•  

     

     A plusieurs centaines de kilomètres de là, il avait plu dans l'état du Maine, plus précisément dans la petite ville de Houlton. Une jeune femme aux cheveux dorés se pressait dans les ruelles glissantes, pour rejoindre le docteur Campbell, qui avait décelé sa grossesse quelques semaines plus tôt.

     

     

     Julia avait fait son choix. Pour elle, hors de question d'avorter. Elle sait que son enfant en souffrira, mais après tout, elle prendra soin de lui, comme toute mère aimant ses enfants. Bien que cet enfant, qui grandit en elle, soit l'enfant de son violeur, elle ne peut que l'aimer, ce petit être qui croit en elle, qui se développe, et ce malgré la plupart des mères qui ne peuvent regarder en face leur enfant quand celui-ci est issu d'un viol, et cet amour qu'elle ressent pour ce bébé, il est exceptionnel, et elle en a bien conscience.

     

     

     Julia poussa la porte du cabinet doucement, s'essuya les pieds sur le paillasson avant de passer devant la secrétaire du cabinet, une rousse à l'air adorable. Julia attrapa son calepin pour y écrire qu'elle avait rendez-vous avec le docteur Campbell et elle fut dirigée vers la salle d'attente, après confirmation par la secrétaire de son rendez-vous.

     

     

     Julia n'eut pas longtemps à attendre avant que le médecin ne la prenne avec lui dans son cabinet, où elle s'y installa, jambes croisées devant le bureau, vite rejointe par le médecin.

    _ Dois-je comprendre que vous avez fait votre choix, mademoiselle Mayers ?

    Julia hocha brièvement la tête, sans pour autant chercher à croiser le regard du médecin.

     

     

     _ Vous voulez le gardez ?

    Nouveau hochement de tête positif.

    _ Vous en avez parlé avec votre compagnon ? Il connaît votre choix ?

    Julia acquiesça.

    _ Ma foi, mademoiselle, je n'ai plus qu'à vous dire de bien vous porter, de faire attention à vous et à suivre un spécialiste évidemment. Installez-vous, je vais vous ausculter.

     


  •  

     

     Après avoir pris deux bus et fait les dix minutes restantes à pied, Andy se retrouvait devant la maison de ses parents, bien décidée à retrouver le squat où elle avait croisé Julian, qui lui a sauvé la vie, si tant était que sa vie était en danger, chose fort probable quand on voit l'endroit où a atterri la jeune femme.

     

     

     Distraitement, elle jeta un regard à la maison faite de pierre blanche, espérant voir sa mère sortir, vêtue de son tablier super Maman, de la fumée noire s'échappant de la cuisine, après une énième tentative de cookies, qui a bien évidemment raté. Elle l'imagine bien, toute souriante, de la farine dans ses cheveux blonds impeccables, du chocolat tartiné sur la joue, et un semblant de larmes au coin des yeux, suite à son énervement.

     

     

     Cette époque semble si proche, après deux mois d'absence, elle avait encore l'impression de les revoir tous les deux, son père, papier en main, hurlant qu'il avait encore fini un chapitre, enfin, et que son éditeur allait être content qu'il soit enfin dans les temps. Oui, cette époque semble si loin, et par moments, Andy se demande même si elle ne l'a pas rêvée.

     

     

     Poussée par ses pas, elle atterrit dans la ruelle sombre de la dernière fois, ruelle beaucoup plus éclairée vu l'heure de la journée. Les sans abris qu'elle avait croisés par mégarde la dernière fois n'étaient plus là, laissant le lieu tel un dépotoir.

     

     ✎

    Andy s'avança alors vers la porte du bâtiment, jetant malgré tout des regards à la ronde. Même en pleine journée, cet endroit avait une aura inquiétante qui persistait. Mais elle était poussée sa curiosité, qui mettait en sourdine les signaux d'alarmes que lui lançait son cerveau depuis qu'elle avait remis les pieds dans le quartier. 

    Une fois devant la porte, elle la poussa doucement, la faisant grincer. Elle avait du en voir cette porte. Cabossée à de nombreux endroits, rouillés à d'autre, elle ne devait probablement tenir debout que par la présence du Saint-Esprit, ou de toute autre génie. Et une fois la porte ouverte, elle entra sur la pointe des pieds, essayant de se faire discrète.

