bien, merci à tous les quatre pour vos propos. Et nous nous reverrons très vite, dès vos projets mis en route.

     

    Propos recueillis par Arthurin Malfait pour Sud Ouest.


  • Alana Einermann


  • - 5 -

     

    Je poussai la porte de l'appartement, sans grande conviction, et peu désireux de croiser le regard de mon père.
    Il est plus de vingt heures, et la lumière commence déjà à faiblir, j'ai passé ma soirée sur un banc en centre ville, à apprendre mes cours, ce serait toujours mieux que de chercher à les apprendre à la maison.

     

    - 5 -

     

    - C'est à cette heure-ci que tu rentres ? entendis-je depuis le salon.
    Mon père était encore devant la télévision, entouré de bouteilles de bière vides, le regard perdu dans les tréfonds de la boite à images.
    Je préfère ne pas répondre, l'ignorer, et passer directement dans la cuisine, en espérant qu'il m'ait oublié, pour ressortir directement dans les couloir des chambres.

     

    - 5 -


    Sauf qu'il se leva, et m'attendit devant l'autre porte de la cuisine, le regard noir.
    - Quand je pose une question, j'aimerais bien qu'on me réponde.
    - Excuse-moi, fis-je en le regardant dans les yeux, ce qu'il n'a pas l'air d’apprécier, puisque que je me retrouve très vite avec son poing dans les côtes, et je m'affale sur le sol, contre le réfrigérateur.

     

    - 5 -


    On ne s'habitue pas à la douleur quand un père soul nous frappe. Il frappe de plus en plus, de plus en plus fort, de plus en plus sans aucune raison, juste pour le plaisir de frapper, et tous les prétextes sont bons. Et j'encaisse sans rien dire, je constaterais les dégâts, une fois dans ma chambre, au toucher.
    La dernière fois, il m'a cassé deux côtes, et j'espère qu'il s'arrêtera à cet unique coup de poing pour la journée.
    - Hors de ma vue, cracha-t-il à mon égard, avant de disparaître de nouveau devant la télé, me laissant seul, aplati contre le frigo.

     

    - 5 -


    Difficilement, je me relève, massant mon abdomen douloureux, avant de prendre la direction de ma chambre, zigzaguant entre les cartons, et autre objets traînant dans la pièce.
    Je poussai la porte de ma chambre, que je verrouillais à grande vitesse, avant de faire tomber mon sac au sol, et de retirer mon haut, histoire de voir si je m'en suis plutôt bien tiré.

     

    - 5 -


    Aucune trace d'hématome pour l'instant, pourtant, dès que j'appuie sur le lieu de frappe, je sens une affreuse douleur lancinante. Mais encore heureux, ce n'est pas le torse qu'il a frappé cette fois ci.
    On ne peut pas dire que torse nu, je sois beau à voir. Une longue cicatrice suit mon sternum, partant cinq centimètres en dessous de mon cou, jusqu'au milieu des abdominaux. Cicatrice malheureusement indélébile, et qui attire le regard, dès que j'ai le malheur de mal fermer ma chemise, ou dans les vestiaires, avant d'aller en sport, sans parler des cours de natation obligatoires. Et voilà maintenant douze ans que je suis une curiosité, que je suis marqué à vie.

     

    - 5 -


    J'entends frapper à ma porte, mais je n'y fais pas attention, et m'allonge tel quel sur mon lit, sur le ventre, avant de fermer les yeux pour essayer de m'endormir. Je n'ai pas spécialement envie que mon père entre pour terminer ce qu'il a commencé, en essayant de rentrer, toutes pattes blanches dehors. Il continua de frapper contre ma porte, plus intensément, et bien que je ferme les yeux avec plus d'ardeur encore, je n'arrivais pas à trouver le sommeil.

     

    - 5 -


    - Allez, ouvre couillon. C'est moi.
    Je reconnu aussitôt la voix de mon frère, ce qui ne me força pas plus à me lever.
    C'est pas que j'aime pas Raise, mais il n'a pas la même conception de la vie que moi, ce que je ne comprends pas, pas après ce qu'on a vécu. Il est resté frivole malgré tout ça, même si je sais très bien qu'il n'a jamais osé depuis. Il est comme moi, comme un animal effrayé dès qu'il est question de ça, alors, on se replie, on retourne dans notre carapace, on joue les durs ... et on perd tout.

     

    - 5 -


    Finalement, je me lève de mon lit, je tourne la clé dans la serrure, laissant la possibilité à mon frère d'entrer, avant de retourner m'allonger, sur le dos cette fois-ci, mains sous la tête.
    Raise passa la porte, la referma en donnant deux tours de clés, avant de s'asseoir sur ma chaise de bureau, à l'envers. Je pus d'ailleurs remarquer qu'il s'était changé, signifiant ainsi qu'il avait pu rentrer plus tôt, pour profiter de la maison comme il le voulait, à savoir s'enfermer lui aussi dans sa chambre jusqu'à ce que le besoin de sortir ne devienne urgemment utile.

