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    Cette fois-ci, c’était fini. Il n’avait rien pu faire pour les en empêcher. Les forces de l’ordre et la répression des fraudes avaient finalement franchi les portes de son entreprise en début d’après-midi, lui apportant un mandat de perquisition, pour détournement de fonds.

    Et c’était d’une coïncidence bête, typique d’une série de télévision : une des entreprises qui s’était retrouvée détournée de ses fonds avait embauché un nouveau comptable, qui avait pointé ces irrégularités, que personne n’avait jamais vu pendant de nombreuses années. Et il n’avait pas suffit de plus pour voir ces agents débarquer dans ses locaux.

    Et il leur avait tout donné. Tout. Mots de passe, accès, comptes bancaires et cartes de crédit, relevés de salariés et fiches de payes, gestion comptable. Tout ce qu’il possédait, jusqu’aux clés des bureaux. Chaque employé avait été renvoyé chez lui, avec l’ordre de ne pas quitter l’état, Nate avait été poussé dans le couloir et un scellé avait été posé sur les portes de la HGC. Il avait contemplé, impuissant, sa déchéance complète.

    - Rentrez chez vous, et ne quittez pas l’état, lui avait à son tour indiqué le chef des services. Et restez à disposition des services d’enquête.

    Et il était donc rentré chez lui, au beau milieu de l’après-midi, ce qui ne lui arrivait jamais. Marine n’allait pas tarder à revenir avec leur fille cadette, Jayn. Elle allait au club d’athlétisme l’après-midi pendant les vacances, et c’est Marine qui le gérait. Quant à An, ils ne la voyaient plus beaucoup en ce moment. Elle profitait de ses vacances avec son petit-ami, et elle avait bien raison.

    Il tourna la tête vers la fenêtre quand il entendit la voiture de Marine se garer dans l’allée du garage. Et il imaginait déjà la tête de cette dernière quand elle verrait sa voiture à lui, déjà rendue à la maison. Il se redressa, passa une main sur son crâne et se prépara le mieux qu’il put à annoncer la terrible nouvelle. La porte d’entrée s’ouvrit finalement, et Jayn déboula dans le salon.

     

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    - Papa ! T’as déjà fini ta journée ?

    Nate l’embrassa sur la joue quand elle s’approcha, sans pourtant lui répondre. Mais la toute jeune adolescente ne s’en soucia guère et poursuivit son trajet jusque dans la cuisine pour se servir un verre de limonade et d’attraper discrètement un paquet de bonbons, pour ensuite filer dans sa chambre. En temps normal, il l’aurait réprimandé. Mais il préférait largement que celle-ci ne soit pas présente pour la suite. Annoncer à sa famille qu’on avait plus de travail et qu’on était soupçonné de détournement de fonds était déjà assez éprouvant, et s’il pouvait se contenter de le dire à Marine pour le moment, ce serait amplement suffisant.

    Et justement, celle-ci arriva à son tour dans la maison. Elle posa son sac et regarda Nate, le front soucieux. Evidemment, elle se demandait ce qu’il pouvait bien faire ici à cette heure de la journée.

     

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    - Ça va ? lui demanda-t-elle en s’asseyant à côté de lui. Il y a un problème au travail ?

    Nate acquiesça, et soupira.

    - Ecoute, il n’y a pas de bonnes façons d’annoncer ça, autant être direct. Les flics ont débarqué au bureau aujourd’hui, ils ont tout saisi et mis mes employés à la porte. On m’accuse de détournement de fonds.

    Le visage de Marine se décomposa sous l’incompréhension.

    Nate avait fait attention à ne pas lui parler des découvertes de An et Théo, et leur avait interdit d’en parler à qui que ce soit. Il voulait trouver la réponse à ce problème par lui-même, et résoudre tout ça en interne. Mais le sort en avait joué autrement. Il lui raconta alors les découvertes de leur fille, expliqua les raisons de son mutisme et se prépara mentalement à se faire enguirlander. Et il l’aurait bien mérité. Après tout, ils s’étaient jurés de tout se dire, et de vivre ensemble le pire et le meilleur. Et là, clairement, ils étaient dans le fond du pire.

     

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    - Qui a fait ça ? lui demanda-t-elle. Tu le sais, n’est-ce pas ? Dénonce-le !

    - J’ai cherché, et je n’en ai aucune idée. Tous les éléments dirigent le crime vers moi. Et c’est ce que les flics finiront par déduire. Je suis le coupable idéal, et c’est tout cuit pour eux.

    - Mais tu n’as pas fait ça, ce n’est pas possible, s’emporta-t-elle, aux bords de l’hystérie. Tu ne peux pas avoir fait ça.

    - Je t’en prie, va leur expliquer. Mais pas sûr que ça suffise, lui dit-il, cinglant.

    Elle le frappa. Elle ne vit pas le coup partir, seulement la résonnance du choc remonter le long de son bras et la joue de Nate rougir subtilement. Elle réalisa son geste après coup, et ramena sa main contre elle, se répandant en excuse.

    Nate porta sa main à sa joue, baissant la tête.

     

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    - Non, je n’aurais pas dû te parler de la sorte. Excuse-moi. Je sais plus où j’en suis, ni même qui je suis …

    - Comment on va faire ? demanda-t-elle, tête baissée.

    Elle était totalement paniquée. Elle ne voyait pas de solution, rien pour les aider. Si Nate était jugé coupable, il irait en prison, loin d’eux. Et elle ne pouvait pas se retrouver seule, pas maintenant. Il ne pouvait pas l’abandonner. Elle cacha son visage dans ses mains, essayant de se retenir de se pleurer, en vain.

    - Marine ? Ca va ? s’inquiéta aussitôt Nate. On va trouver une solution, je ne vais pas les laisser m’emprisonner sans rien faire. Je vais trouver un avocat, je vais demander à Eliott de m’aider. Ne pleure pas …

     

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    Il la prit dans ses bras, essayant de la réconforter. Il voyait bien qu’elle avait du mal à se calmer. Et ce n’était pas normal. Elle qui était si rationnelle aurait normalement déjà établi un plan de guerre pour le tirer de là. Quelque chose ne tournait clairement pas rond.

