• (78)


    Plusieurs semaines avaient passé, et Xander avait l’impression d’être sur un petit nuage. Traitez-le de niais ou de ridicule si ça vous chante, il n’en a absolument pas cure. Pour la première fois depuis bien longtemps, il avait l’impression de respirer dans une relation amoureuse, réellement. Tout avec Charlie n’étaient qu’efforts constants pour essayer que leur histoire fonctionne. Il se remettait en question à chaque fois que Charlie désapprouvait son comportement, qui pourtant lui était naturel, comme le fait de peu parler. Avec Kellan, c’était plus facile. 

    Kellan ne remettait pas en cause la façon d’être de Xander, il l’acceptait. Et pour la première fois donc depuis des lustres, il n’avait plus besoin de se créer un personnage pour faire tenir une relation amoureuse. Alors, tout n’était pas parfait, il ne fallait pas non plus trop s’avancer. Après tout, c’était la première fois pour Xander qu’il s’engageait dans une relation avec un homme (et ce n’était que sa deuxième relation amoureuse), et il y allait à son rythme, et avec beaucoup de recul. Par exemple, personne dans son entourage n’était au courant qu’il avait un petit-ami. Ils savaient que lui et Charlie c’était terminé, mais c’est tout. Il craignait malgré tout le regard des autres, et surtout les répercussions qui pourraient tomber sur sa famille. Comme il l’avait déjà expliqué à Kellan, il causait déjà suffisamment de souci à son père, et il ne voulait pas qu’il s’inquiète plus qu’il ne l’était déjà.  

    Alors il faisait preuve d’astuces pour ne pas révéler son secret à ses parents. Il se disait également que ce serait bien plus facile de le leur cacher quand il aura déménagé, mais d’un autre côté, le Maine ce n’était clairement pas la porte à côté et il se doutait qu’il allait devoir à nouveau vivre une relation à distance. Il soupira.  

    - Tu as des soucis mon petit Xan’ ? 

     

    (78)



    Il sortit de ses pensées et tourna la tête vers son meilleur ami, Emilien. Ce dernier était venu l’aider à préparer ses cartons en vue du futur grand départ, le mois prochain. Il n’avait pas grand-chose à empaqueter, mais Emilien avait prétexté qu’avec son départ imminent ils ne se reverraient pas avant les vacances d'automne. Il voulait donc profiter encore un peu de la présence de son meilleur ami. 

    - Non, je n’ai pas de soucis, lui dit Xander. Pourquoi en aurais-je ? 

    - Parce que tu soupires drôlement fort dès que tu mets un livre dans ce carton. Alors soit ces livres sont extrêmement lourds, soit tu penses à quelque chose qui te cause du souci. Mais vu que c’était une BD, je penche plutôt du côté du souci. Tu veux en parler ? 

    Emilien ferma le carton qu’il venait de remplir et s’assit au sol. Il tapota le parquet en face de lui pour inviter Xander à faire de même, et ce dernier accepta finalement, après un énième soupir, ce qui fit rire Emilien. 
     

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    - Je t’écoute Xander. Raconte à tonton Emilien. 

    C’était son nouveau surnom ces temps-ci. Mélie, sa sœur, avait accouché trois jours plus tôt d’un petit garçon en parfaite santé du nom de Aron, et il était fier comme un paon. Son addiction à ce mini être humain était assez amusante à regarder, et sa fierté également. Mais il pouvait comprendre.  Il n’avait pas grandi dans une grande famille, et tout ce qui pouvait le rapprocher de son père le rendait heureux. 

    - Rien. C’est juste que … Je me demandais si c’est la distance qui m’a fait casser avec Charlie. C’est tout. 

    Emilien haussa un sourcil. Ça faisait des lustres qu’il n’avait plus parlé de Charlie, il se demandait bien ce qui pouvait lui traverser l’esprit pour qu’il repense à son ex de la sorte. Le jeune roux haussa les épaules, n’ayant visiblement pas la réponse. 

    - Tu crois vraiment qu’il y avait une raison autre que vous deux à votre rupture ? Je ne pense pas que la distance vous ait achevé, ça vous a juste précipité. Après, je ne suis pas le plus grand expert des relations amoureuses je te rappelle. Pourquoi tu repenses à Charlie ? Elle t’a rappelé ? 
     

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    - Oh non, et ça ne risque pas d’arriver vu comment elle m’a jeté. Non, j’y pensais. 

