• (36)

     

    Retournons à plusieurs centaines de kilomètres de là, dans l’état du Maine, dans la charmante ville de Houlton où une jeune femme essayait coûte que coûte de trouver une robe rouge pour aller chaperonner au bal de fin d’année de la petite sœur de son meilleur ami. Avec l’aide de sa petite sœur, Jayn, An avait déjà fait plusieurs magasins de vêtements, sans tomber sur la perle rare, avant qu’un message d’une de ses amies les plus proche de lui donne une once d’espoir.
    Zhoo Mayers avait un besoin urgent de compagnie après une rencontre organisée qui s’était mal passée. An la consolerait, et en échange, Zhoo lui trouverait la robe de ses rêves. Elle avait un don quand il était question de mode. Elles s’étaient donc donné rendez-vous dans un petit café aux allures médiévales à quelques rues de là qui faisait des chocolats à rendre Jayn muette d’admiration, ce qui n’était pas une mince affaire.
    Après une marche rapide d’une petite dizaine de minutes, An et Jayn arrivèrent à destination et virent Zhoo installée à une table, une grande tasse fumante déjà sous le nez, leur faisant signe de s’approcher. Elles s’exécutèrent aussitôt, Jayn redevenant un peu plus enfant, surtout lorsqu’elle commanda un énorme chocolat chaud à la cannelle avec trois muffins tandis que sa sœur aînée se contentait d’un simple thé aux agrumes.

     

    (36)

     

    _ Comment ça va ? leur demanda alors Zhoo quand An et Jayn furent finalement servies. J’aurais cru que tu bosserais chez « Papa et Compagnie » comptabilité aujourd’hui.
    _ J’ai posé ma journée, ça va, j’ai le patron dans la poche, rit-elle.
    _ Ca fait longtemps quand même qu’on ne s’étaient pas vues.
    _ Juste deux jours, souligna An en portant la tasse à ses lèvres.
    _ Et ces deux jours me parurent durer cent ans, soupira la blonde. Le lycée me manque, on est plus scotchés les uns aux autres.
    _ Ne te plains pas trop, il te reste Emma et Camille quand même, et puis je ne vois même pas Georg à la fac, donc je devrais être la plus malheureuse à cette table.

     

    (36)

     

    Zhoo fit la moue, assez brièvement cependant, tout en lançant un regard mécontent en direction de la jeune femme brune. Jayn quant à elle se contentait de savourer son gouter en silence en regardant Zhoo et An se chamailler, ses muffins étaient bien plus intéressants.
    _ Oui mais toi, tu as Gabe, et je n’ai même pas les même pauses que les lycéens, je suis en BTS moi madame, pour te le rappeler. D’ailleurs, en parlant de Gabe, quand est-ce que tu sors avec ?
    _ Dans un peu plus de dix jours, lâcha-t-elle un peu sèchement. Et j’ai justement besoin de toi.
    Le regard de Zhoo s’illumina à cette écoute. Depuis presque toujours, Zhoo aimait assister aux histoires d’amour, surtout quand elles naissaient sous ses yeux, que ce soit ses amis, sa famille voire même un film ou manga ! Heureuse du bonheur des autres, c’est ce qui la qualifiait le mieux. Elle se contemplait en regardant les autres s’étreindre, se chuchoter des mots doux … Elle avalait des histoires d’amour à l’écran ou sur papier par centaines. Et cela lui suffisait, pas besoin de vivre l’histoire par elle-même. Et c’est donc cette contemplation qu’elle éprouvait à l’instant quand An lui annonçait la grande nouvelle. D’ailleurs, celle-ci le remarqua très rapidement, et connaissant les manies de Zhoo, elle s’empressa de la faire redescendre sur Terre.

