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    Camille avait finalement annulé ses projets de week-end avec Cloud dès qu’il eut passé la porte de sa chambre. Il avait envoyé un bref message à son petit-ami afin de lui expliquer qu’il ne se sentait pas bien, et qu’il valait mieux que chacun reste chez soi. Il se doutait bien que Cloud n’y croirait rien. Après tout, il avait détalé devant lui après la discussion qu’il avait eu avec Elizabeth. Mais il ne se voyait vraiment pas raconter toute cette histoire à Cloud alors que même ses parents n’étaient pas au courant.

    En parlant de Matt et Sienna d’ailleurs. Ceux-ci allaient revenir d’ici quelques minutes de leur week-end en amoureux, et Camille les attendait de pied ferme, assis dans le salon. Son téléphone était posé devant lui, mais il n’y touchait pas. La dernière fois qu’il avait regardé l’écran, c’était il y a un peu moins d’une heure quand il reçut un message de son père lui précisant qu’ils arriveraient dans une heure. Et plus les minutes filaient, et plus il stressait.

     

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    En deux jours seuls chez lui à réfléchir, il avait eu le temps de prendre une décision. Ce qui lui avait d’abord semblé totalement surréaliste devenait, au fur et à mesure que les heures passaient, la seule et unique possibilité pour se débarrasser de son problème. Non seulement il devait partir, mais le plus loin possible où la justice américaine n’aurait pas de pouvoir sur lui. Et ça tombait plutôt bien que son meilleur ami fût déjà parti de son côté : il n’aurait plus qu’à s’installer chez lui, en colocation, et son problème était résolu. Mais il devait parer à toute éventualité, surtout devant sa mère. Sienna n’était peut-être pas le parent dont il était le plus proche, ayant été élevé par son père, mais elle était bien plus à cheval sur le bien-être et la réussite de ses marmots. En conséquence, si Camille ne lui présentait pas un prévisionnel digne d’une succursale de Microsoft, il ne risquait pas de partir. Il devait tout calculer, jusqu’à la plus infime possibilité. Car si lui n’y penserait pas, elle allait forcément y penser.

     

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    Mais tout était prêt, dans sa petite tête. Il avait même hésité à rédiger un rapport complet avec sources, photos d’illustrations et graphique, mais sa paresse légendaire avait eu raison de lui, et sa mère risquait d’y voir une forme d’humour mal venue. Il se contentera donc de sa tête et de sa capacité à réfléchir. Ça ne devait pas être si compliqué que ça quand même.

    La porte du garage vers la cuisine s’ouvrit et Camille sursauta. Perdu dans ses pensées, il n’avait pas entendu la voiture de ses parents arriver. Il se redressa alors, tira sur son tee-shirt pour avoir l’air présentable. Il avait l’impression de passer un entretien d’embauche ! Il prit alors une grande inspiration, et quitta le salon pour la cuisine.

     

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    - Salut, leur dit-il en arrivant vers eux mains dans les poches. Vous avez fait bon voyage ? C’était bien le week-end ?

    Mathieu posa leurs sacs au sol dans la cuisine et sourit en voyant arriver leur fils qui les accueillait à leur retour de week-end. Il s’approcha alors de lui et le prit brièvement dans ses bras. Hors de question pour ce papa poule de cesser les câlins avec ses enfants au prétexte que ceux-ci avaient dépassé largement les douze ans. Camille lui rendit son étreinte puis alla embrasser sa mère sur les deux joues.

    - Très bien, lui répondit sa mère en le gardant un peu plus dans ses bras. Et toi ? Ça n’a pas été trop long tout seul ? Ça me fait tout drôle de pas voir Emma avec toi.

     

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    Elle passa une main dans les longs cheveux bruns de son rejeton, lui dégageant un peu le visage de ses mèches rebelles. Elle trouvait son fils bien trop beau pour qu’il se cache derrière sa couche abondante de cheveux, mais elle n’arrivait pas à lui faire entendre raison. Alors elle en profitait pour lui dégager le visage quand elle était devant lui.

    - Je peux vous parler un moment ? demanda finalement Camille en se tournant vers son père après avoir regardé directement sa mère. C’est au sujet de la rentrée prochaine.

     

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    Sienna haussa un sourcil. La rentrée … scolaire ? Son fils n’a jamais été une lumière à l’école, il avait d’ailleurs redoublé sa classe de seconde, ce qui faisait qu’il avait encore une année de lycée à faire tandis qu’Emma pouvait partir à la fac si elle le voulait. Normalement, Camille devait continuer sa scolarité où il l’avait débuté, au lycée de la ville. Rien de bien palpitant ou de compliqué. Et comme il avait l’habitude de se fiche de l’école comme d’une guigne, qu’il souhaite en parler de sa propre initiative la surprenait.

    Et elle n’était pas la seule à se poser des questions. Elle remarqua bien que son mari pensait exactement à la même chose, mais avec plus de plis sur le front. Ça l’inquiétait plus qu’elle, donc c’est qu’il y avait vraiment anguille sous roche.

     

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    - On t’écoute Camille. Qu’est-ce qu’il y a ?

    - Je veux changer de lycée.

    - Pardon ? Comment ça changer de lycée ? T’es inscrit au lycée public. Tu veux aller où ?

    - En France.

    Il se triturait les mains. Il avait fait la partie la plus facile de la conversation. Maintenant il allait devoir poser ses arguments sur la table, et apporter ses preuves et convictions pour les faire adhérer à son choix.

    - C’est non, coupa court Sienna. Et puis quoi encore. Tu n’es même pas majeur, donc la réponse est claire, non.

     

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    - En France je le serais. C’est dix-huit ans là-bas. Je pourrais faire toutes mes démarches sans vous. Et puis, je n’irais pas n’importe où. Il y a un lycée réputé ans la ville où GK vient de s’installer, et il est d’accord pour qu’on s’installe en coloc’.