    - Tu pensais à ta relation à distance pendant que tu faisais tes cartons pour ton déménagement, débuta Emilien avec un air suspicieux. C’est assez louche ton histoire, tu ne nous laisserais pas une petite amie derrière toi avant de partir ? 

    Il sourit, amusé. Si c’était le cas, il ne perdait pas vraiment de temps celui-là. Il attendit alors la réaction de Xander, qui ne se fit pas attendre. Le brunet piqua un fard monumental et baissa la tête pour cacher ses joues cramoisies.  

    - J’y crois pas, t’as une copine ! s’exclama Emilien, hilare. Et tu ne m’as rien dit ? Je ne suis pas censé être ton frère ? Moi je te raconte tout. 

    - Je n’ai pas de copine, bougonna Xander. Alors calme-toi. 

    - Arrête de me prendre pour un crétin, t’es rouge comme une pivoine. Donc c’est que tu me caches un truc, et tu marmonnes pour me dire que tu n’as pas de copine. Ne me mens pas. 

    - Je ne te mens pas, je n’ai pas de copine Emilien. 

    Emilien regarda Xander droit dans les yeux. Il ne mentait pas, mais il ne dérougissait pas pour autant. Il se passait quelque chose, et il refusait de le lui dire. Mais foi d’Emilien, il n’allait pas en rester là et attendre que ça se passe. 
     

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    Et là, d’un coup, un éclair de lucidité lui traversa l’esprit. Non, ce n’était pas ça quand même … 

    - Un mec ? C’est ça ? T’as un mec, tu sors avec un gars. 

    Nouveau fard, et bien au-dessus du niveau cramoisi. Il était grillé, lui qui n’avait pas envie d’en parler tout de suite, il n’avait pas été très efficace pour le cacher à son perspicace de meilleur ami. Il se frotta la nuque et hocha doucement la tête de haut en bas. 

    - Ne le dis à personne, marmonna Xander. S’il te plaît. 

    Emilien mima une bouche cousue et jeta la fermeture imaginaire derrière lui. Mais maintenant, il voulait en savoir plus. Il n’avait pas imaginé un seul instant que son meilleur ami pouvait être gay, et finalement, maintenant qu’il le savait, ça lui semblait plutôt logique. Il se demandait même pourquoi il ne l’avait pas remarqué plus tôt. 

    - Je le connais ? demanda-t-il malgré tout. 

    Xander essaya de rassembler sa respiration et ses idées pour essayer de perdre quelques teintes de rouge, et il se redressa. Après tout, Emilien était son meilleur ami, il était celui qui allait le moins le juger, et il pouvait lui faire confiance aveuglément. 
     

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    - Non, tu ne le connais pas. Mais je t’ai déjà parlé de lui. C’est le locataire de mes parents. Il s’appelle Kellan. 

    - T’as une photo ? 

    Évidemment qu’il avait une photo, pensa aussitôt Emilien. S’il n’en avait pas une dans son téléphone, il en trouverait probablement une sur un réseau social quelconque. Xander sortit alors son téléphone, et farfouilla dedans à la recherche d’une photo. Pas besoin d’aller jusque sur les réseaux sociaux, il avait plusieurs photos de Kellan dans sa galerie, notamment faites lors de leurs sorties, avant qu’ils ne sortent ensemble. Il en afficha une en plein écran et tendit son téléphone à Emilien. 

    Ce dernier écarquilla les yeux face à la photo du petit ami de Xander. “Wah” fut tout ce qu’il réussit à dire. Il ne faisait pas les choses à moitié, quitte à devenir gay, il avait mis le grappin sur le mec d’Alerte à Malibu. Xander détourna le regard, toujours gêné par la tournure de la conversation. Mais ce qui le surprenait le plus, c’était la non réaction de son ami : il n’avait fait aucun commentaire sur le fait qu’il sorte avec un mec. Il s’était attendu à pas mal de choses pour le jour où il ferait son coming-out, à des cris, des rires ou du dégoût. Mais pas à la banalité affichée sur le visage de son meilleur ami. 
     

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    - Il a l’air super sympa, lui dit Emilien en lui rendant son téléphone. Je suis content pour toi, je me disais bien que tu avais l’air moins stressé ces derniers temps. Je mettais ça sur le compte de ta rupture avec Charlie, mais je pense qu’il y est pour quelque chose. 

    - Oui. C’est lui qui m’a fait ouvrir les yeux sur Charlie. 