    - Marine ? répéta-t-il. Dis-moi ce qu’il se passe.

    Elle se redressa alors, renifla et passa sa main sous ses yeux. Dépassée n’était même pas assez fort pour exprimer son total désarroi. Elle leva les yeux au ciel, essaya de respirer calmement, comme si elle demandait de l’aide à une instance supérieure.

    - Je suis enceinte, voilà ce qui ne va pas. Et ce n’est vraiment pas le moment de te faire emprisonner !

    Nate encaissa la nouvelle, clignant des yeux à plusieurs reprises. Enceinte ? Il la regarda, comme si elle venait de sortir la plus belle aberration de la terre. Elle ne pouvait pas être enceinte, c’était totalement impossible. Et pourtant, il vit bien dans son regard qu’elle ne mentait pas, et qu’elle semblait totalement perdue par cette découverte. Et si elle l’était, lui ne l’était pas moins. Ce n’était clairement pas le bon moment pour remettre en route un gamin.

     

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    - Je veux le garder, dit-elle dans un souffle. Mais je ne veux pas te le faire dans le dos. Et je pensais qu’on aurait le temps d’en discuter et …

    - On ne peut pas avoir un autre enfant, pas maintenant, dit Nate en passant sa main sur son crâne. C’est pas possible …

    Marine serra ses mains sur sa jupe, encaissant. Elle s’en était doutée qu’il ne voudrait pas de ce troisième enfant, et bien avant l’histoire du détournement de fonds. Mais elle s’était finalement faite à l’idée d’être enceinte pendant tous ces jours sans savoir. Elle se disait qu’ils avaient finalement réussi à avoir leur petit garçon, et plus les minutes passaient, et plus elle se refusait à l’idée de lui dire adieu.

    - Tu me demandes d’avorter ? lui demanda-t-elle, froide.

    - Tu crois qu’on a une meilleure solution ? lui rétorqua Nate. Et si je vais en taule ? Tu es prête à te retrouver seule avec Jayn et un autre bébé ? Vraiment ?

    - Et si tu ne vas pas en prison ? Et si tout s’arrange, et qu’au final, tu restes là. On aurait tiré un trait sur ce troisième bébé pour des suppositions ? Mais on referait le monde avec des si Nate ! Et moi ce que je sais maintenant, c’est que je suis enceinte, et qu’on a espéré ça pendant des années. Tu vas tout laisser tomber par peur ?

    - Je ne veux pas prendre de risque Marine. On ne peut pas le garder.

     

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    - JE NE SUIS PAS ANDY ! Tu ne peux pas exiger de moi que j’avorte ! Je suis ta femme, pas ton coup d’un soir !

    - Alors arrête de te comporter comme elle, et agis en adulte responsable ! hurla Nate à la figure de Marine.

    Cette dernière se releva, écumante de rage et les joues balayées de larmes. Elle aurait tant aimé l’insulter, lui hurler à quel point il pouvait être un parfait enculé complètement égoïste quand la sonnette de la porte d’entrée retentit. Marine se tourna vers la porte, et se figea. Elle n’était clairement pas en état de recevoir du monde, pas avec le visage couvert de larmes.

    Nate se transféra alors dans son fauteuil. Il contourna Marine, sans lui jeter le moindre regard et ouvrit la porte d’entrée, sur un policier en uniforme, accompagné d’un homme en civil.

     

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    - Nate Handers ? demanda l’homme.

    - C’est moi.

    - Vous êtes en état d’arrestation pour détournement de fonds. Vous avez le droit de garder le silence, tout ce que vous direz pourra et sera retenu contre vous…

    Il n’entendit pas la suite. Il avait tourné son visage vers le salon, où il venait d’apercevoir Marine, fondre en larmes et s’écrouler sur le canapé, une main sur le visage. Le policier lui passa les menottes puis passa derrière Nate pour pousser son fauteuil vers la voiture de police garée dans l’allée.

    Quand Marine se leva pour tenter de les en empêcher, elle croisa Jayn dans le couloir, les yeux remplis de questions. Elle s’approcha alors d’elle et la prit dans ses bras. Courir après Nate ne servirait à rien, ils ne le lui rendraient pas.

     

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    - Maman … Il est où papa ?

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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    Bonsoir à tous, et c'est pas moi, j'ai rien fait !

     

    Ce fut la MaJ impossible à écrire, à tourner et à retoucher ! Franchement, je vous assure qu'elle vient de loin.

    J'espère malgré tout ça que vous avez passé un bon moment avec mes petits méfaits et kikooteries, et je vous dit à bientôt. Normalement, ce sera dans deux semaines, le 10 octobre, mais je dois vous avouer que j'ai un planning familial et professionnel plutôt chargé sur tout le mois d'octobre, et je ne garantis pas la prochaine MaJ à 100% dans deux semaines.

     

    Mais en attendant la suite, vous pouvez suivre les supers aventures de Cameron (et Mimille, oui, le Mimille de DTA lui même) directement sur You're The One, la super histoire de mon (super !) meilleur ami Waly ♥ En plus, y'a le ré-up de OOSOOM qui est en court si y'a des nostalgiques ;)

     

    Je vous fais plein de bisous et je vous tiens au courant si il y a des changements de programme ♥

     

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     EDIT DU 31/10 - Qui veut des news ?

     

     Coucou tout le monde !

    J'espère que vous allez bien, tout ça tout ça, et que vous ne mangez pas tous les bonbons d'Halloween :p

    Alors, quelques infos après plus d'un mois d'inactivité. Comme je l'avais déjà dit, j'ai eu un mois d'Octobre un peu exceptionnel et il revient tout doucement à la normale, sauf qu'au final, c'est moi qui fatigue très vite et je n'ai pas beaucoup de courage pour avancer é_è Néanmoins, la MaJ 14 avance, et la 15 aussi de son côté.