    Bon, il allait sûrement vite en besogne, puisqu’il n’en avait absolument pas parlé avec son meilleur ami. Mais ce que ses parents ignorent n’allait pas leur faire de mal, et il était persuadé que GK n’aurait aucune raison de refuser. C’était son meilleur ami.

    - Encore moins s’il y a Georg dans l’équation, rétorqua Sienna. Et pourquoi cette lubie tout d’un coup ?

    - Parce que j’ai décidé d’étudier le français après le lycée, dit alors Camille très sérieux. Je veux aller étudier à la fac et …

    - Attends attends. Comment ça étudier le français ? Tu parles de la langue ou des spécimens masculins ? rétorqua Mathieu avec un petit rire.

     

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    Evidemment, il était bien au courant de l’intérêt de son fils pour les relations non suivies et il ne le jugeait pas vraiment. D’homme à homme, Camille pouvait faire toutes les expériences qu’il voulait tant qu’il était sérieux. Mais son côté papa aimait un peu moins l’idée d’avoir un fils aussi volage. Mathieu essayait malgré tout de faire la part des choses, et d’accepter la vie de ses enfants, même si elles différaient de ses idéaux. Et la vie amoureuse de Camille était bien loin de ses idéaux. Très loin même.

    - Oui bon, aussi un peu. D’accord. C’est pour les français aussi. Mais je suis sérieux aussi quand je dis que je veux étudier la langue française après. Sauf que pour obtenir une bonne place à l’université, il vaut mieux avoir passé une année à l’étranger.

     

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    - Tu pourras t’inscrire à la fac en France quand tu auras obtenu ton diplôme de fin d’études aux Etats-Unis, lui dit Sienna. Pour le moment, tu restes là.

    - M’man ... soupira Camille. Ne me fais pas croire que tu n’es pas au courant que certaines facs demandent de l’expérience dans le domaine d’étude pour les admissions ? T’es prof là-bas non ? Tu sais bien comment ça se passe. Si je veux entrer à l’université, il me faut un dossier en béton pour compenser mes années de lycée – ok, et de collège aussi – catastrophiques. Et là c’est la meilleure solution.

    Elle ne rajouta plus rien, et le regarda. Parce qu’il avait raison, au moins sur ce point. Faire preuve de motivation pour le sujet d’étude avant l’entrée à l’université pesait plutôt lourd dans la balance. Et elle avait quand même tout son égo de maman qui parlait pour elle : voir son fils étudier à l’université était quelque chose d’assez grisant. Mais elle restait dubitative quant aux motivations de son rejeton. Ce dernier n’avait jamais manifesté le moindre intérêt pour les études jusqu’à aujourd’hui. Et elle connaissait assez bien l’énergumène pour affirmer que l’apprentissage de la langue française n’était pas la raison première qui le motivait à partir en France.

    - Ce n’est pas que pour apprendre le français, ou rencontrer du monde comme vient de le dire ton père. Il y autre chose ?

     

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    - Et bien … GK est parti là-bas, et j’avoue que ça me plairait bien aussi. Et puis c’est mon meilleur pote, je n’ai jamais été sans le voir plus de trois jours. Déjà que Emma se barre à l’autre bout de la planète et que je vais mal le vivre … Et puis, bon, y’a Cameron là-bas aussi.

    - Cameron … ? répéta Sienna sans comprendre.

    - Mais si Sienna, tu sais, son ami d’internet là. Il va falloir que tu suives un peu plus, lui dit Matt en souriant avant de se tourner vers Camille. Ecoute Cam, on va en discuter avec ta mère mais on ne va pas te donner une réponse dans l’immédiat, tu t’en doutes.

    Sienna se redressa de toute sa hauteur, et regarda son fils comme elle le faisait avec ses étudiants un peu trop intrépides. Il voulait partir, et il devait le mériter.

    - Prouve moi que tu es motivé, lui dit alors sa mère. Je veux un dossier complet avec les informations sur le lycée, la ville et sur l’université que tu vises. Tu me remplis les dossiers d’inscription pour les deux établissements, plus lettres de motivations. J’en veux trois : une pour le lycée que tu rédiges en français, une pour la fac également en français et une pour moi et ton père …

     

    (60)

     

    Matt lui lança un regard torve. Elle n’y allait pas avec le dos de la cuillère.

    - … en anglais. Ton père ne parle pas français aussi bien que moi. Je te laisse une semaine pour monter tout ça.

    Camille resta le plus stoïque possible, mais il se décomposait littéralement. Il parlait français comme une vache espagnole. Il n’allait jamais y arriver. Et ce n’était pas la peine de faire appel à Tradukka ou à Reverso, ou sa mère verrait la supercherie. Il devait être plus malin qu’elle. Il acquiesça cependant, tout en laissant son cerveau bouillonner. Il allait avoir besoin d’aide, et il ne fallait pas que sa mère s’en rende compte. Au moins, si elle voulait le faire se bouger les fesses, elle avait réussi.

     

     


  • (61)

    Team Dantifrice ♥ - Génération X

     

    Une nouvelle fois, Xander avait préféré rester chez lui plutôt que d’accompagner ses parents et sa sœur. Ces derniers avaient choisi de profiter de leur week-end pour aller faire un peu de tourisme. Ils avaient bien entendu invité leur fils aîné, mais celui-ci avait gentiment décliné. Il n’était pas forcément très fan de l’idée de partir en week-end avec ses proches. Il préférait plutôt l’idée de rester tranquillement chez lui, devant son ordinateur, à gribouiller.  Et puis, comme ça, il pouvait apprécier le calme de la maison de ses parents, sans entendre Chloé hurler à tout va. A quelques semaines du déménagement, c’était plutôt pas mal.