     

    (36)

     

    _ On ne sort pas ensemble Zhoo, calme tes phéromones.
    _ Il est chaperon au bal de sa sœur et il veut pas y aller seul parce qu’il va s’emmerder. Ce type est un incapable mou du genou utopiste et romantique. Il est chiant.
    A ces mots prononcés par la plus jeune de la table, An et Zhoo se regardèrent, la première ne réalisant toujours pas l’extrême maturité dont pouvait faire preuve sa sœur cadette. Mais comme cette dernière ne rajouttait rien de plus, les deux aînées décidèrent de ne pas rebondir sur sa déclaration et de la laisser à son lait cacaoté.
    _ Donc tu vas au bal du lycée, dit Zhoo à An, non sans une petite intonation rieuse.
    _ Je vais chaperonner, c’est pas pareil. C’est juste qu’il m’a sorti l’argument imparable, je voulais pas refuser.
    _ Laisse-moi deviner.

     

    (36)

     

    Elle posa ses coudes sur sa table et installa son menton entre ses deux mains. De son regard, elle scruta celui de son amie en plissant légèrement le visage, comme si elle réalisait une performance de divination ou de télépathie.
    _ Il t’a rappelé qu’à ton propre bal du lycée tu avais la varicelle et que cette fois-ci, il t’emmènerait danser.
    _ Bingo, soupira An. Mais je ne danserais pas. Par contre il me faut une robe, et j’ai beau faire les magasins, je ne trouve rien.
    _ T’inquiète pas pour ça, j’ai ce qu’il te faut dans mon armoire, et oui – ajouta-elle en voyant la mine suspicieuse de son amie – c’est rouge, promis.
    _ Merci, tu me sauves la vie, souffla An en la regardant.
    _ Je t’en prie…
    Zhoo porta son attention à sa tasse devant elle, jouant distraitement avec la cuillère tout en regardant les vagues qu’elle y produisait. Un silence un peu pesant régnait à cette table du café et seul le bruit de Jayn buvant son chocolat géant coupait cette absence de bruit. An releva légèrement la tête, et regarda son amie plus attentivement, chose qu’elle n’avait pas fait en arrivant.

     

    (36)

     

    Et c’est vrai qu’il n’y avait rien de vraiment normale dans son attitude. Zhoo était enjouée naturellement et voir sa joie retomber d’un coup signifiait bien qu’il se passait quelque chose. Et finalement, c’est la tenue vestimentaire de la blonde qui fit tiquer An. A ne se fier que à son visage, on ne rendrait compte de rien, mais Zhoo avait fait ce qu’on pourrait appeler des efforts pour être plus féminine, « pour être plus dans le moule plutôt » pensa immédiatement An. Habituellement, Zhoo portait son casque autour du cou, elle ne partait jamais sans sa musique. Et puis, cette tenue avec ces bijoux, ce décolleté et ces chaussures à talons. Zhoo était l’exemple même de la jeune femme active qui ne jurait que par ses baskets et ses tee-shirts, qui cherchait le confort à l’esthétique. Et un éclair passa dans l’esprit de An : la conversation avait tourné très vite autour d’elle-même, de Gabe, de leur potentielle relation, ce qui intéressait Zhoo en somme. Mais elles ne s’étaient pas arrêtés sur le vrai problème qui se posait.

     

    (36)

     

    _ Qu’est-ce qu’il s’est passé ? demanda An en regardant son amie.
    Zhoo redressa la tête, surprise de la question de son amie, avant de s’affaler dans le fond de son siège, les bras croisés sur sa poitrine. Ses yeux commençaient à briller, non plus de joie comme il y a quelques minutes, mais de tristesse, ou de déception.
    _ Tu t’en doutes non, je me suis encore faite jeter – elle haussa les épaules, lassée – je crois pas que les histoires d’amour soient pour moi, je préfère les regarder, au moins je m’évite bien des soucis.
    _ Roh, ne dis pas ça, tenta tout de même An. C’est pas parce qu’un imbécile refuse de sortir avec toi que c’est la fin du monde.