    Emilien haussa un sourcil, se méfiant. Le gars le fait rompre avec sa copine pour lui mettre le grappin dessus, ce n’était pas la tactique la plus poussée de l’univers, mais elle avait déjà fait ses preuves.  
     

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    - Je t’arrête tout de suite, je l’ai repoussé plus d’une fois, et il avait compris que ça ne m'intéressait pas. Il s'est arrêté, et on est devenus potes. Et pour Charlie, il m’a simplement dit que m'obstiner à rester avec elle lui faisait aussi du mal. C’est tout. 

    - Ce qui en soit n’est pas faux. Donc tu as jeté Charlie pour Kellan, si j’ai tout suivi. 

    Xander fit non de la tête. Il n’écoutait pas celui-là, c’était pas possible. 

    - D’un, c’est Charlie qui m’a jeté. Ensuite, je l'ai fait pour elle car elle ne méritait pas ça. Et pour Kellan, je suis juste revenu sur ma décision. 

    - Okay, okay. Et bien écoute, tant que tu es heureux, tu avais bien le droit de quitter Charlie pour Kellan … 

    - Tu m’as jetée pour un mec ?! 

     

     

     


  • (79)


    Au son de cette voix, Xander se figea et regarda Emilien qui était devant lui, et ce dernier fixait un point au-dessus de la tête de Xander. Et ce point devait apparemment mesurer un mètre soixante-dix si on suivait l’angle du cou de son ami. Il espérait seulement qu’il avait halluciné, que cette voix n’était pas ce qu’il avait cru et qu’Emilien avait juste vu Zélie passer avec un pot de fleurs sur la tête. Mais vu à quel point son visage se décomposait à cet instant, Zélie ne devait pas avoir de pot de fleurs sur la tête. Et là voix reprit la parole : 

    - Tu vas me répondre Xander ? 

    Elle avait des trémolos dans la voix, mais il l’avait bien reconnue. C’était Charlie. Qu’est-ce qu’elle fichait ici ? Il vit Emilien se redresser et se tenir debout, et Xander fit de même. Il n’osait pas encore se retourner, de peur d’affronter une tornade rousse. Emilien marmonna un “je vais te laisser Xander, on se voit plus tard”, et il passa à côté de lui, pour quitter la pièce et la maison. 

    Xander restait toujours dos à Charlie. Il n’avait pas osé se retourner. S’il ne la voyait pas, elle disparaîtrait peut-être. Mais c’était fort peu probable. Il prit alors une grande inspiration, et il se retourna. 
     

    (79)

     
    Et plus aucun doute, c’était Charlie. Elle avait les yeux rouges et des larmes coulaient le long de ses joues. Elle avait le cœur brisé, ça se voyait. Xander baissa légèrement la tête, une moue désolée sur le visage. 

    - Je veux une réponse Xander. Est-ce que tu m’as quittée pour un homme ? C’est tout ce que je veux savoir. 

    - Non, lui répondit Xander en relevant la tête pour la regarder droit dans les yeux. Je t’ai quittée car nous deux ça ne menait nulle part. 

    Charlie renifla et passa sa main sous ses yeux. Son maquillage fondait sur ses joues, et Xander se sentait gêné devant ce spectacle pitoyable. Il ne supportait pas l’idée de la voir pleurer de la sorte, et il se retenait de faire un pas vers elle pour la consoler.  
     

    (79)


    - Pourquoi es-tu ici ? lui demanda-t-il. 

    - Pour m’excuser de ma réaction quand tu as voulu me plaquer, et essayer de recoller les morceaux. Mais je vois que j’arrive trop tard, finalement t’as viré gay. 

    Xander serra le poing, se retenant de lui faire remarquer qu’on ne “virait” pas gay comme on devenait végétarien. Ce genre de remarque n’allait pas arranger la situation, ou la consoler.  

    - Il s’appelle Kellan, c’est ça ? Rah, putain ce que je suis conne … 

    - Charlie, l’appela Xander en esquissant un pas vers elle. Tu n’es pas conne, c’est moi qui … 

      

    (79)


    - Oui, c’est toi qui ! C’est forcément toi ! Qui d’autre ça pourrait être ? C’est pas moi qui ai viré ma cuti et plaqué mon mec par texto. Qu’est-ce que ce type a de plus que moi ? Ah si, je sais ! Une queue ! CONNARD ! QUEUTARD !! 

    - Charlie, calme-toi ! 

    Son ton était plus sec qu’il ne l’aurait voulu, mais il était hors de question qu’elle se mette à lui parler de la sorte, à l’incendier et à l’insulter à tue-tête dans la maison. Il s’approcha d’elle et lui saisit l’avant-bras pour la faire se taire. 