    D’ailleurs, il avait raccroché il y a quelques minutes d’avec Robbie Taylor, son futur colocataire. Ils devaient absolument visiter l’appartement avant de signer le bail, et celui-ci lui proposait qu’ils aillent le week-end prochain sur Houlton pour le visiter, et faire un peu de tourisme universitaire. N’y voyant aucun inconvénient, il avait accepté et s’organisait pour ce séjour. C’est donc entre deux gribouillages qu’il dégotta son billet de train, un logement et tout ce qui était nécessaire pour visiter sa ville de destination, ou d’origine. Tout dépendait du point de vue.

    Son téléphone se mit à danser tout seul sur son bureau. Il l’attrapa alors, eut un petit sourire en voyant le nom de son correspondant et décrocha alors.

    - Salut Kellan !

     

    (61)

     

    Il fut accueilli par un silence un peu lourd qui le fit paniquer un instant. Il était fâché ? Pourtant ils s’entendaient bien la dernière fois. Il essaya de se rappeler leur dernière entrevue, et il rougit aussitôt. Ça ne s’était pas aussi bien que ça ! Il avait indirectement insulté Kellan quand celui-ci lui avait révélé sa bisexualité. Et là, il n’avait qu’une envie de se terrer dans un trou de souris.

    Finalement, de l’autre côté du combiné, un rire spontané lui répondit. Il se moquait de lui et de sa connerie ? Quelqu’un venait de lui raconter une blague ? Ou pire, Kellan avait raconté la situation à un de ses amis et ils se foutaient de sa gueule ?!

    - Hey Xan’. T’es de bonne humeur dis donc.

    Xander hocha la tête, la timidité s’étant de nouveau emparé de lui. Puis il réalisa qu’ils n’étaient pas l’un en face de l’autre et qu’il ne risquait de pas de le voir acquiescer. Quel débile. Il répondit alors un timide « ça va », n’osant pas en répondre plus.

    - Ça tombe bien. Tu descends ? Il fait super chaud et j’aurais bien envie d’un café glacé.

     

    (61)

     

    Xander écarquilla les yeux puis se leva à toute vitesse de son siège pour traverser le couloir et se précipiter à la fenêtre de la chambre de sa sœur. Et en effet, il était là, au milieu de la cour, en jogging et tee-shirt, et il avait l’air d’avoir couru un marathon sous ce cagnard.

    - Qu’est-ce que tu fais là ? T’es sérieux ?

    - Bah ouais. Ce n’est pas mon sosie dans la cour. Alors, tu me l’offres ce café glacé ou tu préfères me laisser mourir de chaud sur ton bitume ?

    Xander raccrocha alors son téléphone et le rangea dans la poche arrière de son pantalon. Très rapidement, il se regarda de haut en bas. Bon, au moins, il n’était pas en pyjama, c’était déjà ça. Non, mais pourquoi il faisait ça déjà ? C’est Kellan ! Il s’en fout bien de sa tenue, c’est juste un pote.

    Il descendit alors les escaliers et se retrouva dans le hall. Une dernière respiration et il ouvrit la porte d’entrée. Kellan s’était entre temps rapproché de la porte en quête de fraîcheur et c’est avec un grand sourire qu’il salua Xander de manière plus conventionnelle.

     

    (61)

     

    - Je peux savoir ce que tu fais là ? lui répéta alors Xander, tout en empêchant l’accès de la maison. Tu ne vas pas me dire que tu passais par là par hasard.

    - Et bien, je ne le dirais pas.

    Xander leva les yeux au ciel et se décala pour laisser Kellan entrer dans la maison. Il le suivit jusque dans la cuisine. Xander posa son téléphone plus loin, puis s’approcha de la cafetière automatique et s’arrêta juste quand il allait y mettre une capsule à l’intérieur.

    - Attends … Comment tu sais que j’ai du café glacé ? On a la machine depuis trois jours.

    Pour seule réponse, Kellan grimpa sur le comptoir pour s’y asseoir et agita son téléphone devant lui, avec un petit sourire taquin. Qu’est-ce qu’il essayait de lui faire comprendre à la fin ?

    - Ta sœur m’a dit que tu étais là, seul et perdu, tout le week-end et tu devais t’ennuyer. Donc elle m’a gentiment invité à passer, si jamais je faisais un petit jogging par ici, pour prendre un café glacé avec toi.

     

    (61)

     

    Il reposa alors son téléphone sur le comptoir et se pencha vers lui pour le regarder de plus prêt.

    - J’ai donc mis ma super tenue de course, et j’ai couru pour mériter mon café glacé. Et voilà comment je me retrouve assis sur le comptoir de ta cuisine sous ce soleil dévastateur à réclamer un café glacé.

    - T’es sans limite, dit-il dans un sourire.

    Il s’occupa alors de préparer le café de Kellan, tout en évitant de le regarder. De toute façon, il voyait bien que le blond ne le quittait pas du regard. Du moins, il le sentait. Comme si sa peau lui brûlait là où les yeux de Kellan se posait.

    A vrai dire, il ne se posait plus trop la question au sujet de Kellan. Il avait fini par conclure lors de leur après-midi au plan d’eau que non seulement son ami était bi – bon, il lui avait légèrement dit lui-même – mais qu’il l’intéressait, et pas qu’un peu. D’ailleurs, Kellan ne s’en cachait plus vraiment, jouant sur la limite entre flirt et amitié. Et Xander s’en fichait. Il avait dit à Kellan ce qu’il en pensait, qu’il n’était pas gay et il s’en contenterait.

     

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    Mais d’un autre côté, cela faisait quelques jours que cette discussion lui tournait en boucle dans le cerveau. Que les mots de Kellan ne lui sortaient pas du crâne. Il ne lui avait pourtant dit qu’une vérité absolue que personne ne pouvait réfuter, mais ça lui avait enlevé un poids de la poitrine « être gay, ce n’est pas une tare, ni une maladie ».

    Il termina le café glacé de Kellan par automatisme et le lui tendit, la tête toujours perdue dans ses pensées. Il n’arrivait pas à mettre précisément un nom sur ce que lui avait dit Kellan. Cela s’apparentait à du soulagement. Mais soulagement de quoi ? Il le répétait constamment : il n’était pas gay. Ni même bi. Enfin, il avait Charlie et ça se passait bien. Enfin, ça se passait quoi. Il n’a jamais été révulsé à l’idée de coucher avec elle par exemple.

