•  

     

     _ Il est où ce cher monsieur, que je puisse me présenter.

    _ Juste là, répondit une voix rauque.

     

     

     Le brun se retourna et Julia recula pour se coller au bar, se rapprocher du barman qui était ce qui se rapprochait au plus d’un ami pour la jeune femme.

     

     

     _ Ah, ehm .. bégaya le brun. Bonjour Monsieur, je me présente : Mikael Egarh.

    _ Je me fiche de qui vous êtes, cingla Harry. Et je vous déconseille vivement de vous approcher de ma fille.

     

     

     _ Viens, dit-il à Julia en la poussant avec lui en direction de la sortie.

    La pauvre fille se laissa faire, et disparut derrière la porte de l’établissement.

     

     

     _ Qui est-ce ? demanda Mikael au barman tout en prenant un verre.

    _ Julia Mayers, lui répondit-il. Elle a seize ans.

    _ Seize ans ? S’interloqua Mikael. On dirait qu’elle en fait dix huit !

    _ Elle est devenue muette suite à la mort de sa mère, il y a dix ans maintenant. C’était elle qui lui a appris à jouer du piano. Et comme son père n’aime pas les gens inutiles, tous les jours, il la dépose au bar.

     


  •  

     

     _ Elle a d’abord été serveuse, mais tellement fragile que les clients un peu trop beurrés se ruaient sur elle. Comme j’en avais marre de faire le gendarme, je lui ai cédé le piano. Depuis, j’ai l’impression qu’elle se sent mieux.

     

     

     _ Son père m’a pas l’air facile, soupira Mikael en buvant une gorgée.

    _ Non, Harry Mayers est dirigeant d’une grosse société, alors imaginez bien, il voit la vie à l’extérieur tout comme son entreprise, il faut que ça tourne dans son sens.

     

     

     _ Et Julia, là. Elle a jamais cherché à se rebeller ?

    _ Pensez-vous bien que non. Vous l’avez bien regardée, cette pauvre petite ? Son frère, oui, lui il s’est rebellé, il a quitté le domicile familial, le père l’a même renié…

     

     

     _ Mais comment vous savez tout ça ? s’interloqua Mikael.

    _ Julia est bavarde, avec ceux qu’elle apprécie. Elle n’est pas difficile, et elle a toujours été sociale, tant que son père n’est pas avec elle. Vous verrez bien.

     

     

     _ Elle prend son service à quelle heure demain ?

    _ Seize heures, après ses cours. Son père la récupère comme aujourd’hui, à dix neuf heures trente. Profitez-en pour faire sa connaissance, elle communique sans langage des signes : un calepin, et des yeux expressifs, c’est le secret de Julia.

     


  •  

     

     

     

     Dans un squatt de banlieue, deux jours plus tard, 13 :25

     

     

    Deux hommes discutaient de manière plutôt animée, et depuis de longues minutes déjà. L'un d'entre eux, brun, coiffé d'une longue tresse qui retombait sur son épaule et le regard perçant, essayait de garder un ton plutôt calme malgré la totale inaptitude de son comparse. Ce dernier, un grand dadais blond aux yeux verts et au sourire excentrique, n'écoutait même plus les recommandations de son ami, finissant par lui faire perdre non seulement sa patience, mais également son calme. 

     _ Tu n’as pas bientôt fini tes conneries Julian ?! cracha vivement le grand brun.

    _ Quelles conneries, hein ? lui répondit le dénommé Julian avec une expression presque innocente. Je n'ai rien à me reprocher, moi. Aucun dossier, aucune casserole. Ce qui n'est pas vraiment ton cas, n'est-ce pas ? Et estime-toi heureux de m’avoir, sinon y’a longtemps que tu pourrirais derrière une poubelle !

    Le grand brun leva les yeux au ciel, agacé par ce bellâtre qui se prenait encore pour le roi du monde.

    _ Fous lui la paix à cette fille, reprit-il. Tu sais aussi bien que moi que si ça venait aux oreilles de …

    _ Merci Spencer, le coupa Julian. Mais je ne te paye pas pour écouter tes conseils. Reste donc à ta place et tout se passera bien.

     

     

     Le blond s’éloigna doucement, visiblement énervé contre ce Spencer qui n'adhérait pas aux souhaits de Julian Jewel. Et ce dernier n'était pas habitué à recevoir des ordres d'un simple livreur. Car c'est ce que représentait le brun à ses yeux : un simple livreur de came.  Devant la sortie, il se stoppa, sachant que son ami de toujours le regardait. Clairement, il n'en avait pas encore fini avec lui.

     

     

     _ Déstresse Spenc', dit finalement Julian en lui donnant une tape sur l'épaule. Que veux-tu qu'il se passe pour cette meuf. Ce n'est qu'une fille.