     

     

     - Pas la peine d'être discrète, je t'ai vue.

    Andy sursauta et son coeur s'emballa dans sa poitrine. Elle retint cependant son hurlement de surprise et recula de trois pas en arrière, pour s'éloigner de ce qui venait de lui causer une telle frayeur. Et l'objet de ses peurs était un homme d'une vingtaine d'années, aux longs cheveux noirs ramenés sur les épaules et aux yeux qui brillaient d'un éclat argenté. Il était gentiment posé là, contre le mur, et la regardait avec un petit sourire amusé. Andy fronça les sourcils. C'était vraiment drôle son truc là, de faire peur aux gens de la sorte ?

    - Non mais on n'a pas idée de faire peur aux gens comme ça ! Ca va pas ?!

    L'homme fit un pas vers elle, sans perdre son sourire. Et Andy, sur la défensive, recula d'un pas et le toisa, méfiante.

    - On n'a pas idée, non plus, de rentrer chez les gens comme ça. 

    - Chez les gens ? C'est chez personne ici, dit-elle en pointant un trou dans le mur. 

    Elle en profita pour détailler le personnage plus longuement. Hormis ses cheveux et ses yeux, elle put remarquer qu'il avait un œil balafré et que son regard avait quelque chose de très calme et posé. Il n'avait pas l'air bien dangereux. Pour ce qui est de ses vêtements, ils étaient de très bonne qualité et propres. Il ne vivait pas ici à n'en pas douter.

    - Et puis, ça n'a pas l'air d'être chez toi non plus.

     

     

    - En effet, belle déduction Sherlock, lui répondit le brun.

    Andy croisa les bras, bougonne. Il était agaçant celui-là. Mais au moins, se disait-elle, il avait l'air plutôt sympa. Elle se décrispa un peu, mais garda malgré tout un peu de réserve. Une Andy avertie en valait deux, sa mère le lui avait toujours appris.

     _ Je m'appelle Spencer, continua l'homme en se rapprochant d'elle. Et donc, je peux savoir ce que tu cherches en te promenant par ici ?

    _ Ah euh … Personne. Je me promène c'est tout. 

    Spencer haussa un sourcil, pas dupe. 

    - La politesse veut que quand quelqu'un se présente, l'autre fasse de même. C'est quoi ton nom ?

     

     

     _ Andy, répondit-elle finalement. Bon, et ok, je cherche un gars qui s'appelle Julian, tu le connais ?

    Spencer hocha la tête de bas en haut.

    - Oui, je connais Julian. Mais il n'est pas ici. A vrai dire, il ne passe pas ici très souvent. D'habitude, il donne sa carte aux meufs qu'il rencontre pour qu'elles le rappellent. Il ne te l'a pas donné ?

    - Si, il m'a donné sa carte, dit Andy. Toutes les filles hein ? A vrai dire, ça ne me surprend pas.  Tant pis, je ferais mieux de filer. Désolée de t'avoir dérangé Spencer.

     

     

     

    - Tu déranges pas. Il va peut-être repasser aujourd'hui. Il doit me refiler un truc, si tu veux l'attendre avec moi.

    Il passa à côté d'Andy pour rentrer un peu plus dans ce qui semblait être une ancienne maison. Il passa une vieille double porte pour entrer dans un salon, ou du moins, ce qui y ressemblait le plus et disparut en haut d'un escalier. Andy le regarda faire un court instant. Elle ferait mieux de rentrer chez elle. Elle avait eu la réponse à sa question : Julian était un coureur de jupons. Et puis, ce n'était pas très raisonnable de courir après ce genre de personnage.

    Mais d'un autre côté, ce Spencer l'intriguait. Il avait l'air sympathique, quoiqu'un peu moqueur, et elle trouvait que le courant passait plutôt bien entre eux. Et puis, ce n'est pas comme si elle avait eu autre chose à faire de sa journée. Elle haussa alors les épaules et suivit Spencer.