     

    (36)

     

    _ Ca me soule, j’ai fait un effort cette fois-ci en plus, je m’étais dit que j’allais mettre toute mes chances de mon côté, que je devais juste paraître plus fille pour que quelqu’un fasse enfin attention à moi, mais tu connais bien l’expression non « chassez le naturel et il revient au galop », et bah voilà, je l’ai chassé, et puis je me suis mise à faire mes trucs habituels : parler trop fort, raconter des conneries, chahuter les mecs … ils préfèrent les filles « filles ». Faut que je me fasse une raison.
    Depuis que Zhoo avait découvert le concept quelques années plus tôt en lisant des mangas, Zhoo avait accumulé ce qu’on appelle les Gôkon : des rendez-vous arrangés en somme. L’organisateur propose la rencontre dans un bar, amène avec lui un nombre réduit de filles et de garçons de façon à ce qu’ils soient autant de filles et de garçons et ils discutent. Cela permet de faire des rencontres ou de trouver le prince charmant. Et elle en avait organisé des rendez-vous, elle avait participé à d’autres : mais rien n’y faisait, à chaque fois, c’était le même résultat, les mecs préféraient les autres.
    _ Et si tu arrêtais les rendez-vous et que tu laissais faire le destin ? suggéra An. Je suis sûre qu’il peut te trouver un prince ou une princesse sympa. Reste pas fixée là-dessus, et puis si tu veux, je propose à Gabe de te filer rencard, il est gentil tu sais.
    Zhoo esquissa un léger sourire avant de passer sa main sous ses yeux, puis elle se redressa et posa ses bras sur la table.

     

    (36)

     

    _ N’essaie pas de me refourguer tes problèmes, et puis, je ne marcherai pas sur tes platebandes. Je veux quelqu’un qui ne soit là que pour moi, qui ne connaisse pas mes amis, pour me donner une chance de plus …
    _ Une chance de quoi ? De cacher ta vraie personnalité ?
    _ Non, pas du tout. Une chance de quitter un peu plus ma bulle affective, parce que je veux pas dire, mais vous êtes présents vous tous quand même …
    _ Et tu oses te plaindre, toi qui disait il n’y a pas vingt minutes que je te manquais alors que ça fait deux jours qu’on ne s’étaient pas vues ? gronda légèrement An. C’est l’hôpital qui se moque de la charité là.

     

    (36)

     

    Zhoo esquissa un sourire avant de tirer la langue à An de manière malicieuse. Elle sait bien qu’elle ne le prendra pas mal de toute manière, elles sont trop proches l’une de l’autre pour ça. Elles partirent alors d’un éclat de rire quand Jayn se leva subitement en regardant sa sœur.
    _ On devrait y aller, dit-elle, ou Maman va encore nous chercher, et j’ai pas fait mes devoirs en plus.
    _ Tu m’avais dit que si, s’offusqua An. Tu soules Jayn.
    Elle lâcha un profond soupir avant de se lever à son tour, lançant un regard d’excuse à Zhoo. Celle-ci la balaya d’un leger mouvement de main devant sa tête, comme pour lui dire qu’elle comprenait, et que ses excuses n’était pas utiles. An rassembla ses affaires et se tourna vers Zhoo avant de partir.
    _ Au fait, ces fringues ne te vont pas du tout, tu ferais mieux de retourner à tes baskets.
    _ J’y songerais, conclut-elle en souriant.


  • (37)

     

    Un homme d’une vingtaine d’année traversa vivement la rue bondée qui défilait sous ses pieds. Esquiva une moto à propulsion nucléaire et un taxi de l’espace en vitesse lumière, il arriva tant bien que mal de l’autre côté du trottoir, devant l’imposant immeuble du nom de Sextan dans lequel se regroupait différentes entreprises, dont une qui l’intéressait plus particulièrement : la HGC, Handers Comptabilité et Gestion pour faire plus compréhensible. Il connaissait le bâtiment, de vue du moins, et pour l’avoir vu sur les articles que sa mère collectionne dans un de ses gros classeurs à bordel. Mais il ne lui avait pas semblé aussi haut, ce n’est pourtant que six étages, non ?
    De peur d’arriver à retard à son rendez-vous à force de contempler le bâtiment, il s’engouffra dans le hall d’entrée et fila en direction de l’ascenseur avant d’appuyer sur le bouton du premier étage, puisque celui-ci indiquait HGC juste à côté du numéro un. L’ascenseur s’éleva progressivement, sans la petite musique cependant, loin des clichés des ascenseurs d’entreprises. La montée ne dura que quelques instants et les portes s’ouvrirent sur d’immenses bureau en espace ouvert ou des bruits déjà énervants parvenaient à ses oreilles : sonnerie de téléphone, ronflements d’ordinateurs, soupirs d’imprimante, claquement de talons et bombardement de dossier, sans oublier le sifflement de la photocopieuse. Debout dans l’entrée, une jeune femme s’approcha de lui, avec un sourire de circonstances étiré sur ses lèvres trop rouges.