     

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    - Ça, c’est juste une réaction physiologique à l’idée d’un rapport imminent. C’est tout.

    Kellan porta le café à ses lèvres, gardant son calme olympien. Et Xander écarquilla les yeux si fort qu’il eut l’impression que ses globes oculaires allaient sortir pour prendre des vacances. Il avait parlé à voix haute ou quoi ? C’était la honte assurée.

    - Non ? Ce n’est pas à ça que tu pensais ?

    - De ... ?

    - Tu n’es peut-être pas très bavard, mais on peut lire sur ton visage le combat interne que tu es en train de mener. Et si je ne suis pas mauvais avec ça, je pense que tu te disais, avec plus ou moins d’exactitude « comment je pourrais être gay alors que je bande quand je vois ma meuf à poil ? » et moi je te réponds « c’est une réaction physiologique à l’idée d’avoir un rapport ». Rien à voir avec les sentiments, l’attirance et tout ça.

    Xander rougit de plus belle et baissa la tête. Alors, non seulement il avait parfaitement su lire dans ses pensées, et en plus, ça ne le gênait clairement pas d’en parler ouvertement, et crûment en plus !

    - Désolé, je suis peut-être allé trop loin dans la discussion.

     

    (61)

     

    Kellan reposa son café sur le comptoir et descendit de celui-ci pour se tenir debout devant Xander, et essayer de poursuivre la conversation dans un cadre un peu moins condescendant. Ce n’était pas tout de faire réaliser à Xander qu’il n’était peut-être pas dans la meilleure relation de la Terre, il valait peut-être mieux le mettre en confiance s’il voulait en parler. Et debout face à lui semblait être une meilleure option.

    - Juste que … le peu que tu m’aies parlé de Charlie, j’ai du mal à croire votre histoire. Je me trompe peut-être, mais à chaque fois que tu dis qu’elle va venir sous peu, tu tires la tronche. Visiblement, c’est la réaction d’un mec qui n’en peut plus de sa meuf. Et dans la discussion suivante, tu dis que tout va bien avec elle. Donc, je me suis permis de supposer que tu ne restais pas avec elle de gaieté de cœur, qu’il y avait autre chose. Je chauffe ?

    Xander acquiesça finalement. De toute façon, il n’avait plus vraiment de raison de s’en cacher maintenant. Ça faisait des mois qu’il disait à Emilien qu’il voulait plaquer Charlie. Et à chaque fois qu’il en avait l’occasion, elle lui détournait l’attention et il finissait par se dire que leur relation était probablement normale. C’est juste qu’il ne savait pas l’apprécier.

     

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    - Je me dis simplement que ce n’est pas juste pour elle. Elle n’a rien fait pour que je la repousse.

    - Bah si tu veux attendre qu’elle te trompe, accroche-toi longtemps. Car elle a l’air accro. Tu la plaques et tu n’en parles plus. T’enlises pas là-dedans au prétexte que c’est mieux pour elle. Ce n’est pas mieux pour elle : tu lui mens en lui faisant croire que tu veux rester avec elle. Et puis, tu y verras peut-être plus clair si tu n’as pas à penser à elle alors que tu cherches des réponses à ton sujet.

     

    (61)

     

    Kellan se tourna alors pour récupérer la tasse et il fit un pas de côté pour éviter Xander. Il rinça sa tasse et la déposa sur le bord de l’évier. Xander n’avait pas bougé, et tout un tas d’idées défilèrent dans sa tête. Il avait raison. Il avait mille fois raison. Quatre ans bientôt qu’il était avec Charlie et qu’il avait l’impression de s’enliser dans cette histoire. Il ne pouvait plus rester comme ça. Il ne pouvait pas se permettre, alors qu’il entamait de longues recherches sur son passé, de penser à quelqu’un d’autre qu’à lui. Il devait d’abord réussir à se poser avec lui-même.

    - Bon, je vais rentrer. Merci pour le café, et désolé pour avoir relancé la conversation sur le sujet. Promis, la prochaine fois, on parle musique ou dessin ou jeux-vidéos.

    Alors que Kellan allait se diriger vers la sortie de la maison, Xander s’empara alors d’un pan de son tee-shirt pour l’empêcher de partir. Il releva la tête vers lui, et plongea son regard directement dans ses grands yeux bleus. Il aurait presque envie de s’y noyer.

    - Merci. Je n’ai pas été le plus compréhensif. Mais merci de m’avoir fait ouvrir les yeux.

    - Un plaisir.

     

    (61)

     

    Kellan se pencha alors vers Xander, approchant son visage du brunet. Xander se figea alors, incapable de bouger ou de quitter le regard de Kellan. Il sentait son souffle contre sa bouche. Il tentait de se le répéter, qu’il n’était pas gay. Il n’aimait pas les hommes. Et pourtant, une petite voix à l’intérieur de sa tête, un peu lointaine, comme un écho, lui murmurait « vas-y ». Et s’il sautait le pas ? Il risquait quoi ? Si ça lui déplaisait, au moins il pourrait prouver à cette petite voix qu’elle hallucinait, qu’elle se faisait des idées. Que ce qu’il prenait pour une vague attirance n’était que de la reconnaissance. Mais, et s’il aimait ça ? Elle ferait quoi la petite voix ?

    - Tente pour voir, lui dit Kellan qui décryptait une nouvelle fois son conflit cérébral.

    Et il tenta.

     


  • A Million In Vermillion - Pour Your Heart Open (Phase mix)

     

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    Il ferma les yeux si fort qu’il vit des étoiles derrière ses paupières. Mais il l’avait fait, il avait embrassé Kellan. Enfin, il avait posé ses lèvres sur les siennes, et ça ne lui semblait absolument pas improbable.

