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    Finalement, Mathieu avait accepté la mission qui lui avait été confié par ses anciens supérieurs. Celle-ci devrait se dérouler en plusieurs temps, de chacun plusieurs semaines. Bien évidemment, ses deux anciens collègues et comparses avaient largement désapprouvé son choix, et Akira l’avait même menacé de tout révéler à Sienna, et pas seulement pour cette mission. Car elle n’était pas dupe, elle savait très bien que l’épouse Philips n’avait aucune idée des activités professionnelles de son mari. Aux yeux de Sienna, Mathieu était formateur pour des jeunes recrues, et ça s’arrêtait là. Sauf que la formation de recrues n’occupait désormais plus que vingt-cinq pour cent de son temps de travail pour la police. Pour le reste, il passait ses journées et ses nuits à prendre en filature, à éplucher des dossiers ou à écouter des enregistrements téléphoniques. Il s’était même plus d’une fois retrouvé coincé entre deux groupes adversaires, ce qui lui avait valu d’être amoché à plusieurs reprises.

    Mais Mathieu restait confiant. Il savait que malgré les menaces, Akira ne dirait rien. Car si le bruit courait que Mathieu avait repris du service au sein de la police, ni lui ni ses proches ne seraient en sécurité. Cela n’était donc que des menaces en l’air, et il n’en avait cure.

     

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    - Tu as tout ce qu’il faut ? demanda Sienna en entrant dans la chambre, une pile de linge dans les bras.

    - Oui, c’est bon. Merci Sienna.

    Elle lui tendit alors les vêtements qu’elle avait dans les bras, et Matt les rangea dans la valise qui était ouverte devant lui. Il partait le lendemain matin pour Burlington, et devait y rester une semaine, pour se familiariser avec la ville et ses futurs collègues. Et c’est d’ailleurs ce qu’il avait présenté à Sienna. 

    Première règle d’un mensonge : s’en tenir le plus possible à la vérité. Moins il y a de détails à inventer, et plus il est facile de rester fidèle à ce qu’il racontait.

    Sienna s’assit alors sur le lit, à côté de la valise, et le regarda s’affairer dans la chambre, pour y ranger ses dernières affaires. Ça allait lui faire tout drôle demain soir, quand elle se retrouverait à dormir toute seule dans ce lit. En presque vingt ans de mariage, ce n’était pas arrivé une seule fois. Ça arrivait qu’elle se couche seule, car Mathieu finissait tard, mais elle se réveillait toujours à côté de lui le lendemain matin.

    - Ça va me rappeler nos débuts, dit-elle un peu pensive.

    - Ah ? Comment ça ?

    Mathieu s’assit à côté de Sienna après avoir refermé et poussé sa valise. Elle avait été plutôt silencieuse depuis qu’il lui avait dit qu’il devait s’absenter quelques jours, et ça ne lui ressemblait pas vraiment.

     

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    - Quand on se fréquentait. Tu faisais tes valises aussi, et tu disparaissais pendant plusieurs jours sans que je te voie, pour aller filer Harry. Sauf qu' à l’époque, tu me faisais croire que tu n’étais qu’un petit employé de mairie, et je ne savais pas où tu allais. Au moins, maintenant, j’ai plus à craindre que tu me mentes vu que j’ai tout découvert.

    Mathieu détourna brièvement les yeux. La voilà qui parlait de sincérité alors qu’il était en train de lui faire le même coup que vingt ans plus tôt. A se demander si elle n’avait pas découvert la supercherie. Alors qu’il allait ouvrir la bouche pour protester, Sienna reprit la parole.

    - D’un autre côté, ça faisait bien longtemps que je n’avais pas dû dormir en étoile de mer dans un lit. Juste pour ça, je suis contente que tu t’en ailles, dit-elle avec un petit sourire taquin. Mais tu reviens quand même, car je sens que le mode étoile de mer ne va me plaire que pour trois nuits et demi. Après je vais avoir froid …

    Mathieu lui sourit et s’approcha d’elle pour l’embrasser sur le front. C’était la Sienna de d’habitude qui parlait, avec ses blagues nulles et son flot de paroles intarissable. Ça le convainquait au moins qu’elle ne s’inquiétait pas pour lui.

    - On est en plein mois de juillet, et je te promets de revenir avant les premières neiges pour te réchauffer. Ça te va comme marché ?

    - Rentre avant quand même, tu vas avoir la lettre de motivation de Camille à lire en français.

     

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    Elle le gratifia d’une œillade et d’un sourire complice. Se retrouver seule avec Camille allait aussi être une expérience enrichissante. Elle n’avait jamais pu se retrouver seule avec ses enfants du fait que Matt les avait élevés. Il avait toujours été là pour tout chapeauter, et elle allait pouvoir discuter avec son fils, sans la présence de Mathieu. Et elle était bien curieuse de tout ça. Dommage qu’il n’y avait pas Emma à la maison en ce moment.

    - Je te fais entièrement confiance pour la relecture de son dossier d’inscription. De toute façon, tu fais la dure devant lui, mais je sais que tu as déjà pris ta décision, non ?

    - Je ne vois pas du tout ce que tu veux dire, dit-elle en feignant l’innocence.

    - Je t’ai vue faire des recherches sur le lycée qu’il souhaite intégrer, et tu avais déjà les étoiles de la fierté dans le regard. Tu aimerais bien que Camille fasse de grandes études. De toute façon, pour moi, c’était déjà acté. D’autant que Georg est déjà là-bas. Tu fais juste semblant d’être dure et sévère. Montre-lui un peu plus ton côté nounours pendant mon absence.