     

    - 5 -


    - C'est grave ? me demanda-t-il.
    - Non, dis-je, sachant très bien qu'il venait parce qu'il avait entendu Kreis me frapper.
    On est pas tous des sans cœurs dans la famille, et Raise est le seul à accourir quand je me retrouve au sol après que mon père m'ait battu. Ce n'est pas à ma mère qu'il faut demander d'accourir. Elle, elle va plutôt rester derrière Kreis à l'encourager jusqu'à ce que ma mort s'en suive.
    - Il a visé où ?
    Je sentais très bien l'inquiétude dans sa voix, de peur que notre père ne me frappe encore sur ma cicatrice - bien que ce ne soit qu'un morceau de peau, le simple fait de savoir ce qu'elle représente nous rend tous deux inquiets quand elle est sujette à la violence de Kreis - ou à l'emplacement de ma pile cardiaque, ce qui pourrait avoir des conséquences irréparables.
    - Dans les abdos, je vais m'en tirer.

     

    - 5 -


    - Je croyais que tu devais passer la nuit chez Heaven ? me questionna-t-il immédiatement.
    - Et bien non, même pas. Blocage, dis-je simplement, et il me comprit tout de suite.
    - Tu crois que ça va nous pourrir l'existence encore longtemps ?
    - J'en sais rien, avouai-je en soupirant. Mais ça devient de plus en plus handicapant. J'avais juste Heaven sur mes genoux quoi ...
    - ...

     

    - 5 -


    On est restés ainsi pendant un bon moment, sans rien dire ou faire.
    Raise avait allumé la radio, et finalement, je m'endormais paisiblement.
    Seul le bruissement d'une BD que Raise avait attrapé au passage cassait le silence, je savais qu'il ne sortirait pas tant que je serais endormi, il refuse de me laisser endormi, la porte ouverte.
    On a beau se chercher des noises à longueur de temps, on a encore quelques principes, comme le fait qu'on se soit alliés contre nos parents, jusqu'à la fin de la terminale. Une fois le diplôme en poche, on se casse d'ici, on crèche où on peut, et on se cherche un studio miteux.
    Inséparables, à la vie à la mort, malgré nos différends.


  • - 6 -

     

    - Aarooooon ! entendis-je depuis ma porte.
    Je me levais en sursaut de mon lit, et regardai distraitement mon réveil, que je n'avais pas allumé. C'était officiel, j'étais en retard.
    Je m'extirpe à vitesse grand V de mon lit, enfile mon uniforme, attrape mon sac et passe la porte de ma chambre, pour y découvrir mon père, adossé dans le couloir.

     

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    - Je te paye pas le lycée pour que t'en branles pas une.
    - Tu me le payes même pas le lycée. C'est pas toi qui ramène l'argent à la maison. Tu le dilapides, rétorquai-je.
    Bien évidemment, la gifle qui me tomba dessus, on ne peut pas dire que je ne l'avais pas volée. Quand on répondait à mon père, fallait s'attendre à ce qu'elle t'arrive dans un coin de la figure.

     

    - 6 -


    - Hors de ma vue Aaron.
    Je ne dis pas un mot de plus avant de sortir à toute jambes, en espérant gagner quelques minutes, et arriver au début du prochain cours, qui commence dans dix petites minutes.
    Je cours, manquant à chaque instant de me retrouver par terre, jusqu'à ce que je heurte de plein fouet une personne qui s'était trouvée, par le plus grand des malheurs, sur mon chemin.

     

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    Et on se retrouve tous les deux au sol, après être mollement tombés sur les fesses.
    - Merde, grognai-je en réalisant la bourde.
    - Je suis navrée, fit la personne que j'avais bousculée. Je regardais pas où j'allais. Je suis en retard.
    Finalement, je levais les yeux pour constater qui se trouvait en face de moi.

     

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    Une jeune femme de mon âge, les cheveux châtains, des yeux bleus et sombres, une peau claire et un maquillage léger. Elle était vêtue de l'uniforme du lycée privé de la ville, celui qui coûte les yeux de la tête, et que Raise et moi avions rêvé d'intégrer en seconde, mais par manque de moyen, on a fini dans le public miteux du coin.
    Finalement, je me levai, puis tendis ma main dans sa direction, pour qu'elle se relève, et elle l'accepta.

     

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    - C'est de ma faute aussi, je faisais pas gaffe. Aaron.
    - Désolée, je suis en retard, fit-elle avant de se ruer vers la station de métro, sans un mot de plus.

     

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    Pour ma part, je restai comme un con au milieu de la rue, seul, avant de décider de reprendre mes jambes à mon cou, si Heaven me voyait, elle m'arracherait les yeux de la tête, pas le droit de courir, ou de fournir un quelconque effort physique. Mon cœur avant tout, et gna, et gna, et gna.

     

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