    - NE ME TOUCHE PAS !  

    Elle lui donna une violente gifle pour le faire reculer. Hors de question qu’elle le laisse la toucher. Il l’écœurait au plus haut point, et rien que de s’imaginer qu’elle ait pu un jour le laisser la toucher lui donnait envie de vomir. Elle ramena ses bras autour d’elle, et recula. 

    - Ne me touche pas, répéta-t-elle. 

    - Très bien, je ne te touche plus, promis. Mais calme-toi, s’il te plaît. J’aimerais t’expliquer … 

    - M’expliquer quoi ? Que c’est ton délire de te prendre des bites dans le cul toute la journée ? Je veux pas savoir, merci ! 

     

    (79)

     

    - Arrête avec ça. C’est de nous deux dont je veux te parler Charlie. Je n’ai jamais voulu te quitter par texto, je voulais te le dire de vive voix, par téléphone. Mais tu m’as coupé l’herbe sous le pied, et comme tu ne répondais pas quand j’essayais de t’appeler, j’ai pris notre rupture comme acquise. 

    - Et tu l’as bien consommée avec “Kellan”, je suis sûre ! 

    - Je t’ai dit que ce n’était pas le sujet. On allait dans un mur, et depuis longtemps Charlie. On n’avait aucun avenir, et tu t’accrochais à moi avec tous tes projets alors que je ne m'y voyais pas. Je te tirais vers le bas. 

    - Ouais, le classique “c’est pas toi, c’est moi”. Tu aurais au moins pu faire plus original, je croyais tu étais créatif. 
     

    (79)


    - Bien sûr que le problème c’était moi : j’aime les mecs bordel, que voulais-tu que je t’apporte !? 

    Il l’avait dit. Pour la première fois depuis qu’il se posait la question, il avait finalement réussi à aligner ces trois mots qui auraient dû peser si lourd dans sa poitrine. Mais ils étaient sortis avec une telle facilité que c’en était déconcertant. Soulageant, certes. Mais totalement déconcertant. 

    Charlie se figea, et le regarda, dégoûtée. Comment avait-elle pu croire vivre quelque chose avec ce type ? Elle se sentait salie, et totalement conne de n’avoir rien vu. Il la dégoûtait, la révulsait. Rien que de se souvenir des moments qu’ils avaient partagés lui fit remonter le cœur dans l’estomac. 

    - Alors, depuis le début t’es homo, finit-elle par dire dans un éclat de rire. J’ai couché avec un putain d’homo, j’ai donné ma première fois à UN PUTAIN D’HOMO ! J’AI PERDU QUATRE ANS DE MA VIE AVEC UN PUTAIN D’HOMO ! 

     

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    Le cœur de Xander se serra. Voilà la réaction qu’il redoutait. Il pensait pourtant s’y être préparé, mais il n’en était rien. Il encaissait, la toisant et attendit qu’elle se calme. Ça finira bien par arriver. Mais il ne se serait jamais douté d’un tel déversement de rage à son égard, qu’elle puisse à ce point être mauvaise. Mais elle agissait probablement sur le coup de la colère, et il pouvait comprendre. Ce n’est pas comme si elle avait pu faire quoi que ce soit pour sauver son couple, elle l’avait perdu car elle n’était pas ce qu’il recherchait. Et elle ne pouvait rien faire contre ça. 

    - JE TE HAIS ! hurla-t-elle, écumante de rage. Toi et tous les autres décérébrés comme toi ! 

    Elle se retourna alors, et quitta la pièce, au pas de course. Xander lui courut après. Il était hors de question que Charlie reprenne la route dans cet état. Quand il la rattrapa enfin, il lui prit la main pour l’empêcher de faire demi-tour. 

     

    (79)


    - Attends, lui dit-il. Tu ne vas pas rentrer à Albany dans cet état, et je suis sûr que le prochain vol ne sera que demain matin. 

    - J’en ai rien à foutre, je dormirai à l’aéroport. Maintenant, lâche-moi, dit-elle froidement. 