    Il sentit alors les bras de Kellan se refermer sur son dos. Son cœur fit une embardée. Et il se laissa porter. Il décrispa ses paupières, laissa ses mains se poser sur les bras de Kellan, et quand ce dernier entrouvrit la bouche pour approfondir leur baiser, il fit de même. Il sentit le souffle chaud de Kellan envahir sa bouche, sa langue toucher la sienne et ses joues s’enflammer.

     

    (62)

     

    Sometimes it's alright || Parfois, c'est normal
    To pour your heart open || D'ouvrir ton cœur 
    To fall straight through the floor || De t'écrouler au sol
    To eat yourself alive || De te dévorer vivant
    You locked yourself away || Tu t'es enfermé au loin
    Just pour your heart open || Ouvre seulement ton coeur

    I wanna show you the reason || Je veux te montrer la raison
    The reason to believe in me || La raison de croire en moi
    Believe in me || De croire en moi
    Believe in me || De croire en moi
    Believe in me || De croire en moi

     

    (62)

     

    Sometimes its alright || Parfois c'est normal
    To break your heart in two || De divisier ton coeur en deux
    To search out from your window || De chercher par ta fenêtre
    Believe me I know you || Crois moi, je te connais
    I ain't always been this way || Je n'ai pas toujours été comme ça
    My hearts been nailed to the table || Mon coeur avait été cloué à la table

    I wanna show you the reason || Je veux te montrer la raison
    The reason to believe in me || La raison de croire en moi
    Believe in me || De croire en moi
    Believe in me || De croire en moi
    Believe in me || De croire en moi

     

     

    Il le repoussa alors doucement, ses mains appuyées contre ses bras. Son visage était rouge comme une tomate et il soufflait comme s’il venait de courir un marathon. Il n’osait pas trop relever les yeux. Pour l’instant, il fixait le cou de Kellan, et il mourrait d’envie de recommencer. C’était lui ou la petite voix qui parlait là à cet instant ?

    Il arrêta un instant sa respiration, ferma les yeux puis souffla longuement. C’était lui : il n’en doutait absolument pas.

     

    (62)

     

    Forgive me || Pardonne-moi
    I left my broken heart out on the table || J'ai laissé mon coeur brisé sur la table
    Please forgive me || S'il te plaît, pardonne moi
    I keep spending too much time locked inside my brain || Je continue de passer trop de temps enfermé dans mes pensées

    Believe in me || Crois en moi
    Believe in me || Crois en moi
    Believe in me || Crois en moi
    Believe in me || Crois en moi

     

     

     

     

     

     


  • (63)

     

    Quand Eliott arriva ce jour-ci au palais de justice, il rasa les murs, ne saluant absolument personne. Ni le personnel d’accueil, ne ses collègues, ni sa collaboratrice, Savannah, avec laquelle il travaillait depuis maintenant près de cinq ans. Il se contenta de serrer sa main sur son attaché-case, de garder la tête basse et de poursuivre en direction de son bureau, sans se retourner. Il jetait des coups d’œil furtifs à droite ou à gauche : il était persuadé qu’on le surveillait. Qu’ils savaient ce qu’il avait fait. Et s’ils savaient … ? A cette pensée, il fut traversé d’un frisson absolument glacial, contrastant avec la chaleur de cette après-midi d’été. Tout le monde ici suffoquait ; lui était gelé.

    Une fois arrivé à son bureau, il s’y enferma à double tour, laissa tomber son attaché-case au sol et fixa la porte devant lui. Sa respiration, qui s’était accélérée pendant le trajet de son domicile à son lieu de travail, reprit finalement un rythme normal. Il inspira longuement, expira de la même façon et il sentit son cœur se calmer dans sa cage thoracique.

    Qu’avait-il fait ?

     

    (63)

     

    Il se laissa alors tomber sur un des fauteuils où il s’affala, tirant sur le col de sa chemise à la recherche d'un air salvateur. Il ne serait à l’abri nulle part désormais. Il avait hésité ce matin à prendre quelques vêtements avec lui, pour s’enfermer dans le palais de justice et ne pas rentrer chez lui. Mais ça semblerait encore plus suspect aux yeux de Mayers. Non. Il devait garder sa routine, faire comme s’il n’avait rien fait. Faire comme s’il n’avait pas envoyé sa femme et son enfant à naître au loin. Loin de Mayers, de ses sbires. Il espérait avoir été assez discret en l’accompagnant à l’aéroport, et que Mayers ne se mettrait pas à sa poursuite.

    Il tourna la tête et son regard croisa la pile de dossiers qui concernait Mayers. La date était passée, et il n’avait pas réussi à sortir ses hommes de prison. Harry Mayers pouvait débarquer d’un moment à un autre pour exiger des explications, et proférer ses menaces, les mettre à exécution. Il espérait tellement que personne n’avait vu Faith partir, car elle n’était plus en sécurité à présent. Pas face à Mayers et sa folie de destruction.

    On frappa à la porte.

     

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    Eliott fit un bond monumental sur son canapé, et il posa sa main sur son front. Son cœur battait à tout rompre contre sa cage thoracique. Son rythme s’accélérait, il allait finir par lâcher. On toqua une nouvelle fois, et Eliott contempla la porte. Ça ne pouvait être que Mayers. Il ne pouvait pas lui ouvrir. Pas dans cet état-là.

    - Maître Thatch ? Détective Yann Leiner. Vous êtes là ?

    Sa pression artérielle redescendit d’un cran. Ce n’était pas Mayers. Bien au contraire. Il se releva, remit de l’ordre dans ses cheveux, sa tenue, afin de ne pas paraître totalement paniqué ou effrayé face à ce détective privé. Il devait reprendre contenance, et faire comme si tout allait bien. Il était l’avocat du diable après tout. Il ne pouvait pas se permettre de flancher.