    - Mon côté nounours ? répéta Sienna. Je peux savoir ce que tu appelles mon côté nounours ?

    Mathieu se laissa tomber sur le lit, et Sienna le rejoignit aussitôt, se blottissant dans ses bras. Comme il ne répondait pas, elle lui pinça gentiment le menton pour essayer de lui tirer les vers du nez.

     

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    - Tu es peut-être un peu trop sévère avec les jumeaux, lui dit-il. 

    - C’est normal. Tu es le parent cool, celui qui jouait avec eux, qui les amenait au cinéma ou au parc d’attractions. Moi j’étais celle qui corrigeait les leçons et qui n’avait pas la patience qu’ils terminent leurs assiettes.

    - Certes, mais ce n’est pas une fatalité. Ils viennent d’avoir dix-huit ans, tu peux leur laisser un peu de lest, et montrer ton côté maman cool aussi. Je sais que tu meures d’envie de prendre les manettes de la console de jeu dès que tu vois Camille en train de jouer à Mario. Ça ne va pas te rendre moins crédible à leurs yeux de relâcher la pression tu sais. Alors, pendant que je ne suis pas là, sois cool avec Camille, ok ? En plus, il est bloqué dans un niveau de Mario et je suis convaincu que tu le gérerais en deux secondes ce niveau.

    - Très bien, très bien. Je lui terminerai son niveau à Mario, promis. Si j’ai le temps.

    Elle lui planta un baiser sur les lèvres et se redressa tel un pantin sorti de sa boîte, avant de quitter la chambre, et de retourner vaquer à ses occupations de maîtresse de maison. Le linge n’allait malheureusement pas se plier tout seul, et c’était fort dommage.

     

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    Mathieu, quant à lui, resta un peu plus longtemps sur le lit, à fixer le plafond. Cette discussion lui avait laissé un arrière-goût plutôt désagréable. Il ne partait qu’une semaine, et il avait l’impression que son absence allait être prolongée, comme s’il ne reverrait pas les siens avant un long moment. Il se redressa alors à son tour, jeta un bref coup d’œil à sa valise et descendit aussitôt au rez-de-chaussée où il retrouva Sienna dans la buanderie. Il s’approcha alors d’elle, et la prit dans ses bras.

     

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    Il n’avait aucune idée d’où pouvait lui venir cette impression.  Mais il était sûr d’une chose, il n’allait pas passer la veille de son départ à compter les moutons au plafond. Il préférait largement passer son après-midi et sa soirée avec sa femme et son fils. Parce que si pour Sienna cela faisait vingt ans qu’elle n’avait plus dormi seule, pour Mathieu cela fera la première fois en dix-huit ans qu’il ne verra pas le visage de sa femme, ni celui ses enfants le matin en se levant. 

    - Qu’est-ce qu’il t’arrive ? lui dit alors Sienna, surprise par l’étreinte de son mari.

    - Rien. Je t’aime, c’est tout.

     

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    Sienna sourit. Il ne le lui disait pas souvent, mais à chaque fois, c’était toujours aussi puissant, et elle avait toujours le sentiment de revenir au début de leur relation à chaque qu’il les lui prononçait. Elle tourna alors la tête vers lui pour l’embrasser.

    - Ça tombe bien, moi aussi je t’aime Matt.

     

     

     


  • (71)

     

    - Robbie ! T’as encore beaucoup de cartons ?

    Le jeune homme leva la tête vers le premier étage de l’immeuble. Il pouvait d’ici voir sa mère se pencher par-dessus le garde-corps de la cage d’escalier, tandis que son père montait les marches, un lourd carton dans les bras. Ils avaient passé une très large partie de l’après-midi à vider ce camion de ses affaires, et ils en avaient tous plein les pattes. 

    Robbie jeta un œil rapide dans le camion. Il ne restait plus que trois cartons, un aller chacun et ils n’en parlaient plus. Ils allaient pouvoir se poser dans le canapé, allumer la télé et boire une bière en contemplant leur travail. Il recula alors d’un pas, et se tourna vers sa mère qui attendait toujours une réponse.

    - Trois, lui dit-il en faisant le chiffre avec ses doigts. 

    -  Ça marche ! Je descends !

     

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    Elle s’exécuta aussitôt, dévalant les marches à toute vitesse tout en donnant une tape amicale à Elden tandis qu’il grimpait les dernières marches en bougonnant. Si ça n’avait tenu qu’à lui, son fils n’aurait emporté que le strict nécessaire, et pas l’intégralité de ses affaires. Pendant que sa mère descendait pour le rejoindre, Robbie sortit les derniers cartons sur la rue et referma le camion. Des voix à quelques pas lui firent tourner la tourner la tête par réflexe, et il eut un petit temps d’arrêt quand il reconnut la jeune fille blonde de la dernière fois. Zhoo, si sa mémoire était bonne. Ce n’était pas le genre de prénom que l’on pouvait oublier facilement ceci dit. Un petit sourire s’esquissa sur son visage. Elle était accompagnée d’une fille dans ses âges également, et marchaient tout en discutant, traversant la rue un peu plus loin pour poursuivre leur chemin. Si lui l’avait reconnu, elle ne devait pas l’avoir vu car elle partait dans la direction opposée. Il haussa les épaules, esquissant un petit sourire, plutôt satisfait d’avoir pu la recroiser. Et sa mère ne manqua absolument pas ce sourire sur le visage de son rejeton. Elle se posa devant lui, mains sur les hanches et un sourire entendu étiré sur les lèvres.

     

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    -  Qu’est-ce qui te fait sourire comme ça ? lui demanda Geist.