    Xander obéit, à regret. Finalement, cette fois-ci, il pouvait dire que c’était bel et bien fini avec Charlie. Il la regarda entrer dans sa voiture, sans un mot. Et des bribes de souvenirs remontèrent à la surface à cet instant. Les souvenirs heureux, bien sûr. Comme s’il avait besoin de ça à cet instant précis. Comment est-ce que ça se fait que c’est toujours dans ce genre de situation, où on est censé haïr l’autre, que le cerveau décide de se la jouer nostalgique ? Et les souvenirs heureux avec Charlie, il en avait un paquet malgré tout, quand bien même il ne se plaisait pas dans cette relation. Il avait découvert une jeune fille formidable, la tête pleine de rêves et d’envie. Et il avait grandi avec elle, à ses côtés. Il ne serait sûrement pas ce qu’il est sans Charlie. 

     

    (79)

     

    Il baissa la tête quand elle démarra la voiture, et au crissement des pneus sur l’asphalte, des larmes coulèrent indubitablement sur les joues de Xander. Car Charlie avait emporté avec elle une partie de lui-même, qu’il ne reverra jamais : le Xander qu’elle avait forgé, celui débordant d’idées et de rêves.  

    Il n’aurait jamais cru qu’il pleurerait la fin de sa relation avec Charlie. Jamais. 

     

     

     

     


  • (80)

     

    - Non, non, non et encore non !  

    Un très long soupir fut poussé par les quatre autres membres des Alive!. Alana avait de nouveau enclenché le mode diva, et refusait de se plier aux souhaits de ses comparses. C’était plutôt habituel dans sa manière d’être, c’était même très fréquent. Alana avait toujours fonctionné comme une gamine capricieuse, et malgré son âge, ses proches qui tentaient de la raisonner, ou les rebondissements qu’elle pouvait vivre par ses caprices, rien n’y faisait : elle restait bornée. 

     

    (80)


    - Donc chacun rentre chez soi ce soir, finit par dire un grand brun à l’ossature massive, Grimm. Vu que sa majesté refuse de donner du sien pour la playlist de la rentrée. 

    - Franchement Alana, tu abuses, poursuivit un homme aux cheveux très clairs et le regard perdu dans le vague. Je ne vois pas ce que nos propositions n’ont pas de convenable. 

    - Tu ne vois pas ? rétorqua Alana. Ça te va bien de dire ça Samuel. Normal que tu n’y vois pas, t’es aveugle andouille. 

    La rousse qui se tenait un peu à l’écart du groupe se redressa et regarda Alana droit dans les yeux, et fronça les sourcils. 

    - Alana !  

    - Quoi ? Ce n’est pas comme si je venais de le lui apprendre, je t’assure que Sam est bien conscient de ne rien voir. Ne fais pas l’outrée Mindy, même toi tu le sais. 

    - Ce n’est pas le sujet. Tu pourrais parler plus correctement à Sam… 

    - Laisse tomber Mindy, souffla Samuel. Visiblement, la diva a ses règles aujourd’hui, elle n’est pas très baisante. Courage mec pour ce soir, ajouta-t-il à l’intention de Grimm. 

    - C’était super fin ça Samuel, bougonna Grimm.  

    - Stop ! 

     

    (80)

     

    La cinquième personne du groupe se leva du canapé et se mit en plein centre de la pièce, décidée à faire cesser ce combat qui ne menait à rien. Elle avait de très longs cheveux noirs, des yeux bleus perçants et une tête fort peu engageante. Tout le monde autour d’elle se tu et la regarda, Alana y compris. Elle s’adressa alors tour à tour aux présents autour d’elle, pointant un doigt accusateur vers eux. 

    - Toi, tu arrêtes de faire ta diva. Le groupe ne s’appelle pas « Alana et son boys band » donc tu n’as pas à décider par toi-même. Grimm, t’es le leader ou manager chez Mc Do ? Je ne sais pas, impose-toi plus que ça. Samuel, les blagues macho et misogynes tu te les carres au cul et démerde toi, j’ai plus de lubrifiant. Mindy, je t’adore, mais il va vraiment falloir que tu acceptes que Samuel n’y voie rien, c’est dur mais c’est comme ça. Bon, tout le monde est calmé, on peut reprendre ? 

    La diatribe de la brune avait fait retomber tout l’énervement du groupe, à l’exception d’un rire étouffé de Samuel. Visiblement, ce dernier avait apparemment du mal à se remettre de la blague du lubrifiant. Désespérant. La jeune femme poussa un soupir avant de se laisser de tomber sur le canapé où elle était assise quelques minutes plus tôt. Ses autres comparses se regardèrent les uns les autres en silence, attendant que quelqu’un se décide à réagir. 