    Il s’approcha alors de la porte, la déverrouilla et l’ouvrit. Il fut surpris de voir le détective seul. Habituellement, il était accompagné d’une commissaire de police et d’un civil. Il hocha la tête pour le saluer et l’invita à entrer. Yann le remercia et entra dans la pièce.

     

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    D’un simple coup d’œil, il avait repéré les dossiers entassés sur la table basse, les épis dans les cheveux d’Eliott et sa tenue pas très droite. Et tout ceci ne faisait que confirmer ses doutes, obtenus en le tenant en filature ces dernières semaines. Et il n’en était pas peu fier. Deux semaines de nuits presque blanches, et il était reparti avec des informations sur le lien unissant Eliott à Mayers.

    - Vous me permettez de m’asseoir ?

    - Faîtes, lui répondit Eliott. Que puis-je faire pour vous M. Leiner ?

    Yann s’assit alors, et aperçut l’attaché-case gisant au sol. Il croisa alors les bras et leva la tête vers Eliott.

    - C’est plutôt moi qui peux faire quelque chose pour vous. Asseyez-vous, que je ne reste pas le seul dans ce salon.

    Eliott s’exécuta alors, intrigué par les dires de Yann.

     

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    - Mais avant, si je peux me permettre une question : où se trouve votre femme actuellement ?

    Eliott tiqua et eut un léger mouvement de recul. Qu’est-ce qu’il avait à lui demander où se trouvait Faith ? Il essaya alors de garder une expression neutre, pour ne donner aucun indice à l’homme assis en face de lui.

    - A notre domicile.

    Yann fit la moue et hocha la tête de droite à gauche, tapotant des doigts sur ses genoux.

    - Mauvaise réponse. Et vous êtes un bien piètre menteur. Plutôt mal avisé pour un avocat, non ? Donc, vous ne souhaitez pas me dire où se trouve votre femme. Très bien, je ne vous forcerai pas. Je suppose que vous avez eu de bonnes raisons de la cacher.

    - La cacher ? répéta Eliott aussitôt. Je ne l’ai pas …

    - Je viens de vous dire que vous êtes un mauvais menteur, et vous continuez de me mentir. Je sais qu’elle n’est pas chez vous car j’ai été obligé de vous prendre en filature ces dernières semaines. Donc je peux vous confirmer qu’elle n’est pas à votre domicile, comme vous venez pourtant de me l’affirmer. Elle a pris un avion, mais je n’ai pas la destination. Ce n’est pas important vous me direz. Pouvez-vous me garantir que votre femme est assez loin d’ici ?

     

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    Yann se pencha alors en avant, coudes sur ses genoux, et regarda Eliott directement. Il était incollable pour déchiffrer les expressions de ses interlocuteurs. C’est d’ailleurs une des raisons qui l’avait poussé à l’école de police puis à monter son propre cabinet. L’esprit des gens.

    Eliott confirma la supposition de Yann. Celui-ci la compléta d’un « Bien » puis se leva et fit le tour de la pièce pour se dégourdir les jambes.

    - Maintenant, allez-vous me dire quelles sont les natures de vos relations avec Harry Mayers, Maître Thatch ?

    - Harry Mayers est mon client, dit simplement Eliott.

    Ce qui n’était pas un mensonge. C’était bel et bien le cas. Même si c’était un client un peu particulier. Yann se tourna alors vers lui.

    - Bien. Vous refusez vraiment de m’en dire plus. Pourquoi vous obstinez-vous à me voir, moi ou mes collègues d’ailleurs, comme vos ennemis ? Notre objectif est d’empêcher Harry Mayers de nuire. Et le vôtre, quel est-il ?

     

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    D’empêcher Harry Mayers de nuire également, voilà ce qu’il aurait envie de lui répondre. Car si Yann et ses collègues souhaitaient remettre Mayers derrière les barreaux à tout prix, lui se retrouvait à céder au moindre de ses caprices pour avoir la vie sauve. Mais il était hors de question que ce détective le sache. Si Harry apprenait qu’il collaborait avec les autorités, il pouvait signer son arrêt de mort.

    - Les intérêts de Monsieur Mayers sont les miens, Monsieur Leiner. Si vous n’avez pas d’autres questions à me poser, je vous prierais de bien vouloir quitter mon bureau.

    - Il vous a menacé ?

    - Non, répondit Eliott sèchement.

    - Il a menacé votre épouse ?

    - Non.

    - Bien. Maître Thatch, je m’excuse de mon intrusion et de vous avoir dérangé. Je vous souhaite une excellente fin de journée.

    Yann baissa la tête et sortit alors du bureau de Eliott.

     

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    Le grand blond ferma aussitôt sa porte à double tour et se laissa tomber au sol le long de la porte. Les yeux perdus dans le vide, il fixait un point droit devant lui, tandis que sa respiration s’accélérait. La crise d’angoisse était imminente.

    Car Yann Leiner savait. Il savait que Faith avait pris l’avion. Il savait que Mayers le manipulait. Il savait que Mayers allait tuer Faith.

    Et il était encore plus terrifié qu’auparavant.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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    Coucou ! Ca va bien vous ?

    Pas trop mal par ici, j'avoue. Bon, je sais, c'est pas ce que vous vouliez avoir comme nouvelles. Je vous ai servi du niais, du très niais, et là, -- PAF PASTEQUE ! -- c'est le retour de Harry Mayers, en filigrane. On ne le voit peut-être plus, mais il n'est jamais bien loin ♥ 

    Bonne soirée à tous, et à bientôt !