     

    (37)

     

    _ Bonjour Monsieur. Vous avez rendez-vous ? demanda-t-elle de sa voix sifflante de secrétaire écervelée.
    _ Oui, avec Monsieur Nate Handers. Je m’appelle Théo Mc Fly, je dois avoir un petit peu d’avance.
    La femme baissa son regard sur la planchette qu’elle tenait dans la main, vérifiant la liste des rendez-vous de la matinée.
    _ Trouvé, dit-elle dans un grand sourire. Je vous accompagne Monsieur Mc Fly. Je me présente, Veronica Saunders, assistante de Monsieur Handers. Il est actuellement en visio-conférence, mais ça ne devrait plus tarder.
    Théo opina du bonnet et suivi Veronica quand celle-ci se dirigea sur la gauche de l’ascenseur, vers une petite salle d’attente, juste en face d’une porte sur laquelle était écrite « Direction Nate Handers » et d’où il entendait des voix, dont une qui grésillait, sortie d’un haut parleur. Il s’assit finalement sur un des sièges, n’osa pas toucher aux magasines qui étaient posés dans un coin, et se contenta de fixer l’horloge au dessus de la porte. Dans cinq minutes, il viendra le chercher. L’angoisse commencer à monter le long de sa colonne, le fit se dresser comme un i sur sa chaise. Il sentait son estomac se nouer, son front perler. Il espérait que rien ne se verrait, ou il aurait l’air bien ridicule.

     

    (37)

     

    Les voix se turent derrière la tête et son cœur s’emballa de plus belle. IL souhaitait ne s’être pas déplacé pour rien, ne pas avoir fait autant de kilomètres, ne pas avoir traversé autant d’états pour devoir retourner chez ses parents, la queue entre les jambes.
    La porte s’ouvrit finalement pour laisser sortir un homme en fauteuil roulant, chauve qui afficha un large sourire en voyant le jeune homme assis dans la salle d’attente. Il ouvrit les bras, sensiblement ravi de le voir.

     

    (37)

     

    _ Théo ! Mon dieu ce que tu as grandi ! Entre donc, je t’en prie.
    Théo, un peu surpris de cette réaction, se leva et entra alors dans le bureau de Nate Handers, le suivant et refermant la porte derrière lui. Nate alla s’installer derrière son bureau, réalisant quelques clics sur son ordinateur, fermant au passage quelques dossiers inutiles pour cet entretien.
    _ Installe-toi, je t’en prie. Comment vas-tu ?
    Théo s’exécuta avant de lui répondre le plus sobrement qu’il allait bien, puis de lui demander des nouvelles de sa santé.
    _ Au mieux, répondit Nate. Marine et les filles vont bien également. Comment va Craig1 ?
    _ Il fait aller, mais bon, il fatigue un peu, papa n’est plus tout jeune tu sais.