     

     

     

    En haut des marches, elle remarqua que le haut de la maison était totalement détruit. A croire qu'une bombe était tombée dessus. Et des marques sombres sur les murs la confortaient dans cette idée. Elle ne s'y sentait pas vraiment à l'aise, et elle réprima un frisson. Spencer le remarqua bien, et poussa une autre porte dans un triste état pour entrer dans une salle qui avait moins souffert des "bombardements" et donc les quatre murs tenaient debout. Au centre de la pièce, un vieux matelas avait été plié en deux et posé sur deux parpaings pour en faire un canapé. Un vieux poêle à bois trônait dans un coin, ainsi que quelques caisses de vêtements. Quelqu'un vivait ici.

    Spencer grimpa alors sur le canapé et s'assit sur le dossier. Il invita Andy à le suivre d'un petit signe de la main.

     

     

    - T'as le droit de t'asseoir, lui dit Spencer en souriant. Je ne vais pas te manger.

    Andy hocha la tête mais resta près de la porte, continuant de regarder la pièce. Même d'un point de vue odeur, elle réalisait bien que cette pièce était habitée. Elle ne sentait pas l'humidité comme les autres. Mais elle ne le releva et se contenta de rester debout au milieu de la pièce.

    Spencer la regardait, toujours aussi amusé. 

     

     

     - T'es un ami de Julian ? finit par demander Andy en portant de nouveau son regard vers Spencer.

    - On peut voir ça comme ça, rit Spencer, perché sur le dossier du canapé improvisé. On se connaît depuis bientôt six ans …  Mais on n'est pas vraiment amis, on se supporte plutôt qu'autre chose. Et toi, qu'est-ce que tu lui veux ? 

    - Comment ça ? S'interloqua Andy. 

     

     

    - Si tu étais comme l'intégralité des meufs que Julian se fait, tu ne serais pas là à le chercher. Tu l'aurais appelé. Ce qui me fait penser que tu n'es pas attirée par lui. Tu cherches autre chose.

    - Et c'est moi que tu appelles Sherlock ? dit-elle en faisant la moue.

    Spencer ne répondit pas, haussant simplement un sourcil pour l'enjoindre à continuer. Andy leva les yeux au ciel et soupira.

    - A vrai dire, je m'en fous un peu de Julian, avoua-t-elle, piteuse.

     

     

    - Pourquoi tu lui cours après alors ? S'interloqua Spencer. Aucun intérêt.

    _ Je suis curieuse de nature … Je voulais savoir ce qu'un acteur foutait dans le coin, mais finalement, il venait peut-être te voir.

    _ Oui, peut-être, dit Spencer en souriant. Rentre donc chez toi. C'est pas le meilleur endroit pour quelqu'un qui n'a pas de temps à y perdre.

     

     

    - Car toi tu as du temps à y perdre ? lui demanda Andy en s'avançant un peu.

    - Peut-être. Mais comme je te connais depuis dix minutes, ne compte pas sur moi pour tout te raconter. 

    - Oh. Je vois. T'es pourtant bavard pour quelqu'un qui ne veut pas raconter sa vie à une inconnue rencontrée il y a dix minutes, releva Andy avec un petit sourire en coin.

    - En général, je raconte ma vie tourmentée après quinze minutes. Encore un peu de patience.

    - Donc je vais attendre cinq minutes de plus pour essayer de te percer à jour, dit Andy en s'asseyant à côté de Spencer.

     

     

     Spencer étouffa un rire avant de lui répondre, et finalement, l'après midi passerait bien comme ça, comme deux amis qui se retrouvent après s'être perdus de vue depuis des années ...

     


  •  

     

     Nate venait de déserter de chez lui, laissant sa colocataire seule avec son ex le médecin coureur de jupons. Il avait attrapé son sac en cuir, digne d'un grand et prestigieux professeur, qu'il avait bourré de CV et autres lettres de motivation, car ça oui, il était motivé pour décrocher un foutu job, c'est quand même pour ça qu'il avait décidé de changer de pays !

     

     

     Tandis qu'il marmonnait dans sa barbe, il ne fit pas attention à une jeune femme qui courait dans sa direction, elle non plus ne faisant pas attention à qui ce tenait devant elle. Elle serait uniquement ses livres contre elle, regardait sa montre de temps à autre, mais ça s'arrêtait là.

     

     

     Et le choc fut inévitable. La jolie blonde percuta Nate de plein fouet, avant de se retrouver sur les fesses, le jeune homme encore debout : inébranlable celui-là.