    Je serais en vacances du 8 au 14 novembre prochain, et j'espère sortir la MaJ 14 d'ici là ;)

    Je vous fais des bisous tout plein ♥

     

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  • -- Deux semaines plus tard –

     

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    Finalement, cela avait été plus rapide que prévu pour An et Gabe. Ils étaient le lundi 10 septembre, et elle n’avait pas vu son petit ami depuis plus d’une semaine. Il avait même raté son anniversaire.

    Voilà. C’était fini. Elle le savait, elle s’en était doutée, bien avant qu’elle n’accepte de sortir avec lui. C’était aussi évident que le nez au milieu de la figure. Mais elle avait eu le malheur de finalement tomber amoureuse de Gabe, et elle se prenait en pleine figure leur séparation.

    A cela, il fallait rajouter l’ambiance plus que morose à la maison. Son père avait été aussitôt envoyé en prison après son arrestation, sans autre forme de procès. Sa mère subissait les désagréments de sa grossesse, entre sautes d’humeurs, nausées et l’incertitude de leur avenir avec un mari en prison. Jayn profitait de tout ce chaos pour pousser sa mère à bout, insulter son père et repartait impunie, Marine étant complètement dépassée par la situation.

    Mais la vie avait dû reprendre son cours.

     

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    An avait repris les cours quelques jours plus tôt, et avec eux, sa routine quotidienne. Journées à l’université, et soirée sur son ordinateur, à traîner sur les forums, et à discuter avec Ewan. Elle esquivait Jayn quand c’était possible, renvoyait la toute jeune adolescente dans ses quatre mètres carrés quand elle outrepassait ses privilèges, et essayer d’aider sa mère au maximum. Mais elle restait sans aucune nouvelle de Gabe, ni de son père.

    Jusqu’à ce matin-là. Elle était en plein cours de littérature moderne quand elle reçut un message de son petit ami. Comme toujours, elle s’installait en haut de l’amphithéâtre, et elle avait pu lire son message sans se faire griller par le prof, qui était bien trop bigleux pour voir que ses élèves n’en fichaient pas une.

    « Salut An. Désolé, je ne suis pas trop présent en ce moment. Ça te dit de passer le week-end du 15 avec moi ? J’ai réussi à me dégager du temps, on va pouvoir fêter ton anniversaire ♥ »

    La jeune femme ne put s’empêcher de sourire à la vue de ce message. Finalement, elle avait parlé trop vite. Il arriverait à leur trouver du temps. Elle s’empressa de lui répondre qu’il n’avait pas à s’excuser et qu’elle lui réservait bien évidemment son week-end, le tout avec un petit cœur à la fin.

     

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    Elle était déjà impatiente, et avait du mal à rester concentrée sur la suite de son cours, tout comme pour le reste de la journée. Elle était donc rentrée chez elle le soir, avec un sourire béat sur son visage, ce qui ne manqua pas d’intriguer sa mère qui se trouvait dans l’entrée à ce moment-là.

    - Tiens, tu as l’air heureuse, lui dit-elle.

    Ça lui faisait plaisir de voir sa fille avec le sourire jusqu’aux oreilles. Ça changeait un peu de la négativité qui suintait de chaque mur de la maison. La mère de famille s’approcha alors de sa fille, curieuse d’en savoir un peu plus.

    - Je vais voir Gabe ce week-end, lui dit-elle en haussant les épaules. Pour mon anniversaire. Ça va aller avec Jayn ?

    - Comment ça avec Jayn ? Bien sûr que ça va aller. On ne va pas s’arrêter de vivre parce que ton père est en prison. Tu sors avec Gabe ce week-end, et je m’occupe de Jayn. C’est mon boulot de m’occuper d’elle.

    - Dis ça à tes cernes. Tu fais peur maman …

     

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    Et ce n’était que peu comparé à ce qu’elle pensait vraiment. Marine vivait très mal l’arrestation de Nate, ainsi que le silence de ce dernier. Depuis l’arrestation, elle n’avait pas eu l’occasion de lui parler une seule fois. Il était interdit de visite, ne pouvait pas recevoir d’appels et n’avait même pas d’avocat à qui elle pouvait demander des nouvelles. Nate était en silence radio, et plus le temps passait, plus elle était morte d’inquiétude.

    - Ça va aller, répéta-t-elle à sa fille. Je gère Jayn et tu profites de ton chéri ce week-end. Je ne veux pas que tu te prives pour moi, d’accord ?

    Elle fit le dernier pas qui la séparait de son aînée et elle l’embrassa sur le front. An ferma les yeux, profitant de la présence de sa maman, et de recevoir ces petites attentions comme quand elle était enfant.

    - Je t’aime Maman.

    - Moi aussi ma chérie. Heureusement que je vous ai ta sœur et toi.

    - Même Jayn alors qu’elle est infernale ?

    - Ça me donne une bonne raison de maudire ton père pour autre chose que son passage en prison.

    An esquissa un sourire avant d’embrasser sa mère sur la joue et de filer dans sa chambre pour retrouver Ewan sur son ordinateur. Et à peine fut elle assise sur son siège de bureau, qu’une fenêtre de discussion s’ouvrit, avec l’avatar d’Ewan. Elle posa son sac et sauta sur son clavier.

     

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    « Salut Anie ! Comment tu vas ? Dis-moi, t’es loin de la frontière canadienne ? »

    An resta quelques secondes perplexe, face à la demande d’Ewan. Effectivement, elle habitait à une dizaine de kilomètres de la frontière. Elle avait même l’habitude avec sa famille et ses amis de se rendre au Canada pour passer une journée ou deux.

    « Salut. Pourquoi cette question ? Tu me traques ? »

    « Peut-être, hé hé. »

    « T’es flippant. Et sinon, pourquoi tu demandes ? »

    « Je suis au Canada cette semaine, et pas loin de la frontière américaine, alors je tente »

     

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    An rougit aussitôt jusqu’aux oreilles. Ewan était là ? Enfin, qu’elle ne s’excite pas trop non plus. La frontière avec le Canada fait au bas mot plusieurs dizaines de milliers de kilomètres. La probabilité qu’il passe à proximité de Houlton était plutôt mince.