    Elle regarda autour d’eux et vit les filles traverser au loin. Tiens donc, son Robbie aurait flashé sur quelqu’un ? La dernière fois qu’elle avait vu son fils avec ce sourire benêt, c’était quand il était adolescent et que Mélie, son amie d’enfance, venait passer la journée avec lui. Autrement dit, ça faisait une éternité.

    - Oh, je vois. Une jolie fille est passée.

    - M’man, non.

    - Quoi non ? Ne fais pas ton timide, je t’ai vu faire. C’est laquelle ? La blonde ou la brune ? Je parie sur la brune.

    Robbie leva les yeux au ciel et hocha la tête de droite à gauche. Sa mère n’était pas croyable. Il se baissa alors pour récupérer un carton, sous le regard de sa mère qui ne le quittait pas des yeux, amusée.

     

    (71)

     

    - Donc c’est la blonde plutôt. Je n’aurais pas cru. Tu la connais ?

    - On s’est rencontrés, quand je suis venu avec Xander. Elle s’appelle Zhoo. Tu es contente ?

    - Bah va la voir, lui dit-elle en se penchant sur un carton. Il ne reste plus que trois cartons, ton père et moi on peut finir sans toi. Ce serait dommage de la laisser filer, non ?

    - Non, répondit-il en reprenant le carton des bras de sa mère. Et puis, j’aurais tout le temps de la revoir plus tard. On termine.

     

    (71)

     

    Il passa alors derrière sa mère pour rejoindre la cage d’escalier dans l’immeuble. Il savait qu’il n’allait pas être tranquille maintenant qu’il avait plus ou moins avoué qu’il la connaissait, même de loin. Sa mère allait le cuisiner jusqu’à obtenir des résultats, et il n’aurait aucun stratagème pour s’en échapper. Il soupira d’autant plus à cette idée. Et alors qu’il passait le portail de l’immeuble, il vit du mouvement devant lui. Zhoo l’avait finalement vu, et elle s’approchait de lui, son amie deux pas derrière elle.

    - Eh ! Robbie ! lui dit-elle tout sourire. C’est ça, ton prénom, non ?

    - Salut. Oui, c’est ça.

    Il salua également la brune qui se tenait derrière Zhoo d’un signe de tête. Cette dernière lui répondit par un « bonjour » poli, puis elle se tourna vers la blonde.

    - Bon, je te laisse. Je dois retrouver Gabe en ville. Tu me tiens au courant ?

    - Promis ! A plus An !

     

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    Et elle s’éloigna, laissant Zhoo et Robbie, seuls avec un carton dans l’entrée d’un immeuble. Robbie ne dit rien de plus, regardant autour de lui. Ce n’est pas vraiment qu’il n’avait pas de conversation, on le surnomme le muet après tout, mais entamer une discussion avec une personne qu’il connaît à peine, à deux mètres de sa mère envahissante et reloue qui pouvait apparaître à tout moment, ce n’était pas le meilleur moyen de le faire.

    - Tu emménages alors ? lui dit Zhoo en indiquant le carton. Tu as besoin d’un coup de main ? Je n’en ai pas l’air, mais je suis costaude. Ce sont les gênes de déménageurs de mon père, c’est héréditaire !

    Robbie baissa sa tête vers son carton.

    - Non, c’est bon. On a fini. Merci, finit-il par dire avant qu’il ne paraisse impoli.

    - Oh, okay, ajouta-t-elle en souriant. Je pensais avoir halluciné la dernière fois, car je ne t’avais pas revu en ville avec ton ami. Je pensais que vous étiez déjà installés en fait.

    - Non. En septembre. Et aujourd’hui, Xander n’est pas là.

    - Xander, c’est vrai. Désolée, j’avais totalement oublié son prénom. Tu ne lui répèteras pas, hein ? Je ne veux pas passer pour une malpolie alors qu’on ne s’est vu que dix minutes.

    Robbie acquiesça. Elle ne risquait pas de passer pour une malpolie, surtout que Xander avait très probablement d’autres chats à fouetter que de se vexer pour une fille à qui il parlé dix minutes seulement et qui a oublié son prénom par la même occasion. Elle avait certes oublié le prénom de Xander, mais elle n’avait pas oublié le sien, et il se garda bien de le relever. Alors qu’il allait s’excuser pour pouvoir monter son carton, sa mère débarqua à son tour. Elle lui prit le carton des mains, et sourit à Zhoo.

     

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    - Bonjour mademoiselle, vous êtes une amie de Robbie ? demanda-t-elle tout sourire.

    - Euh, pas vraiment. On s’est déjà croisés seulement. Je ne veux pas vous déranger plus longtemps, je vais poursuivre mon chemin.

    - Mais non, vous ne dérangez pas. File donc Rob, ton père et moi on va bien réussir à monter les derniers cartons nous-même.

    - Gné ?! gronda aussitôt Elden à côté du camion quand il entendit sa femme proférer de telles insanités.

    Et elle n’avait pas pitié de leurs pauvres dos non plus par la même occasion visiblement. Et c’est Robbie le plus musclé des trois, il pourrait quand même finir de monter ses cartons avant de filer en catimini avec une fille. Alors qu’il allait protester un peu plus fort, Geist lui lança un regard noir avant d’adresser un sourire tout mielleux à son fils.

    - Allez file, avant que je change d’avis. Je suis sûre que …

    - Zhoo, répondit Robbie.

    - Que Zhoo connaît la ville comme sa poche. Ce sera plus sympa de découvrir la ville avec quelqu’un qui y vit que par toi tout seul.