     

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     Et sinon, si vous avez apprécié la chanson de Kellan/Xander, elle est issue d'un Webtoon dont je suis GRAVE amoureuse.
    Ca s'appelle Phase, mais ce n'est disponible que en anglais pour le moment.
    Quant à l'artiste qui a réalisé les musiques de ce Webtoon, c'est A Million in Vermillion.
    Vous pouvez le retrouver sur Youtube, Deezer et Spotify

     

     

     

     


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    Cela faisait quelques jours que Emma était finalement arrivée à l’appartement de Georg. Et non seulement ces retrouvailles avaient été amplement attendues, mais elles ont largement été célébrées et consommées. Et l’idée prochaine de leur séparation à venir ne faisait qu’alimenter ce sentiment d’urgence qui les animait tous les deux depuis leurs retrouvailles sur les quais de la gare. Emma et Georg étaient devenus inséparables et vivaient l’un sur l’autre constamment, chose qui ne leur arrivait jamais quand ils vivaient aux Etats-Unis. Vivre chacun chez ses parents n’aidait certainement pas à la promiscuité, certes, mais là ils poussaient l’idée jusqu’à l’extrême. Ils refusaient tout simplement l’idée de se séparer l’un de l’autre plus que de nécessaire. Alors, ils pouvaient recevoir toutes les critiques du monde, que ce n’était pas la façon la plus saine de vivre une relation amoureuse. Mais peur leur importait : tout ceci s’arrêterait. Et ils avaient ri quand Georg avait glissé qu’ils avaient une date de péremption. Drôle, mais vrai. Ils ne tiendraient pas l’été, alors à quoi bon se rationaliser ?

     

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    Cette après-midi-là était pluvieuse. Alors plutôt que de risquer de choper la crève en voulant absolument jouer les touristes ou les gens sociables, ils avaient décidé finalement de passer la journée au lit. Allongés sur celui de Georg, très peu vêtus, ils discutaient actuellement de tout, de rien, jusqu’à ce que fatalement l’un des deux décide de toucher l’autre, pour que les discussions s’arrêtent pour une activité un peu plus terre à terre.

    Mais pour le moment, Emma était allongée sur le ventre, les jambes croisées au-dessus d’elle. Elle avait le nez fixé sur des revues posées sur l’oreiller. Elle avait décidé de faire de l’Aquitaine la première étape de son road trip. En conséquence, elle avait ramené de sa dernière escapade en ville de nombreux magazines et brochures pour trouver sa future destination. Etendu sur le dos à côté d’elle, Georg l’écoutait parler de ce que son regard croisait sur les pages glacées, et battait la mesure du pied. Il acquiesçait à chacune de ses idées : tant qu’il serait avec Emma, elle pouvait le traîner sur la Lune si elle le voulait. Il suivrait.

    - Tu devrais te couper les cheveux tu sais, dit alors Emma.

     

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    Georg tourna aussitôt la tête vers Emma. Il avait dû perdre le fil de la conversation. A l’instant, elle parlait de châteaux et de vignobles, et voilà qu’elle se mettait à parler – une fois n’est pas coutume – de ses cheveux. Le sujet venait assez régulièrement sur le tapis. Emma ne supportait pas sa « queue de rat » comme elle l’appelait. Elle n’était pas la seule d’ailleurs. Mais il avait mis tellement longtemps à avoir les cheveux longs comme il le voulait quand il était ado qu’il n’avait jamais pu se résoudre à s’en débarrasser.

    - Mais c’est mon identité. Tu ne vas pas me l’enlever comme ça. Et si à moi ça me plaît ? bougonna-t-il.

    - Tu ne vas quand même pas finir par me dire qu’elle est la source de ta force comme Samson ? Parce que je ne vois aucune raison valable de la garder sinon … Non, même ça ce n’est pas une raison valable de la garder.

    Elle lui adressa un petit sourire en coin, et lui poussa légèrement la cuisse du bout du pied pour le taquiner.

    - Non, pas de ma force, mais de ma créativité. Donc pas toucher.

     

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    Emma s’écroula face contre le lit pour étouffer le fou rire qui venait de la prendre juste à l’instant. Il n’était pas sérieux quand même ? Quand elle se calma enfin, elle tourna un œil vers lui. Il s’était allongé sur le flanc, un bras sous la tête, pour la regarder avec sa moue boudeuse. Emma se tourna alors à son tour pour lui faire face et le regarder dans les yeux.

    - Qu’est-ce qu’il y a de si drôle ?

    - Tu étais déjà talentueux avant d’avoir ta queue de rat. Donc ça n’a rien à voir avec ton talent.

    - Et bien, je te signale que c’est grâce à cette coupe que tu es tombée amoureuse de moi. Donc c’est que ça marche pour séduire les filles, donc je garde. C’est ce qui fait tout mon charme.

     

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    Emma tourna la tête de droite à gauche en signe de négation, tout en se pinçant les lèvres.

    - Tu ne l’avais pas il y a quatre ans. Tu avais les cheveux longs, certes, mais pas à ce point. Donc ce n’est clairement pas ce qui fait que je suis tombée amoureuse de toi. Je pense plutôt que c’est l’inverse : ça a fait fuir mes potentielles rivales. Même mes copines me disaient qu’elles sortiraient avec toi si tu n’avais pas cette étrange coupe de cheveux.

    - Oh. Et que dois-je en conclure ? questionna alors Georg en se relevant sur un coude pour s’approcher d’elle.

    - Et bien, que c’est un tue l’amour et pas un charme. Donc il va falloir me couper tout ça si tu veux avoir du succès avec les filles.

    Elle lui adressa un petit sourire timide, mais n’en dit pas plus. Le sous-entendu parlait pour lui-même. C’était ce qu’ils avaient prévu après tout, il y a bien longtemps. Depuis qu’Emma préparait son road trip. Elle s’était faite plus ou moins à l’idée de le laisser partir loin d’elle, qu’il voit d’autres personnes. Et ils verront où ils en seront tous les deux à son retour.

    Georg se redressa complètement et s’assit en tailleur sur le lit. Son visage était grave, fermé. Emma en souriait peut-être, mais pas lui. Il n’arrivait pas à trouver de légèreté dans ce sujet. La jeune rousse remarqua bien son expression, et se redressa à son tour. Elle s’assit alors devant Georg, une jambe de chaque côté de ses hanches, et prit sa tête entre ses mains. Elle essaya de capter son regard, difficilement.