    « Anie ? »

    « Oui, je ne suis pas loin de la frontière »

    Elle ferma les yeux aussitôt. Qu’elle idée elle avait eu. Elle s’était pourtant promis de ne jamais donner à Ewan son adresse, ou de précisions même vagues dessus. Elle venait clairement de déroger à la règle.

    « De quel côté ? Ce serait sympa qu’on se voie enfin, non ? »

    « Woodstock, je ne suis pas très loin »

    Elle regarda avec attention l’écran une fois qu’elle eut envoyé son message. Elle voyait bien les trois petits points s’agiter à côté du pseudo d’Ewan, et elle avait l’impression que son cœur aller s’arrêter par le stress. Finalement, le couperet tomba.

    « Ah, ça tombe bien ! J’y suis le soir du 15. On pourrait aller boire un verre, t’en penses quoi ? »

     

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    Le week-end du 15, c’était le week-end qu’elle venait de promettre à Gabe. Et quand bien même elle était curieuse de rencontrer Ewan, elle avait une folle envie de passer du temps avec son petit ami. Elle reprit alors contenance, réalisant que ce n’était toujours pas pour maintenant qu’elle rencontrerait son ami anglais.

    « Une prochaine fois peut-être, je suis prise ce week-end-là. »

    « Et tu ne peux pas t’arranger ? Je ne sais pas quand je reviendrai dans les environs. »

    « Non, désolée. Je ne peux pas. Une prochaine fois Ewan. »

    Et parce qu’elle n’avait pas envie d’argumenter plus longtemps, elle passa aussitôt en hors ligne, et ouvrit son sac pour récupérer ses cours, et bosser un peu. Mais elle n’avait pas la tête à ça. Pourquoi est-ce que sa seule possibilité de rencontrer enfin Ewan tombait le week-end que Gabe avait réussi à se dégager ?

     

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    Elle réfléchit un instant. Elle aurait pu négocier avec Gabe pour qu’ils se retrouvent le soir, comme ça il aurait eu l’après-midi pour réviser, et elle pour aller voir Ewan. Ca aurait pu être une bonne idée. Elle pouvait envoyer un sms à Gabe et lui proposer ça.

    Alors qu’elle allait prendre son téléphone pour envoyer un message à Gabe, elle se ravisa. Non. Il avait dû faire des pieds et des mains de son côté pour lui réserver son week-end, elle ne pouvait pas se permettre de lui dire qu’elle voulait passer l’après-midi ailleurs. Elle reposa son téléphone. Elle avait fait le bon choix. Ewan n’était que quelqu’un de virtuel. Le voir une fois ne changerait rien, elle ne le reverrait jamais après ça. Or Gabe était bien réel pour elle, et il avait été là pour elle depuis bien plus longtemps.

    Elle hocha la tête pour se remettre les idées en place.

    Elle passera son week-end prochain avec son petit ami, et tout sera parfait. Elle n’avait pas besoin de voir son ami du web. Et une fois décidée, et les idées claires, elle se concentra de nouveau sur ses cours.

     

     

     

     


  • ♪ L490 - Thirty Seconds To Mars

     

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    Cela faisait deux semaines qu’il croupissait dans sa cellule.

    Nate n’avait même pas été jugé, et simplement désigné coupable de détournement de fonds. Il n’avait pu apporter aucune preuve pouvant l’innocenter. Il n’avait pas pu trouver de solution pour s’en sortir depuis la découverte du détournement par An et Théo, ce n’est pas maintenant loin de ses comptes qu’il allait en trouver une. Celui qui avait fait ça l’avait bien fait, et avait réussi à s’en tirer, laissant Nate payer pour son crime.

    Il soupira, et se tourna sur le flanc, faisant face au mur le long de sa couchette, et il glissa un bras sous son cou. C’est ainsi qu’il passait le plus clair de ses journées. N’ayant pas encore été jugé, il ne pouvait pas rejoindre les autres détenus, et les lieux communs. Il était donc seul, sans aucune possibilité de visite.

    Une fois par semaine, il avait le droit à un appel de quinze minutes. Et il avait pu contacter ainsi Eliott tout d’abord, son « beau-frère » et avocat de la famille, du moins, seul avocat de la famille, afin de lui demander de l’aide sur ce coup-ci. Il pensait sincèrement qu’Eliott l’aurait aidé. Après tout, il était l’oncle d’An, il avait été proche de lui dans une autre vie, mais sa réponse lui avait scié d’autant plus les jambes.

     

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    « Désolé Nate, je ne peux pas prendre ton dossier en charge. Il vaut mieux que tu trouves un autre avocat. Bon courage. »

    Et il avait raccroché au bout de deux minutes de conversation. Il s’était donc retrouvé sans avocat, et avait gaspillé son appel dans le vent.

    La semaine suivante, il n’avait pas fait la même bêtise. Il avait appelé la personne la plus à même de le comprendre à ce moment précis : William.

    Son seul appel hebdomadaire, il l’avait fait à son meilleur ami. Ni à sa femme, ni à ses filles. Mais à son meilleur ami. Il ne sentait pas capable d’affronter Marine dans de telles conditions. Cela faisait donc deux semaines qu’il n’avait pas eu de nouvelles de sa part, ni de ses filles. Il n’avait pas de droit de visite, ou de courrier. Rien. Seul cet appel hebdomadaire le reliait au monde extérieur.

     

     

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    Evidemment, William l’avait quasiment engueulé de l’avoir choisi lui plutôt que Marine pour ce très rare contact avec ses proches, et Nate s’était empressé de lui faire comprendre qu’il n’avait pas envie de perdre quinze minutes à s’engueuler avec lui.

    - Sérieusement Nate, tu sais dans quel état elle est Marine là ? Elle va tourner folle !! Elle est rendue chez Julia tous les jours.

    - D’où tu le sais, je croyais qu’elle t’avait mise dehors Julia ?