     

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    Elle poussa gentiment son fils afin de passer le portail d’entrée avec son carton, et l’inviter de la même manière à filer avec sa nouvelle amie. Il n’allait quand même pas fuir de potentiels futurs amis au prétexte qu’il devait aider ses parents quand même. Et puis, c’était son travail de maman de veiller au bien-être social de ses enfants, donc elle ne faisait que ce pourquoi elle était là. Elle disparut alors dans l’escalier, et Robbie prit une longue inspiration avant de regarder Zhoo.

    - Bon. Ils n’ont plus besoin de moi. Je te paye un café ? 

    Zhoo le regarda avec un petit sourire amusé. Sa mère était géniale, et elle venait de devenir sa plus grande fan. Elle acquiesça alors, et lui indiqua l’angle de la rue.

    - Je connais un café sympa là-bas. Enfin, je pense que tu ne connais pas encore tous les cafés en ville, donc je me permets de choisir la meilleure adresse.

    - Je te suis. 

     

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    Zhoo passa alors devant, pour prendre la direction du café et Robbie lui emboîta le pas, mains dans les poches, et il la rattrapa plutôt facilement, pour pouvoir marcher à côté d’elle. Il avait bien noté que la jeune femme était plutôt enjouée, et avait l’air de plus sautiller que de vraiment marcher.

    - Tu viens d’où alors ? lui demanda-t-elle.

    - Hein ? Comment ça d’où ?

    - Tu déménages. Donc tu ne viens pas de nulle part. Ou sinon, ça fait de toi quelqu’un de suspect, et il faudrait peut-être mieux que j’arrête de te fréquenter au risque de finir découpée en rondelles et stockée dans ton frigo.

     

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    Il pouffa de rire par accident et posa sa main contre sa bouche. Il ne se serait clairement pas attendu à ça. 

    - Pardon. De l’Illinois, Bloomington.

    - Ouf, tu n’es donc pas un extraterrestre. Ça me rassure.

    - Et toi ? lui demanda-t-il en retour.

    - Je ne suis pas un extraterrestre non plus, même si mon prénom pourrait clairement venir de Mars, si c’est à ça que tu penses.

    - Non. Je demandais juste si tu étais d’ici.

    - Ah oui ! Yep, complètement. Je suis née là, j’ai grandi là-bas – elle indiqua un point un peu plus lointain dans le vague – et je serais sûrement enterrée dans le cimetière au coin de la rue. J’ai pas une grande ambition de voyage, cette ville me plaît. Et puis, tout le monde chez moi s’en va, il faut bien que quelqu’un reste pour arroser les plantes. Sinon elles vont toutes mourir, et ce serait vraiment con.

    - En effet.

     

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    Zhoo fit deux pas plus rapide et s’installa devant lui. Robbie s’arrêta aussitôt en voyant qu’elle l’empêchait d’avancer plus loin. Il se redressa alors, et la regarda, attendit qu’elle exprime la raison de son arrêt soudain.

    - Je suis sûre que je t’embête. J’embête tout le monde, tu ne serais pas le premier. T’es pas obligé de prendre un café avec moi parce que ta mère t’a libéré de tes cartons.

    - Tu ne m’embêtes pas, lui rétorqua Robbie sur un ton assuré.

    Puis voyant qu’elle haussa un sourcil, il comprit d’où venait sa méprise. A force de ne rencontrer plus personne de nouveau, il en oubliait que son manque de conversation pouvait passer pour de l’indifférence, ou de la simple politesse au mieux.

    - Je ne suis pas très bavard, expliqua-t-il. Mais toi, tu as l’air bavarde. J’aime bien entendre les gens parler. Donc tu peux parler autant que tu veux.

    - Tu es timide ?

     

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    Il fit non de la tête. Il était juste économe en mots, et ne savait pas vraiment comment faire transmettre des émotions ou des sentiments avec les mots. Donc il s’en tenait aux faits. Ça ne demandait pas trop de concentration, et ça ne créait pas de quiproquos, en pratique du moins.

    - Je suis plus bavard avec les gens que je connais bien. Mais ce n’est pas contre toi. 

    Et parce qu’il avait l’impression que cela relevait d’une information générale, il poursuivit :

    - Mes amis m’appellent le muet. 

    - Oh ! Je vois.

     

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    Elle lui fit un super sourire, tout en dents blanches. Elle avait l’air visiblement rassurée, et il pouvait bien le comprendre au vu de ce qu’elle venait de lui raconter. « J’embête tout le monde », voilà ce qu’elle avait dit. Et il se demandait bien qu’elle estime elle pouvait avoir d’elle-même à ne conserver que le jugement des autres en tête pour parler d’elle. Parce que, pour commencer, cette affirmation est déjà erronée : elle ne l’embêtait pas absolument pas. Donc elle n’embêtait pas tout le monde. Et puis, malgré sa tchatche, elle semblait clairement manquer de confiance en elle. Son regard fuyait assez facilement, et elle semblait utiliser son débit de parole pour empêcher son interlocuteur d’en placer une, et donc de lui porter un jugement qu’elle ne voudrait probablement pas entendre.

    - C’est ce café-là ? demanda-t-il en montrant un petit établissement qui faisait l’angle de la rue.

     

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    Zhoo acquiesça, légèrement rougissante. Robbie passa alors à côté d’elle pour prendre la direction du commerce.

    - Tu viens. Je ne compte pas le boire sans toi. Je veux bien la suite de l’histoire des plantes vertes abandonnées.

    Zhoo se retourna alors, et rejoignit Robbie en sautillant.