    _ Aïeuh ! Piailla la blondinette. Pouvez pas regarder quand vous marchez ?

    _ Je peux vous rétorquer la question, mademoiselle, dit Nate en riant.

     

     

     Il tendit une main bienveillante à la jeune femme. Celle ci jaugea la main tendue avant de poser son regard sur l'homme en question. Elle vira aussitôt rouge pivoine, ce n'est pas dans ses habitudes de rentrer de plein fouet dans les personnes, encore moins dans un beau spécimen mâle.

    _ Nate, et toi ?

     

     

     La blondinette accepta la main de Nate et se releva. Elle s'épousseta rapidement sous le regard amusé du jeune homme.

    _ Coleen, répondit-elle, plus rouge que jamais.

    _ Enchanté de te connaître, lui dit-il en scotchant son sourire le plus charmeur sur son visage habituellement sombre. Tu allais quelque part pour courir aussi vite ?

     

     

     _ Je voulais pas louper mon bus, mais je crois que c'est cuit … avoua-t-elle en levant les épaules. Il repasse que dans deux heures …

    _ Navré de t'avoir retardé …

    _ J'avais rien, je voulais passer en biblio, mais c'est pas urgent … On n'est qu'au début de l'année.

    _ Faut pas lésiner les études, je vais piquer la caisse de ma coloc' et je t'amène, c'est de ma faute.

    _ Pas la peine, dit-elle en riant.

     

     

     _ Laisse moi te payer un café alors, pour m'excuser. Et tout non est automatiquement refusé !

    _ Si je ne peux pas refuser, dit Coleen en souriant.

    _ Parfait ! Approuva Nate. Allez, suis moi.

    Il attrapa la main de la jeune fille et l'amena avec lui vers le centre ville, et puis, ses demandes d'emploi peuvent bien attendre deux heures.

     


  •  ✎

     

     

     

    De retour sur le continent américain, les quinze minutes passèrent et Andy commençait à apprendre quelques petites choses de son inconnu du squat. Il s'appelait Spencer, avait 24 ans et il était originaire de Houlton même s'il considérait avoir grandit dans l'état voisin, du côté de Burlington. De son côté Andy aussi partageait quelques informations, son âge, sa famille, et puis, son plus grand secret. Son prénom.

     - Je n'aime pas mon prénom, dit Andy de but en blanc.

    - De quoi ? Andy, c'est sympa. Ca un côté masculin, comme la pointe de sel qu'on met dans les gâteaux pour relever le sucre.

    Andy rit, on ne l'avais jamais comparé à un gâteau. Et si c'était une question de prénom mixte, il allait être servi.

    - Non pas Andy. Celui d'avant. Je m'appelait Andrée.

    - Andrée, répéta Spencer. Je trouve ça chouette. 

    - C'est un nom de vieille, bouda la jeune femme.

    - C'est un nom de grande autrice, genre Jane Austen.

    Andy explosa de rire, ce qui finit de la dérider au sujet de son prénom. Spencer était assez satisfait de lui sur ce coup là, et il osa même jusqu'à demander à Andy s'il avait le droit de l'appeler Andrée.

    - Si tu veux.

    Elle détourna les yeux. Elle ne supportait pas sa mère quand elle le lui disait avant, ni son père. Ca l'énervait. Alors bon, un parfait inconnu. Qu'est-ce qu'elle risquait. Et puis, penser à ses parents fit passer une ombre sur son visage, que Spencer remarqua aussitôt.

     

     

    - Eh, si tu veux pas, tu dis non. Je force personne.

    - Non, c'est bon.

    Elle secoua la tête, passa une main sous ses yeux pour empêcher ses larmes de couler et elle se concentra sur sa respiration.

    - C'est juste que je supportais pas que mes parents m'ait donné un prénom aussi naze alors que ma grande sœur avait le plus prénom de l'histoire des prénoms.

    - Avait ? répéta Spencer. Elle a changé aussi ?

    Andy nia de la tête. Elle renifla, déglutit et releva la tête vers Spencer.

    - Non, Delphes est morte il y a cinq ans maintenant. 

     

     

    - Je suis désolé. 

    - Ce n'est pas de ta faute. Laisse tomber. Enfin bref.