     

    (37)

     

    _ Je te rappelle que Craig et moi on est cousins et donc du même âge, ne me traite pas de vieux s’il te plait, se mit-il à rire doucement.
    _ Excuse-moi. Fin, c’est surtout Maman qui ne l’aide pas beaucoup, elle préfère traîner en ville plutôt que de le soutenir.
    Nate haussa les épaules, apparemment habitué à ce genre de nouvelles pas très chaleureuses et surtout aussi « banales ».
    _ Emilie2 ne changera jamais, elle a toujours été comme ça. Enfin bon, que me vaut le plaisir de ta venue ?
    Nate recula de son bureau pour aller mettre la cafetière en route et sortir deux grandes tasses du placards où elle était posée, ayant l’intention d’offrir le café à son « neveu » californien qu’il n’avait pas vu depuis de nombreuses années.

     

    (37)

     

    _ Je cherche un travail, dit-il de but en blanc.
    Nate se figea avant de remplir tranquillement les tasses et de les poser toutes les deux sur le bureau. Cependant, il ne retourna pas à son bureau et préféra s’installer à côté de lui, pour que la conversation ait l’air moins officielle.
    _ Qui te dit que je propose du travail en ce moment ?
    _ Je suis sûr que tu as embauché An pour le weekend, avoue-le. Et j’en ai vraiment marre de ma mère et de Steven, j’ai besoin de changer d’air. Je sais que c’est pas cool pour Papa, mais je vais pas vivre à leur crochets éternellement.
    _ Pourquoi le Maine ? Tu sais à quelle distance on est de chez toi là ?
    _ 3 388 miles précisément entre San Diego et Houlton, deux jours de route en voiture. T’inquiète, je suis au courant.

     

    (37)

     

    _ Et tu pouvais pas trouver du boulot plus prêt ? soupira Nate en reposant sa tasse sur le bureau. Tu exagères là Théo. Tu aurais pu me prévenir au moins.
    _ Là au moins, je sais que Maman ne viendra pas me chercher. Je te demande juste si tu as du boulot pour moi, je chercherais ailleurs sinon, ce n’est pas grave.
    _ Où est-ce que tu loges ? Pas à l’hôtel au moins, rassure-moi. Tu as trouvé un appartement ? Un studio ?

     

    (37)

     

    Théo fit la moue avant de nier d’un signe de tête. Il joua quelques instants avec ses doigts avant d’expliquer à son oncle qu’il avait tout calculé à la minute près et que son avion avait atterri il y avait seulement deux heures et qu’il avait ses valises à la consigne de l’aéroport. Nate lâcha un profond soupir avant de se diriger vers son téléphone.
    _ Bon, ça ne va pas faire plaisir à Marine, mais je ne vais pas te laisser à la rue. On t’héberge, le temps que tu te trouves un appartement.
    _ Et pour le job ? osa-t-il malgré tout.
    _ Un de mes employés a démissionné et quitte son poste dans trois semaines. Il te formera et tu prendras sa place. Cela te convient-il ?
    Le sourire d’une jeune homme s’illumina directement tandis que Nate composait le numéro de son domicile, avant d’être accueilli par un énorme « Quoi ? » de sa compagne quand il lui expliqua qu’il avait décidé de logé le fils de son cousin et de son ancienne sexfriend. L’ambiance à la maison allait donc être torride !

     

     


     

    1 - 2 : Pour ceux qui ont oublié, un petit lien pour vous montrer la jolie tête des parents de Monsieur Théo ~> ici <~


  • (38)

     

    Bien que Xander n’arrivait jamais en retard au moindre rendez-vous, ses craintes quand à la douche avec sa petite amie étaient fondées : elle ne garda pas les mains dans son dos, loin de là. Et il ne fallait pas s’appeler Einstein ou madame Irma pour déduire aussi facilement la réaction qui se produirait quand on met deux corps dans une solution hydraulique. Ca donne une bonne demi-heure de retard au couple, et un Xander plus stressé que d’habitude.
    Ils arrivèrent finalement à la petite brasserie du campus universitaire, que les étudiants appelaient entre eux le « Ptit RU » puisqu’il ne servait pas que des cafés, mais aussi des repas complets. A cette heure-ci, le campus était presque vide et il n’y avait que Robbie d’installé dans la salle de la brasserie, sur son ordinateur, en train de pianoter, sûrement de réécrire ses cours pris en note à la main l’avant-veille, quand il avait oublié de recharger son précieux ordinateur portable.