    Elle ne l’embêtait pas, et en plus, aujourd’hui, elle était habillée en Zhoo, sans faire d’effort. Elle n’était peut-être pas un cas si désespéré que ça finalement. 

     

     

     


  • (72)

     

    - Nate, tu as deux minutes ?

    L’homme détourna la tête de son ordinateur pour la diriger vers la porte d’entrée de son bureau d’où dépassait la tête de son neveu et de sa fille. Ils avaient l’air plutôt préoccupés, ce qui le surprenait, du moins dans le cadre du travail.

    - Oui, j’ai ça, leur répondit-il. Entrez.

    Il sauvegarda ce qu’il était en train de faire et repoussa son dossier dans un coin pour libérer de l’espace sur son bureau. Théo et An entrèrent alors dans le bureau de Nate. La jeune femme avait un porte-documents dans les mains, et elle le posa sur le bureau. Elle croisa alors les jambes, et regarda son père très sérieusement, et un peu coupable aussi. De par son poste dans l’entreprise familiale, elle n’aurait jamais dû avoir ses documents dans les mains. Elle ne travaillait que le samedi, et aux archives. Donc les seuls dossiers qu’elle voyait passer étaient ceux clôturés, et elle n’avait pas besoin de les ouvrir pour les classer. Mais Théo était venu la voir cinq heures plus tôt, avec les documents qui étaient désormais posés sur le bureau de Nate. Il avait trouvé des incohérences dans un bilan financier de l’entreprise. Et plutôt que de se faire lyncher seul par Nate, il avait demandé un peu de soutien au service des archives.

     

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    - Alors ? Je vous écoute. Qu’est-ce qu’il se passe ?

    - Et bien, débuta Théo. En voulant finir de traiter le dossier de la compagnie RGMotors, je suis tombé sur une incohérence. J’ai trouvé un débit de mille dollars à destination de ta compagnie, sauf que je n’ai pas de facture correspondante.

    Nate se pencha un peu en avant sur le bureau, pour écouter Théo de plus prêt. 

    - Comment ça pas de facture ?

    - Le 14 juin, RGMotos nous a versé 978,95 dollars. C’est écrit en toutes lettres sur les relevés. Sauf que, il n’y a pas de facture qui correspond à ce montant dans nos données. 

    - La facture a probablement été perdue ou mal rangée. Ce sont des choses qui arrivent, expliqua Nate. Il n’y a pas de quoi s’inquiéter.

    An regarda son père et Théo puis poussa la tablette vers son père avant de prendre la parole.

     

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    - C’est ce que je pensais aussi, expliqua-t-elle. Théo est venu me voir, pour savoir si je pouvais retrouver la facture. Je ne l’ai pas trouvée non plus, mais par acquis de conscience, je suis allée vérifier nos relevés. Et en date du 14 juin, il n’y a pas de virement correspondant. Ni les trois jours suivants, compléta-t-elle quand elle remarqua que son père allait rétorquer.

    L’homme tendit le bras pour récupérer les documents, et y jeta un coup d’œil avisé. RGMotors était une grosse compagnie qui faisait confiance à Nate depuis de nombreuses années maintenant pour gérer ses documents comptables. Et s’il y avait eu une erreur de facture, ça pouvait lui coûter gros. Il prit alors son temps pour regarder toutes les petites lignes, les calculs et tout ce qui suivait. Mais effectivement, hormis sur le relevé bancaire de son client, il n’y avait aucune trace de ce virement. Il releva alors la tête et Théo reprit la parole.

     

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    - On s’est permis de fouiller un peu plus en profondeur. Et on a trouvé trois cents cinquante-six dossiers dans ce genre, et tous avec une somme avoisinant les mille dollars, débitée vers HGC, sans qu’il y en ait aucune trace dans nos comptes.

    - Trois cents … Attendez.

    Il reposa le document sur le bureau, tandis que son visage virait au blanc.

    - Vous êtes en train de me dire qu’il y a plus de trois cent mille dollars qui se promènent dans la nature ? s’étrangla Nate.

    Théo et An se regardèrent, puis hochèrent la tête comme d’un même homme, le regard baissé. Et encore, trois cent cinquante-six, c’est ce qu’ils avaient réussi à trouver, et si ça se trouve, il y en avait d’autres sur lesquels ils n’étaient pas encore tombés.

     

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    Nate porta sa main à son front, et n’osait plus regarder le document qui était posé sous ses yeux. 

    - Et à chaque fois, ce ne sont que des gros groupes, reprit An. Des groupes pour qui des sommes de mille dollars, ça passe inaperçu. Alors quand Théo est venu me voir, je t’avoue que j’ai cru un instant que tu faisais du détournement de fonds, car ça y ressemblait …

    Nate jeta aussitôt un regard noir à sa fille. Comment osait-elle l’accuser de la sorte ? La jeune femme se rattrapa aussitôt, tendant les bras devant elle pour se défendre.

    - Non non, je ne t’accuse pas. Mais, c’était ma première réflexion. Car c’est clairement ça ce qu’on a trouvé. Quelqu’un détourne des fonds via ton entreprise et si la répression des fraudes tombe dessus, c’est toi qui vas te retrouver accusé.

    Trois cent mille dollars. Quelqu’un avait détourné cette somme astronomique par le biais de son entreprise, de son nom, le mettant lui en porte à faux si jamais ça venait à se savoir. Il recula du bureau, et regarda partout autour de lui. Il était dévoré par la panique, le stress grimpait en flèche et il était parcouru d’un courant froid, voire glacé. Il prit cinq bonnes minutes pour retrouver sa respiration, et il reprit la conversation, avec le ton le plus calme possible.