    _ Et pourquoi elle en particulier ? T'en as plein d'autres qui te tournent autour sans que tu aies à te forcer. Alors fous lui la paix.

    _ Et toi ? Pourquoi est-ce que tu tiens tant à la protéger ? Tu la connais au moins ? lui demanda Julian avec un air rieur. Il me semblait pourtant que la seule fois que tu l'aies vu, c'est quand elle a décidé de s'évanouir en plein milieu de la ruelle et qu'on s'est décidés à la ramener chez elle. Pour qu'au final, tu me laisses en bas de l'immeuble pour disparaître par la suite !

     

     

    _ Mais pourquoi tu ne veux pas juste lui foutre la paix ?

    Spencer commençait à sérieusement perdre son calme face au grand blond. Il refusait tout simplement que cette fille se retrouve à passer plus de temps que raisonnable à proximité de cet endroit. Or Julian n'aurait absolument aucun scrupule à la ramener ici, où elle courait un danger certain. Il connaissait très bien le maître des lieux et n'avait aucun doute sur ses intentions s'il la voyait passer par ici.

    _ Et toi ? Pourquoi tu cherches à ce point à la protéger ? Tu as quelque chose à te reprocher ?

    _ Rien. Tu l'oublies, c'est tout.

    _ Tu ne sais rien d’elle, ni de moi, finit par conclure Julian. Rien du tout. Alors tu me fous la paix, et ne me parle plus de cette meuf, c'est clair ?

     

     

     _ J’en sais assez suffisamment sur cette fille Julian, elle est dans la mélasse jusqu’au coup si elle te fréquente ! Alors tu l'oublies, point barre.

    _ Elle n’a rien avoir avec ça Spencer ! Ce sont mes affaires !

    _ Tu veux que je te rappelle qu'il a tué ses parents ?! Elle est impliquée indirectement ! souligna Spencer. Elle est liée à cette série de meurtres, et tu le sais aussi bien que moi ! Fréquenter un Thatch, c’est le condamner à mort. Tu tiens vraiment à ce qu'elle se fasse tuer ?

     

     

     _ Et t’es qui toi, Spencer Jekyll, dealer et toutou de sa majesté ? Ce n'est pas parce que tu bats de la queue quand tu le vois arriver et qu'il te gratte derrière les oreilles en t'appelant bon chien que ça fait de toi un ponte dans le domaine. Alors tu me lâches, où je vais vraiment finir par me mettre en colère. Et tu n'as vraiment pas envie que ça arrive.

    _ En colère ? Tu veux dire comme la fois où je t'ai pété les dents ?

    _ Ta gueule avorton !!

    _ Traite moi de gamin si tu veux ! Mais rappelle-toi que cet univers, c’était le mien avant que tu n’y plonges ! Et ton arrogance te tuera.

     

     

    Julian tourna finalement les talons, se dirigeant vers la sortie, refusant de débattre plus longtemps avec cet homme. Il ne supportait pas que cet énergumène le commande comme il le faisait. C'est lui qui devait obéir. Comme le simple livreur qu'il était.

     _ Au revoir Spencer, souffla Julian en ouvrant la porte. Oublie pas ma commande de la semaine prochaine.

    Il laissa ainsi Spencer seul dans le bâtiment. Ce dernier grimpa finalement à l'étage et s'affala tout du long dans un canapé de fortune, en soupirant.

     

     

    _ Cette histoire va très mal finir putain ... Faut que je trouve une solution.

     


  •  

     

     Dans un petit pays étranger, à la même heure, deux amis se rapprochaient dangereusement, poussés tous deux par un jeu un peu trop provocant. Leurs nez se touchaient, les souffles se faisaient plus rapides et saccadés.

     

     

     _ Chiche ? questionna Emilie en dévisageant Nate.

    Ce dernier regarda la jeune femme, la vue troublée par l’alcool ingurgité, nous sommes pourtant en début d’après midi.

     

     

     Mais aujourd’hui, après un énième refus d’embauche pour le jeune Nate, Emilie avait décidé de sécher les cours pour lui tenir compagnie. Les bouteilles d’alcool s’étaient vite jointes à la partie de provocation des deux jeunes gens.

     

     

     Tout d’abord, des « Chiche que tu fais le tour de la maison à cloche pied », gages plus enfantin les uns que les autres, à des « Chiche que tu retires ton tee-shirt », beaucoup moins innocent.

     

     

     _ Chiche ou pas ? s’impatienta Emilie, ses yeux bleus rivés à ceux noirs de Nate.

    _ Chiche ! conclut Nate en s’emparant des lèvres de la jeune femme.

     

     

     La jeune Emilie ne s’attendait pas à un tel acte du jeune homme et en fut plus que surprise quand les lèvres de Nate s’accrochèrent aux siennes en un baiser fougueux, et … désespéré ?