     

    (80)


    Ce fut Alana qui se calma la première, et tous les regards se tournèrent vers elle. Elle se tourna vers la brune qui venait de les engueuler, et elle prit une longue et profonde inspiration. 

    - Ok, tu as raison Kaoline. Mais ne prends pas trop la confiance. Je veux bien mettre de l’eau dans mon vin et accepter votre prog. Mais si jamais ce sont ces ordures d’Ephéméria qui remportent la salle à la rentrée je … 

    - Alana ! gronda Grimm en la dévisageant. 

    - Quoi ? 

    - Si on bosse, il n’y a aucune raison pour qu’ils remportent la salle alors tu respires et on bosse sur la programmation. Assis. 

    Il s’empara d’un papier et d’un crayon, prêt à prendre les rênes de la discussion. Kaoline avait raison, et il n’avait pas spécialement apprécié de se faire traiter de responsable de Mc Do. Il avait une estime de lui un peu plus haute que ça. 

     

    (80)


    Après de longues minutes de réflexions et de débats en tout genre, ils avaient finalement réussi à faire leur programmation de cinq chansons pour le concert de la rentrée. Trois connues de leur public pour les chauffer au maximum, et deux nouveautés pour les faire hurler. Avec ça, l’applaudimètre n’allait pas résister. 

    - Donc, Mindy, toujours ok pour chanter ta compo ? lui demanda Grimm en relevant la tête vers la jeune rousse. 

     

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    Cette dernière, rougissante, se cacha derrière ses cheveux. Elle n’avait pas encore chanté en solo de toute sa courte carrière, et cette fois-ci, elle allait devoir faire le grand saut. Elle acquiesça cependant :  sa chanson était écrite depuis des mois, elle la connaissait sur le bout des doigts et rien ne pouvait mal se passer. 

    - Super. Donc on ouvre avec Alive, on enchaîne ensuite avec Dreamer, Cuz I can, Not Dead Yet et on les achève avec American Dream. Ça vous va ? 

    - Et moi ? Pas le droit de pousser la chansonnette ? lâcha Samuel à l’énumération des titres sélectionnés. 

    - Tant que tu n’auras pas pondu une chanson qui peut défoncer les Ephéméria, non, lui dit Alana de but en blanc

     

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    - Sérieux ? C’est comme ça que tu me voies ? Franchement, tu abuses … 

    - Moque-toi, même toi tu sais que tes chansons ne sont pas encore prêtes, tu nous le dis à chaque répète. Bon, allez, on se reprend. Je voudrais retravailler sur American Dream avant que chacun rentre chez soi. 

     Les autres membres du groupe acquiescèrent et se levèrent tous comme d’un même homme pour rejoindre la petite chambre d’amis de l’appartement qui avait été transformée en salle de répétition. Cette petite pièce était à la fois le plus grand atout et la plus grande faiblesse de Alive!. De par sa petite taille et son ameublement, elle avait une acoustique parfaite, mais elle était extrêmement petite et une fois chacun en place, il n’était plus possible de se déplacer sans se gêner. Elle se transformait assez rapidement en cocotte-minute et la condensation se formait dès les premières notes sur la porte vitrée et la fenêtre de la pièce. 

    Et ce soir, comme il était de coutume quand il faisait chaud, Grimm ouvrit la porte sur le jardin avant de s’installer à sa batterie. Ses autres comparses suivirent, et chacun à sa place, Alana réinstalla le micro au centre de la pièce, de façon à faire face à ses musiciens. 

     

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    - Hé ! Qui est-ce qui a encore pris mon piano pour un banc ? Sérieux les mecs, tout est encore déréglé ! 

    Alana et Grimm se regardèrent et échangèrent un regard complice, les joues légèrement rouges. Mais Kaoline, dos à eux, ne pouvait pas voir leur visage qui exprimait le flagrant délit. Samuel qui, contre toute vraisemblance, n’avait pas les yeux dans ses poches finit par lâcher une piste à l’attention de sa colocataire et claviériste du groupe : 

    - Suis mon regard, ils ne disent plus rien les deux coupables depuis que tu as ouvert la bouche. Grimm, je ne te savais pas si fétichiste des pianos. J’en apprends tous les jours. 

    - Déformation professionnelle : j’aime m’activer en musique. 

    - Eurk ! Moi, je joue plus. Qui sait sur quoi je vais mettre les doigts. 

    - Rooh, j’ai passé une lingette désinfectante, n’abuse pas, gronda Alana. La prochaine fois, tu ramèneras ton matériel chez toi, c’est tout.