     

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    - Le plus vieux détournement que vous avez trouvé, il date de quand ? Et le plus récent ?

    - Avril, il y a quatre ans pour le plus vieux. Le plus récent …

    - C’était ce matin, acheva Théo.

    Cela faisait donc quatre ans. Et en quatre ans, il avait eu le temps d’embaucher, de débaucher, de virer du personnel. Il était incapable de dire combien de personnes avaient pu transiter dans les murs de son entreprise, mais ils ne devaient pas être loin deux cents en comptant les stagiaires.

    - Qu’est-ce qu’on va faire ? Demanda An timidement.

    Nate releva les yeux vers sa fille.

    - Je ne sais pas, confessa-t-il, complètement perdu. 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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    Hellow tout le monde ♥

    J'espère que ces deux dernières semaines ce sont bien passées, et que vous avez apprécié cette petite mise à jour.

    Cette fois-ci, pas de Georg, mais il revient plus grandiose que jamais dans la prochaine MaJ. Patience patience ;)

    Je vous fais plein de bisous, et on se voit dans deux semaines ♥

     

     Comme à chaque fois à partir de maintenant, je glisserai des nouvelles images dans la galerie à chaque MaJ ♥

     

     

     

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    Elle savait que ça n’était absolument pas une bonne idée. Elle en aurait mis sa main à couper. Quatre semaines chez elle, sans possibilité de fuir son mari, ou au moins de l’esquiver. Elle faisait de son mieux, une fois William revenu du travail, pour se trouver une occupation à l’opposé de l’appartement pour essayer de ne pas le croiser. Et ça marchait, la plupart du temps. 

    Et pourtant, William n’avait eu aucun geste déplacé envers elle depuis qu’il l’avait giflé. Il n’avait rien fait. Il était redevenu presque normal, comme avant la crise. Ni mauvais, ni mielleux. Juste William. Il lui disait bonjour le matin, bonne nuit quand elle allait se coucher, et lui demandait si elle avait passé une bonne journée quand il rentrait le soir de son travail. Et elle lui répondait, sobrement. “Bonjour” “Merci, à toi aussi” “Oui, et la tienne ?”. Que des mondanités sans importance. Mais chacun de ces mots étaient presque difficiles à faire sortir de sa bouche. Comme s’ils lui écorchaient la bouche. Et au milieu de toutes ces mondanités se tenait Zhoo. Elle avait vu ses parents passer de la haine farouche et des disputes, à la courtoisie feinte. Et la jeune femme ne savait pas vraiment laquelle des deux versions elle préférait. Probablement celle des disputes. Au moins, à ce moment-là, ils ne faisaient pas semblant.

    Zhoo aurait pourtant espéré que ses parents profitent de ces quatre semaines pour réapprendre à communiquer entre eux, comme des adultes responsables. Mais il faut croire que la responsabilité, ce n’était pas leur fort. Et elle en soupirait à chaque fois qu’elle entendait leurs simulacre de discussion.

    - Vous divorcez quand ?

      

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    Zhoo tourna la tête vers sa mère. Elles étaient toutes les deux installées dans le canapé du salon, à regarder une série et à flemmarder dans le salon. William travaillait, il ne reviendrait pas avant deux heures. Une discussion mère-fille s’imposait.

    Julia tourna la tête vers sa cadette, et cligna des yeux à plusieurs reprises face à sa question. Elle ne s’attendait pas à ce que Zhoo lance ce genre de conversation, ou y pense même. Pire, alors que chaque enfant souhaite que ses parents restent ensemble jusqu’à la fin du monde, voilà qu’elle avait l’impression d’attendre leur divorce.

    - Divorcer ? On ne compte pas divorcer Zhoo. Je peux savoir d’où te viennent ces idées ?

    - Tu te moques de qui ? Ne me fais pas croire qu’entre toi et papa, c’est l’amour fou. Vous ne vous parlez plus, et depuis ta mise à pied, tu l’évites comme la peste. Donc, clairement, vous ne voulez plus rester ensemble. D’où ma question : vous divorcez quand ?

    Julia haussa un sourcil, et croisa les bras.

    - Ton père et moi n’allons pas divorcer Zhoo, affirma-t-elle plus sèchement.

    - Pourquoi ?

    La mère de famille roula des yeux, agacée.

     

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    - Mais parce que ! conclut-elle, sans aucune formule argumentaire.

    - Donc tu comptes rester toute ta vie avec papa alors que tu l’évites comme la peste ? Je vais finir par croire que je dois être nulle niveau relations humaines.

    - Les gens divorcent quand ils ne s’aiment plus Zhoo, dit alors Julia calmement. Hors ce n’est pas le cas de ton père et moi.

    - Tu aimes encore papa ? 

    Cette fois-ci, elle avait parlé comme une enfant. Ce n’était plus la question cinglante de la jeune femme blasée de sa famille, mais celle de l’enfant, démunie devant la chute cruelle de sa celulle familliale. Zhoo avait toujours au fond d’elle cette petite pensée d’enfant. Celle qui veut que ses parents s’aiment pour toujours.

    - Bien sûr, lui répondit Julia avec un sourire. Evidemment.

    - Et lui ? Tu penses qu’il t’aime encore ?

     

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    Julia eut un petit temps d’arrêt, avant d’esquisser un sourire triste, le regard perdu dans le vide.

    - J’espère, répondit-elle.

    - Alors explique moi pourquoi vous n’arrivez même plus à parler tous les deux ? Je te jure, on vous croirait au bord du divorce.

    - C’est compliqué, lui répondit sa mère.

