_ Je suppose qu'il habite à Houlton, non ?

_ Oui, vous le connaissez ?

_ Il s'agit de mon cousin, et croyez moi, ce n'est pas le moment d'aller le voir. Venez, je vous paye le café, dit-il en avançant.

 _ Comment ça c'est pas le moment ?

_ Considérez que c'est une chance pour vous de vous être trompée d'adresse...

_ Vous comptez me dire ce qu'il se passe à la fin ? Et je vous connais même pas en plus, vous m'invitez direct, enfin, je suis plus que perdue.

 Le jeune homme se retourna, plantant ses iris bleus dans les yeux d'Emilie, qui se sentit rougir à ce geste, comme s'il la détaillait sous toutes les coutures.

_ Emilie Besnard, je suis l'ex colocataire de Nate.

_ Craig Mac Fly, cousin de Nate par nos mères.

 Il se tut quelques instants, voulant éviter les yeux de la jeune femme, et ne voulant pas pleurer devant elle.

_ Sa soeur vient de mourir, elle avait tout juste seize ans.

 Le nez dans le journal, William partait à la recherche d'un appartement pour lui et Julia, ne pouvant la laisser seule en ce moment, ni même jamais. Et ils n'allaient pas rester tous les trois dans cet appartement minuscule où ils étouffent plus qu'autre chose.

 Après un appel passé à Nate, qui n'était pas au meilleur de sa forme suite au décès de Lola, il avait la permission de mettre cet appartement, ainsi que les meubles, à louer, assurant ainsi un revenu au jeune homme, qui ne pouvait pas travailler.

 Julia passait les trois quarts de son temps dans la chambre de William, Georg allongé à côté d'elle dans le lit, recroquevillée sur elle même et détaillant les gestes de son enfant, le regard à moitié dans le vague.

 Mikael avait été enterré hier, deux jours après Lola.

Depuis deux jours, elle ne reparlait plus, retournant dans son mutisme parfait.

Et William avait peur que la toute jeune femme ne se referme une nouvelle fois, après tout le travail fourni par Mikael pour qu'elle retrouve la parole.

 _ Julia ? Demanda William en entrant dans la pièce. Est-ce que ça va ?

Elle ne dit rien, et William se rapprocha un peu plus de l'enfant, se rendant compte qu'il s'était endormi, il le prit alors dans ses bras avant le l'installer dans le berceau qui avait été installé dans un coin de la chambre.

 _ J'ai trouvé un appartement Julia, expliqua William. Je pense qu'il te plaira, il est bien assez grand pour nous trois, en plein coeur de la ville, ça te plairait.

La jeune femme resta muette et William se rapprocha encore plus du lit, jusqu'à s'allonger à côté d'elle et lui caresser la joue tendrement.

 _ Parle moi Julia, je t'en prie. Ne me dis pas que tout ça, ça n'aura servi à rien.

_ ...

_ Julia, je t'en prie. Ne le fait pas pour moi, fait le pour lui. Il s'est battu pour toi, pour que tu reparles, ne fais pas comme s'il avait perdu son temps.

_ Il me manque, murmura-t-elle simplement avant d'exploser en sanglots.

 William la prit dans ses bras, Julia enfouissant son visage dans le torse de son frère aîné, totalement désemparée.

_ Ne me quitte pas Will ...

_ Je suis là Julia, je suis là ...

Et une larme coula sur la joue du jeune homme.

Deux mois plus tard, Juillet 2010

 Sienna était recroquevillée sur son lit, pour changer, comme elle se le disait si bien.

Karin était passée la voir et préparait le repas du midi, voyant très bien que sa soeur avait tout, sauf le moral. En même temps, c'était plutôt, voire même entièrement, prévisible.

 Parce que cet imbécile avait eu la délicatesse de lui envoyer un faire part de mariage, dit mariage qui serait célébré cet après midi, dans deux heures précisément, dans une petite chapelle de la ville.

Il espérait quoi ? Qu'elle vienne le féliciter de son mariage avec un rongeur ? Alors là, il se met le doigt dans l'oeil, jusqu'au coude.

 Parce que ce mariage, elle l'a amer.

Ca faisait quoi, quatre mois qu'ils étaient ensemble ces deux là, et les voilà prêts à se passer la bague au doigt, la corde au cou, à vivre l'un à côté de l'autre, collés l'un à l'autre, prêt à donner à cette brave ville quelques citoyens de plus...

 Et tout ça, sans elle, bien sûr.

C'était pourtant son nom qu'elle aurait aimé voir écrit en lettres dorées sur ce vulgaire bout de papier, son nom à elle, et à personne d'autre. C'est d'ailleurs ce qu'elle avait fait, en rayant d'un coup sec celui de Marion Dedwey pour y écrire, juste en dessous, Sienna Churge.

 La porte de la chambre s'entrouvrit, laissant apparaître une adolescente rousse, ou du moins, sa tête, discrètement.

_ Sienna ? Je peux m'installer avec toi ?

_ Oui, souffla la jeune femme distraitement.

 L'adolescente s'assit en tailleur sur le lit de sa soeur, avant qu'un long silence ne s'installe entre eux deux, et ce n'est certainement pas Sienna qui le brisera, bien trop préoccupée par ce fichu mariage.

_ Ce sera prêt dans une petite dizaine de minutes, lâcha finalement l'adolescente.

_ Merci Karin.

 _ Tu veux bien arrêter de bouder ? Lança finalement Karin en regardant sa soeur dans les yeux.

_ Je ne boude pas.

_ Et je suis Catherine d'Aragon doublée de la petite sirène aussi. Allez Sienna, si tu veux pas qu'il se marie ton jules, tu n'as qu'à te débrouiller pour qu'il dise non.

_ Quoi ? S'offusqua aussitôt la jeune femme.

 _ Quoi « quoi » ? C'est une idée comme une autre, mais dans l'absolu, j'en vois pas d'autre, désolée.

_ Mais t'es géniale Karin, j'y aurais jamais pensé sans toi, tu es la meilleure p'tite soeur !

_ Ca fait plaisir à entendre, mais tu sais comment tu vas te débrouiller ?

_ Non.

_ Parce que le mariage est dans une heure et demi.

_ Déjà ?

_ Oui ...

_ Pourquoi Cole n'est jamais là quand on a besoin de lui, se lamenta Sienna.

_ Je sais me démerder aussi bien que mon jumeau tu sais !

 _ Je n'en doute pas une minute, mais par contre, tu vas devoir trouver une idée géniale, parce que là, je sèche.

_ T'inquiète, je vais trouver. Viens manger un bout avant de tuer la mariée.