    - Elle ne m’a pas mise dehors, je m’y suis mis tout seul. Mais je te rappelle qu’on n’est pas … rah, et puis merde ce n’est pas le sujet. Tu aurais dû l’appeler elle, pas moi !

    - Je ne vais pas appeler Marine, lui avait rétorqué Nate. On s’est un peu … accrochés avant que les flics n’arrivent.

    - T’as fait quoi encore ?

    - Parle pas avec ce ton de moralisateur, c’est toi qui es en train de bousiller ton ménage je te rappelle. Je n’ai rien fait, enfin … Si, j’ai fait quelque chose, et je ne suis pas d’accord avec ce que j’ai fait.

    - T’arrêtes de tourner autour du pot ? Il reste que dix minutes là, s’était impatienté William de l’autre côté du téléphone.

    - Elle est enceinte.

     

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    Et seul le silence lui avait répondu. Après dix secondes, Nate lui avait intimé de répondre, car il n’avait pas pris le téléphone pour discuter avec un muet. Ses minutes de communication étaient précieuses.

    - Tu viens vraiment de dire que Marine est enceinte ? avait répété William.

    - Oui.

    - Et t’es pas content ?

    - Tu veux que je te rappelle où je suis ? Bien sûr que je ne suis pas « content » comme tu dis. Je suis en taule William, et je ne suis pas près de sortir. Donc clairement, je ne suis pas ravi. Comme si la situation n’était pas assez difficile.

    - Attends, ne me dis pas que tu lui as dit d’avorter ?

    Cette fois-ci, c’est Nate qui s’était tu. Et William n’avait pas mis bien longtemps avant de comprendre la raison de sa dispute avec Marine. Il connaissait assez l’épouse de son meilleur ami pour savoir qu’avorter ne faisait pas partie de son vocabulaire.

    - Mais tu n’es qu’un sombre imbécile ! Ça ne fait pas des années que vous cherchiez à avoir le troisième ? Et là tu lui dis de balancer le bébé avec l’eau du bain ? Tu m’étonnes qu’elle t’ait envoyé chier. Tu l’as mérité.

    - Ta gueule, avait rétorqué Nate. Je ne t’appelle pas pour que tu me fasses la morale.

    - Deux minutes.

     

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    Un surveillant était passé à côté de Nate, lui rappelant la fin imminente de cette conversation. Il avait hoché la tête pour lui faire comprendre qu’il avait saisi, et avait reporté son attention sur William. Ce n’était clairement pas le moment de s’engueuler avec lui.

    - Bon, Will, écoute, j’ai plus que deux minutes. Eliott refuse de me défendre. Je suis persuadé qu’il baigne dans quelque chose de pas net. Il faut que tu ailles voir An et Théo. Ce sont eux qui ont découvert ce qu’il se passait dans la boîte. Si quelqu’un peut trouver le moyen de me tirer de là, c’est eux. Tu peux faire ça ?

    William avait acquiescé de l’autre côté du téléphone, se retenant de lui demander pourquoi l’avoir contacté lui plutôt que sa propre fille, et finalement, l’appel s’était coupé de lui-même, au bout des quinze minutes de communication. Nate avait raccroché le combiné comme il put sur le téléphone, et avait suivi le surveillant jusqu’à sa cellule.

     

     

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    Et depuis, évidemment il n’avait eu aucune nouvelle. Il lui restait quatre jours à attendre avant qu’il puisse de nouveau contacter son meilleur ami. Quatre jours d’attente interminable. Il ferma alors les yeux, lassé de contempler le mur devant lui, quand quelqu’un frappa à la porte de sa cellule. Il sursauta, et se redressa assis sur sa couchette.

    - Handers, parloir !

    Il s’assit sur le bord du matelas, et tira son fauteuil à lui avant de faire un transfert. Il n’avait pas le droit au parloir pourtant. Pas tant qu’un juge n’aura pas statué sur sa situation. Totalement sous l’incompréhension, il alla jusqu’à la porte, et frappa contre celle-ci pour indiquer au surveillant qu’il sortait. On lui déverrouilla la porte, et il suivit le maton jusqu’aux parloirs, où l’attendait, derrière une vitre, une parfaite inconnue. Une jeune femme qui devait avoir tout juste trente ans, les cheveux bruns coupés au carré et un air déterminé qui se lisait dans ses yeux. Il regarda autour de lui, cherchant une explication qu’on ne lui donna pas, et la jeune femme lui adressa un petit sourire encouragé, ce qui le confortait dans son idée : elle était là pour lui.

    Il s’approcha alors du poste, cherchant à comprendre ce qu’il se passait.

     

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    - Bonjour Monsieur Handers, lui dit la femme. Je suis Chelsea Swann, enfin, Maître Swann. Maître Thatch m’envoie pour vous défendre.

    Nate écarquilla les yeux, ne s’étant pas du tout attendu à ce que Eliott l’aide, vu la conversation qu’ils avaient eu la dernière fois. C’était plutôt surprenant. Il se présenta à son tour, se rendant bien compte que ça ne serait pas forcément utile, elle devait déjà tout savoir de lui vu qu’elle devenait son avocate.

    - Vous sortez demain, dit-elle pour commencer. Ils n’ont aucune raison légale de vous garder plus longtemps. Pas de preuve contre vous ne fait pas de vous un criminel.

    Elle lui sourit, essayant d’être la plus avenante. Nate soupira longuement à cette annonce, et il eut l’impression de se ratatiner sur sa chaise.

    - Maintenant, il va falloir qu’on se débrouille pour passer devant le juge, sans peine ni amende. On devrait y arriver, il n’y a rien dans votre dossier qui prouve que vous soyez le coupable. Ça ressemble plutôt à une escroquerie …

    - Merci, dit finalement Nate. Je ne pensais pas que Eliott changerait d’avis à mon sujet.

    - Oh, il n’a pas changé d’avis. C’est votre fille, An, qui est allée faire un scandale dans son bureau, dit-elle avec un sourire amusé qui lui faisait bien comprendre qu’elle avait assisté à toute la scène.

