Et puis, tu es né.

Tu as poussé ton premier cri, elle a expiré son dernier souffle.

La première année, j'ai été incapable de te regarder en face, et je passai mes journées devant sa tombe. Heureusement que Paul et Claire étaient là, à s'occuper de toi. Toi et Andy aviez quelques jours d'écarts, Claire avait l'impression d'avoir eu des jumeaux.

 

 

 J'ai finalement réagi, un matin.

Je me suis rendu compte que je n'avais pas tout perdu, que j'avais aussi eu un fils malgré ça. J'ai fini par m'occuper de toi, comme je le pouvais, c'était dur, mais je me débrouillais.

 

 

 Et c'est dans ce contexte que j'ai rencontré Emina.

Tu avais chopé un rhume, tu pleurais autant que tu voulais, tu avais quoi, un an, deux ans maximum. Et je t'avais amené chez le médecin, tu m'usais à longueur de temps. Je ne dormais plus, je n'en pouvais plus.

 

 

 Et dans la salle d'attente se tenait Emina, installée seule en petite robe blanche, à nous regarder. Elle s'était approché de moi, t'avait pris dans ses bras, et bizarrement, tu ne pleurais plus. Mes tympans ne lui ont jamais été assez reconnaissants, et toi, tu ne voulais plus te détacher d'elle.

 

 

 _ Où est sa mère ? M'avait-elle dit alors qu'elle jouait avec toi.

_ Il n'en a plus, je suis seul à l'élever, lui avais-je répondu, en ravalant un sanglot.

_ Je suis navrée. J'ai l'impression que ça lui manque, une présence maternelle. Il pleure tout le temps ?

_ Plus que je n'aimerais.

 

 

 _ Je m'appelle Emina Simon.

_ Harry Mayers. Et vois venez de faire connaissance avec William.

_ Enchantée William.

 

 

 

 On s'est souvent revus après cet épisode.

Finalement, comme tu le sais, on s'est mariés, tu avais quoi, deux ans, deux ans et demi. Et tu considérais Emina comme ta mère.

On aurait du vivre heureux tous les trois.

 

 

 Jusqu'au jour où elle est rentrée de chez elle avec un nouveau né dans les bras.

Une petite fille au traits fin et aux yeux pâles. Julia. La mère d'Emina venait d'accoucher de son sixième enfant, et elle refusait de l'élever, par manque de moyens.

 

 

 Emina ne voulait pas que sa soeur soit séparée de sa famille, qu'elle finisse en orphelinat, adoptée.

Finalement, c'est nous qui l'avions adoptée, qui l'avions élevée comme notre propre fille, comme ta soeur. Même si cette intrusion me gênait, au plus haut point.

 

 

 

 _ Julia n'est pas ma soeur ? S'étonna William.

_ Non. Tu es fils unique. Enfin, plus maintenant à ce qu'il paraît, pas avec le rejeton de Julia.

_ Ne parle pas d'eux, ce n'est pas pour ça que je suis venu. Et pourquoi tu n'as rien dit ? Et la mort de Maman, enfin, d'Emina ?

 

 

 _ Je ne voulais pas que tu le saches. Je refusais que ça se sache. Parce que Julia est ma fille, que tu le veuilles ou non, d'un point de vue totalement juridique, je suis son père, elle porte mon nom ...

_ Et toi, tu lui fais payer son intrusion dans ta vie en la violant. C'est ça que tu appelles « être ta fille » ?

_ Que ?

 

 

 _ Parce que tu crois que je n'ai rien compris ? J'ai essayé de trouver une raison pour ce que tu lui as fait subir, tout devient clair maintenant. T'as jamais pu supporter la mort de Cécile, l'intrusion de Julia dans ce qui aurait dû être ton bonheur parfait, toi, ta femme et ton gars. Parce que finalement, seule Cécile comptait, et seuls ses enfants à elle t'étaient chers.

 

 

 _ William ...

_ Julia ne va pas porter plainte pour viol, lâcha William en se levant. Elle m'a demandé de te le dire aujourd'hui. Elle ne veut pas qu'on lui retire Georg.

_ ...