    Oui, elle sentait le désespoir de N ate tandis que celui-ci l’embrassait à pleine bouche, faisait glisser ses doigts le long de sa jupe pour caresser ses cuisses.

     

     

     Mais la jeune femme, au comble du bonheur, ne faisait pas attention à la détresse du jeune homme, ne voulant pas ternir cet instant où elle l’avait enfin dans ses bras. Elle glissa ses mains sous son tee-shirt, ses doigts jouant sur les creux de son dos, remontant doucement vers son cou.

     

     

     Elle recula d’un pas, voir si Nate réagirait, ce qu’il fit, et tout deux poussés par des motivations différentes, l’oubli pour Nate, l’amour pour Emilie, il atterrirent dans la chambre de la jeune femme avant d’atterrir tous deux sur le lit mauve.

     

     

     _ Em, tu crois que … débuta Nate en regardant la jeune femme.

    _ Soit beau et tais toi, commence pas à regretter, soupira-t-elle en sautant sur les lèvres du brun.

     

     

     Nate ne riposta pas plus et se jeta de nouveau sur les lèvres de sa colocataire, après tout, ce ne serait qu’une partie de jambes en l’air, sans lendemain. Oui, demain, ils riront comme avant, passant sur les décalages de cet après-midi, un peu trop arrosé, un peu trop provoqué.

     

     

    - PS : 69e article du blog originel ... j'ai rien dit :x -


  •  

     

     Au même moment, Andy rentrait paisiblement chez elle. Elle traversait la petite résidence d’un pas décidé afin de retrouver le confort de son appartement, après deux semaines passées à ne rien faire.

     

     

     Elle enfonça les clés dans la porte quand elle entendit son téléphone fixe, nouveauté dans la vie de la jeune fille, retentir dans tout l’appartement. Elle se dépêcha donc d’ouvrir la porte, espérant un appel d’un certain brun de 21 printemps, un peu trop orgueilleux.

     

     

     Excitée comme une puce, stressée aussi, elle se rua sur le combiné, laissant la porte grande ouverte. Il ne fallait surtout pas qu’elle loupe cet appel, encore moins si c’était son petit ami qui l’appelait. Non, Nate n’aura jamais le statut d’ex’. Après tout, ils n’ont pas clairement rompu.

     

     

     _ Allô ? demanda Andy, toute enjouée.

    _ Andyyyyy !! s’exclama une voix féminine dans le combiné.

     

     

     Le visage de la brunette se fana de ne pas avoir entendu la voix tant espérée.

    _ Bonjour Valérie, répondit Andy d’une voix sourde. Ce n’est pas la peine de hurler tu sais, j’entends encore très bien.

     

     

     _ Où étais tu ? questionna aussitôt la dénommée Valérie.

    _ Ca ne te regarde pas Val ! rétorqua aussitôt Andy.

    _ Tu veux que je grogne pour de bon ? gronda aussitôt son interlocutrice. Je te demande où tu étais passée !

    _ Tu n’es pas ma mère, et ce n’est pas parce que tu as la garde d’Eliott que tu dois prendre la place de maman, tu ne seras jamais maman, tu m’entends ? JAMAIS !

     

     

     Sur ces derniers mots, hurlés, la jeune femme raccrocha au nez de sa tante, la sœur de sa mère, pour aller s’affaisser en biais sur son lit, téléphone en main, essayant une énième fois, en vain, de joindre un dénommé Nate. Andy composa le numéro lentement, regardant attentivement chacun de ses mouvements et ses doigts écrasant les touches de son téléphone.

     

     

     Une sonnerie, deux sonneries, trois sonneries, quatre …

    _ Biiiiiiiiiiiiiiiip ! C’est Nate ! Je suis pas là, où j’ai pas envie de vous répondre. Laissez pas de messages, sauf si c’est urgent! Après votre message, faîtes le 1 pour plus d’options, biiiiiiiiiiip !

    Décidément, ce n’était pas son jour avec les téléphones. Andy s’apprêtait à raccrocher quand finalement, elle décida de laisser un message vocal.

     

     

     Elle prit donc une grande inspiration, se sentit rougir des pieds à la tête avant de laisser un long, très long, message à l’unique homme qu’elle aimait, et qui passait ses nuits dans le plus profond de ses rêves oubliés.

     

     

     Un message, une bouteille à la mer, parmi tant d’autres lancées à la dérive. Et avec un peu de chance, cette fois-ci, elle sera repêchée, elle n’aura pas été vaine. Et puis, même si elle n’obtient pas de réponse, c’est toujours bon de se confier à quelqu’un, de dire ces mots de vive voix, ceux qui font mal, parce qu’ils montrent la dure réalité de la vie.

     

     

     Accepte la réalité telle qu’elle est. (Takumi Ichinose, Nana)