     

    (94)

     

    Nate sourit aussitôt, fier de la ténacité de sa fille qui était capable de soulever des montagnes pour le tirer de là. L’avocate sortit un dossier qu’elle posa devant elle. Elle l’ouvrit, sortit un bloc-notes et un crayon.

    - Monsieur Handers, reprit-elle, si on commençait à établir votre défense.

    Nate acquiesça, et il se rapprocha de la cloison vitrée pour regarder le dossier que lui présentait l’avocate et lui racontait tout ce qu’il savait de l’affaire. Savoir qu’il sortirait d’ici dès le lendemain lui donna une motivation de plus pour se battre. Mais une chose restait floue dans son esprit : après leur dispute et ces deux semaines de silence, que dirait-il à Marine quand il la reverrait ?

     

     

     

     

     


  • (98)

     

    Georg-Kaitlin était assis derrière le comptoir de la petite boutique de disquaire où il travaillait avec Méandre depuis quelques semaines déjà. Sa collègue avait dû filer faire une course urgente il y a une vingtaine de minutes, lui confiant ainsi la boutique. Mais il n’avait pas trop besoin de s’en inquiéter : ils n’étaient clairement pas envahis de clients à ce moment de la journée. Il en profitait alors pour travailler sur son cahier de chansons. Ce qu’Emma lui avait dit quelques jours plus tôt avait fini par émerger dans son esprit, et il se disait que ce ne serait peut-être pas si improbable que ça de se présenter pour une de ces battles. Il avait donc attrapé un dossier d’inscription ici, sur ce comptoir, et avait regardé les formalités.

    Ça n’avait rien de franchement sorcier.

    Il devait juste présenter un minimum de deux chansons, sans que ce soit des créations originales, et se débrouiller pour tout. Instruments, communication, etc. Il n’avait pas spécialement envie de communiquer sur son passage. Après tout, il avait envie de tester, juste une fois, de monter sur scène, et de proposer ses créations, voir ce que ça faisait. Il bossait donc sur deux d’entre elles. Une qui traînait depuis un moment dans ses cahiers, que ses proches connaissaient, et une autre, qu’il avait écrite et composée avec Emma. Seule restait la question des instruments : il ne pouvait monter qu’avec sa guitare sur scène, et n’avait pas les moyens techniques et humains pour faire figurer basse, batterie et claviers. Il avait bien pensé utiliser les samples qu’il avait avec lui, ainsi que les quelques enregistrements qu’il avait déjà fait sur le premier morceau, mais il devait néanmoins trouver un clavier ou une table pour mixer tout ça.

     

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    - Raaaah !

    Il se prit la tête dans les mains. Il n’avait rien de tout ça, il n’avait pas l’argent pour en louer, et il ne connaissait personne ici qui pouvait lui prêter ça. Autant dire que sa participation aux battles, du moins à l’une d’entre elles, était complètement compromise.

    - Tu as des problèmes GK ?

    Méandre venait justement de rentrer dans la boutique, avec son sac de commission, et flanquée de deux jeunes garçons qui devaient être dans les dix ans. Il écarquilla les yeux, ne s’étant pas attendu à la voir avec des enfants. Enfin, si, les siens, mais ils devaient être plus jeunes.

    - Non, tout va bien. C’est qui ? demanda-t-il en pointant les deux enfants qui étaient sages comme des images.

     

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     (Léon le roux - Asty le brun)

     

    - Mes petits frères. Léonidas et Astyanax, mais on les appelle Léon et Asty. Leur institutrice est malade, elle a dû annuler la classe cet aprèm, alors je les récupère. Ils vont monter dans la salle de pause, t’inquiète, tu ne vas pas les entendre.

    - Tes frères … répéta-t-il. Attend, l’autre jour au téléphone, quand tu parlais des jumeaux, tu parlais d’eux ?

    - Tu écoutes mes conversations téléphoniques ? demanda-t-elle en riant.

    Georg piqua un fard, tandis que les jumeaux filaient à l’étage. Il avait effectivement écouté sa conversation, et s’était même fait des idées. Il avait de quoi se sentir doublement ridicule.

    - Oui. Je devais probablement parler de mes frères ce jour-là, à un ami, ajouta-t-elle en voyant que GK se mettait dans tous ses états, ce qui fit rougir d’autant plus le jeune homme.

    - Ok, excuse-moi, je n’ai pas été très malin.

    - T’inquiète, c’était assez drôle à regarder.

    - Merci de ta sollicitude.

    - Je t’en prie.

     

    (98)

     

    Elle passa à côté de lui et remarqua le parolier posé sur le comptoir. Elle détourna le regard, elle savait que ce genre de document était comme un journal intime et qu’il n’apprécierait pas qu’elle le lise. Elle avait exactement le même chez elle, planqué de ses frères.

    - Tu écris des chansons ? demanda-t-elle innocemment.

    - Ah oui. Ma copine, euh … enfin, ex-copine, m’a mis dans le crâne que je pouvais participer aux battles, alors …

    Il haussa les épaules et ferma son cahier.

    - Tu peux, c’est ouvert à tout le monde. Tu y vas samedi d’ailleurs, non ? Tu verras, c’est assez hétéroclite comme compétition.

    - Et toi, tu y vas samedi ? lui demanda-t-il.

    C’était l’occasion de l’inviter à l’accompagner, vu que Emma avait finalement filé faire son tour du monde. Méandre le regarda avec un petit sourire amusé, et déclina poliment son invitation prononcée à demi-mot.

    - Désolée, je suis prise ce soir-là. Une prochaine fois peut-être, ajouta-t-elle avec une œillade.

    Elle avait hâte de voir sa réaction quand il réalisera qu’elle serait sur scène samedi soir, alors qu’il était incapable de la reconnaître sur les affiches placardées partout en ville. Et le lundi suivant, au magasin, elle en profitera bien pour rire de sa gêne.

     

    (98)

     

    - Tu ne sais pas où je pourrais emprunter un clavier ?