     

    (38)

     

    _ Salut. Excuse-nous pour le retard.
    _ Embouteillage sur la rocade, mentit aussitôt Charlie en souriant.
    Elle s’assit aussitôt en face de Robbie, laissant à Xander le soin de prendre une chaise à côté et de l’installer en bout de table. Robbie prit son temps pour terminer de recopier son paragraphe avant de refermer soigneusement son ordinateur et de le ranger dans le sac qui gisait à ses pieds.
    _ Ca va, j’ai pu m’avancer, répondit-il simplement.

     

    (38)

     

    _ Moi c’est Charlie ! clama instantanément la rousse en tendant sa main vers le jeune homme au teint mat. Je suis la copine de Xander. Et toi ? Vous vous connaissez depuis longtemps ? Tu fais quoi dans la vie ? Tu as des frère et sœur ?
    _ Robbie Taylor. Quelques semaines. Etudiant. Oui.
    Charlie écarquilla automatiquement les yeux, incrédule avant que Xander n’explose de rire devant le décalage qui opposait son ami et sa petite amie. C’était tellement flagrant qu’il ne pouvait que en rire. Robbie comprit alors rapidement l’hilarité de son ami et esquissa un léger sourire, qui perdit définitivement Charlie.
    _ Vous vous fichez de ma gueule, c’est ça ? se mit-elle finalement à bouder.
    _ Pas du tout, tempéra Xander en lui prenant la main par dessus la table. On le surnomme le muet. Tu es bavarde. Le décalage est amusant.
    _ Mouais, je ne trouve pas ça très amusant personnellement.
    Elle éloigna vivement sa main de celle de Xander avant de croiser les bras et de s’affaler sur son siège. Xander ne releva pas la réaction de la demoiselle, puis il tourna la tête vers Robbie pour parler de la raison de leur venue, sans pour autant dire un mot. Pas besoin d’en dire plus, il n’est pas venu pour parler de la pluie et du beau temps après tout.

     

    (38)

     

    _ J’ai fait des recherches. Et j’ai trouvé ça, lui dit Rob en lui tendant une feuille de papier où se trouvaient diverses informations concernant un logement en plein cœur de Houlton.
    Xander lut attentivement le document. Appartement spacieux situé au second étage d’un immeuble. Soixante quinze mètres carrés, deux chambres, salle de bain et toilettes séparés, grand salon-salle à manger, cuisine. Ne voyant pas trop où il voulait en venir, Xander releva la tête vers son ami.
    _ Une collocation. Tous les frais divisés par deux. C’est une bonne affaire.
    _ Euh … Sérieux ?
    Xander retourna à la lecture du document, le trouvant de plus en plus intéressant. C’est vrai que l’idée de partir étudier dans le Maine était très tentant, plus même puisque les inscriptions étaient presque terminées, il s’était décidé. Mais c’est vrai que le logement, il n’y avait pas du tout pensé. Et une collocation, encore moins.

     

    (38)

     

    _ Oui, je suis sérieux. Ma mère m’a soufflé l’idée. Elle est bonne. Mais faut que tu sois d’accord. Je te laisse la feuille.
    _ Très bien. Ecoute, je vais voir ça. Je te redis vite, conclut le jeune homme.
    Robbie acquiesça d’un mouvement de tête avant de se lever et de prendre ses affaires qu’il installa sur son épaule. D’un léger signe de la main, il salua le couple et sortit de la brasserie, les laissant là, seuls.

     

    (38)

     

    _ Tu vois, il a rien dit pour le retard, déstresse ! rit Charlie en lui donnant une gentille tape dans le dos.
    _ Plus jamais je ne prends ma douche avec qui que ce soit, c’est fini.
    Charlie prit alors la main de son compagnon avant de le tirer en dehors de la brasserie, bien décidée à faire un petit tour du campus. N’ayant aucun autre réel projet pour la journée, il se laissa conduire sans rechigner.