_ Mais ça ne change en rien ce que tu as fait. Tu as tué Maman, tu as abusé de ma soeur, tu n'es plus mon père. Adieu Harry.

 

 

 William se dirigea vers la sortie de la pièce, tandis qu'Harry essayait de l'appeler en vain.

Il a tout perdu.

La seule femme qu'il a jamais aimé.

Sa famille parfaite.

Et le seul enfant dont il était fier d'être le père.

 

 

 

 _ Andy ! Appela Nate en entrant dans la maison. Je suis là. Tu sors ?

_ Je dors, grommela la jeune femme.

_ Tu dors, mon cul ouais. Allez, sors de ton trou. On a de la visite.

_ Qui ? Bougonna-t-elle de plus belle.

 

 

 _ Je sais pas. C'est roux et affreusement emmerdant.

_ Merci bien, grogna Sienna à l'intention du jeune homme.

_ Sienna ? Demanda Andy doucement.

_ Oui, allez, sors. Remue toi.

 

 

 La porte de la chambre grinça, et Andy en sortit, le visage totalement ensommeillé, son ventre rebondi caché comme elle pouvait par une tunique blanche à pois. Elle se dirigea vers le salon, où étaient assis Matt et Sienna, tandis que Nate était dans la cuisine, préparant le café.

 

 

 

 _ Bonjour, dit-elle en s'asseyant à son tour. Je ne m'attendais pas à vous voir tous les deux.

_ On avait rien à faire, expliqua Matt. Un samedi à rien faire, il valait mieux passer te voir, tu penses pas ?

_ Si ...

_ Comment tu te sens ? Dit Sienna en regardant le ventre de son amie.

 

 

 _ Bien. Fatiguée, mais bien.

_ Franchement, je ne m'y ferais pas à la taille de ton ventre. Il y'a deux mois encore, tu étais plate comme une limande.

_ Rassure toi, moi non plus je ne m'y fais pas. Et c'est pour dans moins de deux semaines ...

 

 

 _ Toi, ça va pas ... dit Sienna.

_ Je ... je vais tout râter, dit-elle finalement en ravalant ses larmes. Cet enfant mérite mieux qu'une dépressive pour mère, et un mort pour père.

Sienna se leva aussitôt pour aller s'asseoir auprès de son amie avant de la prendre dans ses bras.

 

 

 _ Calme-toi Andy, on est tous là pour toi, tu le sais ça ... On ne va pas t'abandonner...

_ Je ne veux pas être mère, je peux pas. Je ne me sens pas prête, je ...

_ Tu n'as été enceinte que deux petits mois Andy ... Enfin, huit et demi en réalité, mais dans ta tête. C'est normal que tu réagisses comme ça. Mais on sera tous là pour toi, continua la rouquine.

 

 

 _ Je stresse, je sais que je ne vais pas être à la hauteur ...

_ Andy ... souffla la voix de Nate qui s'était approché.

_ ...

_ Arrête de paniquer. Je te l'ai dit qu'on ne vas pas t'abandonner avec ce bébé.

_ Je serais ravie de jouer les nounous, rit Sienna pour détendre l'atmosphère. Et je lui apprendrais à jouer de la guitare, comme tatie Sienna.

_ Je préfèrerais qu'il joue de la batterie ... ajouta Andy, essayant de cacher ses craintes, voulant paraître normale.

 

 

 _ Il ? Tu sais ce que c'est ? Enfin, je me doute que tu peux savoir, mais tu le sais ?

_ Oui. On a demandé il y'a deux jours. C'est un petit garçon.

_ Encore ? Enfin, je dis ça par rapport à Georginou hein ? Qui est-ce qui va nous faire une fille dans notre bande ?

 

 

 _ Toi ! Rit Nate.

_ Mort de lolant. C'est pas au programme pour l'instant ...

Tandis que ses amis riaient, Andy elle, passait ses mains sur son ventre, ne se faisant pas à l'idée qu'un petit garçon débarquera dans quelques temps, qu'il l'appellera Maman, qu'il ressemblera peut-être à son père ...

 

 

 Un petit garçon, qui lui rappellera ses erreurs, à longueur de temps.

Et elle se disait que jamais elle ne pourrait le regarder dans les yeux.

Jamais.