    Elle fixa de nouveau son attention sur la télévision, sans y prêter vraiment attention. Elle voulait surtout esquiver le regard inquisiteur de sa fille. Elle ne lui mentait pas en disant que c’était compliqué. Les relations humaines sont compliquées, surtout celles où l’amour s’en mêle. L’amour ne suffit pas pour qu’un mariage fonctionne, et c’est ce qu’elle vivait actuellement. Elle avait beau aimer William comme une folle, savoir qu’elle braverait des montagnes pour lui, l’idée de vivre cette relation, à tous niveaux avec lui, n’était même pas envisageable pour elle. Comme deux aimants qui avaient fini par se repousser, malgré leur attirance.

    - Je n’ai plus douze ans, lui répondit sa fille. Je pense que je peux comprendre plus que tu ne le crois …

     

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    Julia tourna finalement la tête vers Zhoo. Elle lui sourit, tendit sa main vers la joue de sa fille pour la lui caresser, et glisser une mèche de cheveux derrière son oreille.

    - Je suis plus consciente que tu ne le penses. Je sais bien que tu n’es plus une petite fille. Et quand bien même tu puisses comprendre, il y a des choses dans la vie de parents qui ne doivent pas être dévoilées à leurs enfants. Mais je peux te promettre une chose Zhoo : on fait tout notre possible avec ton père pour nous sortir de cette situation. Je te le promets.

    Elle approcha alors son visage de celui de sa fille, et lui embrassa le front avant de la prendre dans ses bras. Zhoo s’accrocha au dos de sa maman de toutes ses forces. Elle ne voulait absolument pas la lâcher. Elle voulait se montrer forte pour elle, pour la soutenir de toutes ses forces.

     

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  • ♪ Mixed Signals - Ruth B.

     

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    I don't know what road we're on || Je ne sais pas sur quelle route nous sommes
    I don't know what we're heading towards || Ni dans quelle direction nous allons
    But I know my heart is all yours || Mais je sais que mon cœur est tout à toi
    All my friends tell me I'd be better off on my own || Tous mes amis me disent que je serais mieux seule
    And sometimes I believe 'em || Et parfois, je les crois
    But I know, I can never leave (you) || Mais je sais que je ne pourrais jamais (te) quitter


    La nuit venait de tomber sur Houlton. Julia était partie se coucher la première. Elle s’était donc levée, laissant William et Zhoo faire la vaisselle, pour aller prendre sa douche et enfiler ses vêtements de nuit. Mais une fois dans sa chambre, il lui était impossible de se glisser sous sa couette. La discussion qu’elle avait eu plus tôt dans la journée avec Zhoo lui tournait en boucle dans la tête. Elle n’arriverait pas à s’en défaire. Elle s’était donc assise sur le bord de son lit, regardant droit devant elle, par la fenêtre, la nuit tomber sur sa ville natale.

    Alors que les derniers lampadaires illuminaient les rues de Houlton, elle entendit la porte de la chambre grincer. Elle tourna alors la tête pour voir William qui entrait dans la pièce, sur la pointe des pieds. Il avait dû croire qu’elle dormait déjà, comme à chaque fois qu’il venait se coucher. Mais pas cette fois. Il reposa ses talons à plat sur le sol, et referma la porte derrière lui. Sans un mot, il se dirigea vers l’armoire en face de lui pour en sortir un pyjama, dont il se vêtit.

    - Tu m’aimes toujours ? 

     

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    Mixed signals, mixed signals || Les signaux contradictoires
    They're killing me || Ils me tuent
    I don't know what you want || Je ne sais pas ce que tu veux
    But I know what I need || Mais je sais ce dont j'ai besoin

     

    Julia n’avait pas quitté la ville du regard. Elle avait simplement enserré ses bras autour d’elle et se balançait subtilement d’avant en arrière. Elle manquait cruellement de confiance en elle à ce moment-là, et ce mouvement, qu’elle effectuait déjà durant son enfance, lui donna matière à s’apaiser.

    William ne s’était clairement pas attendu à la question de Julia, et mit un moment avant de réaliser que c’était à lui qu’elle s’adressait. Vêtu uniquement de son bas de pyjama, et tee-shirt en main, il referma l’armoire et s’approcha de Julia.

    - Oui, répondit-il.

    “Plus qu’hier et moins que demain” aurait-il eu envie de répondre, car c’était vraiment ce qu’il ressentait. Mais il craignait que Julia ne prenne pas cette citation pour ce qu’elle était, mais pour une tentative d’humour.

    - Alors pourquoi ça ne marche plus ? demanda-t-elle en regardant droit devant elle.

    Des larmes commençaient à pointer au coin de ses yeux. Pourquoi cela ne pouvait-il pas être aussi simple que ça ? Deux personnes qui s’aiment devraient pouvoir vivre sans se faire souffrir.

    William s’assit finalement à côté de Julia. Il posa son tee-shirt sur le lit, et la regarda. Cette dernière continuait de fixer au dehors, sans bouger, le regard perdu dans la nuit.

     

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    The 'goodbyes', the 'hellos', the 'I need you' 'no I don't' || Les "au revoir", les "salut", les "j'ai besoin de toi" et "moi pas"
    Every time I start to close the door || Chaque fois que je commence par fermer la porte
    You knock and I let you in || Tu toques et je te laisse entrer
    Loving you is my greatest sin || T'aimer est mon plus grand péché


    - Je ne sais pas, répondit William. Mais crois moi que si j’avais la réponse, on en serait pas là.