    - Euh, non pas vraiment. Je connais quelqu’un qui a un clavier, mais elle y tient énormément. C’est pour ta participation ?

    - Ouais. Je n’ai pas de groupe, mais j’ai des enregistrements dans mon ordinateur, et si j’avais un clavier, je pourrais clairement mieux me débrouiller qu’avec juste mon ordinateur, tu vois … ?

    Méandre réfléchit un instant. Elle voyait bien où GK voulait en venir, mais il se compliquait plutôt la vie en réalité. Le clavier n’était clairement pas le meilleur outil du monde pour ce qu’il pouvait faire.

    - Je ne peux pas te trouver de clavier, mais je peux te dépanner d’un soundboard et d’une vieille table de mixage. Ton son sera meilleur. T’as une piste par instrument ?

    - Basse et percus. Je reste à la guitare sur scène.

    - Tu vas galérer si tu dois jongler entre la guitare et la table. Tu ferais mieux de tout pré-enregistrer.

    - T’inquiète, je gère. Ce n’est pas parce que je n’ai pas le matériel que je ne sais pas me débrouiller, lui dit-il avec un sourire en coin.

    - Comme tu voudras, je t’amènerai ça quand j’y penserai.

    Elle passa de l’autre côté du comptoir pour faire un peu de rangement sur les présentoirs.

     

    (98)

     

    - Tiens, sinon, blague à part, lui dit Méandre. T’es dispo samedi dans quinze jours ?

    GK releva la tête et regarda Méandre. Il n’avait rien de prévu pour le moment, de toute façon, il ne connaissait personne, donc il n’y avait aucun moyen d’être pris ce week-end-là. Il acquiesça alors en regardant Méandre.

    - Tu m’accompagnerai à une soirée ?

    - Euh … Oui, si tu veux. T’as pas de copain à inviter ? lui demanda-t-il.

    - Justement, non. C’est une soirée d’anciens du lycée, et je n’ai pas très envie de me faire charrier si j’arrive seule.

    - Tu veux un faux copain ?

    Il sourit, amusé. Il ne s’était pas du tout attendu à ça, et ce n’était pas trop mal comme plan pour se rapprocher d’elle, d’autant plus qu’il avait confirmation qu’elle n’avait pas de copain.

    - Et ton pote, qui devait gérer tes frères ?

    - Samuel ? Il est connu comme le loup blanc, et il est gay. Ça ne marchera jamais. Toi, personne ne te connaît, t’es le candidat idéal, ajouta-t-elle en rougissant légèrement. Je t’offre même le restaurant pour te dédommager de ton coup de main.

    - T’inquiète, ça ne me dérange pas. Et puis, pas la peine de me payer le restaurant. J’accepte avec plaisir.

    Et avec beaucoup d’arrières pensées, soit dit en pensant.

     

     

     


  • (99)

     

    - JE VAIS RENDRE MON INSIGNE ET ME RECONVERTIR DANS LE STAND UP !

    Un bruit de collision accompagna ce cri qui réveilla tout l’immeuble.

    Carmen, qui s’était assoupie cinq minutes dans le canapé se releva aussitôt au hurlement de sa compagne. Elle regarda autour d’elle et vit au sol l’insigne d’Akira, jeté comme une simple breloque sans valeur. Elle se releva alors, récupéra l’objet et s’approcha de son épouse qui était actuellement dans la cuisine, le visage dans ses bras posés sur la table, l’ordinateur ouvert devant elle. Elle posa l’insigne sur la table, et glissa sa main sur la nuque de la femme, essayant de la réconforter.

    - Qu’est-ce qu’il se passe Aki ?

    Carmen s’assit finalement en face de l’inspectrice. Akira releva la tête, et ne put s’empêcher de sourire en voyant le visage inquiet de sa compagne. Elle ferme l’ordinateur et lui prit les mains, voulant se montrer rassurante.

     

    (99)

     

    - Excuse-moi. Je me suis emportée.

    - Un problème avec ton enquête ?

    Akira soupira et enfonça sa tête dans ses épaules. Un problème. Le mot était faible.

    - Je viens de recevoir un mail de mon supérieur. Ezra Summers est innocent. Ils ont vérifié son alibi, il a été filmé par les caméras de surveillance d’Augusta la nuit du crime. Ce n’est pas lui.

    - C’est plutôt bien, non ? Ça fait un innocent de moins derrière les barreaux, non ?

    - Certes, mais ça me ramène au point de départ. Je me retrouve avec un crime dont je connais parfaitement l’instigateur, mais je n’ai aucune preuve pour l’inculper. Et je sais qu’il a une taupe dans la police, ce n’est pas possible autrement.

    Carmen caressa la main de Akira, essayant de la soutenir comme elle pouvait. Elle n’était pas du monde de la police, et savait qu’elle ne pouvait pas y faire grand-chose, si ce n’est lui apporter autant de réconfort possible.

    Elles restèrent ainsi pendant un moment, quand finalement la sonnette de l’appartement retentit. Carmen se leva, Akira s’étant de nouveau fermée. Elle jeta un œil autour d’elle, voir si Akira n’avait rien cassé dans sa colère, et ouvrit la porte finalement.

     

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    Dans le couloir, se tenait deux hommes, dont un que Carmen connaissait parfaitement puisqu’il avait été témoin à son mariage. Quant à l’autre, il lui était totalement étranger.

    - Bonjour Matt. Tu tombes bien, Akira pète un câble.

    - Salut Carmen. Justement, je pense que je vais l’aider sur son affaire. Je te présente un ami de la famille : Roger Eillis.

    Roger, ou plutôt Eliott Thatch, hocha la tête mais regarda malgré tout autour de lui. Mathieu avait beau l’avoir grimé pour qu’il ne soit pas reconnu, il devait avouer qu’il n’était pas très rassuré. Il donna d’ailleurs un léger coup de pied dans le talon de Matt pour lui faire comprendre qu’il préférerait largement être à l’intérieur de cet appartement plutôt que dans le couloir.

    - Ah oui, pardon Roger. Entre.