     

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    - Et si je ne veux pas avoir de succès avec les filles ? lui dit-il de manière purement théorique. Autant que je garde cette coupe, je serais tranquille, tu ne crois pas.

    Emma hocha la tête de droit à gauche de nouveau en guise de réponse négative. Elle fit glisser ses doigts dans les cheveux de Georg, regardant ceux-ci bouger sous ses mains. Georg glissa ses mains sur la taille de Emma, lui caressant les hanches du bout des doigts.

    - Je m’en fiche de plaire aux autres filles.

    Il leva les yeux vers elle.

    - Tant que je te plais à toi.

     

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    Il tendit alors le cou vers l’avant pour embrasser Emma sur le bout des lèvres. Ses mains se rejoignirent dans le dos de la jeune femme, et il entrecroisa ses doigts contre ses reins. Il garda son regard rivé à celui de Emma, et cette dernière rougit très légèrement. Il avait le don pour ce genre de chose. Pour la faire rougit au moindre regard. Elle posa alors son front contre le sien, et souffla doucement.

    - Et tu le ferais pour moi … ?

    - De ? Me couper les cheveux ?

    - Oui. Et de plaire aux filles.

    - Je n’en ai pas vraiment envie Emma …

    Elle glissa ses bras autour du cou de Georg, pour se serrer contre lui et poser sa tête contre son épaule. Ses mains étaient posées à plat contre le dos de son petit ami, comme si elle cherchait à s’accrocher à lui alors que c’était elle qui le poussait à partir. Elle l’embrassa alors sur la joue, et garda son visage contre sa mâchoire, s’y refugiant.

    - On n’en est pas encore là Emma. Ça ne sert à rien de te faire du souci pour ça. On verra ça en temps voulu, ok ?

     

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    Elle hocha doucement la tête puis se redressa pour se tenir droite devant Georg. Elle gardait malgré tous les bras posés sur ses épaules. Distraitement, de ses mains, elle jouait avec les cheveux de Georg, et sa queue de cheval. Cela le fit sourire. Après tout, si elle tenait tant que ça à lui couper les cheveux…

    - Il y a des ciseaux dans le bureau, lui dit-il. Au moins, il n’y aura eu que toi à me connaître avec ma force et mon talent. Les autres n’auront qu’un Georg estropié.

    Emma esquissa un sourire avant de rire un peu plus franchement. Elle se releva alors des genoux de son amant, et descendit du lit pour sortir de la chambre et rejoindre la pièce de vie principale où se trouvait son bureau. Elle ouvrit le tiroir en question en récupéra les ciseaux. Après un bref passage dans la salle de bain pour récupérer une serviette, et éviter de mettre des cheveux partout sur le lit, elle retourna dans la pièce. Georg n’avait pas changé de position, toujours assis en tailleurs. Emma s’installa alors derrière lui, posa la serviette sur le lit et lui prit la tête entre ses mains.

     

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    - Prêt ? lui demanda-t-elle.

    - Me rate pas surtout, je serais fâché si je ne te plaisais plus au final.

    - Ne t’inquiète pas va. Je coupe les cheveux de Camille depuis des années, et il n’y a pas plus maniaque des cheveux que lui. Alors reste sage, et tout devrait bien se passer.

    Georg ne bougea plus, et garda son plus grand sérieux. Il ferma les yeux, et se calma dès qu’il entendit le frottement particulier causé par les lames des ciseaux sur ses cheveux. Il sentait les mains de Emma courir sur son crâne, ne s’arrêtant pas seulement sur ses cheveux trop longs à son goût. Apparemment, il y avait plus de choses à rattraper qu’il n’aurait voulu.

    Il ne sait pas trop combien s’est écoulé entre le moment où il avait fermé les yeux, et celui où il entendit Emma poser le ciseau sur l’étagère. Alors qu’il allait se redresser, il sentit les mains d’Emma sur ses épaules qui lui enlevaient les quelques cheveux qui y étaient restés, puis son souffle sur son cou avant qu’elle n’y dépose un baiser furtif.

    - Fini. Tu veux voir ?

    - Je n’ai pas de miroir de poche, et je n’ai pas très envie de me lever.

     

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    Il se tourna alors vers Emma, et le sourire qu’elle lui offrit le rassura. Visiblement, elle semblait satisfaite de son travail. Il passa sa main dans ses cheveux, ceux-ci semblaient bien plus courts, et la sensation d’avoir sa nuque à nu ne lui fut pas aussi dérangeante qu’il ne l’aurait cru. Elle glissa une main dans les cheveux de Georg pour lui remettre une mèche en place, et sourit en contemplant son œuvre.

    - Ça te va ? lui demanda-t-il. Tu ne m’as défiguré ?

    - Non, pas du tout. Je dirais même que je t’ai sublimé. Sans vouloir me vanter bien sûr.

    - Parfait alors …

    Il passa ses bras autour du corps de Emma et la fit basculer doucement sous lui, l’allongeant sur le lit. Emma esquissa un sourire et crocheta ses mains autour du cou de Georg, tout en continuant à jouer avec ses cheveux.

     

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    Georg fit courir ses doigts le long du flanc d’Emma, ce qui la fit frissonner de plaisir. Elle resserra un peu plus ses bras autour de lui pour l’attirer vers elle. Quand son regard croisa celui de Georg, elle vit bien qu’il n’était pas complètement là. Le voilà partit sur une planète bien lointaine.

    - A quoi tu penses ? lui demanda-t-elle en caressant sa joue du bout des doigts.

    - Devine.

    Il l’embrassa alors du bout des lèvres, et fit glisser ses doigts sur la joue de Emma. Il entrouvrit alors les lèvres, ferma les yeux et se concentra sur la dernière chanson qu’il avait écrite, en pensant à elle, et dont il battait la mesure il y a plusieurs minutes. Et de sa voix la plus douce, il se mit à fredonner sa dernière création, pour Emma.