    Elle ne lui avait pas dit, mais sa dernière question lui confirma une dernière chose sur son épouse : Julia l’aimait toujours. Mais ça ne suffisait pas. S’aimer pour se déchirer, était-ce vraiment la solution. Rester ensemble, coûte que coûte, en espérant que les morceaux se recolleraient tous seuls, ce n’était pas la solution non plus. La réponse à leur problème était plus évidente, mais aucun des deux envisageaient de le dire à voix haute. William regarda alors droit devant lui, et finit par prononcer les mots qu’ils redoutaient tous les deux.

    - Je vais partir de la maison, dit-il finalement sans oser la regarder.

     

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    You tell me to get lost and that you're done || Tu me dis de nous perdre et tu l'as fait
    I see it in your eyes, you wanna run || Je le vois dans tes yeux, tu veux fuir
    But I know, you know, that I'm the only one || Mais je sais, tu sais, que je suis la seule
    I can find someone who'd never make me cry || Je peux trouver quelqu'un qui ne me fera jamais pleurer
    Someone who'd never tell me goodbye || Quelqu'un qui ne me dira jamais au revoir
    But I know that I would never survive || Mais je sais que je n'y survivrai pas

     

    Julia tourna la tête vers lui, surprise. Elle ne s’était pas attendue à ce que William prenne cette décision. Elle savait ce que ça pouvait lui coûter. Elle prit alors la main de William dans la sienne, sans un mot.

    - On a besoin de distance Julia. Depuis le retour de Harry, on est incapables de se regarder sans y penser. S’aimer ne nous sauvera pas, il faut qu’on trouve autre chose.

    Julia resserra sa main sur celle de William.

    - Tu vas aller où ?

    - Nate a gardé son appartement. S’il n’est pas loué, je m’y installerai. Sinon, je trouverai bien autre chose, ne t’inquiète pas.

    Julia baissa la tête, mais ne se résigna pas à lâcher la main de William. C’est maintenant qu’il partait qu’elle voulait le garder avec elle.

    - Et si la séparation ne nous sauve pas ? demanda-t-elle après un long silence.

    - Alors on aura vécu seize ans de bonheur, on y mettra un point et on tournera la page, lui répondit William en citant Paul Thatch, le père d’Andy.

     

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    I don't know why I love you || Je ne sais pas pourquoi je t'aime
    I don't know why I stay || Je ne sais pas pourquoi je reste
    I don't know if its worth the pain || Je ne sais pas si tout cela en vaut la peine
    But even when you slam the door and drive away || Et même si tu claques la porte que tu t'en vas
    I still set the table for two || Je continue de mettre la table pour deux
    Babe, you know I'm waiting on you || Mon amour, tu sais que j'attends de toi
    To buy me a bouquet, tell me we're okay || Que tu m'offres un bouquet, que tu me dises que tu vas bien
    And that you're so so sorry || Et que tu es tellement désolé
    And I believe you every time || Et je te crois à chaque fois
    But I can't lie, these || Mais je ne peux pas mentir

     

    Julia hocha doucement la tête. Elle refusait de mettre un point final à leur histoire. Elle n’osait pas imaginer vivre sans William à ses côtés. Il était tout pour elle. Son mari, son amant, son meilleur ami, son frère, son confident. Il était peut-être trop pour elle. Elle enfonça la tête dans ses épaules, incapable de calmer les larmes qui inondaient son visage. Elle porta sa main libre sur ses yeux, voulant les masquer à William.

    - Mais je suis confiant, lui dit William avec un sourire triste. Ce sera l’occasion de te courtiser et de t’offrir des fleurs. On n’a même pas eu ça …

    Julia contint un petit rire et acquiesça du bonnet. C’est vrai qu’elle n’avait jamais eu l’occasion de fréquenter William. Ils vivaient déjà ensemble depuis des mois, et avec un bébé dans les jambes, quand ils se sont avoués leurs sentiments. Difficile de faire les étapes dans l’ordre dans ces conditions.

    - William ? demanda-t-elle timidement.

    Elle tourna à peine la tête vers lui. William répondit d’un “mmh ?”, attendant sa question.

    - Je peux dormir dans tes bras ce soir ? demanda Julia en relevant la tête.

     

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    Mixed signals, mixed signals || Ces signaux contradictoires
    They're killing me || Ils me tuent
    I don't know what you want || Je ne sais pas ce que tu veux
    But I know what I need || Mais je sais ce dont j'ai besoin
    The 'goodbyes', the 'hellos', the 'I need you' 'no I don't' || Les "au revoir", les "salut", les "j'ai besoin de toi" et "moi pas"
    Every time I start to close the door || Chaque fois que je commence par fermer la porte
    You knock and I let you in || Tu toques et je te laisse entrer
    Loving you is my greatest sin || T'aimer est mon plus grand péché
    Loving you is my greatest sin || T'aimer est mon plus grand péché
    Loving you is my greatest sin || T'aimer est mon plus grand péché

     

    William acquiesça et Julia n’attendit pas plus longtemps pour aller se blottir contre le torse de William. Elle cacha son visage contre sa peau, humant son parfum, profitant de sa présence une dernière fois. Cela faisait des années qu’il ne l’avait plus prise dans ses bras. Et il fallait qu’ils soient au bord de la rupture pour faire un pas l’un vers l’autre.

    Ils s’allongèrent alors sur les draps, William caressant le dos de Julia tendrement, sans un mot. Ce fut Julia qui brisa le silence de la pièce, juste avant de s’endormir. Alors que le sommeil l’emportait vers le pays des rêves, elle lui murmura un “je t’aime” juste avant de lui déposer un baiser sur le torse. Et elle sombra.