    Spencer s'en voulait un peu de l'avoir fait parler d'un tel sujet, alors que la conversation avait été assez légère auparavant. Et il ne s'était pas douté un seul instant que cette jeune femme, qui avait pourtant l'air si forte, puisse porter en souriant de tels drames.

    - Mais tu le répètes pas. Hormis ma famille, personne ne me connaît sous ce prénom.

     

     

     _ Je fais donc partie des privilégiés, s'amusa Spencer, heureux de changer de sujet.

    - Bienvenue dans ma secte.

    - Je saurais m'en montrer digne, où est-ce que je dois prêter serment ?

    Andy rit plus franchement ce coup-ci. Son coup de blues était passé. Elle nota que Spencer avait sur elle un effet pansement, ou baume apaisant. Il n'avait pas l'air de le faire exprès, mais son sourire chaud et ses yeux rieurs avaient ce côté de havre de paix, dans lequel elle se serait jeté les yeux fermés si personne ne l'attendait.

     

     

    - Allez, à ton tour.

    - Je vous écoute, Madame de l'Inquisition Espagnole.

    - C'est ta turne ? demanda-t-elle avec un léger sourire en coin.

    Elle avait noté qu'il était propre sur lui, pas comme le lieu où il se trouvait. Il n'était pas crasseux, ses vêtements n'étaient ni usés ni fatigués. En bref, il à l'air d'avoir un rythme de vie sain et aisé, et pas le profil d'un squatteur.

    - Hmm. Oui. Je t'ai dit de pas rentrer chez les gens sans sonner.

    - Tu ne vas pas me faire croire ça. Tu t'es vu ? T'as pas la tenue de l'emploi.

    - Mais c'est tout confort ici, y'a même une douche.

    Elle insista du regard. Elle aura sa réponse. Et finalement, Spencer confessa sa combine pour être propre et frais comme un gardon tout en traînant ici. l la regarda, jouant avec ses doigts.

    - Très bien, ça m'arrive de squatter chez mes vieux pour prendre une douche. Fin d'un mythe.

     

     

    Andy explosa de rire. Elle n'aura pas dit mieux de toute façon. Puis elle posa a son index sur sa bouche, en guise de secret. Spencer tendit son petit doigt vers elle, la mine très sérieuse. Andy se secoua, et prit une mine de circonstance avant d'accrocher son petit doigt du sien. Ils se regardèrent dans les yeux, très solennels.

    - Je jure de ne pas parler de ton prénom si tu me jures de ne pas partager mon astuce beauté.

    - Promesse de p'tit doigt !

     

    Elle avait l'impression d'avoir retrouvé un vieil ami, perdu de vue depuis tellement d'années qu'elle en avait oublié son prénom et jusqu'à son visage. Et qu'une fois en face de lui, tout lui serait revenu. Ils avaient peut-être été amis dans une autre vie, ce serait probable. Mais une chose est sûre, dans cette vie là, ils le seraient aussi.

     


  •   

     

     Quand Julia sortit du cabinet, le poids qui la pesait depuis des semaines se dissipait. Instinctivement, elle passa sa main sur son ventre, légèrement arrondi, qu'elle cachait avec des robes plus amples ou des tee-shirt moins près du corps.

     

     

     Tandis qu'elle ouvrait la porte du café, prête à monter sur scène, elle pensait à la meilleure façon de l'annoncer à son frère. Il avait été tellement simple d'en parler à Mikael, peut-être, justement, parce qu'il n'appartenait pas à cette famille de fous. Elle connaissait le caractère de son William, et voulait le préparer avant de le lui annoncer.

     

     

     Le préparer ? Mais comment ?

    Comment faire pour qu'il accepte son choix ?

    Comment faire pour qu'il ne recherche pas le père de l'enfant ?

     

     

     D'un bref mouvement de tête, elle chassa ses idées noires pour s'installer au piano et accompagner Jena qui était au chant, tandis que Liam raccrochait sa guitare pour se poser à côté de Jena et entamer « Tout est éphémère ».

     

     

     Tout est éphémère finalement, comme cet instant de bonheur où Julia oublie ses tracas : son père, son enfant, William ou encore Mikael. Pendant ces instants, elle veut juste ne faire qu'un avec le piano blanc.