    Il passa devant Matt et se faufila à côté de Carmen pour entrer dans le salon. Akira sortit à ce moment là de la cuisine, et eut un temps d’arrêt devant l’étranger dans son salon. Alors qu’elle allait lui demander de décliner son identité, Matt apparut à son tour, avec un sourire jusqu’aux oreilles.

     

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    - Salut Aki. Tu te souviens de Roger Eillis ?

    Elle s’arrêta un instant et écarquilla les yeux. Elle ne connaissait pas de Roger Eillis. C’était quelqu’un d’autre. Mathieu avait un don indéniable pour camoufler les gens derrière des déguisements, mais elle mit un bon moment avant de reconnaître Eliott derrière cette tenue improbable. Quand elle réalisa qui elle était, elle sourit à son tour. Carmen s’empressa de fermer la porte de l’appartement, et de rejoindre le trio.

    - Ravie de vous revoir Roger, dit Akira en rentrant dans le jeu de Matt.

    Il devait probablement craindre d’être suivi ou sur écoute. Prudence était de mise. D’un commun accord et dans le plus grand silence, chacun sortit son téléphone portable et le rangea dans le placard de la télévision, avant d’allumer cette dernière pour faire un bruit de fond. Puis Akira, d’un geste, attira les deux hommes avec elle dans la salle de bain. C’était une pièce sans fenêtre et assez loin de la porte d’entrée pour que quelqu’un puisse capter la conversation.

     

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    - Je suis tellement contente que vous soyez là, dit-elle en faisant bien attention à ne pas le nommer au cas où quelque chose filtrerait.

    - Je ne sais pas si je peux dire la même chose, souffla Eliott.

    Il s’assit sur le rebord de la baignoire, et Matt s’assit sur les toilettes, regardant autour de lui.

    - Merci pour l’intimité Aki, dit-il en riant.

    - Je n’ai pas mieux. Donc, Roger. Vous aviez quelque chose à nous dire ?

    Il hocha la tête et sortit de sa veste un dossier. Celui à la reliure verte. Le dossier de reconnaissance de paternité de Georg-Kaitlin. Akira prit le dossier, et le feuilleta, écarquilla les yeux à chaque phrase avant de laisser échapper un hoquet de stupeur devant la somme de l’assurance vie. Elle tendit le dossier à Matt, indiquant du doigt la somme en question.

    Quatre millions de dollars. Matt s’étrangla avant de tousser pour reprendre sa respiration. Akira le regarda un moment, inquiète, avant de voir qu’il gérait plutôt bien. Elle le laissa donc tousser, et se tourna de nouveau vers Eliott et lui rendit le dossier.

     

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    - C’est une copie ?

    Eliott acquiesça et Akira le remercia avant de poser le dossier sur le meuble à côté. Elle prendra tout le temps nécessaire de le lire un peu plus tard.

    - Vous savez à quoi ça va servir ?

    - J’ai des doutes, mais je ne sais pas.

    - Est-ce que Burlington ça vous parle ? demanda Matt une fois qu’il eut retrouvé sa respiration.

    Eliott releva la tête vers Matt mais hocha la tête en signe de négation. Mayers ne lui avait jamais parlé de Burlington. Il était assez évasif sur son réseau, ou ses activités. Ce qu’il savait se limitait à son dossier judiciaire auquel tout le monde avait accès.

    - Et pour son fils ? reprit Akira. Vous en savez plus.

    - Je devais le chercher, et je l’ai trouvé. En France.

    - Ça merci, je le savais déjà, dit Mathieu. C’est limite si je ne l’ai pas accompagné à l’aéroport. Tu sais autre chose ?

    Eliott ferma les yeux, et se concentra. Il avait entendu un prénom, quelqu’un que Brooke devait envoyer à la suite de Georg-Kaitlin pour le surveiller, et le faire revenir.

    - Hyde, dit-il finalement.

     

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    Mathieu écarquilla les yeux. Il avait dit quoi. Il s’approcha de Eliott pour le faire répéter, ce qu’il fit sans sourciller.

    - Hyde. Il a dit à sa compagne de contacter Hyde et de l’envoyer là-bas.

    - C’est qui Hyde ? demanda Akira en regardant Mathieu. Là, c’est toi qui sais quelque chose que j’ignore.

    - Hyde, c’est un nom de code. Celui de Spencer Jekyll. L’homme à tuer de Mayers.

    - A tuer ? Tu veux dire qu’il veut tuer son fils ?

    - Quelles sont les conditions qui bloquent l’assurance vie ? demanda Matt, soudain très grave, et ignorant la remarque d’Akira.

    - Elle sera débloquée à son décès à destination de ses héritiers, à moins que son héritier décide de lever les scellés au bénéfice de son père.

    - Et s’il n’y a pas, ou plus, d’héritier ?

    - Les scellés sont levés, et il peut y avoir accès.

     

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    Akira pâlit instantanément et tituba. Elle se maintient au mur, essayant de faire le point mentalement. Harry Mayers avait trois enfants, dont seulement deux avaient été reconnus. William, son fils naturel, Julia, sa fille adoptive qui a juridiquement fait annuler l’adoption pour épouser William, et Georg-Kaitlin, fils naturel non reconnu.

    A l’heure actuelle, seul William peut revendiquer l’assurance du patriarche. Georg-Kaitlin peut à tout moment demander la reconnaissance et ainsi hériter des biens.

    Mayers a donc deux choix : passer par William pour débloquer l’héritage ou reconnaître Georg-Kaitlin pour faire de même. Son aîné refusera de se mêler au père : plutôt le laisser crever dans sa merde et bénéficier du pactole à sa mort. Quant à Georg-Kaitlin, il a encore la possibilité de le faire pencher de son côté. Et si jamais il n’y arrive pas, Hyde sera là pour résoudre le problème.

    - Il va tuer ses fils, balbutia Akira. Hyde a été envoyé pour tuer Georg-Kaitlin, et William est en danger.

    - On a un problème qui vient de se greffer Akira. Hyde est mort il y a vingt ans.